EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Cette semaine (12 août) une étude dirigée par le Dr Vashan Wright de l’Institut Océanographique Scripps*, qui a été publiée dans les PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences, Etats-Unis) fait état d’une découverte concernant l’eau liquide sur Mars. Certains media en ont parlé comme s’il s’agissait d’un Océan caché. Ce n’est pas la réalité quoi qu’il y ait très probablement un volume d’« eau liquide » important s’étendant comme une coque tout autour de la planète. Ce volume pourrait représenter l’équivalent en « eau libre » d’une profondeur de 1 à 2 km. Les problèmes sont (1) que cette eau n’occupe précisément pas un volume libre mais qu’elle imprègne une roche ignée poreuse et fracturée (on parle d’une porosité de seulement 0,1 à 0,2**), et (2) que cette roche imprégnée est située à une grande profondeur, entre 11,5 et 20 km sous le sol.

*Département de l’Université de Californie à San Diego.

**La porosité est une grandeur sans unité qui varie entre 0 et 1. Elle est le résultat d’un quotient du volume des pores d’une roche ou d’un matériau par rapport au volume total.

La découverte résulte de l’analyse des données sismologiques collectées par le sismomètre SEIS (Français, supervisé par le CNES) déposé sur Mars par la sonde InSight (NASA), qui a été actif entre février 2019 et décembre 2022 et a enregistré plus de 1300 vibrations dont de nombreux séismes, dans une gamme d’intensités très variées. La présence d’eau liquide dans les interstices de la roche apparait aux chercheurs comme la meilleure explication possible du comportement des ondes sismiques recueillies. Elle est fondée sur une étude densimétrique des zones traversées.

Trois observations complémentaires peuvent être notées : (1) Le sismomètre n’a pas constaté d’eau dans les premiers 5 km de profondeur. (2) Il n’y a plus de possibilité d’eau en dessous de 20 km, car à cette profondeur, l’effet de la densification due à la pression devient tel qu’il n’y a plus d’espace que l’eau puisse occuper (comme le dit le rapport : « la densité volumique de la couche sous 20 km (±5 km) est la même que sa densité minérale en raison de la fermeture des pores ». (3) L’eau ne parait être à l’état liquide qu’à partir de 11km depuis la surface ; ce qui peut s’expliquer par un gradient de température du sol très raide. Ce gradient était déjà théorisé d’après la masse de la planète et sa distance au Soleil (le sol est gelé – permafrost – et la masse n’est que de 1/10ème de celle de la Terre).

On peut remarquer que l’étude ne parle pas de la glace superficielle. Elle est tout simplement absente de la zone d’Elysium Planitia (4,5°N) où s’est posée InSight et n’est pas l’objet de la recherche. Cependant, on sait bien qu’elle est présente aux calottes polaires, dans le sous-sol immédiat aux hautes latitudes et un peu partout, même près de l’équateur, dans divers inlandsis provenant de la circulation atmosphérique et/ou résultant de l’histoire de la planète (en particulier des changements d’inclinaison de son axe de rotation).

Les conclusions de l’étude sont généralisées sur la base de données recueillies à partir de ce site d’Elysium Planitia, avec bien sûr la « visibilité souterraine » de l’ensemble de la planète que donnent les ondes sismiques reçues. Mais on conçoit bien qu’il peut y avoir des variations locales. Bien que cela ne soit pas mentionnée dans l’étude, il peut en effet y avoir comme sur Terre, quelques « points chauds » où le magma du manteau planétaire serait moins éloigné du sol. Ces points chauds peuvent résulter d’une activité volcanique, pas trop ancienne, ou d’une remontée de magma n’ayant pas abouti à une éruption. Par ailleurs les différences d’altitudes de surface sont très marquées. Le « datum » étant une « moyenne » correspondant à notre niveau de la mer, l’altitude du plateau des terres de l’hémisphère Sud lui est supérieur à 4 km, tandis que l’altitude des basses terres du Nord lui est inférieur à 4 km, avec bien sûr de fortes variations locales comme (en dessous du datum) les bassins d’Argyre et surtout d’Hellas et (au-dessus du datum) les sommets volcaniques y compris l’anomalie que constitue le socle de Tharsis. Sous la croûte planétaire, on peut penser que le noyau, essentiellement liquide, est à peu près sphérique (environ 1800 km de rayon sur 3389 km pour la planète), le manteau l’étant moins au contact de la croûte, ce qui raccourcit les distances à la surface dans les zones les plus basses.

