La NASA veut rassurer les Américains sur son budget scientifique
Mars. Le 10 septembre, la NASA a choisi de donner une conférence de presse dont l’objet principal était de reparler de Chevaya Falls, une roche sédimentaire d’un ensemble nommé Bright Angel, remarquée par le rover Perseverance dans l’embouchure de la rivière asséchée Neretva à son entrée dans le cratère Jezero. Perseverance l’avait observée avec ses différents instruments embarqués et en avait prélevé un échantillon, nommé Sapphire Canyon, en juillet 2024. L’attention portée à cette roche venait de ce qu’on y observait des taches de couleur ocre clair, entourées de halos de couleur foncée partant de nodules également de la même couleur foncée (noire à verdâtre). Elles furent de ce fait comparées à des ‘taches de léopard’. Leur intérêt, extrêmement important, est qu’elles pourraient résulter de réactions biologiques.

L’échantillon Sapphire Canyon, mis en tube afin de pouvoir être transporté et rapporté sur Terre, fait partie d’une vingtaine d’autres, collectés dans le cadre de la mission Mars 2020, première phase du programme Mars Sample Return, ‘MSR’. Or le financement des phases deux et trois (retour sur Terre) de ce programme a été annulé en Mai 25 dans le chapitre NASA du premier budget du gouvernement fédéral américain sous la présidence de Donald Trump. La raison donnée était de faire des économies et de se concentrer sur l’exploration par vols habités, de la Lune et de Mars. En écoutant l’administrateur intérimaire de la NASA, Sean Duffy, qui dirigeait la conférence de presse, j’ai eu le sentiment d’entendre l’expression d’un regret et du désir de rechercher une nouvelle solution pour poursuivre le programme MSR.
La roche Chevaya Falls a été examinée avec autant de précision que possible par les instruments embarqués sur le rover Perseverance. Ces instruments outre les caméras, sont le SHERLOC (Scanning Habitable Environments with Raman & Luminescence for Organics & Chemicals) et le PIXL (Planetary Instrument for X-ray Lithochemistry). A la simple vue mais plus encore après ces examens, on a envisagé une cause biologique aux taches et aux halos, plus précisément le résultat d’une réaction métabolique. Cela a suscité pendant toute l’année écoulée, de multiples comparaisons avec des phénomènes terrestres semblables, et de nombreuses réflexions approfondies individuelles et collectives. Ces réflexions menées par des chercheurs parmi les plus qualifiés de la communauté scientifique mondiale ont abouti à une étude géologique, pétrographique et géochimique détaillée, publiée ce 10 septembre dans la revue Nature. Voici l’essentiel de ce qu’il en ressort :
Les ‘mudstones’ (c’est-à-dire le fond boueux d’argile et de silt, métamorphisé, sur lequel apparaissent les taches de léopard) riches en carbone organique de la formation Bright Angel, présentent en bordure des tâches des nodules submillimétriques et des fronts de réaction millimétriques (les halos) enrichis en minéraux ferreux phosphatés et soufrés. Les minéraux qui les constituent sont probablement, respectivement, de la vivianite (fer et phosphate Fe3(PO4)2•8(H2O)) pour les nodules et les halos et de la greigite (fer et souffre, Fe2Fe32O4) dans les tâches. Du carbone organique présent dans la boue semble avoir participé aux réactions redox après sédimentation de cette boue, réactions qui ont produit ces minéraux ferreux riches en phosphate et en soufre. Le contexte géologique et la pétrographie indique que ces réactions se sont produites à basse température.
Sur Terre les minéraux vivianite et greigite sont le plus souvent générés par un processus biotique. Leur combinaison sur Mars constituerait donc l’empreinte potentielle d’une vie microbienne qui utiliserait ces réactions pour produire l’énergie nécessaire à sa croissance (réactions de transfert d’électrons entre les sédiments et la matière organique).
Cependant il existe des moyens de produire les mêmes minéraux sans réactions biologiques, c’est-à-dire par un processus abiotique. Mais cela n’est possible que dans un environnement de températures élevées soutenues, et dans des conditions acides. Or les roches de Bright Angel ne présentent aucun signe d’exposition à des températures élevées ou à des conditions acides. D’autre part, on ignore si les composés organiques présents auraient pu catalyser la réaction à basse température (ce qui serait une réponse à la réserve exprimée précédement).
