Ce 19 avril 2022, le comité-directeur (steering-committee) du National Research Council (NRC) de La National Academy of Sciences (NAS) des Etats-Unis, pour la « Planetary Science & Astrobiology Decadal Survey », a présenté au public ses recommandations sur la politique à suivre pour la décennie qui s’ouvre. Ces recommandations sont adressées sous forme d’un rapport (800 pages), « Origins, Worlds, and Life ; A Decadal Strategy for Planetary Science and Astrobiology 2023-2032 », à la NASA, à la National Science Foundation (NSF) et aux diverses agences gouvernementales. Le financement de cette decadal survey provient de la NASA et de la NSF.
Le comité-directeur était co-présidé par l’astrophysicienne Robin Canup, vice-présidente adjointe de la Direction des sciences planétaires au Southwest Research Institute, et par le géologue Philip Christensen (spécialisé dans les surfaces planétaires, principalement celles de Mars et la Terre), professeur à l’école des explorations terrestre et spatiale à l’Arizona State University.
Ce rapport est très important car il est généralement très suivi par les décideurs de la politique spatiale américaine et, comme chacun sait, cette politique est déterminante pour l’évolution de la recherche mondiale dans ce domaine. Je vous en donne ci-dessous l’essentiel, en suivant au mieux le communiqué de presse publié après la présentation (à laquelle j’ai assisté en visio-conférence).
Au cours des 10 prochaines années, les nouvelles recherches doivent élargir notre compréhension des origines de notre système solaire, de la formation et de l’évolution des planètes, des conditions dans lesquelles la vie peut apparaître et persister, et des environnements potentiellement habitables dans notre système solaire ou au-delà. Le rapport met en évidence les questions scientifiques clefs, identifie des missions prioritaires pour cette période et présente une stratégie de recherche complète qui comprend outre la recherche scientifique robotique, la défense planétaire (prévention des impacts d’astéroïdes) et l’exploration humaine. Par ailleurs, il recommande les moyens nécessaires pour financer les missions y compris les technologies et les infrastructures nécessaires pour les mener à bien.
Les recommandations du comité directeur de l’enquête décennale s’appuient sur les contributions de l’ensemble de la communauté scientifique par le biais des conseils de six panels spécialisés, de centaines de livres blancs, de conférenciers invités à présenter leurs connaissances et réflexions ainsi que de travaux avec les équipes de conception de mission.
Le contenu du rapport
Le rapport identifie trois thèmes scientifiques principaux – les origines, les mondes et les processus planétaires, la vie et l’habitabilité – et définit 12 questions scientifiques prioritaires (pour les voir, cliquez sur le lien) pour aider à guider la sélection des missions et les efforts de recherche en sciences planétaires et en astrobiologie.
L’enquête recommande des missions équilibrées en trois catégories, selon les normes habituelles (« Discovery », « Medium-Class », « Flagship »), et prend en compte les missions en cours et déjà programmées (par exemple Dragonfly pour Titan ou Europa Clipper), afin de permettre un flux constant de nouvelles découvertes et de donner à la NASA la capacité de réaliser des avancées scientifiques majeures. Le programme « Discovery » de petit format (500 millions de dollars maximum) concerne les missions qui répondent à des objectifs scientifiques ciblés avec une succession élevée de lancements (PB*: Phil Christensen souhaiterait qu’elles puissent atteindre 800 millions). Les missions de classe-moyenne (« medium-class ») comme celles du programme New-Frontiers, répondent à des objectifs scientifiques plus larges (et peuvent atteindre 1 milliard de dollars, PB: à augmenter également, selon le souhait de Phil Christensen). Les missions-phares (« flagship ») répondent (pour une enveloppe de 2 milliards chacun, PB: à augmenter lorsque nécessaire, précise Phil Christensen) à des objectifs scientifiques hautement prioritaires avec des charges utiles d’instruments et des conceptions de mission sophistiquées.
*PB = remarque personnelle complémentaire
Discovery
Bien que le rapport ne fasse pas de recommandations spécifiques pour les petites missions, le comité-directeur a constaté que le programme Discovery a apporté d’importantes contributions scientifiques et que les futures missions peuvent servir à traiter un riche éventail de sujets scientifiques. Par conséquent, la NASA est encouragée à le poursuivre avec une cadence élevée de deux missions par annonce d’opportunité (les fenêtres de tir), selon les propositions qu’elle recevra. Dans ce cadre Discovery, l’effort pourrait porter en particulier sur les missions SIMPLEX (cap à 55 millions de dollars qui pourrait passer à 80 millions).