Cette eau liquide en profondeur de la croûte est l’héritage de la période pendant laquelle Mars a été une planète humide, c’est-à-dire du début de son histoire (Noachien/Phyllosien et Hespérien/Theiikien) jusqu’à il y a quelques 3,5 milliards d’années. Ensuite l’eau de surface a été dissipée en partie dans l’espace en raison de la perte d’atmosphère. La gravité résultant de la masse n’a pas pu conserver la quantité initiale et le phénomène a été facilité par l’absence de protection magnétique contre le vent solaire. La pression est descendue très vite vers les niveaux actuels avec des densifications périodiques provoqués par des épisodes volcaniques (de plus en plus rares). Une deuxième partie de cette eau a été gelée en surface et dans le sous-sol immédiat dans des conditions privilégiées de températures généralement froides. Une troisième partie s’est infiltrée dans le sol jusqu’au « refus » (densification progressive de la roche avec la profondeur) correspondant aux 20 km mentionnés ci-dessus, tandis que vers la surface elle s’est peu à peu perdue par sublimation en passant par des failles et anfractuosités diverses. Dans cette zone de la croûte mi-profonde, entre 11,5 et 20 km, il s’agit donc bien d’une eau résiduelle (le volume supérieur ayant disparu) mais elle se trouve en quantité beaucoup plus importante que prévue avant cette étude.

Quand on pense à l’eau liquide on pense bien sûr à la Vie, par analogie avec le rôle que ce liquide a joué sur Terre. Un des chercheurs associés à Vashan Wright, Michael Manga (Department of Earth and Planetary Science, University of California Berkeley), ne manque pas de le faire. Ceci dit, nulle preuve n’est donnée que cette eau martienne contient de la vie car bien sûr nul sondage n’a été fait mais aussi nul automatisme dans le passage de l’inerte au vivant n’a encore été théoriquement démontré. On sait bien que les « objets » spatiaux tels que les astéroïdes et bien sûr les planètes sont de véritables réacteurs chimiques qui, en fonction de leur richesse minéralogique et gazeuse, leur chaleur, leur gravité, facilitent les échanges ou les rencontres et font avancer la complexification des molécules et de leurs assemblages. On peut donc imaginer une complexification beaucoup plus poussée sur une planète qui recèle de l’eau liquide que sur une autre, sèche, ou que sur un astéroïde, beaucoup plus petit. Mais rien ne nous dit que cette transformation doive conduire nécessairement à la vie qui est une forme d’organisation d’une complexité tout à fait particulière résultant aussi bien de processus chimiques que d’une série d’accidents improbable dans un environnement en évolution.

Maintenant, il serait passionnant d’« aller voir » dans cette roche imprégnée d’eau. Mais ce ne sera pas facile. Le forage pétrolier le plus profond, « Tiber Oil Field » dans le golfe du Mexique a atteint 12,205 km (consortium dirigé par BP). Par ailleurs, le puits scientifique le plus profond jamais foré, « Kola Superdeep Borehole » (KSB) dans la Péninsule de Kola en Russie, a atteint 12,26 km. Mais ces profondeurs sont tout à fait exceptionnelles, les puits pétroliers « profonds » étant bien inférieurs à 10 km (plutôt entre 3 et 4 km), et elles sont très difficiles à atteindre. Le forage KSB (effectué par Exxon) devait descendre à 15 km mais a dû être arrêté en raison de la trop forte chaleur atteinte (210°C). Enfin elle suppose un matériel très important, une surveillance active et beaucoup de temps. On peut en déduire qu’atteindre les -11.5 km sur Mars ne serait pas facile. Cependant, comme suggéré plus haut l’accessibilité doit être différente selon les endroits. La température du début de la couche d’eau liquide doit dépendre autant de la température de la surface du sol que de la proximité du magma du manteau sous-jacent. La sonde InSight s’est posée à -2,5 km sous datum. Si on partait du « plancher » de Hellas Planitia qui se situe à environ 7,15 km sous datum, et si la profondeur à creuser pour atteindre la roche imprégnée d’eau liquide n’était « que » de 4 km, on pourrait, peut-être, envisager techniquement un jour de l’atteindre.

