Dans les différents domaines concernés par la conquête spatiale, lanceurs lourds, astroports, stations spatiales, exploration de la Lune, exploration de Mars, les Chinois sont présents, très actifs mais toujours secrets malgré quelques ouvertures. Et ils ne comptent que sur eux-mêmes c’est-à-dire qu’ils ne dépendent pas des autres même s’ils s’en inspirent. Ce sont les vrais et les seuls « challengers » des Etats-Unis.
Le premier domaine est celui des lanceurs lourds. Dans celui-ci, le CZ-5B (ChangZheng / Longue-marche-5B) est activement utilisé. Il peut mettre 20 tonnes en LEO (Low Earth Orbit) et 14 tonnes en GTO (Geosynchronous Transfer Orbit). Ces chiffres sont à comparer aux 63,8 tonnes en LEO et aux 26,7 tonnes en GTO du Falcon Heavy et aussi aux 22,9 t et 8,3 t du Falcon 9, ou encore aux 10,5 t en GTO de l’Ariane 5-ECA (12 tonnes pour la future Ariane 6-A64).
Comme pour tous les concurrents du « leader » SpaceX, le problème pour la Chine est la récupération et la réutilisabilité mais elle y travaille. En mai 23 elle a informé le monde de l’atterrissage d’une navette spatiale (donc l’équivalent d’un second étage) qui aurait passé 276 jours dans l’espace (malheureusement on en attend encore les images). Depuis 2016, elle travaille à un CZ-9, ultra-lourd, qui serait comparable au Starship (150 tonnes en LEO), totalement réutilisable dans son concept 2022, mais qui ne devrait voler que dans les années 2040. NB : l’ESA ne fait que commencer à y penser après avoir beaucoup critiqué le principe même, comme trop coûteux (dépense supplémentaire d’énergie pour le retour) et empêchant les économies d’échelle (la réutilisation des moteurs en aurait limité le nombre en production !).
Qui dit « lanceur » implique « astroport » car il faut bien partir de quelque part et éventuellement y revenir. La Chine en dispose sur son territoire, bien évidemment. On parle souvent de ceux de Jiuquan en Mongolie Intérieure, par 40° Nord, de Xichang dans le Sichuan, par 28° Nord ou de Wencheng (île de Haïnan) par 19°Nord. C’est à l’équateur que les lancements sont les plus économiques (moins de poussée pour le maximum de vitesse) puisque à cette latitude 0, le véhicule va disposer, une fois dans l’espace, du maximum de la vitesse de rotation de la masse terrestre (effet de fronde). Toutefois, en restant en Chine, on ne peut pas descendre plus bas vers l’équateur que Haïnan. Par ailleurs la Starbase de SpaceX se trouve à Boca Chica, Texas qui n’est qu’à 25° Nord. Les seuls qui « fassent mieux » ce sont les Français et les Européens avec Kourou, en Guyane, 5° Nord seulement. Donc Haïnan ce n’est pas si mal. On a appris récemment (janvier 23) que la Chine était le plus gros investisseur de l’astroport « Etlaq Space Launch Complex », en construction à Oman près du port de Duqm. On peut constater que ce port étant comme Wencheng à 19° Nord, il n’y a donc de ce point de vue aucun avantage à lancer d’Oman. Peut-être est-ce une précaution climatique car la mousson se manifeste à Haïnan entre avril-mai et septembre-octobre et les lancements de fusées ne peuvent se faire que par beau temps ? Ou bien peut-être cela offre-t-il simplement une diversification ou un intérêt politique ? Oman est le pays voisin des Emirats Arabes Unis (EUA) qui sont très actifs dans le domaine spatial, avec le soutien des Américains (sonde Amal lancée en février 21 et qui orbite aujourd’hui autour de Mars). A noter qu’en dépit de cette activité, les EUA ne disposent pas d’astroport !
Quand on a un astroport et des lanceurs et qu’on vise plus que la mise de satellites en orbites mais aussi des vols habités avec en vue la Conquête spatiale, on construit une station spatiale. Ce n’est peut-être pas indispensable mais c’est ce qu’ont fait les Etats-Unis après la Russie. Et donc la Chine se devait de montrer qu’elle en était capable. Elle a donc investi dans la construction d’une telle structure et en possède maintenant une, nommée Tiangong (Palais céleste !), qui est opérationnelle. Elle orbite à peu près à l’altitude de l’ISS ou plutôt juste un peu plus bas (entre 300 et 400 km) avec une inclinaison de 41° sur l’Equateur. Le projet a commencé en 2008, le premier test (Tiangong 1) a été fait en 2011, le deuxième (Tiangong 2) en 2016, le troisième, (Tiangong 3) n’a finalement pas été jugé nécessaire et a fusionné avec Tiangong 2. La station « définitive » a été lancée à partir de 2018 et a été terminée fin 2022. Elle possède trois modules, comparables à ceux de l’ISS (International Space Station). Son volume pressurisé est de 120 m3, soit nettement moins que celui de l’ISS (388 m3 habitable pour un volume pressurisé de 1000 m3) et même nettement moins que la vieille station MIR des Soviétiques/Russes (volume pressurisé de 350 m3) détruite volontairement dans l’atmosphère puis l’Océan, en 2001 après de « longs et loyaux services ». Pour mémoire, si le Starship finit par voler, il pourra disposer d’un volume pressurisé de 1100 m3 . A bord de Tiangong on procède à toutes sortes d’expériences en préparation à la vie dans l’espace. Et c’est l’occasion pour la Chine de mener également une politique de relations internationales en invitant des chercheurs de tous les pays à y participer. Ses panneaux solaires lui donnent une puissance de 27 kW, ce qui est peu (l’ISS dispose de 110 kW et MIR disposait de 42 kW). A noter qu’il est prévu de l’équiper en 2024 d’un gros télescope (avec un champ angulaire trois fois plus grand que celui de Hubble). Ce télescope serait indépendant de la station mais pourrait s’y amarrer pour ravitaillement ou entretien.
