EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

« Est-il réaliste d’envisager des vols habités sur Mars dans un avenir proche ? » est la question posée ce jour dans la page « Débat » du journal Le Temps. Vous pouvez lire ma réponse, positive, en opposition à celle de Monsieur Denis Delbecq, journaliste scientifique indépendant.

Pour mieux vous pénétrer de la problématique et des solutions qu’on peut y apporter, je vous invite à venir à l’EPFL, assister à une conférence que j’ai organisée avec le Swiss Space Center et le Professeur Claude Nicollier, le 9 Novembre (17h30 à 18h30, campus de Lausanne, auditoire CO2). Le sujet en est « Mars Semi-Direct Revisité, ou comment envoyer des hommes sur Mars avec les technologies d’aujourd’hui ». L’orateur sera le Dr Jean-Marc Salotti, professeur en cognitique de l’Institut Polytechnique de Bordeaux et Secrétaire du groupe de travail de l’Académie Internationale d’Astronautique (« IAC ») chargé de faire le point sur ce type de missions et d’émettre des recommandations aux agences spatiales internationales.

Vous verrez que les contraintes essentielles sont d’une part l’extraction du « puits de gravité » terrestre, d’une masse suffisante pour mener à bien ce type de missions et d’autre part, la descente en surface (« EDL ») de la masse utile nécessaire et suffisante, grâce à l’atmosphère martienne et en dépit de sa ténuité. Ces contraintes sont fortes mais on peut parvenir à s’en accommoder dans des conditions acceptables technologiquement, économiquement et physiologiquement pour l’équipage. Il reste bien sûr à faire aboutir quelques ajustements technologiques en cours d’étude et surtout à mener des tests satisfaisants mais les difficultés encore existantes ne sont pas telles qu’elles puissent constituer un obstacle insurmontable pour une mission habitée qui serait effectuée « demain ».

…et que l’on ne vienne pas objecter que des problèmes soi-disant « psychologiques » se poseraient aux astronautes du fait qu’ils ne verraient plus la Terre que comme un point où qu’ils ne pourraient pas se supporter entre eux. Pour moi ces problèmes ne se posent pas car la population des astronautes est constituée par des gens dont le rêve est précisément l’aventure spatiale. Ils partiront pour Mars avec un enthousiasme qui les balayera comme un ouragan une plume car ils n’existent que dans les esprits timorés des adversaires des missions habitées.

…et que l’on ne vienne pas objecter que priorité doit être donnée à l’amélioration des conditions sociales de l’homme sur Terre. Cette attitude exprime en fait une volonté d’appauvrir la capacité créatrice de l’homme et de le restreindre dans un espace où ne compterait plus que sa survie, d’où serait exclue toute véritable ambition dynamique pour notre espèce. Elle évoque une dérive de type religieux, intransigeante, frileuse et triste, d’où le progrès, l’art et l’aventure sont exclus.

Comme je l’écris dans l’article du Temps, la date de la mission dépend donc d’abord de la volonté de la décider et c’est à vous, lecteur éclairé, de convaincre nos différents décideurs, publics ou même privés, que nous en sommes demandeurs.

Image de titre: illustration de l’annonce du programme NASA de missions habitées sur Mars, crédit NASA

5 Responses

  1. Et la capture balistique?

    Il y a quelques mois, on a démontré qu’il existait des possibilités de capture balistique entre la Terre et Mars. Utiliser ces trajectoires est très long mais très économique en carburant.
    Ne pourrait-on réétudier le bilan de masse d’une mission comme Mars semi direct en envoyant les cargos et les véhicules de retour sur ces trajectoires ? Ce qui permettrait de maximiser la masse en orbite autour de Mars. Seul le vaisseau habité emprunterait une trajectoire plus rapide.

    1. L’idée de capture balistique est déjà comprise dans le projet Mars semi-direct, comme elle l’était dans le projet Mars direct de Robert Zubrin en 1996. Le but recherché est d’atteindre Mars avec une vitesse nulle (par rapport à Mars). On n’a ainsi pas besoin de « freiner » en arrivant, on ne consomme pas d’ergols pour ce faire et on maximise la charge utile embarquée. On obtient cette capture balistique en utilisant une trajectoire de type Hohmann (départ tangentiel de la Terre, arrivée tangentielle à Mars qui est alors en conjonction par rapport à la Terre lors du départ de la Terre) qui est aussi une trajectoire de type libre retour (sans ajouter d’énergie on peut revenir sur Terre si on ne peut pas débarquer sur Mars). On peut s’écarter un peu de la trajectoire de Hohmann « pure » en ajoutant un peu d’énergie ce qui permet d’arriver plus vite à proximité de Mars (pour les vols habités) mais on modifiera très peu le temps du voyage. Une trajectoire de Hohmann pure permettrait un voyage de 9 mois. Une trajectoire de Hohmann légèrement corrigée permettra un voyage de 6 mois (et une masse utile un peu inférieure).

  2. Envoyer du monde sur Mars est probablement possible technologiquement mais encore trop risqué. Aucun gouvernement ne veut etre le premier a perdre une expédition humaine sur Mars, cela se comprend. C˙est pourquoi le projet « Mars One » a des chances de se réaliser car il est de l`intérét d`un pays comme les USA de le favoriser en sous-main afin que des privés essuient les platres en collectant les informations nécessaires a une expédition a haute probabilité de réussite.

    1. Je pense au contraire que Mars One peut avoir un effet très négatif.
      A mon avis le projet est voué à l’échec car il est insensé (aujourd’hui) de vouloir envoyer des gens sur Mars sans avoir prévu leur retour sur Terre. Aucun système de support vie, de plus non testé, n’est (aujourd’hui) suffisamment fiable pour être efficient indéfiniment. Si le programme Mars One est poussé jusqu’à l’envoi effectif d’être humains sur Mars et s’ils meurent faute d’un système de support vie sans faille (ce qui est fort probable), les adversaires de l’implantation humaine sur Mars s’empareront de ce drame pour dire que toute implantation est impossible, ce qui serait évidemment abusif. Les premières missions habitées doivent être effectuées dans le cadre de vols aller et retour et doivent (entre autres) servir à tester les systèmes de support vie.

      1. Si Mars-One réussit a débarquer une équipe, cela est censé rapporter tres gros en droits de transmission et autres publicités, ce qui permettra de financer l`approvisionnement des nouveaux martiens-gladiateurs jusqu`a ce qu`une deuxieme expédition puisse prendre la releve avec un engin réutilisable pour la rentrée de la premiere expédition. De toute maniere, si Mars-One finit mal (ce qui serait tout sauf étonnant), ses participants passeront probablement dans l`histoire comme les premiers héros morts sur le champ des étoiles et l`homme étant ce qu`il est, cela suscitera au contraire beaucoup de vocations. Si un gouvernement occidental comme les USA ne peut se permettre, pour des raisons de morale judéo-chrétienne, d`envoyer un équipage a une mort probable, il n`en est pas de meme du secteur privé qui fonctionne selon la loi de l`offre et de la demande.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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