En tout cas, si c’est le prix à payer pour savoir si le processus de complexification des molécules organiques a conduit jusqu’à la Vie, un forage beaucoup plus profond que celui d’ExoMars effectué dans un point chaud jusqu’à l’eau liquide, vaudrait la peine (en supposant bien sûr que le forage d’ExoMars n’ait rien donné). Compte tenu de la complexité de l’opération, il faudra très probablement attendre l’arrivée de l’homme. Mais on pourrait commencer par charger un futur orbiteur martien de prendre une carte détaillée des températures de surface pour repérer ce point chaud et conjuguer le résultat avec celui de la di-électricité du sous-sol (eau).

Illustration, carotte de la croûte martienne, crédit Université de Californie, Berkeley ; James Tuttle Keane and Aaron Rodriquez (Scripps Institution of Oceanography)

https://www.pnas.org/doi/epub/10.1073/pnas.2409983121

https://news.berkeley.edu/2024/08/12/scientists-find-oceans-of-water-on-mars-its-just-too-deep-to-tap/

XXXXX

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 2024 07 25

Cet index reprend l’intégralité des 420 articles publiés dans le cadre de la plateforme letemps.ch aussi bien que les quelques 70 articles dans le blog qui y fait suite, celui-ci.

Et, si vous aimez ce blog, abonnez-vous !

…et/ou encore

Achetez Mon livre :

Franchir sur Mars les portes de l’Espace

Sur internet il est disponible chez amazon.fr, chez payot.ch sur le site fnac.com, chez Google books, sur le site de mon éditeur le Lys Bleu éditions. Vous pouvez aussi le commander chez votre libraire. Si vous rencontrez un problème, n’hésitez pas à m’en faire part (voir plus bas).

Si vous souhaitez passer par Amazon et que vous résidiez en Suisse, attention ! Il faut aller sur le site « Amazon.fr » et non sur celui d’« Amazon.de » auquel pourrait vous conduire automatiquement votre recherche. Si vous passez par « .de », les délais de livraison risquent d’être extrêmement longs.

Sur le même site, Amazon.fr, vous pouvez aussi obtenir le livre en format Kindle, avec disponibilité immédiate (et c’est moins cher !).

Sur le site de la Fnac vous pouvez le commander chez fnac.com mais pas encore chez fnac.ch.

Sur le site de Google books, le livre est disponible en e-book.

Si vous allez chez votre libraire et qu’il n’a pas le livre en rayons, demandez-lui de le rechercher sur le site Dilicom et indiquez-lui que le distributeur du Lys Bleu est la société Sodis.

A mes lecteurs suisses :

Le Lys Bleu m’a fait état le 19 juillet, du déblocage de la situation chez Amazon.fr : « Nous avons eu un accord avec Amazon pour la distribution en Suisse avec un délai de livraison de 48h sans frais de douane».

Chez payot.ch j’ai été informé d’une livraison deux mois après la commande mais les délais devraient s’améliorer.

Si vous ne pouvez passer par Amazon ou par Payot et que vous êtes confronté à une date de livraison trop lointaine ou à un prix trop élevé, contactez moi (pierre_brisson  @ yahoo.com).

32 Responses

  1. S’il paraît difficilement imaginable qu’il puisse y avoir de la Vie sans eau (liquide), par contre, comme cela est souligné dans l’article, absolument rien à ce jour ne permet de déduire que la présence d’eau conduise nécessairement à l’émergence de la Vie sur une planète (il y a tant d’autres conditions à remplir).

    1. Il y a de l’eau résiduelle dans l’atmosphère martienne (0,03%). C’est très faible mais cela suffit pour qu’il y ait condensation dans des nuages. Cette eau vient bien évidemment de l’eau primitive, c’est à dire de l’eau contenue dans le nuage protoplanétaire (particules de glace ou roches hydratées), enrichi par un bombardement météoritique après l’accrétion de la planète.

  2. Rappelons que tout sophisme ne permet pas de conclure à l’absence de vie sur Mars. Absence de preuve ne correspond pas à la preuve de l’absence.

    Il est clair que la tendance colonisation de Mars, sans précaution que prône l‘industriel de la mobilité électrique, ne peut accepter l’éventuel présence de vie sur Mars dans sa croûte. Tout argument produit par une réflexion simpliste sera avancé pour légitimer une prise de risque inconsidérée. Pour les hors-la-loi de la protection planétaire, La Terre a connu l’émergence de la Vie dans des conditions qui n’ont pas eu d’égales sur Mars. Alors que les preuves s’accumulent pour révèler que Mars a connu une croûte, une atmosphère à CO2, des océans avant la Terre, car Mars plus petite, s’est refroidie plus rapidement que la Terre.