Quand on a des intentions de conquête, on a un programme lunaire. La Chine en a évidemment un (« Chang’e », la femme de la Lune) et compte bien envoyer des hommes sur notre satellite naturel après y avoir envoyé des robots. La mission Chang’e 3 a posé un premier rover sur la Lune en 2013 (les deux premières missions Chang’e testaient le parcours en orbite). Chang’e 4 en a posé un second, cette fois-ci dans la zone stratégique du Pôle Sud (cible des futurs missions habitées), en janvier 2019. Fin 2020, Chang’e 5 a déposé un collecteur d’échantillons équipé d’un foret allant jusqu’à deux mètres de profondeur (comme celui que l’ESA voudrait utiliser sur Mars avec ExoMars). Il a rapporté avant la fin de cette même année (après remontée en orbite, rendez-vous, retour vers la Terre, EDL !) 500 grammes d’échantillons. Aucun autre pays à part les Etats-Unis n’avait su le faire. La prochaine étape (« phase 4 ») est la création d’une base robotique au Pôle Sud de la Lune, là où veulent aussi s’installer les Américains (présence de glace d’eau constatée et éclairage solaire permanent). Elle a commencé à travailler sur le projet en 2023 et doit procéder à des lancements à partir de 2025. L’exploration habitée suivra. Elle est prévue pour les années 30. Ensuite viendra la station habitée au sol dont la construction commencera en 2035. On peut envisager des relations avec les Américains courtoises mais délicates, chacun restant évidemment sur ses gardes.
Mars ne pourrait être absente de cette politique. Les voyages sur Mars font partie de ce qu’il convient de faire puisque c’est possible. C’est aussi un gage de maîtrise de technologies difficiles. Le monde entier a donc eu la surprise d’apprendre en Mai 21 que la Chine était parvenue, du premier coup, à faire atterrir un rover sur Mars (Zhurong dans le cadre de la mission Tianwen-1). Elle se place ainsi au côté des Etats-Unis et de la Russie mais cette dernière n’avait pas réussi à faire fonctionner ses propres sondes après l’atterrissage plus que quelques minutes alors que Zhurong non seulement s’est posé mais aussi a vraiment exploré Mars. Elle a « damé le pion » à l’Europe qui a échoué dans ses tentatives. Après avoir atterri en Mai 21, Zhurong a parcouru presque 2 km, collecté toutes sortes de données (avec caméra, radar, spectromètre) et transmis vers la Chine pendant largement plus d’un an puisqu’il n’a été officiellement déclaré « mort » que seulement en avril 23 (mais il l’était probablement depuis déjà quelques mois). Pour la suite, une mission de retour d’échantillons est prévue en 2029. L’intention clairement exprimée au GLEX de Saint Pétersbourg en juin 2021 est de mener dès que possible des missions habitées et de construire une base habitable. Pour le transport, après une phase d’exploration effectuée avec des vaisseaux à propulsion chimique « classiques », le projet est de construire en orbite terrestre, à l’aide de ces mêmes fusées à propulsion chimique, un vaisseau martien utilisant l’énergie nucléaire qui ensuite fonctionnera comme navette interplanétaire, avec des petites navettes secondaires embarquées pour assurer la liaison sol de Mars à orbite de Mars.
Donc on le voit, la Chine est présente sur tous les fronts du « spatial-habité », beaucoup plus que les autres « pays spatiaux », Russie ou Europe. La Russie parce qu’elle n’a pas récupéré sa capacité ingénieuriale de la fin de l’URSS (plusieurs échecs l’ont démontré), l’Europe parce que son mépris des vols habités l’a figée dans une technologie ancienne et non adaptée à cet aspect de l’activité spatiale. Quant à l’Inde, elle essaie de suivre mais elle est encore très loin derrière, et le Japon n’est pas intéressé (sauf comme auxiliaire des Etats-Unis).
Donc les vrai rivaux des Américains, ce sont les Chinois, même s’ils n’en parlent pas trop (ils peuvent encore se le permettre). Dans la première partie de cet article, passant en revue les divers domaines concernés, on voit que les Etats-Unis sont toujours « devant ». Le Falcon Heavy a une capacité bien supérieure aux CZ-5 et le Starship sera sans doute près avant le CZ-9. Les astroports de Cap Kennedy ou de Boca Chica sont certainement aussi bien équipés sinon probablement mieux, que ceux de Chine et à côté d’eux plus d’une vingtaine de « spaceports » tels que Vandenbergh Space Force Base ou Launch Site One West Texas (Blue Origin) fonctionnent ou sont prêts à fonctionner dans le pays. La station Tiangong est une copie en miniature de l’ISS. Les Américains sont déjà allés sur la Lune et ils pourraient encore aujourd’hui y prélever robotiquement des échantillons et les renvoyer sur Terre sans difficulté. Le programme Artemis est engagé alors que les missions lunaires habitées chinoises sont encore « dans les cartons ». Atterrir sur Mars est devenu une routine et l’ellipse d’atterrissage de la NASA se rétrécit de plus en plus devenant de plus en plus précise, ce qui permet aux Américains de se poser sur des terrains beaucoup plus accidentés que la plaine vaste et presque sans relief d’Utopia Planitia sur laquelle s’est posée Zhurong.
Alors pourquoi les Américains doivent-ils se méfier ?
Parce que les Chinois progressent vite et que les dernières marches franchies l’ont été sans difficultés apparentes. Parce que leur ambition est aussi grande que leur fierté et leur volonté de venger l’humiliation toujours présente des traités inégaux de la fin du XIXème siècle, ou de l’incapacité à redevenir une grande puissance dans le cadre du Maoïsme. Parce qu’il n’y a aucune coopération possible avec eux mais beaucoup de méfiance, ou plutôt d’hostilité plus ou moins cachée, de part et d’autre. Parce que les Chinois ont beaucoup d’argent, qu’ils disposent de la continuité politique et qu’ils ne lésineront jamais pour avancer dans les domaines où ils estiment devoir le faire, sans aucune considération d’excès financiers, de dommage écologique, d’atteinte à la « personnalité » de la Lune ou de Mars (comme le craint Mary-Jane Rubenstein !) ou même de soucis de propriété intellectuelle (l’inspiration se rapproche souvent de la copie). D’autres pays pourraient se ruiner par un tel acharnement et avec une gouvernance autoritaire qui doit commettre beaucoup d’erreurs du fait même de son autoritarisme. Mais la Chine, usine du monde, dispose d’énormes réserves et peut se payer ce qu’elle veut au coût qu’elle veut, pour une période probablement suffisamment longue pour réussir.