Des questions importantes restent donc posées quant à l’origine des nodules et des fronts de réaction observés par Perseverance. Des recherches complémentaires in situ et en laboratoire sur les processus abiotiques et biologiques à l’origine de la série de phases minérales et organiques pourraient faire avancer notre compréhension des choses. Mais c’est le retour d’échantillons sur Terre qui offrirait la meilleure chance de comprendre ce qui s’est passé.
La seconde phase de MSR devait être le ramassage des tubes d’échantillons (à des endroits évidemment parfaitement localisés) par deux hélicoptères portés par un Sample Retrieval Lander, ‘SRL’, qui aurait également apporté sur la planète un Mars’ Ascent Vehicle, ‘MAV’.
Dans une troisième phase, le MAV aurait rejoint en orbite martienne l’Earth Return Orbiter, ‘ERO’, mis en orbite par l’ESA. Le passage des échantillons du MAV à l’ERO aurait été effectué par un Sample Transfer Arm, STA, porté par le MAV (et donc compris dans le package des équipements apportés sur Mars par le SRL). L’ERO les auraient ensuite transportés sur Terre afin qu’on puisse procéder à des analyses plus poussées que celles qu’on peut effectuer sur Mars avec les instruments embarqués sur Perseverance.
Le déroulé du programme MSR semblait parfaitement logique et sa première phase s’est effectuée comme on pouvait l’espérer. Le problème est que le projet de retour (la troisième phase) sur laquelle la NASA et l’ESA travaillaient depuis des années (on parle de MSR y compris cette phase, depuis une trentaine d’années et on l’a entrepris très concrètement en 2009 !) a été stoppé par la nouvelle administration américaine (1) pour des raisons de coût (estimation 10 milliards de dollars pour l’ensemble) et (2) parce que la priorité est donnée à l’exploration par vols habités. C’est fort regrettable car (1) les lancements NASA (phase deux et trois) et ESA (phase trois) étaient prévus pour la prochaine fenêtre de tirs vers Mars, fin 2026, et (2) ces échantillons valent vraiment la peine d’être rapportés sur Terre car aucune machine robotique expédiée sur Mars ne pourra sur place procéder (avant de longues années) aux analyses nécessaires pour s’assurer du processus qui a permis la formation des tâches. Pour mémoire le montant de 10 milliards de dollars est égal à celui qui a été dépensé pour le télescope Webb (JWST). A mon sens, il ne serait pas inacceptable de dépenser la même somme pour vérifier si l’évolution planétologique de la planète Mars a pu conduire jusqu’à la Vie.
Nous sommes donc dans le brouillard le plus complet avec seulement un gros point d’interrogation bien visible. En fait, on y était depuis la découverte de Sapphire Canyon et on y est resté. La seule chose qui justifie la conférence de presse portant sur ce que la NASA voulait présenter comme une révélation, c’est qu’après un an de réflexions menées par la communauté scientifique, on n’est pas plus avancés et qu’il faut bien faire quelque chose.
Il me semble donc que l’objet de cette conférence de presse n’était que l’occasion pour l’administrateur par intérim de la NASA de dire que la suite du programme MSR n’avait pas été annulée contrairement à ce qu’on avait compris lors de la discussion du budget de la NASA, et qu’on cherchait des solutions moins coûteuses (non précisées) pour faire revenir les échantillons.
Acceptons-en l’augure !
Liens :
https://www.youtube.com/watch?v=-StZggK4hhA
https://www.nasa.gov/news-release/nasa-says-mars-rover-discovered-potential-biosignature-last-year/
Illustration de titre : Chevaya falls avec ses tâches de léopard, crédit NASA.
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9 réponses
Bonjour Pierre Brisson
Oui esperons …Je ne sais que vous repondre sur ce sujet si important: je prefererais bien sur que ces missions soient pousuivies mais le gouvernement des Etats Unis a peut etre des peoccupations d ordre superieur…le monde ne va pas tres bien et en particulier l occident.
Elon Musk vient d indiquer que si le premier vol vers Mars se fera vers 2030 toutefois la colonisation elle même ne se fera que vers 2050 ce qui n a rien d étonnant! En fait tous les programmes prennent du retard.l Occident est à l ouest c est le cas de le dire!