    N’oublions pas les chocs des planètesimaux (au moins de km de diamètre) vers 3,5 Ga qui ont maltraité le Système solaire (la Lune a enregistré ces chocs que la tectonique terrestre a effacé), contemporains des plus anciennes marques de Vie terrestre.

    Alors pour amorcer un dialogue, comment la Vie terrestre a-t-elle survécu (spatialisation dans l’Espace par éjection secondaire suite à un impact, survie dans les profonds de la Terre)? Ces conditions n’étaient pas présentes sur Mars?

    Le monent est important. Les révolutions COPERNICIENNE ou GALLILEENNE (“et pourtant elle tourne”) doivent être menées, pour montrer que Mars a connu des conditions similaires à celle de la Terre lors de l’émergence de la Vie terrestre! La vie terrestre est-elle unique dans l’Univers où est-elle répandue dans l’Univers comme le révèle l’Histoire de la Vie sur Terre?

    Si la Vie martienne a coexisté à celle terrestre à l’aube de l’histoire solaire, elle a pu survivre aux moments les plus chaotiques de notre système planétaire, et comme la vie terrestre, elle est présente actuellement dans les profondeurs. Elle apparaît de temps en temps en surface, quand l’eau martienne jaillit.

    Explorons Mars pour comprendre nos origines mais envoyons des scientifiques, des notamment des microbiologistes, en conditions P4 pour explorer la planète et interdisons tout type de colonisation hors-la-loi comme celle prônée par l’industriel de l’électrique.

    1. Il y a effectivement dans certains milieux un apriori à vouloir la vie, telle qu’on la constate sur Terre, comme quasi unique voire unique dans l’univers (ou, selon les variantes, dans une de ses parties constituantes). En réalité, on ne connaît pas les origines de la vie. On ne peut donc rien dire de sa fréquence. On croit seulement savoir que les conditions nécessaires à son éclosion sont rarement réunies en un point et un instant donnés, mais cela ne donne aucune indication à l’échelle de l’espace-temps ou de quelque grand ensemble que ce soit. Cela vaut donc pour Mars où la probabilité d’une vie est peut-être faible (à vérifier) mais, en effet, non nécessairement nulle.

      Pour ce qui concerne Musk, sa colonisation de Mars se limite pour l’instant à des effets d’annonce et des clips vidéo. Sur ce point, nous pouvons nous rassurer. Depuis vingt ans qu’il en parle, il n’a toujours pas présenté de projet, c.à.d. de solution technique, calendrier et financement. Elle ressemble chaque jour à un peu plus à du vent.

      Vous avez toutefois raison de parler de hors-la-loi. Car il y a des lois concernant l’espace, que l’intéressé fait mine d’ignorer mais qu’il connaît très bien. Elles interdiraient de toute façon sa colonisation (ce que, feignant la surprise, il dénoncera sans doute le jour venu comme « des bâtons qu’on lui met dans les roues » …). Comme il y a des objections éthiques majeures, elles aussi escamotées.

    1. Je ne vois pas bien ce que cet article apporte par rapport à ceux auxquels je me suis référé pour écrire mon article. Oui, il y a très probablement de l’eau dans la profondeur de la croûte terrestre, comme il y en a dans la profondeur de la croûte de Mars. Ceci dit je ne suis pas d’accord pour qu’on parle d’océan. C’est un mot accrocheur et qui est faux. Il y a évidemment beaucoup moins de circulation d’eau dans la roche que dans un espace libre.

    1. Un océan dans le désert? Un désert abrite des microorganismes que l’on retrouve dans les océans.

      Même autour des grains de sable sec, une couche d’eau très tenue reste adsorbée qui permet aux bactéries de survivre dans un environnement très sec, exposé au Soleil.

      L’IA Copilot résume les connaissances actuelles sur cet environnement acqueux désertique qui intéresse les astrobiologistes:

      « La proportion d’eau adsorbée dans du sable sec est généralement très faible, souvent de l’ordre de 0,1% à 0,5% du poids total du sable. Cette eau est maintenue par des forces capillaires et des interactions moléculaires entre l’eau et la surface des grains de sable.

