EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Il y a cinq ans exactement j’écrivais et publiais mon premier article dans ce blog.

Je vous invitais, chers lecteurs, « à vous placer par la pensée à mes côtés pour considérer la Terre sous nos pieds et la voûte céleste où brillent tous ces astres qui nous intriguent, nous émerveillent et nous appellent depuis l’aube des temps ». Il s’agissait et il s’agit toujours ici, ensemble, « de regarder, de réfléchir, pour tenter d’appréhender et de comprendre les grands mystères auxquels est confrontée l’humanité dans l’Univers, où elle n’est que poussière infime ».

J’espère avoir, tout au long des 270 articles publiés, fait un point utile sur nos connaissances, et sur les réponses qu’on peut apporter à ces grandes questions qui se posent ou plutôt qui s’imposent à nous, concernant l’Univers et notre place dans icelui, sans avoir bien entendu la prétention d’avoir maîtrisé ces connaissances dans toutes leurs complexités. Je m’y suis efforcé, sérieusement et sans crainte d’un « qu’en dira-t-on » quelconque relatif à ma présomption et je pense, avec l’aide bienveillante des nombreux spécialistes qui ont accepté de répondre à mes questions, en avoir bien perçu les grandes lignes. En dépit des difficultés et du temps passé que cela représente, j’ai osé me plonger dans des matières connues séparément par ces spécialistes qui utilisent pour communiquer entre eux, à l’intérieur de chacun de leur domaine, des présupposés et un langage élaboré comme véhicule de leur science, qui sont largement impénétrables aux profanes tant la Recherche s’est approfondie et en s’approfondissant s’est segmentée, chaque segment s’allongeant et s’élargissant considérablement comme les branches puis les ramures d’un arbre de plus en plus gigantesque. Je ne leur reproche pas cette complexité ; elle leur est nécessaire pour leur permettre de bien se comprendre entre eux, c’est-à-dire de se comprendre avec précision et efficacité dans leur communication « interne », mais elle a malheureusement pour effet négatif de compartimenter de plus en plus la communication générale entre les praticiens des différentes disciplines. Ma plus grande satisfaction personnelle aura été de parvenir à faire sauter ces cloisons pour obtenir une vue d’ensemble sur ce que l’on sait aujourd’hui, me rapprochant ainsi, en esprit, des humanistes de la Renaissance. J’espère avoir en même temps « clarifié les choses » pour mes lecteurs.

Je ne vois évidemment pas l’Univers comme le voyaient ces hommes des 15ème et 16ème siècles. Pour résumer, il est beaucoup plus étendu, complexe et surtout évolutif qu’ils pouvaient le penser. Giordano Bruno puis Galilée avait retrouvé dans l’observation ou/et le raisonnement la voie entrouverte par Aristarque de Samos et refermée très vite par Aristote et l’Eglise, mais que de chemin parcouru depuis ! Que de chemin parcouru même depuis Einstein, Lemaître, Hubble au début du 20ème siècle quand mes propres parents étaient jeunes ! Ce n’est pas que ces très anciens et moins anciens prédécesseurs ne concevaient pas l’infini mais que n’ayant pas eu les possibilités technologiques d’observation que nous avons développées avec une rapidité prodigieuse ces dernières décennies et les connaissances que nous avons pu de ce fait accumuler, ils ne pouvaient imaginer l’impressionnante complexité de l’Espace et en déduire avec la finesse absolument extraordinaire dont nous sommes aujourd’hui capables, les lois qui en gouvernent l’évolution, ni concevoir notre si particulière situation en tant qu’êtres pensants en son sein.

Il ressort de tout cela, en ce qui me concerne, un sentiment mêlé d’émerveillement, d’admiration et de révérence que je ne puis éprouver qu’avec ferveur, comme devant le plus beau spectacle éducatif que l’on puisse imaginer et qui satisfait tous les sens et l’esprit, non pas jusqu’à satiété car l’esprit humain ne peut être rassasié de l’infini, mais jusqu’à une sorte de débordement, comme devant quelque chose en mouvement qui défile devant les yeux (par exemple les eaux d’un puissant fleuve tropical ou les nuages précurseurs de l’orage dans un ciel tumultueux), qu’on ne peut appréhender en totalité et dont on attend toujours la suite pour voir encore de plus près ce qu’il y a de plus lointain et/ou pour tenter de connaître ce qui dans le temps vient encore toujours « avant ».