Illustration de titre : Vision d’artiste de la station spatiale chinoise après l’amarrage du module Mengtian. Image : Wikimédia / CC BY-SA 4.0
https://www.letemps.ch/sciences/espace/l-occident-doit-il-craindre-le-spatial-chinois
https://universemagazine.com/en/china-launched-a-secret-reusable-spacecraft/
https://universemagazine.com/en/who-will-seize-the-moon-confrontation-between-the-usa-and-china/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_spatiale_chinoise
https://en.wikipedia.org/wiki/Chinese_Lunar_Exploration_Program
https://www.space.com/china-plans-mars-base-with-astronauts
Lire, de Philippe Coué, spécialiste de l’astronautique chinoise : (1) Dragons-furieux, les avions spatiaux chinois, publié chez l’Harmattan ; (2) Palais céleste, la station spatiale chinoise, chez Skyshef.eu
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Je rappelle que mes thèmes d’étude et de réflexion sont (1) la recherche d’une meilleure compréhension de l’Univers par les moyens astronomiques et astrophysiques; (2) l’exploration de l’espace proche par les moyens astronautiques et les divers instruments que nos vaisseaux peuvent embarquer; (3) l’exploration de la planète Mars vue comme une planète qui pourra nous aider à mieux comprendre l’évolution de la nôtre et servir un jour de seconde Terre à certains d’entre nous; (4) la recherche de la complexification vers la vie de la matière organique en dehors de la Terre, sans préjuger du niveau de complexification que l’on pourra constater.
Je considère que ces quatre thèmes sont intrinsèquement liés.
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55 réponses
Aux raisons de croire aux capacités chinoises de damer éventuellement à terme le pion aux Etats-Unis en ce qui concerne plus particulièrement l’objectif d’une colonisation humaine de la planète Mars, j’ajouterais que j’estime personnellement plus rationnelle et prometteuse que celle actuellement envisagée par les Etats.Unis (ce qui n’étonnera pas ceux qui ont l’habitude de lire mes commentaires sur ce blog :- ) !) l’approche qu’entend suivre en vue de cet objectif « l’Empire du Milieu », telle que présentée par Monsieur Brisson et que je rappelle ici:
« Pour le transport, après une phase d’exploration effectuée avec des vaisseaux à propulsion chimique « classiques », le projet est de construire en orbite terrestre, à l’aide de ces mêmes fusées à propulsion chimique, un vaisseau martien utilisant l’énergie nucléaire qui ensuite fonctionnera comme navette interplanétaire, avec des petites navettes secondaires embarquées pour assurer la liaison sol de Mars à orbite de Mars ».
Cette approche modulaire et faisant appel à la propulsion nucléaire est exactement celle que je préconise depuis longtemps et qui me semble offrir de meilleures perspectives que celle trop monolithique, et recourant uniquement à la propulsion chimique classique, du Starship de SpaceX. Mais l’avenir nous dira qui aura vu juste (l’essentiel étant que l’on arrive à établir une base humaine sur Mars dans un délai raisonnable, peu importe le chemin qui aura au final été le bon),
Merci à Pierre-André Haldi. Je dois dire que j’ai été moi-même surpris par ce projet qui ressemble beaucoup à ce qu’il a lui-même proposé dans ce blog.
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C’est sans doute le bon sens d’aller dans cette direction compte tenu des avantages présentés par la propulsion nucléaire. Mais je pense que dans l’immédiat, faute de solution nucléaire suffisamment avancée, il ne faut pas ralentir l’impulsion donnée à la Conquête spatiale que permet la propulsion chimique. Je pense aussi que pour la navette, surface terrestre / vaisseau spatial on aura toujours besoin d’une propulsion chimique…comme celle du Starship (qui offre une capacité d’emport inégalée).
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Voir dans ce blog, l’article « Un nouveau concept de système de transport modulaire pour aller sur Mars » publié le 04/04/2017
Effectivement, il ne faut pas faire du passage à la propulsion nucléaire une condition sine qua non de l’arrivée d’êtres humains sur Mars. Mais, justement, l’approche modulaire que je préconise depuis longtemps, et qui est celle que semble vouloir suivre les Chinois, permet facilement de partir initialement avec un module de propulsion chimique classique pour ensuite, lorsque la technologie sera mature, le remplacer par un module de propulsion nucléaire, voire nucléo-électrique. C’est là toute la « beauté » de la conception modulaire!
Il n y a pas que le domaine spatial qui pousse tres fort en Chine :il y a egalement la physique quantique et l intrication quantique : je me demande s ils « ne dament pas le pion » aux Americains dans ce domaine.
Il y a aussi la microbiologie avec le labo p4 de wuhan livre par MERIEUX : c est grace a cela que nous avons ramasse le covid avec des microbiologistes formes en France ! Toutefois les chinois n ont pas reussi a maitriser la technologie des vaccins ARN messager veritable revolution qui permettra de vaincre beaucoup de cancers et mise au point par un pharmacien MARSEILLAIS parti s installer aux USA pour fonder MODERNA.
L INDE se debrouille bien egalement
Non Niogret. Je parle ici (dans cet article) de « Conquête » spatiale et non d' »exploration » spatiale. Pour moi, la première implique l’homme, physiquement, tandis que l’autre peut être menée par des robots.
L’Inde est un débutant qui peut-être ira loin mais qui est très loin d’égaler la Chine. Autrement on pourrait aussi nommer le Japon qui n’en est pas à ses coups d’essai mais qui s’est spécialisé dans les astéroïdes, avec des porteurs incapables d’emporter des hommes dans l’espace profond.
@Pierre-André Haldi
Je ne sais plus qui l’a dit, mais il a été envisagé avec la propulsion nucléaire que l’accélération à l’aller jusqu’au point médian pourrait « simuler » l’attraction terrestre, puis à l’autre point médian, inverser la poussée et « simuler » à nouveau l’attraction terrestre en freinant cette fois pour ralentir la vitesse.
En outre, le réacteur nucléaire raccourcirait la durée du voyage.
Pourriez-vous, ou Pierre, développer cette idée de nouveau, si correct de ma part?
Je vous remercie.