      Cette fine couche d’eau adsorbée est essentielle pour la survie des microorganismes dans des environnements arides, car elle fournit une source minimale mais cruciale d’humidité. »

  3. Life on Mars!?

    La fenêtre de temps de l’apparition de Vie sur Terre est calculable par une débauche d’analyses statistiques. Si cela se confirme, le court temps sur Terre ouvre de magnifiques perspectives d’apparition de vie martienne dès le refroidissement des planètes dans le Système solaire:

    The nature of the last universal common ancestor and its impact on the early Earth system

    Edmund R. R. Moody, Sandra Álvarez-Carretero, Tara A. Mahendrarajah, James W. Clark, Holly C. Betts, Nina Dombrowski, Lénárd L. Szánthó, Richard A. Boyle, Stuart Daines, Xi Chen, Nick Lane, Ziheng Yang, Graham A. Shields, Gergely J. Szöllősi, Anja Spang, Davide Pisani, Tom A. Williams, Timothy M. Lenton & Philip C. J. Donoghue

    Nature Ecology & Evolution (2024)

    « …How evolution proceeded from the origin of life to early communities at the time of LUCA remains an open question, but the inferred age of LUCA (~4.2 Ga) compared with the origin of the Earth and Moon suggests that the process required a surprisingly short interval of geologic time. »

    https://www.nature.com/articles/s41559-024-02461-1

    Et si la Vie apparaît sur une planète et qu’elle survit au billard cosmique des planétésimaux (une centaine de km de diamètre: les mers de la Lune en sont la trace) datant de 3.5 Ga dans notre système solaire, comment exclure qu’elle ne soit pas encore présente dans l’eau présente dans les croûtes planétaires?

    A noter que cet article date l’organisme autonome LUCA (Last Universal Common Ancestor), une bactérie bien complexe. Il n’explique pas l’émergence de la Vie. La Vie Terrestre a-t-elle émergé de la matière sur Terre?

  4. Pour comprendre l’histoire de la Vie, la seule technique que je pratique est de faire un constat objectif avant de se lancer dans une explication théorique. Avec l’estimation du temps où LUCA a fleurit, antérieur au bombardement intensif, nous devons nous familiariser avec cet environnement extraordinaire avant de théoriser: e.g. automatisme vs darwinisme.

    Si la Vie terrestre vient d’ailleurs par exemple, le darwinisme a pu s’appliquer avant LUCA, dans un environnement autre que la Terre…

    Seule la connaissance scientifique sous le contrôle de la falsification (Karl Popper) doit être à la manoeuvre. Evitons de tomber dans les raccourcis de réflexions du type de ceux qui ont conduit à la condamnation de Gallilée.

    Prar exemple un exemple de raccourci fréquent chez les planétologues amateurs:

    la vie est rarissime dans l’Univers (affirmation non étayée), son apparition est donc complexe (comment le mesurer?), si elle est présente sur Terre, elle n’est pas présente sur Mars.

    La seule réponse scientifique, est que toute affirmation doit être sous le contrôle de la falsification Popper.

    1. Je suis tout à fait d’accord sur l’ouverture d’esprit qu’il convient d’avoir vis à vis de l’apparition de la vie. Je suis moi-même passionné par le sujet et je souhaite qu’on continue à explorer, à étudier, à réfléchir.
      Votre inclinaison à croire que ce puisse être un phénomène naturel n’est pas plus étayé scientifiquement que le mien. Je constate que jusqu’à présent Mars ne nous a pas donné de preuve(s) de vie même au niveau le plus élémentaire. Par ailleurs aucune intelligence supérieure (au moins de notre niveau) n’a pu encore s’exprimer et communiquer dans notre petit coin d’Univers.
      NB: par automatisme, j’entends évolution chimique, éventuellement organique, conduisant nécessairement à la vie.

      1. Nous sommes d’accord. Ni vous, ni moi ne pouvons démontrer que la Vie est apparue sur Mars ou pas. Par contre je m’insurge, quand on ne sait pas, contre les tentatives à démontrer par des argumentations simplistes façon inquisiteur tourmentant Gallilée que la Vie n’a jamais existé sur Mars.

        Il faut y aller. Vous et moi avons envie de le savoir, mais pas dans des conditions qui peuvent mettre en danger notre planète, façon western planétaire libertarien à la Elon Musk. Il faut y aller en condition P4. On y arrivera, mais actuellement on en est incapable. Les propulseurs sont une clé du voyage, le laboratoire P4 en est une autre.

      2. Pour faciliter la discussion multidisciplinaire, votre hypothèse d’apparition de la vie sur Terre par « automatisme » est décrite dans la Britannica par abiogenesis:

        Abiogenesis: the idea that life arose from nonlife more than 3.5 billion years ago on Earth. Abiogenesis proposes that the first life-forms generated were very simple and through a gradual process became increasingly complex.

        https://www.britannica.com/science/abiogenesis

        1. Je ne doute pas de l’abiogenèse. Je doute simplement qu’elle doive se reproduire parce qu’elle s’est produite une fois. Je crois au darwinisme, au hasard et à la nécessité.