Je pense que je resterai dans cet état d’esprit, insatiable, progressant sans cesse mais voulant toujours savoir plus, jusqu’à la fin non pas des temps, évidement, mais de mon temps à moi, possédé et emporté comme par une drogue, en tout cas une force irrésistible, jusqu’à ce tunnel de lumière que l’on dit être « la dernière perception que l’on a de ce monde », sans finalement pouvoir savoir ce qui éventuellement se révèlera ensuite.

C’est alors qu’apparaît naturellement dans la réflexion, le besoin de l’explication ultime et que beaucoup de nos contemporains utilisent, comme nos ancêtres, la réponse bien pratique pour tranquilliser son esprit, d’un Dieu « créateur de toutes choses ». La réalité c’est qu’honnêtement, on ne peut plus sortir ce « joker » si facilement aujourd’hui. La Science nous a appris à douter, à remettre en cause, à critiquer, à chercher toujours plus, avant d’adhérer. La pertinence de ce Dieu s’éloigne donc sans disparaître toutefois, au fur et à mesure que l’on s’approche c’est-à-dire que nos connaissances s’étendent, et il n’est plus acceptable comme explication ultime aux niveaux où on le faisait intervenir dans les temps plus anciens. Alors peut-être est-il dans son essence même de reculer indéfiniment, de se dissiper comme un brouillard au fur et à mesure que la Science progresse et finalement de ne pas être là-bas, à la sortie du tunnel de lumière ou « d’y être sans y être tout en y étant quand même », comme une sorte de phénomène quantique dont la réalité est insaisissable avec précision ou comme le vide que les spécialistes nous disent être riche d’une infinité de virtualités…A moins que ?

Nous verrons bien ou nous ne verrons rien !

Illustration de titre: image en tête d’article: Photo choisie pour les 25 ans du lancement du Télescope Spatial Hubble (le 24 avril 1990). Crédit: NASA (Hubble) :Amas d’étoiles « Westerlund 2 » de la nébuleuse « Gum 29 », dans la constellation de la Carène (à 20.000 années lumières de notre système solaire).

… »à moins que » à l’autre bout du tunnel, de l’autre côté du miroir du vide de l’espace-temps, le Christ en majesté ne nous empoigne pour nous arracher à la mort, comme sur la sublime fresque de la coupole de l’église Saint-Sauveur in Chora à Constantinople…mais nous ne saurons qu’après!

Crédit : Wikipedia commons.  NB : Les descendants des barbares qui ont pris et pillé la Ville en 1453 menacent aujourd’hui de détruire ce joyau de notre culture européenne sans que le gouvernement des Etats qui en sont les dépositaires aient le courage de riposter sinon de protester, sauf en Grèce bien entendu mais la Grèce seule n’est pas assez puissante pour empêcher le crime.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur:

Index L’appel de Mars 20 08 22

7 Responses

  1. Depuis le fameux instant t (dit du Big Bang), l’univers est en expansion, comme la science. Il y a une inconnue à l’origine de tout cela et Homo sapiens à tenter des explications rassurantes en inventant sur tous les continents des Dieux divers et variés, des croyances en fait, aux conséquences pas toujours bénéfiques pour les populations. Quant à moi, médico-scientifique retraité, je suis encore resté ouvert et attentif aux progrès des connaissances scientifiques et médicales pour nourrir mon besoin de comprendre. Comme vous pouvez l’imaginer, votre blog est nourrissant et fait donc partie de mes lectures régulières. J’ose espérer pouvoir encore le lire et je vous souhaite de bénéficier de l’énergie nécessaire à sa rédaction.

  2. “But man, proud man,
    Dress’d in a little brief authority,
    Most ignorant of what he’s most assur’d—
    His glassy essence—like an angry ape
    Plays such fantastic tricks before high heaven
    As makes the angels weep; who, with our spleens,
    Would all themselves laugh mortal.”

    – William Shakespeare, Measure for Measure »

    Il est de bon ton pour notre contemporain, « most ignorant of what he is most assured », de dénigrer le savoir encyclopédique de l’homme de la Renaissance. Pourtant, l’art sacré a-t-il jamais cessé de traduire le besoin de l’homme de dialoguer avec ce qui le dépasse? Les véritables savants ont toujours été des modèles de modestie et ont le courage de reconnaître que tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils ne savent rien. Seuls les imbéciles, les singes furieux, ne se trompent jamais. Hélas, ils forment la majorité en démocratie.