New Frontiers
Comme thèmes de missions pour le programme New-Frontiers, le rapport recommande un orbiteur et un atterrisseur sur un astéroïde centaure (PB : les centaures évoluent entre Jupiter et Neptune), un retour d’échantillons de Cérès, un retour d’échantillons de la surface d’une comète, un survol multiple d’Encelade (satellite de Saturne), un réseau géophysique lunaire (PB : pose d’un réseau de capteurs sismiques couvrant l’ensemble de la surface du satellite), une sonde pour Saturne, un orbiteur pour Titan et un explorateur pour Venus, « Venus In Situ Explorer ». Ces thèmes de missions ont été choisis en fonction de leur capacité à répondre aux questions scientifiques prioritaires mentionnées plus haut.
Missions flagship
L’orbiteur avec sonde pour Uranus (« Uranus Orbiter and Probe », « UOP ») devrait être la mission flagship la plus prioritaire. L’UOP effectuerait une mission pluriannuelle en orbite de la planète et de ses satellites pour faire avancer considérablement notre connaissance des géantes de glace en général (très mal connues), et du système uranien en particulier, grâce à de nombreux survols et à la descente d’une sonde dans l’atmosphère de la planète. Un lancement au cours de la fenêtre de tirs 2031-2032 serait possible sur un des lanceurs actuellement disponibles, si on entreprend le projet en 2024 (mais il faudra quand même compter13 ans pour parvenir dans le domaine d’Uranus =>2045!).
L’« Orbilander » Encelade (orbiteur et sonde au sol) devrait être la seconde mission flagship. L’Orbilander chercherait des preuves de vie sur Encelade, une des lunes de Saturne, depuis l’orbite et au cours d’une mission au sol de deux ans qui permettrait d’effectuer des études détaillées des matériaux des panaches (PB: projections de gaz et d’eau au-dessus de la surface, comme des geysers mais beaucoup plus haut), frais, provenant de l’océan intérieur d’Encelade (PB : Encelade est préférée à Europe pour un atterrissage, car elle semble moins difficile d’accès, en raison de l’intensité des radiations émanant de Jupiter).
Défense contre les astéroïdes
La défense planétaire fait partie d’un effort de coopération internationale pour détecter et suivre les objets qui pourraient constituer une menace pour la vie sur Terre. Les recommandations du rapport portent sur l’amélioration des capacités de détection, de suivi et de caractérisation des géocroiseurs (NEO) ; sur l’amélioration de la modélisation, de la prédiction et de l’intégration des informations les concernant ; et sur le développement des technologies de missions de leur déviation ou destruction (« disruption »).
La NASA devrait pleinement soutenir le développement, le lancement en temps opportun et le fonctionnement ultérieur de la mission « NEO Surveyor » qui comporte un télescope spatial utilisant les rayonnements infrarouge-moyen, pour pouvoir atteindre ensuite les objectifs de repérage des NEO les plus susceptibles de nous impacter. Après NEO Surveyor et le test « Double Asteroid Redirection » (« DART ») engagé en Novembre 21 (lancement), la mission de démonstration de défense planétaire la plus prioritaire devrait être une mission de reconnaissance par survol d’un NEO de 50 à 100 mètres de diamètre – taille représentative de la population d’objets posant la probabilité la plus élevée d’impact destructeur sur Terre. Une telle mission devrait évaluer les capacités et les limites des méthodes de caractérisation par survol afin de mieux se préparer à une menace NEO à court délai d’alerte.
Programmes d’exploration en surface planétaire
Mars et la Lune offrent chacune la possibilité d’étudier un large éventail des questions scientifiques posées comme prioritaires, à des distances relativement facilement accessibles. Elles justifient le programme d’exploration de Mars (MEP) et le programme d’exploration lunaire (LDEP pour Lunar Discovery & Exploration Program) en tant que programmes dédiés. Le rapport recommande également à la NASA de développer des stratégies d’exploration dans d’autres domaines de grande importance scientifique, tels que Vénus et les mondes océaniques (PB: sujets de l’habitabilité et de la recherche de la vie), qui présentent un nombre croissant d’opportunités de missions américaines et de collaborations internationales. A ce sujet, la co-présidente, Rubin Canup insiste sur les possibilités et l’intérêt de coopérer avec l’ESA (« a win win strategy »).