          1. Pour illustrer la fragilité de l’aphorisme de Monod: « le hasard et la nécessité ». Nous avions un paragraphe du livre de Monod à commenter en lecture critique dans un examen de 1ère année.

            Je vous rephrase la question: comment associer 1) le hasard à 2) la nécessité?

            Mêler le hasard au déterminisme, bonne chance! En biologie, il n’y a que du hasard. Et si un événement (e.g. une vie vie cellulaire autonome) se produit par hasard dans l’Univers à un moment t, et bien il peut se reproduire ailleurs à un autre moment. L’apparition d’un événement est indépendante de l’apparition d’un événement similaire.

            Si vous introduisez de la nécessité (e.g. de la vie apparue sur Terre rendant impossible l’apparition de la vie sur Mars) dans le monde vivant, ce n’est plus de la biologie mais cela devient de la théologie.

            Laissons au Nobel Monod le mérite du fonctionnement de l’opéron bactérien, mais lisons avec du recul ses réflexions enthropiques.

          2. Je vois la « nécessité » comme le résultat de l’ensemble des contraintes qui s’exercent sur le hasard.
            Autrement dit le hasard ne peut s’exercer que sur une base existante au moment où il intervient et dans un cadre défini par la température, la pression, le degré d’humidité, etc…

  5. Ce que vous croyez, ce que je crois, n’a aucun intérêt pour comprendre le développement de la Vie sur Terre.

    Vous parlez d’abiogénèse sur Terre pour la Vie terrestre. Pour moi la vie terrestre n’a pas eu le temps d’émerger de la matière au moment du refroidissement de la croûte de la Terre et de produire LUCA avec son chromosome sophistiqué à 2000 gènes quasiment simultanément à -4.2 Ga.

    Impossible au vu de la connaissance du vivant que nous avons depuis LUCA. Des mécanismes d’évolution trop rapides: 10, 100, 1000 fois que l’on n’observe pas à l’échelle de la planète pour l’évolution de la vie terrestre depuis LUCA.

    Plutôt que de changer les règles de fonctionnement de LUCA, un argument rasoir d’Occam est d’étendre la fenêtre de temps d’apparition de la Vie.

    Comment? Une abiogénèse comme la vôtre, mais pas sur Terre. Elle a pu avoir lieu ailleurs: sur Mars avec une croûte planétaire plus ancienne que celle de la Terre, ou ailleurs.

    Une fois la vie apparue quelque part dans l’Univers, la sélection naturelle s’est opérée comme nous le constatons actuellement depuis deux siècles.

    Concrètement, votre vision de l’émergence et du développement de la vie est celle que l’on enseigne. Mais la vôtre exigeant que toute l’histoire de la Vie terrestre se soit passée sur Terre impose de changer les lois de la Biologie. Bon courage pour le démontrer au laboratoire!

    Ma vision d’une Vie terrestre apparue ailleurs, est en ligne avec ce que l’on mesure au laboratoire pour expliquer LUCA. Selon cette hypothèse, notre vie terrestre ne serait pas apparue sur Terre. Elle aurait colonisé la Terre comme possiblement d’autres corps célestes.

    Si cette hypothèse se vérifie, la Vie pourrait exister dans les profondeurs de Mars comme notre Vie fleurit dans les profondeurs de la Terre.

    La présence de Vie sur Mars serait fascinante pour les scientifiques, mais une catastrophe pour les échanges commerciaux interplanétaires.

    D’ailleurs proposer de coloniser Mars pour répondre à des besoins commerciaux de la Terre me semble aussi dérisoire que ce qui avait était avancé pour justifier commercialement l’ISS.

    Vous êtes fasciné par le développement industriel. Quel produit profiterait actuellement d’un lieu de production martien? Actuellement aucun. Comme pour l’ISS, tout ce qui peut être produit sur Mars peut être produit sur Terre et vendu sur Terre moins cher: pour 10, 100, 1000 fois moins cher.

    Proposer une colonie martienne est intéressant. Mais la planifier sans une connaissance rigoureuse de la planète correspond à l’image forte de la Bible (je suis agnostique, mais je trouve l’image belle) de la construction d’une maison sans fondation sur le sable (de beaux exemple au cap Code sans le Ma).