Attention, même si un réacteur nucléaire peut avec sa charge initiale de combustible fonctionner à la limite pendant des années, il n’en va pas de même avec la réserve de matière à éjecter après son échauffement (hydrogène par exemple) pour assurer la propulsion. Par ailleurs, il faut voir aussi les puissances que cela impliquerait. Je l’avais signalé lorsque cette proposition a été avancée, en demandant si ces calculs avaient été faits, mais je n’avais pas reçu alors de réponse. Je viens donc de faire moi-même un très rapide calcul d’ordre de grandeur pour ce qui est du deuxième point pour voir ce qu’il en est. En supposant un demi-parcours d’accélération arrondi à 250 millions de km (2,5 10^11 m) avec une accélération constante de 1 g (9,81 m/s2), le temps d’accélération, et autant ensuite pour la décélération, serait de 225’762 s, soit un peu plus de 2 jours et demi. La vitesse atteinte serait alors d’environ 2’215 km/s (!). Si l’on prend maintenant un vaisseau de 100 tonnes (100’000 kg) de masse, l’énergie cinétique qui lui aurait ainsi été transférée (1/2 mv2) atteindrait 250 millions de milliards (10^15) de Joules. Acquise sur une durée de 225’762 s, cela requiert une puissance de l’ordre de plus d’un million de MW, soit celle d’environ 270 grosses centrales nucléaires terrestres (sans tenir compte en plus de leur rendement, évidemment inférieur à 100%). Je vous laisse juge du réalisme de la chose (sous réserve de vérification de ces très rapides calculs évidemment, je n’ai malheureusement pas trop de temps cet après-midi mais je tenais à vous donner quand même une réponse sans trop tarder)!
Merci pour votre retour, intéressant.
On pourrait imaginer une accélération moins forte, ce qui diminuerait beaucoup la puissance nécessaire.
Bien sûr, mais alors on n’a plus aucune simulation de gravité, … et les temps de parcours s’allongent. Reste aussi la question de la masse de matière à éjecter que l’on peut raisonnablement stocker à bord.
Merci pour ces précisions, Pierre-André. Il serait intéressant de calculer quelle serait la gravité minimum qu’il serait possible de recréer à bord par une accélération continue. En effet 1 g serait l’idéal mais déjà une gravité « lunaire » (de l’ordre de 0,16g) serait « mieux que rien ».
Si cela reste toujours irréaliste au point de vue de la puissance embarquée requise (ce qui est malheureusement quasi-certain au vue de ce qu’il serait nécessaire pour obtenir 1 g), on pourrait peut-être envisager des solutions moyennes:
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La première serait 0,38 g (gravité martienne) deux ou trois heures par jours. Cela permettrait au corps de conserver une certaine capacité musculaire et osseuse et de reposer certains organes (cerveau) soumis à une pulsation cardiaque trop forte. Maintenant je ne sais pas s’il serait possible de remettre en route puis d’arrêter le moteur pour des périodes courtes, et de répéter la manœuvre tous les jours.
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Si cela n’était toujours pas possible, quid d’une période d’accélération d’un mois à 0,38g au milieu du voyage afin de permettre au corps de se reposer?
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Une autre approche serait de considérer le maximum de puissance que l’on pourrait embarquer et de voir ce que cela pourrait donner comme gravité, en privilégiant soit une durée soit une accélération. Cette période de gravité artificielle devrait de préférence intervenir au milieu du voyage pour reposer le corps des astronautes.
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Ceci dit il est certainement moins coûteux en énergie de créer une gravité artificielle par mise en rotation du couple formé par deux vaisseaux ou par deux parties du même vaisseaux (déployées après l’injection interplanétaire) comme cela a déjà été proposé (notamment par Robert Zubrin). Car, dans ce cas, l’énergie dépensée ne l’est que pour la mise en rotation et elle est conservée indéfiniment puisque non contrée par la pesanteur ni par l’atmosphère.
Si mes petits calculs rapides sont bien justes (voir plus haut), on voit immédiatement que c’est de plusieurs ordres de grandeurs qu’il faudrait limiter l’accélération pour garder des puissances raisonnables. On peut donc oublier l’idée d’une accélération constante pour obtenir un effet gravitationnel significatif.
Bonjour,
Peut-on voir la station spatiale chinoise à l’œil nu, tout comme l’ISS ?
Oui ! Voir ce site :
http://heavens-above.com
qui donne les moments de passage de plusieurs satellites, une fois que vous avez donné votre position.
Merci,
ce site est une merveille !
Came across on the Net, any other news?
HELSINKI — A Chinese nuclear reactor for providing power and propulsion in outer space has passed a comprehensive performance evaluation, according to reports.
August 31, 2022.
https://spacenews.com/chinese-megawatt-level-space-nuclear-reactor-passes-review/
Et dire que les Américains avaient même probablement déjà dépassé ce stade avec le programme NERVA il y a plus d’un demi-siècle. Quel gâchis; si ce programme n’avait pas été prématurément et « bêtement » abandonné, la face de l’exploration humaine de l’espace en aurait été chamboulée et on serait déjà sur Mars!
Well, I am still surprised that they could master this technology those days!
https://ntrs.nasa.gov/api/citations/19910017902/downloads/19910017902.pdf
Recréer une gravité par l’accélération du vaisseau pose un problème notamment lors de la décélération qui sera forcément nécessaire! Se protéger des effets de fronde dus aux passages près de planètes me semble aussi compliquer les choses. On peut émuler la gravité par la force centrifuge (solution plus fiable demandant encore un supplément d’énergie?) mais ce serait bien qu’on trouve d’autres solutions. Quant au goût du secret des Chinois, comment va-t-il évoluer? Poussé à un égoïsme total, il dresserait contre eux beaucoup de pays et finirait par provoquer une prise de conscience générale. C’est vrai qu’ils pourraient partager davantage le résultat de leurs exploits sans s’affaiblir. Pourvu que tout le monde garde la tête froide
Non Martin, pas de problème insurmontable.
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La décélération se fait par retournement linéaire du vaisseau et activation de la propulsion (voir Tintin On a marché sur la Lune!). Par ailleurs on ne va pas approcher une planète par inadvertance. Ensuite on peut choisir « le côté » par lequel on approche de la planète : Si la sonde aborde la planète en passant devant elle par rapport au déplacement de la planète, alors la sonde sera freinée.