La NASA devrait maintenir le MEP et donner la priorité à Mars Life Explorer (MLE) comme prochaine mission MEP de classe-moyenne (PB: après le pic de dépenses pour le MSR). Alors que le Mars Sample Return (MSR) recherche des biosignatures anciennes, le MLE rechercherait la vie existante et évaluerait l’habitabilité possible aujourd’hui. L’enquête décennale précédente recommandait un rover de « mise en caches » d’échantillons de Mars comme mission flagship de la NASA, et cela a été mis en œuvre dans le cadre du programme MSR. La nouvelle enquête décennale réaffirme l’importance scientifique fondamentale de MSR et déclare que la priorité scientifique la plus élevée des efforts d’exploration robotique de la NASA au cours de cette décennie doit être de l’achever dès que possible (PB: aller chercher les échantillons), sans amoindrir l’ampleur de son objectif. Cependant, elle met en garde sur le fait que le coût de la MSR ne doit pas saper l’équilibre programmatique à long terme du « portefeuille » des missions planétaires. Si les coûts augmentaient trop, la NASA devrait faire les efforts nécessaires pour obtenir une augmentation budgétaire afin d’assurer le succès de la mission, indépendamment des autres.
La PSD (« Planetary Science Division » de la NASA) devrait mettre en œuvre un programme stratégique pour la recherche lunaire et appliquer une approche structurée pour fournir des objectifs scientifiques au programme Artemis (PB: cela veut dire que le programme ne doit pas se contenter d’envoyer des hommes « se promener » sur la Lune). Le rapport donne la priorité à la mise en œuvre d’« Endurance-A » comme mission de classe moyenne la plus prioritaire pour le LDEP. Endurance-A utiliserait des services commerciaux privées pour fournir un rover qui collecterait une masse substantielle d’échantillons sur un long parcours, pour les remettre aux astronautes afin qu’ils les rapportent sur Terre. Cette approche coordonnée offrirait une opportunité étendue pour élargir le partenariat entre l’exploration par vols habités de la NASA et les efforts scientifiques sur la Lune. Le rapport note que cette coordination nécessiterait une structure organisationnelle qui habilite le PSD et le LDEP à imposer des exigences scientifiques au programme Artemis (PB : comme quoi les relations entre les diverses directions de la NASA, ne sont pas évidentes et l’objectif scientifique du programme n’est pas encore assuré).
Financement, infrastructure et technologie
Le rapport contient une série de recommandations visant à assurer le financement, l’infrastructure et la technologie nécessaires pour soutenir les missions prioritaires et d’autres efforts de recherche. Par exemple, la PSD devrait augmenter progressivement ses investissements dans les activités de recherche et d’analyse (« R&A ») jusqu’à un niveau de financement annuel minimum de 10 % de son budget. Un investissement solide et régulier dans la R&A est nécessaire pour garantir un retour maximal des données de mission, pour qu’elles favorisent la compréhension et de nouvelles hypothèses testables, et que les avancées scientifiques alimentent le développement de future mission. Mais ces investissements ne sont pas les seuls recommandés. Il faut aussi relancer la production de Plutonium 238 comme source d’énergie (génération thermoélectrique à radio-isotope, « RTG ») pour les équipements trop éloignés du Soleil, développer le réseau de comunications nécessaires aux contacts avec les équipements et, bien sûr, continuer l’effort sur les nouveaux modes de propulsion.
Le niveau de financement des technologies planétaires (PB: non-terrestres) de la NASA a diminué ces dernières années jusqu’à descendre à seulement 4% du budget total de la NASA et il est maintenant inférieur aux niveaux d’investissement recommandés. Le rapport dit que la PSD devrait financer les progrès technologiques à hauteur de 6 à 8 % en moyenne, afin de réaliser les avancées technologiques importantes qui seront nécessaires pour accomplir la recherche stratégique et les missions désignées comme prioritaires dans le rapport.
Les observations effectuées par télescopes au sol, soutenues par la NSF, fournissent des données essentielles pour résoudre d’importantes questions de science planétaire, et la NSF devrait continuer et si possible étendre le financement pour soutenir les observatoires existants et futurs ainsi que les programmes connexes.