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Et la lune prend aussi du retard:la Chine pourrait nous battre! Tout va donc bien!
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Par contre Artemis2est annonce pour 2026:sls a subi des modifications électroniques renforcée pour une meilleure résistance aux vibrations (sls vibre beaucoup semble t il ) déconnection dès booster plus précosse angle des moteurs modifié pour une meilleure séparation etc. Bon ça c est pour la Lune mais dans la compétition avec la Chine c est important. Je crois aussi avoir vu qq infos sur l atterrisseur lunaire chinois:il semble plus proche du style de Appolo donc très simple par rapport à starship…mais ça c est pas sûr à vérifier.
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Un autre sujet important aussi: il semble que le nombre de vols de Ariane 6 soit revu à la baisse; je ne sais pas pourquoi.
Bonjour le programme Europeen Themis est en bonne voie :apparemment le demonstrateut THEMIS est pret pour ses premiers essais: c est une bonne nouvelle !
Bonjour Robert Niogret,
Oui, c’est une bonne nouvelle.
J’ajouterais: « il est temps » et « j’espère que le retard n’est pas trop grand ». En effet pendant ce temps là, SpaceX a acquis beaucoup d’expérience et une image de très bonne fiabilité. Ca va être difficile pour l’ESA d’avoir des clients en dehors de ceux qui seront contraints de passer par son intermédiaire.
bien sur et puis je trouve que « ARIANE » contrairement a SPACE X ne communique pas beaucoup: on ne sait pas » qui fait quoi » comment ce evolue …etc quels buts sont vises …
Je suis d’accord avec vous, la communication de l’ESA est très mauvaise. On a l’impression qu’on à affaire à une élite d’ingénieurs qui méprise le ‘peuple’ (vulgum pecus) qui n’est pas directement impliqué dans ses travaux. L’attitude de la NASA par rapport à ce peuple est complètement différente. Du coup, la compréhension et le soutien sont bien meilleurs de l’autre côté de l’Atlantique.
j ai juste une toute petite petite question: pourquoi n avons nous pas plus d infos au sujet de 3L/ATLAS NI DE LA NASA ni de l ESA ni des astronomes? l objet est pourtant tres observe en permanence .
L’objet est très observé mais il est très loin et il est très petit. Tant que nous ne recevons aucune émission partant de lui et que nous n’avons pas suffisamment de rayonnement réfléchi pour l’analyser en termes chimiques, ou que nous ne voyons aucune accélération ou freinage anormal, nous ne pouvons rien en dire, sauf que c’est un « objet interstellaire » (compte tenu de sa vitesse).
Bonjour
J ai etudie cela de maniere approfondie avec Gemini: nous avons tenu compte de l angle d arrivee de l objet par rapport au plan de l ecliptique ,par rapport au plan de rotation de notre galaxie et en fonction de sa vitesse , en fonction de son sens de deplacement par rapport a la rotation du systeme solaire et de la galaxie etc… Bon l objet provient de la region centrale epaisse de notre galaxie et pas d ailleurs paex une autre galaxie. Ensuite nous avons examine les specto : on trouve du nickel du cyanure et la teinte verdatre est du au co2.
Ensuite nous l avons compare a oumuamua: rien de comparable …sauf sa vitesse de rotation sur lui meme a peu pres identique dans les deux cas.
Ensuite nous avons examine la « robustesse » ce ces choses lorsqu elles passent pres du soleil et » tounent » autour: Borissov a ete disloquee par les effets de couple de maree et de torsion, 3L/ATLAS on ne sait pas encore tandis que Oumuamua n a pas ete affecte du tout…
Ensuite nous avone etudie la resistance d un fuselage vide de Boeing 747 place dans les memes conditions: il resisterait sans probleme. BIEN SUR on a etudie cela dans le detail ca a pris plusieurs heures ! MAIS REELLEMENT CAPTIVANT et la nature de Oumuamua reste carrement mysterieuse.
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d autant que sa couleur varie selon la face qu il nous presente…Donc soit gros asteroide son engin manufacture…
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en outre il emet beacoup plus de lumiere que attendu. Les orbiters qui tournent autour de Mars vont bientot pouvoir observer 3L/atlas !.