    Merci encore pour vos articles, qui sont des modèles de vulgarisation, cet art difficile entre tous. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas les avoir tous lus. Mais même après quelques-uns, je ne regarde plus les étoiles comme avant. Et sincères félicitations pour votre prolixité. En cinq ans, vous avez assez écrit pour remplir une anthologie. Ne pensez-vous pas à en publier une?

  3. M’associe aux commentateurs precedents pour louer votre passion, quoi de plus accompli?
    Quand ca ne me convient pas, comme vos eloges sur les GAFAMM, je vous le dis et vous avez l’humilite de le publier.

    Alors oui, cher Pierre, vous souhaite de centaines de blogs en plus, suerte, felicitaciones y gracias

  4. Avons-nous appris l’essentiel ? Au vu de la situation sociale et écologique , on peut en douter …
    M. Brisson vit dans l’illusion que notre futur se situe en dehors de la Terre alors que notre planète sera pour longtemps encore ( probablement des millions d’années ) notre unique base vitale , même si nous nous amusons à quelques escapades divertissantes sur d’autres astres qui pour l’instant se résument au système solaire parmi des centaines de milliards d’étoiles et de galaxies bien trop éloignées , même à la vitesse de la lumière .
    On y trouve aussi une certaine naïveté de penser que l’accumulation de savoir et connaissances est synonyme de progrès et là aussi , force est de constater que l’homme se contente de broyer « sa » planète avec des moyens toujours plus puissants , la règle du plus fort régit encore ce monde absurde dominé par des clowns comme Trump …
    Malgré le fait que les astronautes d’Apollo 8 nous ont montré une Terre unique et relativement petite, depuis 50 ans cette vision n’a pas servi à nous rapprocher d’un pouce !
    Alors, après 4 siècles de progrès scientifiques continus , n’est-il pas opportun de se poser des questions plus fondamentales que le boson de Higgs ou les ondes gravitationnelles ?
    J’aime bien votre dieu en « joker » et il faudrait pousser le raisonnement plus loin et se débarrasser de ces vieux mythes qui nuisent à des relations plus saines , mais aussi ceux qui poussent à l’accumulation de richesses sans autre but qu’un pouvoir illusoire et éphémère …
    Pouvons-nous imaginer une croissance de la population toujours positive sur une planète au diamètre fixe disposant de ressources limitées ? Cette logique élémentaire n’est toujours pas inscrite dans aucune règle humaine , la mentalité restant figée dans l’illusion d’exploiter davantage de ressources , de creuser toujours plus profond le sol pour y dénicher jusqu’à la dernière goutte de pétrole tout en réduisant la biodiversité .
    (…)
    Non, l’essentiel reste à découvrir entièrement …

    1. Encore une fois on peut constater que vous êtes bien pessimiste, Monsieur Giot.
      Je ne dis pas que nous avons appris « l’essentiel », je dis que nous avons appris « beaucoup ». On comprend aujourd’hui beaucoup mieux notre Univers que dans le passé, ça me semble évident.
      Quant au progrès technologique, on ne peut le dédaigner comme vous le faites. C’est lui qui nous permet de vivre à près de 8 milliards d’hommes aujourd’hui sur la planète.
      Je ne dis pas pour autant que toujours plus d’hommes est une bonne chose. Je déplore la surpopulation actuelle et l’explosion démographique qui continue sur certains continents. Elle est porteuse de catastrophes qui me semblent difficilement évitables vue l’inertie de ce type de phénomènes.
      Ce que j’espère c’est que la prise de conscience dans les pays développés nous permette, appuyés sur la technologie, de franchir l’obstacle. Comme maintes fois exposé dans ce blog, Mars, en dehors de l’immense intérêt que présente son exploration et son étude, constitue potentiellement pour les Terriens un échappatoire ou un conservatoire de notre civilisation. Mais cela ne veut pas dire que Mars sera un exutoire pour la surpopulation ni que les établissements humains qui y seront créés seront immédiatement autonomes. Les transports de masse seront toujours impossibles sur une telle distance et avec l’énergie et les volumes dont nous pourrons disposer; Mars restera toujours une planète relativement pauvre (du point de vue des besoins d’une population humaine); acquerir l’autonomie prendra du temps; c’est pour cela qu’il faut commencer maintenant.