NB, PB: le rapport aborde, en bonne place, toutes sortes de considérations sur l’importance de veiller à la diversité, l’équité, l’inclusivité et l’accessibilité (DEIA) au sein des relations professionnelles. Comme quoi les nouvelles règles sociétales, devenues dogmatiques, s’introduisent partout aux Etats-Unis, même dans des entités technologiques et scientifiques comme la NASA qui devraient mettre au-dessus de tout les capacités de ses employés et leur mérite.
Illustration de titre : Encelade, vue d’artiste, crédit Shutterstock. Vous remarquerez les anneaux de Saturne, dans le ciel, en haut à gauche.
Liens :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Planetary_Science_Decadal_Survey
https://en.wikipedia.org/wiki/Planetary_Science_Decadal_Survey
https://payloadspace.com/national-academies-release-2022-planetary-science-decadal-survey/
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15 Responses
Difficile de commenter une aussi longue liste de projets, raison pour laquelle je ne m’attarderai que sur l’un d’entre eux, le Mars Life Explorer (MLE). Je l’ai déjà souvent mentionné ici, pour moi il est erroné de trop focaliser des missions martiennes sur la recherche d’une (très) hypothétique vie martienne présente ou passée. La probabilité d’obtenir un quelconque résultat positif est trop faible pour justifier les investissements nécessaires (rappelons nous ce qui a été largement considéré comme un « fiasco » des sondes Viking 1 et 2). Il y déjà beaucoup de voix qui s’élèvent contre tout l’argent « dilapidé dans l’espace », inutile d’amener de l’eau à leur moulin en mettant sur pied des missions coûteuses qui ont de grands risques de ne « rien donner » (en tout cas aux yeux du grand public). Il me semble préférable et plus raisonnable qu’au stade actuel la recherche d’une hypothétique vie martienne reste un possible « sous-produit » de recherches plus générales sur la géologie et l’environnement martien qui ,elles, donneront de toute façon des résultats intéressants. Si un jour le résultat « collatéral » de ce genre d’expériences permettait de conclure à la possible existence d’une vie passée ou présente sur Mars, il serait toujours temps de développer à ce moment un programme spécifiquement dédié à cette recherche, et son financement ne poserait alors certainement plus aucun problème (y compris pour une mission habitée).
Je pense personnellement que « le jeu en vaut la chandelle ». Mars est la planète la plus semblable à la Terre aujourd’hui accessible et je pense qu’il est intéressant de voir jusqu’à quel niveau de complexification son environnement planétaire a pu conduire. Même si on ne trouve pas de vie présente ou passée, on pourra en tirer un enseignement sur les particularités de la Terre.
Pour un passionné, oui, mais pas pour le grand public, auquel on « vend » à chaque fois l’exploration martienne comme devant permettre de trouver des traces de vie, au moins passée, sur cette planète. Espoir à chaque fois déçu. A la longue les gens n’y croiront plus et trouveront que l’on gaspille l’argent des contribuables (avec des budgets quand même assez « astronomiques ») en courant après des chimères. Cela nuira à tous les programmes martiens, surtout habités.D’autant plus que pour ces derniers il serait en fait préférable que l’on ne trouve effectivement PAS de vie en tout cas encore présente, sur Mars, sinon les « écolos martiens » s’opposeront de toutes leurs forces à ce que l’on vienne polluer cette planète, en tout cas avec des vaisseaux habités! Et, de nouveau, il ne s’agit pas d’abandonner toute recherche de traces de vie sur Mars, mais seulement de ne pas en faire l’objectif essentiel, voire unique, des missions envoyées sur cette planète, pour un résultat alors dans ce cas négatif.
Le match me semble proximité de la lune contre atmosphère martienne. On peut beaucoup penser à l’exploitation de ressources géologiques, hélium 3 ou autre. Faire de l’argent, justifier les dépenses est très important, donc aussi les conditions d’exploitation et de retour sur la terre. Cogiter les aspects économiques et les espoirs de gain d’abord. Satisfaire les curiosités scientifiques apparaîtra comme très secondaire tant que nous ne serons pas extrêmement prospères. La guerre en Ukraine, sur ce plan et d’autres, est catastrophique. Il faudrait que ça s’arrête. Les savants russes apporteraient beaucoup au lieu de mettre au point des missiles destructeurs pour lutter contre la menace fantôme voire tenter leurs engins atomiques. Et toujours penser une base pour la survie d’humains avant tout. Imaginons un Borissov rocheux, énorme, ultra-rapide, extragalactique et imprévu. L’énergie sombre aussi pourrait-elle apporter des surprises inquiétantes? Aurait-on le temps d’envoyer un couple sur la lune ou ailleurs avec des moyens de survie et de retour… ou 700 personnes en un temps très court? Vénus, Encelade, Cérès, Uranus, un astéroïde, Titan + Mars et la lune, tout cela en dix ans! N’y aurait-il pas un peu de dispersion? On se contenterait « d’explorer »?