  6. Heureusement que Ilya Prigogime, prix Nobel de chimie 1977, avec la philosophe Isabelle Stengers, a répondu au livre de Monod, prix Nobel de médecine, avec leur ouvrage remarquable « La Nouvelle Alliance », à lire absolument. Il y démontre comment, loin de s’opposer, hasard et nécessité coopèrent dans les systèmes complexes hors d’équilibre. Brièvement dit, tout développement passe par des points de bifurcation avec une sensibilité élevée à ces points critiques.
    Par exemple, exemple classique de soi-disant processus dû au hasard, la vie est basée uniquement sur des acides aminés « gauches ». On pourrait attribuer cela au « hasard ». Elle aurait tout aussi bien pu être « droite ». Il n’en est rien ; en effet il y a une dissymétrie fondamentale dans l’Univers, celle de l’interaction faible, qui a causé ce choix « nécessaire ». On peut multiplier les exemples où le hasard attendu classiquement doit céder le pas à une nécessité étonnante. La vie a procédé et continue de procéder ainsi.

    1. Votre exemple des L-acide aminés est une belle intuition à une question qui reste ouverte. Cette intuition n’est pas encore démontrée pour les acides aminés.

      D’autre part, mes réflexions sont parties du postulat (non démontré) des partisans de la théorie qui développe brutalement que puisque la Vie est apparue sur Terre, la vie n’a pas pu se reproduire sur Mars.

      Une révolution copernicienne est nécessaire:

      Je combats donc cette proposition prônant une vie géocentrique et votre réflexion non démontrée pour l’apparition de la Vie va dans mon sens. La vie peut apparaître ailleurs.

      Enfin mon principal problème que ne résout pas Prigogyne est le temps laissé à la vie d’apparaître sur Terre (croûte planétaire refroidie -4.2,Ga) et de produire LUCA au génome sophistiqué à plus de 2000 gènes (-4.2 Ga).

      Si l’on n’élargit pas la fenêtre de temps, il est impossible à la Vie née sur Terre de produire LUCA. Pour élargir cette fenêtre, il faut que le berceau de la vie terrestre soit ailleurs. Et donc que la Terre a pu accueillir une vie apparue ailleurs, Mars également.

      1. Non, la question des acides aminés gauches favorisés par l’interaction faible n’est pas qu’une intuition !
        Il est démontré que les formes gauches ont un contenu énergétique un peu moindre que les formes droites et sont un rien plus stables. La classique « dégénérescence » entre les deux formes est ainsi levée. Il en découle que les cinétiques chimiques qui les concernent sont aussi un rien plus favorables pour les formes gauches. Autrement dit, le vrai énantiomère de la forme droite n’est pas la forme gauche, mais la molécule gauche en antimatière. L’énantiomère de la forme gauche est l’antimolécule de la forme droite. Cela relève de la violation de la parité et du théorème CP dans le théorème plus général CPT. Techniquement dit, dans l’Hamiltonien de calcul de l’énergie de chaque molécule, il ne faut pas seulement tenir compte de la classique interaction électromagnétique, mais aussi de l’interaction nucléaire faible qui agit aussi dans toute molécule. Elle y ajoute une énergie dans la forme droite et en soustrait une même énergie dans la forme gauche qui devient ainsi plus stable.
        Voyez, p.ex., les travaux de Kondepudi et al., à Austin, qui fait une simulation quantitative du comportement d’une lagune prébiotique qui contiendrait au départ un mélange racémique en interaction ; au bout d’un temps incroyablement court, la forme droite a disparu par le jeu de réactions concurrentes qui mènent à une suprématie de la forme gauche. C’est là un résultat remarquable qui prouve que la sélection de la forme gauche a précédé l’apparition de la vie et cela peut se reproduire sur d’autres planètes.

      2. Je suis ouvert à votre explication. Si elle est correcte, les météorites qui contiennent des acides aminés de soupe prébiotique devraient être enrichi en L-acides aminés.

        Mes lectures datent, je suivais ces informations pour répondre à mes questions de soupes prébiotiques.

        Le souvenir que j’en ai gardé est que les acides aminés des météorites étaient racémisés L et R. Avez-vous des données plus précises dans ce sens?

        Pour moi qui ait travaillé sur la synthèse bactérienne de l’acide aminé essentiel L-lysine, je peux vous assurer que dans mes tubes à essai ou dans mes cellules bactériennes, je n’ai jamais observé de racémisation spontanée. Et j’y étais attentif car un précurseur de la L-lys est un L,D diacideaminé (un carboxyl de plus à la L-lys) que la cellule (bactéries, plantes) produit précisément par une voie enzymatique ad hoc.