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Je pense d’ailleurs que si on utilise une gravité artificielle, par exemple par rotation d’un couple de vaisseaux autour de leur centre de gravité, on cessera la rotation en approchant de la Terre ou de Mars, pour mieux contrôler la stabilité des éléments du couple (et ensuite contrôler leur direction et leur orientation). De toute façon l’essentiel aura été de bénéficier d’une gravité artificielle pendant la plus grande partie du voyage et si l’on veut se poser sur l’astre approché, il faudra bien arrêter la rotation.
Pourriez-vous préciser à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez « d’autres solutions » à part celles évoquées plus haut (accélération continue ou simulation par force centrifuge). A priori, je n’en vois guère d’autres.
C’est là tout le problème. On ne sait pas encore émuler la gravité autrement que par la poussée ou la force centrifuge. Oui, ce serait bien de trouver autre chose. Il faudrait en apprendre plus: comment la masse d’un corps produit-elle cet effet? Quelle en est la nature? Ce n’est pas du magnétisme ou de l’électricité, c’est autre chose. On espérait un « graviton » mais il semble qu’il n’existe pas. Et on ne peut pas reproduire la gravité comme dans la nature, on est condamné à en simuler les effets par un moyen détourné
OK Martin, mais M. Brisson a maintes fois répété qu’il souhaite que ce blog ne s’égare pas dans le domaine de la science-fiction, voire même de la fantaisie-fiction. Si on envisage le recours à un quelconque procédé d’anti-gravitation, on peut tout aussi bien songer alors à la téléportation, encore plus « pratique » 🙂 ! Mais c’est du « Star Trek », plus de la science!
Bonjour Monsieur Brisson.
J’aurais souhaité répondre à votre interrogation concernant l’arrêt et la remise en marche d’un réacteur nucléaire mais je n’ai trouvé aucun moyen pour y parvenir aussi, je poste ma réponse en commentaire.
L’arrêt et la remise en marche d’un réacteur nucléaire sont des problèmes bien connus des sous-mariniers. En 2012, j’ai eu l’occasion d’en parler avec un officier de la Royale qui servait sur le Redoutable. C’est faisable moyennant certaines contraintes. D’abord un combustible plus enrichi que celui destiné aux centrales électriques et aussi un caloporteur approprié. Pour des raison de sécurité, l’eau pressurisée sera déconseillée mais aussi les alliages métalliques à point de fusion trop élevé qui risqueraient de « geler » si la température venait à descendre en dessous de leur point de fusion. Pour un vaisseau spatial, l’alliage sodium potassium devrait convenir mais pas l’alliage de Wood (plomb bismuth étain).
Merci beaucoup Jean-Jacques.
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Donc l’arrêt / remise en route serait possible, ce qui est une bonne nouvelle. NB: l’alliage sodium/potassium a déjà été recommandé comme caloporteur pour être utilisé sur Mars (Kaleidos).
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Une autre préoccupation qu’on pourrait avoir serait le recalcul de trajectoire à chaque nouvelle impulsion car l’accélération va aplatir cette trajectoire et toute alternance risque de causer, considérant la grande vitesse acquise, un écart non négligeable avec la direction vers l’objectif à atteindre.
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Mais de toute façon je pense que ce système d’accélérations alternées à des phases de progression sur la vitesse acquise, serait préférable à rester simplement sur l’impulsion initiale. Et pourquoi ne pas en profiter puisque le moteur nucléaire le permettra?
Je ne comprends pas bien à quel problème il est fait allusion ici. Tous les réacteurs nucléaires ont la possibilité d’être arrêtés (en réduisant la réactivité en dessous du seuil critique, généralement par insertion dans le coeur de barres d’absorbant de neutrons) puis remis en service; où serait la difficulté (excepté si le caloporteur est de nature à se figer à plus basse température, mais le problème se poserait alors aussi pour le démarrage initial du réacteur)? Par ailleurs, je répète ce que j’ai écrit plus haut, pour la « disponibilité » de la propulsion, le problème n’est pas celui du combustible nucléaire qui peut, lui, servir des années, mais du stock, forcément limité, de matière à éjecter (hydrogène typiquement) après son échauffement dans le réacteur. Là est le facteur limitant.
Justement, il est clair maintenant que le problème (au-delà du risque de gel du caloporteur, auquel vous répondez) est celui du stock disponible de matière à éjecter (hydrogène). Dans le cadre de cette contrainte, il serait intéressant d’évaluer les performances possibles du moteur à propulsion nucléaire. On va bien entendu commencer par une libération de la réaction de fission permettant d’atteindre la vitesse nécessaire pour l’injection interplanétaire vers Mars. Mais que va-t-on faire ensuite?
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Trois options existent. Soit on se contente de la vitesse nécessaire acquise pour aller sur Mars et on attend d’être à proximité de la planète pour ralentir et se mettre en orbite. Soit on maintient la vitesse acquise (il faut lutter un peu contre le ralentissement exercé par l’attraction du Soleil sur le vaisseau qui réduit lentement sa vitesse). Soit, pendant le vol on utilise une marge à définir du stock d’hydrogène disponible pour obtenir une accélération supplémentaire qui à ce moment là pourrait recréer une certaine gravité artificielle dans le vaisseau (en une ou plusieurs poussées).
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A noter qu’une priorité une fois les deux premiers vols habités effectués et la décision prise de laisser un avant poste humain sur Mars, serait d’obtenir de l’hydrogène sur Mars pour réalimenter le stock de matière éjectable pour le retour du vaisseau sur Terre (à partir de la glace d’eau martienne par électrolyse). Une autre contrainte apparaîtra alors: le volume disponible d’emport par navette entre le sol de Mars et le vaisseau à propulsion nucléaire en attente en orbite.
On ne parle pas de la même chose. M. Louis semblait voir un problème dans la possibilité d’arrêter puis remettre en marche un réacteur nucléaire, et je ne vois pas à quoi il fait allusion. La question de la réserve de matière à éjecter est une autre question, qui n’a rien de spécifiqueent nucléaire d’ailleurs car elle se pose de la même manière pour la propulsion chimique (mis à part que la propulsion nucléaire permet une exploitation un peu plus efficace de ladite réserve, ce qui fait son intérêt). De même pour l’option de redonner des « coups d’accélérateur » éventuels en cours de route.