Je ne pense pas que ce soit de la « dispersion »; c’est la soif de connaître. Nous ne savons presque rien sur Uranus et nous savons qu’Encelade recèle un océan sous sa croûte de glace. Ca vaut la peine d’aller voir. Il faut faire tout ce qu’on peut faire.
Ces dernières semaines, l’Europe a réalisé à quel point la confiance envers les partenaires de projets spatiaux est importante ! Tous les projets en coopération avec la Russie de science non habités sont suspendus. Il faudrait revoir pourquoi nous avions préféré coopérer avec eux plutôt qu’avec la NASA.
Est-ce que ça permettait aux scientifiques russes d’élaborer des missions spatiales qui n’auraient pas eu lieu sans nos finances? Pourquoi avions-nous préféré ne pas coopérer avec la NASA pour tel ou tel projet?
L’idéal serait de constituer une agence internationale de l’espace, en incluant l’ESA , la NASA, la JAXA, la CSA, qui soient toutes financées de la même manière (proportionnellement à leur PIB) et sur une même durée dans le temps. Il ne s’agirait que de sciences.
Chaque agence pourrait par ailleurs financer d’autres projets selon leur envie et moyens, de manière autonome ou en coopérant avec une seule autre agence.
Personnellement je pense que créer une seule agence serait une mauvaise idée. Un gros « machin » serait le cadre idéal pour enterrer les projets ou mettre des années pour parvenir à un accord sur quoi que ce soit. Le mieux est la concurrence dans le leadership, comme actuellement, ce qui n’empêche pas la coopération, comme on le constate également.
Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi les Russes ont été exclus des projets des Occidentaux. Les scientifiques russes (pas plus que les pianistes russes, par exemple) ne sont responsables de la politique de leur gouvernement.
Je pense surtout qu’il faudrait que l’Europe se dote (enfin!) des moyens lui permettant de réaliser ses projets spatiaux par elle-même. En particulier la faculté de lancer des missions habitées par ses propres moyens. Cela n’exclut nullement des collaborations (y compris avec la Russie quand la crise actuelle sera passée et qu’il sera possible de s’entendre avec des dirigeants plus « fréquentables »), mais d’égal à égal, pas en étant complètement dépendant d’un partenaire quel qu’il soit.
Tout à fait d’accord, la dépendance totale de l’Europe vis à vis de ses concurrents dans le domaine des vols habités est extrêmement regrettable pour ne pas dire condamnable. Cela tient malheureusement à une posture idéologique et non à une incapacité intellectuelle ou technologique. L’Europe a sciemment refusé de consacrer une part du budget de l’ESA à la conception et la réalisation de vaisseaux habités, considérant que les vols habités était une fantaisie puérile détournant du seul objectif valable du spatial, l’exploration robotique.
Le choix de l’ESA de travailler avec les Russes plutôt qu’avec la NASA vient à mon avis d’une volonté d’indépendance vis-à-vis des Américains: l’ESA peut jouer des muscles avec les Russes à cause du financement, alors qu’avec la NASA, l’ESA sera toujours le second couteau.
De plus, je ne suis pas sûr que la NASA très favorable à plusde partenariats avec l’ESA: l’ESA à part un peu d’argent n’a pas de points forts qui pourraient compenser une faiblesses américaine, la NASA malgré son immobilisme relatif me semble plus audacieuse et dynamique que l’ESA (ne pas oublier que l’ESA est un machin politique avant d’être un outil scientifique, avec plus de gouvernements à caresser dans le sens du poil) et les partenariats demandent un travail supplémentaire pour s’assurer de la comptabilité des équipements.