        Faut-il attendre quelques millions d’années pour mesurer cette différence L et D?

        D’autre part, si votre question est fascinante, une réponse à celle-ci n’apportera pas d’éléments pour répondre au problème du microbiologiste que je suis:

        Si la vie terrestre est née sur Terre, elle n’a pas eu le temps entre le refroidissement de la croûte terrestre (-4.2 Ga) et l’apparition de LUCA (-4.2 Ga) pour faire apparaître LUCA au génome sophistiqué à plus de 2000 gènes (ma compétence pour la thématique LUCA est l’analyse comparative de génomes procaryotes; je l’utilise au quotidien pour épingler par Machine Learning par ex. les auteurs de textes anonymes criminels).

        1. Pour obtenir le consensus dans un domaine, l’AI est excellente. Ce consensus correspond à ma synthèse de la littérature sur le sujet: origine de l’usage des formes L d’acides aminés dans les protéines. Et je suis d’avis que consensus n’est pas forcément réalité:

          Selon Copilot:

          « Les protéines sont constituées uniquement d’acides aminés de type L (lévogyres) en raison de l’évolution biologique. Voici quelques points clés pour expliquer ce phénomène :

          1. Origine de la vie : Lors des premières étapes de la vie sur Terre, les acides aminés L ont été sélectionnés de manière aléatoire. Une fois ce choix fait, il a été conservé car il permettait une uniformité dans la structure des protéines

          2. Compatibilité enzymatique :
          Les enzymes, qui sont des protéines elles-mêmes, sont spécifiques à la configuration L des acides aminés. Cela signifie que les enzymes ne peuvent catalyser efficacement les réactions qu’avec des acides aminés L.

          3. Stabilité et fonction : Les protéines formées à partir d’acides aminés L ont des structures tridimensionnelles spécifiques qui sont cruciales pour leur fonction. Utiliser des acides aminés D (dextrogyres) pourrait perturber ces structures et rendre les protéines non fonctionnelles.

          En résumé, l’utilisation exclusive des acides aminés L dans les protéines est le résultat d’une combinaison de sélection évolutive et de compatibilité biochimique. »

          Ce point de vue n’intègre pas la stabilité de des énantiomères comme l’explication que vous m’avez fournie.

        2. Brièvement répondu, oui, il y a enrichissement en L dans des météorites. Je retrouverai une référence récente.
          Il faut évidemment que le système réactionnel soit hors d’équilibre, menant à un point de bifurcation dont le « choix » de la branche, ici L ou D, est extrêmement sensible à un moindre biais, ici l’effet de l’interaction faible dissymétrique, conduisant à un embranchement non aléatoire. Les réactions menées en laboratoire sont en général proche de l’équilibre.
          La durée nécessaire pour un enrichissement à 98%, relevée par Kondepudi, n’est que de 15’000 ans.
          Références : Nature, 314, 438, 1985 ; Phys. Rev. E 59, 3382-3385, 1999 ; Chirality, 20, 524-528, 2008 ; Physica A, 125, 465-496, 1984 ; ainsi que les travaux de S. Mason, P. Decker, W. A. Bonner, R. Hegstrom, etc.

          1. Je vous remercie pour les précieuses informations physicochimiques qui ont échappé au microbiologiste de laboratoire que j’étais, et à beaucoup de microbiologistes…

            Je vous rappelle que cette information pertinente pour l’origine de la Vie n’éclaire pas la problématique de l’émergence de la Vie terrestre: un temps trop court entre le refroidissement de la croûte terrestre (-4.2 Ga) et l’apparition de LUCA au génome sophistiqué à plus de 2000 gènes (-4.2 Ga).

            La seule façon de réconcilier parcimonieusement ces informations est de proposer que le berceau de la vie terrestre n’était pas la Terre.

            Si cette proposition se confirme, la probabilité d’une vie martienne devient très grande. Son écosystème sur Mars serait la croûte de sa planète, équivalent à celui que connaît la vie terrestre souterraine.

            La présence de vie souterraine martienne changerait drastiquement le développement d’une colonie martienne.

            Les conditions P4 seraient la règle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

Abonnez-vous à ce blog par e-mail.

Saisissez votre adresse e-mail pour vous abonner à ce blog et recevoir une notification de chaque nouvel article par e-mail.

Rejoignez les 89 autres abonnés