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Not bad: https://fr.vikidia.org/wiki/Moteur-fus%C3%A9e
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La réponse de M. Haldi (du 5.08.2023 à 14h49) démontrant l’impossibilité d’assurer continûment une accélération confortable de « 1 g » est imparable ! Mais qu’en serait-il avec une accélération moindre ? On pourrait peut-être s’accommoder d’une accélération constante 100 fois plus faible, de « 0,01 g », soit 0,1 m/s², certes quasiment insensible pour les astronautes, mais contribuant pourtant à réduire la durée du voyage vers Mars à, disons, seulement 3 à 4 semaines, ce qui semblerait supportable, même sans pesanteur.
Donc avec une accélération de 0,1 m/s² durant 320 heures (soit 13 jours et 8 heures), la fusée acquerrait une vitesse maximale, V, de 115,2 km/s et aurait déjà parcouru 66,35 millions de km sur une orbite très tendue (hyperbolique, car elle n’est plus elliptique ni parabolique puisque la vitesse de libération hors du Système solaire, la « 3e vitesse cosmique », serait de loin dépassée). On serait à mi-course pour devoir ensuite retourner la fusée et décélérer de même durant autant de temps et atteindre Mars finalement en un voyage de 133 millions de km en presque 27 jours, en deux trajets, l’un accéléré et l’autre décéléré. La vitesse moyenne équivalente d’un tel voyage serait de 57 km/s.
Alors se pose la question de la quantité de matière à embarquer (hydrogène, xénon, …) comme masse à expulser continûment, par un moyen ou un autre (thermique ou ionique), pour la réaction. Admettons que la masse utile, Mu, à déposer sur Mars soit de 100 tonnes et que l’on arrive à utiliser un procédé, nucléaire thermique ou ionique à très haute température, qui puisse produire une vitesse d’expulsion, Ve, de 50 km/s, soit une impulsion spécifique, Isp = Ve/g, de 5’000 secondes.
C’est là qu’il faut recourir à l’équation de Tsiolkovsky reliant la vitesse acquise, la vitesse d’expulsion et les masses en jeu au départ, Mo, et à l’arrivée, Mf, à savoir : ΔV/Ve = Ln(Mo/Mf). On a ici un rapport de vitesse de ΔV/Ve = V/Ve = 115,2 / 50 = 2,304 et donc Mo/Mf = 10, en prenant quasiment ΔV = V, c’est-à-dire en négligeant la faible vitesse initiale sur une orbite terrestre. Il faut appliquer deux fois cette équation de Tsiolkovsky, donc aux deux trajets : une première fois, pour la phase d’accélération, où la masse initiale, Mo, comprend la masse utile de 100 tonnes, Mu, plus la masse de matière, M1, à expulser jusqu’à mi-course et encore la masse de matière, M2, qui sera à expulser pour la phase de décélération ; puis une deuxième fois, pour la phase de décélération, avec comme masse initiale, la masse utile de 100 tonnes, Mu, plus la masse à expulser, M2, et, comme masse finale, uniquement la masse utile, Mu, de 100 tonnes à amener vers Mars. On calcule ainsi que M1 = 9’000 tonnes et M2 = 900 tonnes, et Mu+M1+M2 = 10’000 tonnes. Les deux fois le quotient Mo/Mf = (Mu+M1+M2)/(Mu+M2) = (Mu+M2)/Mu = 10. Il faut donc embarquer M1+M2 = 9’900 tonnes de matière à expulser en plus de la masse utile, Mu, de 100 tonnes, en n’oubliant pas que la masse totale de la fusée décroît constamment du fait de la quantité de matière expulsée chaque seconde, ce qui fait que, à poussée constante, l’accélération croît.
On peut ainsi calculer le débit massique d’expulsion constante, D, durant tout le voyage, qui est de 9’900 tonnes / (2 x 320 heures) = 4,3 kg/s. Ce débit, D, permet de calculer la poussée (thrust) nécessaire (soit une force de réaction), F, qui vaut g x Isp x D = Ve x D = 215’000 newtons pour maintenir une faible accélération, qui, de fait, ne sera pas constante (idéalement de « g/100 », soit 0,1 m/s²) puisque la masse totale de la fusée décroît en cours de voyage. Cette accélération serait de seulement 0,0215 m/s² au départ (avec une masse de 10’000 tonnes) et de 0,215 m/s² au point maxima (avec une masse de 1’000 tonnes). On peut aussi calculer l’énergie cinétique de la fusée acquise à la vitesse maximale atteinte de 115,2 km/s, qui sera de plus de 6 PJ (10^15 joules), sachant que la masse totale de la fusée à ce moment ne sera plus que de 1’000 tonnes.
La question reste de déterminer quelle est la puissance thermique et/ou électrique nécessaire pour le réacteur nucléaire embarqué afin de maintenir cette poussée produisant une vitesse croissante. Avec la vitesse d’expulsion retenue, Ve, de 50 km/s, et le débit, D, de 4,3 kg/s, la puissance en jeu du moteur serait de plus de 5 GW, une valeur considérable (soit 50 kW/kg de masse utile !), pour une énergie dépensée de plus de 6 PJ par trajet.
M. Haldi pourrait peut-être revoir de plus près ces calculs et vérifier s’il y a des erreurs, hélas ! si vite arrivées.
Merci Monsieur de Reyff de poser les bonnes questions de façon précise. J’ajouterais une option à considérer s’il s’avérait que la masse expulsable soit trop importante même dans cette hypothèse d’accélération continue minimum. Ce serait une accélération de 0,01g pendant seulement une partie du voyage (comme déjà suggéré). Pour dire les choses autrement, toute accélération de vitesse et réduction de durée de voyage serait bonne à prendre.
J’ai hésité aussi à présenter des calculs de consommation en partant de l’équation de la fusée de Tsiolkovsky mais j’ai estimé que cela irait trop loin pour un blog quand même censé être grand public, avec en particulier une relation faisant intervenir un logarithme, ce que beaucoup de lecteurs ne maîtrisent pas je pense (comme des intégrales, ou des dérivées, etc., que j’évite d’utiliser ici). Je me suis donc contenté d’un calcul d’ordre de grandeur simplifié plus accessible je pense mais suffisant pour montrer déjà à l’évidence que l’idée de créer une gravité artificielle par accélération constante était tout simplement une option irréaliste, ce qui était la question de fond posée par Serge.