  5. Vous avez décidément des difficultés de compréhension. Personne ici, Monsieur Brisson compris, n’a jamais prétendu que Mars pourrait constituer une terre de rechange, ou de repli, pour l’Humanité! Tout au plus verra-t-on s’y installer des « colonies » de quelques dizaines de milliers de personnes, éventuellement centaines de milliers, mais guère plus. Personne non plus n’a prétendu qu’il fallait « mettre le paquet » pour aller sur Mars au détriment de la recherche de solutions aux problèmes qui accablent aujourd’hui l’Humanité sur cette Terre qui restera pour longtemps encore, voire pour toujours, le foyer principal et essentiel de notre espèce. Les moyens consacrés à la recherche spatiale, comme à d’autres sciences fondamentales dont vous évoquez « l’inutilité » dans votre commentaire, resteront des « peanuts » par rapport à ceux nécessaires pour lutter contre les fléaux évoqués. Et les moyens pour cela existent, simplement ils sont trop souvent mal orientés et utilisés; comme je l’ai déjà souvent mentionné, que l’on songe seulement aux dépenses autrement plus importantes que celles consacrées à l’exploration spatiale consacrées à cet investissement bien entendu tellement utile à l’Humanité que sont les armements (en particulier dans un pays déjà plus que surarmé)!
    Quant à ce que l’on peut attendre d’une « extension » d’une (petite!) partie de l’Humanité en dehors de son berceau d’origine, Monsieur Brisson l’a abondamment développé dans son blog, y compris les retombées intéressantes que cela pourrait avoir pour trouver ici-bas des solutions aux problèmes qui vous préoccupent. Relisez donc ces contributions, … mais sans oeillères ni a priori!

  6. Ce bel anniversaire de 270 bougies méritait d’être remarqué. Bravo au jubilaire ! Je me joins aux félicitations déjà faites ci-dessus.
    Mais pourquoi M. Giot gâte-t-il la fête et continue-t-il d’être un rabat-joie, affirmant de façon péremptoire que ceci ou cela est impossible.
    Je relève sa dernière trouvaille « même à la vitesse de la lumière » qui me donne l’occasion de permettre à M. Brisson d’ajouter prochainement sa 272e chronique !
    .
    De fait, nous recevons des photons de ces astres lointains. Pour les photons eux-mêmes, leur temps propre ne s’écoule pas, il est arrêté : ils sont là-bas, ils sont ici simultanément.
    Prenons le cas bien connu, mais souvent mal compris, du voyageur de Langevin appliqué à un voyage vers la galaxie d’Andromède, notre grande voisine située à 2 millions d’années-lumière d’ici (plus précisément 2,54, mais gardons ce chiffre). Imaginons simplement (chose, bien sûr, encore impossible à seulement concevoir pour une banale raison énergétique) une fusée qui quitte la Terre et accélère à 1 g (= 9,8 m/s^2) continûment, donc de façon tout à fait confortable pour ses passagers qui se croiraient toujours posés sur Terre. En une année de vol ainsi toujours accéléré, la fusée peut atteindre quasiment la vitesse de la lumière (à la limite naturellement strictement inaccessible) et Andromède ne se trouvera plus qu’à 1 million d’années-lumière devant elle. La moitié du chemin est parcourue ! La fusée se retourne et décélère avec aussi 1 g. En une autre année, elle sera arrivée à Andomède. Ce voyage de deux ans, pour les voyageurs, est le simple résultat de la relativité : dilatation du temps et contraction de la distance.
    Si, au moment de son départ de la Terre, on envoie vers Andromède un message radio annonçant la venue de voyageurs de la Terre, ce message arrivera, pour la Terre, 2 millions d’années plus tard à Andromède où les préparatifs seront faits pour accueillir les voyageurs qui arriveront 2 ans après, soit à 2 millions et 2 années, u e la Terre. Bref, les gens d’Andomède prévenus auront attendu 2 ans les voyageurs, les voyageurs auront voyagé 2 ans et les Terriens restés sur Terre auront durant ce temps vieilli de 2 millions et 2 ans.
    On peut aussi attendre ici de pied ferme puisque Andromède est en train de se précipiter sur nous à 120 km/s (soustraction faite d’une composante importante de la vitesse de rotation de 225 km/s du Soleil dans notre Galaxie, la vitesse du « blue-shift » d’Andromède étant de -300 km/s). La collision entre elles sera effective, mais tout à fait indolore, dans 4 milliards d’année.
    M. Giot, quand on cherchera des candidats au voyage, en serez-vous ? Retour garanti dans 4 ans, plus le temps de séjour éventuel d’une petite villégiature quelque part sur Andromède !

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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