Reste que la co-présidente du Steering Committee de la Decadal Survey, Robin Canup, a nommément évoqué l’ESA comme partenaire souhaitable des missions de la NASA. Je pense qu’elle parlait, bien sûr, des missions scientifiques robotiques et non des missions habitées.
Merci pour cet article bien documenté mais qui m’étonne à plus d’un niveau.
D’abord la totale absence de la Chine. On ne parle ni de ses projets ni d’une éventuelle collaboration alors que la Chine est le pays dont la recherche spatiale connaît la plus forte accélération.
On ne parle plus beaucoup d’éventuels vols habités vers Mars alors qu’Elon Musk nous laissait espérer un débarquement dans le cours de cette décennie. Lui-même n’en parle plus beaucoup, d’ailleurs.
Et enfin le projet Encelade qui est louable mais j’aurais préféré une plus grande priorité à un atterrisseur pour la mission Europa Clipper. Selon moi, en ce qui concerne la découverte de traces de vie, Europe devrait bénéficier de la plus grande priorité, avant même Mars même si cette dernière nous est plus accessible. Et Europe est plus proche de nous qu’Encelade.
« On ne parle plus beaucoup d’éventuels vols habités vers Mars alors qu’Elon Musk nous laissait espérer un débarquement dans le cours de cette décennie. Lui-même n’en parle plus beaucoup, d’ailleurs. ». Je me suis fait la même remarque aussi. Ce qui me paraît clair est que le calendrier initialement annoncé par Elon Musk, que j’ai toujours considéré totalement irréaliste, ne sera pas tenu et même probablement d’assez loin (malheureusement; j’aimerais me tromper évidemment!).
Concernant la coopération avec la Chine, je pense que les relations avec ce pays ne permettent pas aux Etats-Unis de l’envisager. J’ai remarqué par ailleurs que, lors de la présentation de la Decadal Survey, les co-présidents ont bien mentionné la coopération avec l’ESA mais, en même temps, ont bien pris soin d’éviter de mentionner quoi que ce soit à entreprendre avec la Russie. Je pense donc que pour le moment, sauf la cohabitation dans l’ISS qui est de fait maintenue, rien ne sera engagé à moyen terme avec ce pays.
Elon Musk se bat également avec la FAA (Federal Aviation Administration) pour avoir l’autorisation de voler à partir de son astroport du Texas (Boca Chica). S’il ne l’obtient pas, il sera obligé de faire partir ses vols de Cap Canaveral ce qui les retarderait de plusieurs mois. Cela signifie que la pratique des test qu’utilise Elon Musk pour faire avancer ses projets, est au point mort. On reparlera donc de la faisabilité du Starship quand les tests pourront reprendre.
Concernant Encelade, Robin Canup a clairement dit que le contrôle de rover au sol d’Europa serait beaucoup plus difficile qu’au sol d’Encelade. Il semble que la barrière de radiations de Jupiter soit beaucoup plus redoutable que celle de Saturne.
Mille fois d’accord avec P-H Haldi pour « que l’Europe se dote (enfin!) des moyens lui permettant de réaliser ses projets spatiaux par elle-même ». Les Allemands semblent très intéressés par l’espace et c’est Von Braun qui a commencé. Mais nous sommes chiches de nos sous et les gens manquent de motivation (le foot, là d’accord)_ Les scientifiques russes mériteraient qu’on poursuive la collaboration avec eux? Oui, ils ne sont pas responsables… Enfin, je sais pas. Qui met au point ces missiles si rapides? D’autre part, si Poutine se prend pour un grand guerrier, tous les moyens imaginables doivent être mis en oeuvre pour le raisonner. Les scientifiques en Russie doivent être à la tête des contestataires internes ou alors il faut trouver le moyen de leur donner un courage comparable à celui des Ukrainiens. Ces ingénieurs-là sont admirables pour leur créativité mais pour ce qui est de leur niveau de conscience il faut qu’ils agissent dans le bon sens? Ce qui se passe est extrêmement dommageable pour tous mais c’est écrit quelque part. « Tu ne tueras point ». J’approuve aussi J-J Louis: la Chine en ne soutenant pas aveuglément l’agression russe a prouvé qu’elle ne faisait pas n’importe quoi et l’espace est la clé de la sécurisation et de la paix. Intensifier la collaboration avec elle, oui mais sommes-nous au niveau? Et Elon Musk manquerait-il d’argent, malgré Tesla?