Une petite remarque préliminaire, l’impulsion spécifique que l’on espère atteindre avec lac propulsion nucléaire thermique, la seule envisageable dans l’immédiat, est d’environ le double de celle de la propulsion chimique LOx-LH2, soit un peu moins de 900 secondes, ce qui n’est déjà pas mal. Même avec la propulsion nucléo-électrique, on n’espère guère dépasser de manière réaliste les 1500-2000 secondes. L’hypothèse de 5000 secondes me paraît donc très optimiste et hors d’atteinte dans un futur prévisible.
Oui, je comprends votre réticence, mais on a déjà eu l’occasion ici de présenter l’équation de Tsiolkovsky avec ce logarithme qui ne semble pas avoir effrayé outre mesure les lecteurs de M. Brisson…
Je suis aussi tout à fait d’accord avec vous sur une Isp de 5’000 s exagérée ! C’était là une hypothèse, certes trop favorable, mais c’était un premier essai pour permettre un calcul sur les masses à mettre en jeu.
Par contre, il y a un autre point à soulever que j’ai mentionné en passant, mais qu’il faudrait d’expliciter complètement.
Les deux trajets accéléré et décéléré ne peuvent pas être symétriques du fait que la fusée change constamment de masse. Puisqu’on partirait avec une fusée de 10’000 t qui perdrait jusqu’à 9’000 t de matière expulsée durant son trajet accéléré, il est clair que, pour une poussée constante (si faible qu’elle soit, même si Isp était deux fois plus faible), l’accélération subie va de toute façon être croissante. D’autre part, dans le trajet en décélération, on partirait avec une fusée de seulement 1’000 t qui va continuer de perdre de la masse pour arriver vers Mars avec seulement 100 t, sa masse utile. Ici encore, la décélération va aller continûment et fortement en croissant, à poussée constante.
Je pense donc qu’il est possible de trouver une optimisation globale, principalement sur la longueur ou la durée des deux trajets, non symétriques, sur une vitesse maximale à atteindre, plus faible, et en conséquence sur les quantités de masse de matière à expulser sur chacun des deux trajets, plus faibles aussi, et donc une puissance demandée moindre. Cela pourrait même permettre de raccourcir encore le temps de voyage.
Le problème principal est encore celui de pouvoir disposer dans une fusée d’un réacteur nucléaire d’une puissance d’au moins un gigawatt.
@Monsieur de Reyff. Bien que, je le répète, je ne sois pas sûr que ce blog soit le lieu adéquat pour ce genre de discussion « technique » de relativement haut niveau qui risque de « perdre » beaucoup des lecteurs, je donne néanmoins suite ci-après à votre demande de vérification des calculs que vous avez présentés. J’ai refait ceux-ci et dans l’ensemble je retrouve les résultats annoncés, aux différences d’arrondis près. J’ai deux réserves cependant. La première concerne le calcul des accélérations; pour être cohérent, il faut séparer dès le début les phases « accélération » et « décélération ». On trouve alors que débit masse est de 7,84 kg/s pour la première et 0,78 kg/s pour la seconde. La poussée durant l’accélération est ainsi d’environ 390 kN, et de 39 kN en décélération. Ce qui donne 0,039 m/s2 en débit d’accélération et 0,390 m/s2 en fin d’accélération, et respectivement les mêmes valeurs en début et fin de décélération. Par ailleurs, je ne comprends pas d’où vient la puissance de 5 GW, a priori, je trouverais près de 5 fois plus en fin d’accélération en partant de vos chiffres.
Mais de toute façon, ces calculs manquent de cohérence puisqu’on avait supposé au début des accélération/décélération constantes. Mais ils suffisent (des calculs plus exacts ne le contrediraient pas), comme les miens, à montrer que l’idée de fournir à un vaisseau une accélération constante, suivie d’une décélération également constante, ne « tient pas la route », pas plus en ce qui concerne les puissances nécessaires que les masses de combustible à embarquer même si ces accélération/décélération sont faibles (et alors elles n’apportent rien au « confort » des passagers). Finalement, c’est la seule chose qu’il importait de démontrer.
Merci de ce complément d’informations.
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On a bien compris qu’une accélération continue pendant 13 jours et 8 heures (hypothèse Christophe de Reyff) suivie d’une décélération pendant la même durée, était une impossibilité mais vous ne précisez pas pour quelle durée de propulsion (donc de masse d’hydrogène expulsée après avoir été embarquée) on franchissait le seuil du réalisme (ou du possible).
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Si l’on considérait seulement 3 jours de poussée pour chaque segment (accélération de 0,01 m/s puis décélération de 0,01 m/s) on aurait déjà une semaine de microgravité et les effets n’en seraient pas totalement négligeables si cette phase d’accélération se trouvait au milieu du voyage (interruption dans l’apesanteur totale; rupture de la monotonie du voyage, test des réacteurs, retournement du vaisseau, ajustement de trajectoire). Après cette phase d’accélération/décélération le vaisseau se trouverait en position optimale pour aborder l’approche de Mars au point de vue de la masse et de la vitesse.
On est à des ordres de grandeur des possibilités réalistes, pas à des facteurs trois ou quatre (voir les calculs précédents). Comme je l’ai écrit, cette idée d’accélération continue, ou simplement longue, ne tient pas la route et est à oublier. Il faut s’en tenir aux mises en trajectoire « classiques » qui permettent d’utiliser les ressources énergétiques disponibles de manière bien plus rationnelles et efficaces … et tant pis si les durées de trajet sont plus longues tant qu’on en reste à des valeurs raisonnables. Par ailleurs, de relativement brèves remises en marche de moteurs pour des ajustements de trajectoires en cours de route n’auraient rien de nouveau, c’est déjà fait actuellement.
Vous avez bien sûr raison de distinguer les deux débits de masse, différents pour les deux trajets, et donc les deux poussées différentes elles aussi. Dans mon premier calcul, avant mon commentaire de ce matin, je n’avais pris que deux valeurs moyennes, un débit moyen constant de 4,3 kg/s et donc une poussée moyenne constante de 214 kN pour tout le voyage, sans distinguer les deux trajets, admettant une accélération et une décélération identiques, toutes deux constantes. Mais il n’en est rien, naturellement.
Pour la puissance au point maximal, ne doit-on pas prendre toute l’énergie cinétique acquise à ce point par la fusée, divisée par la durée du trajet d’accélération ? La masse en jeu à ce point n’est plus que de 1’000 t, la vitesse de 115,2 km/s et la durée écoulée de 320 heures, ce qui donne bien une énergie cinétique de la fusée de 6,63 PJ, progressivement acquise durant cette durée et donc une puissance de 5,76 GW. Ces chiffres n’ont rien à voir avec la puissance délivrée de façon constante par un réacteur pour permettre l’expulsion de 9’000 t de matière à 50 km/s continûment durant 320 heures : soit une énergie cinétique totale de 11,25 PJ et donc 9,76 GW. On pourrait additionner les deux énergies pour obtenir 17,88 PJ et donc une puissance de 15,52 GW. La seule source d’énergie est bien celle du réacteur, et celle-ci doit se distribuer et sur la fusée et sur la matière éjectée. Avez-vous fait ce raisonnement ou un autre ?
J’ai cherché la puissance à délivrer par le moteur-fusée en fin d’accélération, en prenant la poussée (ve.D, qui est une force) multipliée par la distance (ce qui donne l’énergie ou travail effectué) par unité de temps pour obtenir la puissance, soit multipliée par la vitesse du vaisseau en ce point. Pout ce que est du réacteur, il faudrait bien sûr tenir compte encore d’un rendement, qui ne peut être de 100 %, ce qui aggrave encore les choses.
Mais je crois qu’il est inutile de poursuivre plus avant ces développements, vous et moi avons déjà amplement démontré il me semble que cette idées d’accélération continue ne mène à rien; passons à autre chose.
Bonjour
Apparemment le test statique des 33 moteurs de starship ne s est pas bien passe: 4 moteurs stoppes.
Je ne prétendrais pas en être très surpris 🙂 ! Mais ne perdons pas pour autant tout espoir que SpaceX parvienne finalement à surmonter ces problèmes. A mon avis le concept Starship reste néanmoins fondamentalement problématique et non optimal pour atteindre les objectifs visés, comme je l’ai déjà souvent développé ici.
Oui Pierre Andre ca me semble « mal engage » :on pensait que le prob. etait du au pas de tir mais il ne semble pas; cela me rappelle les pb rencontres par les ingenieurs sovietiques.
Messieurs (question aux experts),
Est-il envisageable dans les décennies à venir (grace aussi à la puissance de calcul du Quantum Computing et AI), de trouver de nouvelles solutions de propulsion genre « ionique » mais en plus puissant.
Des recherches sont-elles en cours sur de nouvelles idées?
Sorry but just came across by chance, linked to the previous post.
https://www.worldnanofoundation.com/new-blog/2023/5/26/white-paper-space-exploration-unveiling-the-potential-of-nanotechnology-in-advancing-materials-science
Orbion Space Technology – Orbion announced a $20 million Series B funding round led by Material Impact to accelerate the deployment of its plasma propulsion systems.
Je ne pense pas que la puissance de calcul change grand-chose à l’affaire. Et si la propulsion ionique permet effectivement d’obtenir des impulsions spécifiques intéressantes et marquant un net progrès par rapport à la propulsion chimique, cette technique ne permet pour l’instant, et pour longtemps encore sans doute, que de réaliser des poussées très faibles.
Well, the computing power will eventually accelerate the discovery of new solutions, but not boosting the rocket! 🙂
The problems in this area are more technical than IT! I don’t think powerful computers can help much in making new DISCOVERIES.
@Pierre-André Haldi
It not obviously a question of IT but calculation power for complex simulation. I read recently that the latest QC can solve problem in minutes while takes dozen of years with traditional mainframes supercomputers.
Some links below explaining the context:
https://www.forbes.com/sites/tiriasresearch/2023/08/03/physicists-pushing-boundaries-of-physics-using-quantum-computers/
Quantum Computing for High-Energy Physics: State of the Art and Challenges. Summary of the QC4HEP Working Group.
https://arxiv.org/abs/2307.03236
A complex simulation is by definition about something already known, to improve and clarify the knowledge in this domain, and it’s true that powerful computers are very useful for this. But I repeat that I don’t think that computational tools are in a general way that useful in science to make really new DISCOVERIES, even if they can help and accelerate things perhaps sometimes.
P-A, agree with you.
The question is whether AI^QC will fulfill promises by boost discoveries in matching all available skills in physics and making new calculations not even possible today.
Time will tell….
Lucky you, I would love to attend this event in EPFL and better understanding what is going on with QC.
16 October 2023 SwissTech Convention Center Lausanne , Switzerland
Quantum Industry Day in Switzerland 2023
https://qidis23.b2match.io/ FREE!
Serge, merci de bien vouloir vous exprimer en Français. Nous nous adressons ici à des lecteurs pour la plupart francophones. Je pense que nous ne devons nous exprimer en Anglais que si l’emploi de cette langue apporte quelque chose que nous ne pouvons exprimer en Français ou si bien sûr l’intervenant est plus à l’aise pour s’exprimer en Anglais si sa langue n’est pas le Français. Mais, même dans ce cas, il reste recommandé de traduire ses propos pour que tous les lecteurs puissent comprendre et réagir s’ils le souhaitent.
Pierre, je comprends et ferai attention à m’exprimer en français.
A remarquer que parfois des liens sont en anglais (comme celui de EPFL car invitation internationale).
Mais chacun de nos jours peut aisément tout traduire avec translate.google.com, y compris des liens URL en toutes langues et même des images!
Il est vrai que c’est plus confortable de suite dans sa langue maternelle.
Bonjour Monsieur Brisson
Avons nous des nouvelles du fonctionnement imparfait des moteurs du booster 9 ?
Il semble que la NASA souhaite modifier la mission Artemis 3 suite au retard de SPACE X.
Bonjour Niogret. En effet, la NASA semble revoir son calendrier et la mission assignée à Artemis 3 en raison des problèmes du Starship en particulier.
https://www.lematin.ch/story/artemis-3-pourrait-realiser-une-mission-differente-qualunir-767159155433
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire précédemment j’ai un peu peur que la NASA ait misé sur le mauvais cheval pour son programme de retour sur la Lune. A suivre, espérons que SpaceX arrive finalement à surmonter ses problèmes, de motorisation entre autres mais pas seulement.