EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Certains jouissent simplement du merveilleux globe bleu où ils vivent immergés. D’autres, au-delà du doigt regardent la Lune, éloignée mais sur laquelle on pourra bientôt retourner. Personnellement et comme je l’espère, beaucoup d’autres que moi, je me sens puissamment attiré par l’autre objet que l’on voit sur la photo, la toute petite bille ocre et terne, d’autant plus intrigante qu’elle est discrète, Mars, encore plus loin que la Lune, « beaucoup plus loin que loin » comme aurait dit Coluche.

Cette photo et le commentaire que je lui donne, expriment assez bien pour moi les différents états d’esprit qui permettent de classer nos contemporains. J’en vois trois catégories. Ceux de la première se soucient peu du monde extérieur à leur bulle, ils se cantonnent dans notre biosphère de tout temps considérée immense mais que l’on ressent de plus en plus rétrécir au fur que nous circulons et que nous communiquons mieux ; les étoiles ne sont pour eux que de belles lumières scintillant sur la voûte céleste, un décor intangible pour la poésie et pour l’amour (cette dernière appréciation étant, je le reconnais, également partagée par beaucoup d’hommes et de femmes des autres catégories). Ceux de la deuxième gardent les pieds sur Terre et veulent y rester mais ils ont conscience de l’espace environnant et ils veulent mieux le connaître pour éventuellement élargir leur domaine d’action et en tirer profit toujours sur cette même Terre. Ceux de la troisième sont prêts à vraiment partir, à larguer les amarres, ou même pour certains à rompre les ponts, par attrait de l’inconnu ou par amour de l’aventure. Quand ils voient Mars, ils s’y projettent corps et âme, pour le moment par la seule pensée mais aussi par leur réflexion et leurs calculs devenant dans certains cas leur travail. Ce ne sont pas les plus nombreux mais ce sont les plus curieux et les plus rêveurs. Ce sont aussi les plus exigeants, ceux qui ne se contentent pas de la Lune ou qui même, pour les plus extrémistes, la dédaignent, parce qu’elle est trop proche, trop petite et trop grise, mais qui comprennent que Mars puisqu’elle n’est pas aujourd’hui aussi morte et qu’« elle a de beaux restes », a pu être autrefois vivante et qu’elle pourrait peut-être le redevenir, au moins suffisamment, avec eux, pourvu qu’ils utilisent les forces technologiques nécessaires qu’eux-mêmes aujourd’hui peuvent mobiliser.

Cela ne veut pas dire qu’ils refusent de passer par la Lune pour atteindre Mars. Au contraire, la déesse Artemis avec son fin croissant de lumière en diadème dans les cheveux ou bien qu’elle brandit comme un arc lorsqu’elle chasse, est la bienvenue pour concrétiser leur projet car c’est elle qui va leur/nous ouvrir la porte, pourvu que nous ne la négligions pas et sachions la séduire en lui rendant régulièrement visite avec nos missions aujourd’hui programmées, en la suivant sur le terrain, nature-sauvage/espace-profond, où elle nous ouvre le chemin, et en lui démontrant que nous apprécions tous ses charmes. Plus qu’un autre intercesseur, il semble aujourd’hui que c’est elle qui puisse le mieux faciliter l’envoi de notre vaisseau, que l’on peut voir comme la pointe acérée d’une flèche tendue sur le fil de notre savoir par sa main délicate et puissante accompagnant et guidant la nôtre, dans le cadre étroit et précis de ce même arc lumineux par-delà lequel nous apercevons notre but, la précieuse petite bille ocre et terne.

La Lune apparaît donc de plus en plus comme la porte par laquelle nous devons passer pour pouvoir un jour aller vers et sur Mars et, si nous franchissons cette première porte, Mars sera la seconde, notre véritable introduction à l’Univers immense. Si nous franchissons cette seconde porte, nous aurons alors acquis notre vraie liberté, celle de nous mouvoir dans l’espace illimité, de choisir non seulement notre lieu de vie mais notre environnement planétaire et un jour, peut-être, l’étoile devenue notre nouveau Soleil. Une fois cette liberté acquise, nul doute que nous serons capables, comme des héros antiques, comme l’architecte Dédale et son fils Icare s’ils étaient transposés dans le temps d’aujourd’hui, de créer au-delà de simples vaisseaux, nos propres astres, les sphères ou les cylindres que Gerard O’Neill a imaginés construire à partir des matériaux de la Lune, pour voguer sur les courants ouverts par les diverses forces de gravité jouant concurremment dans cet espace illimité, en exploitant bien sûr l’énergie inépuisable du Soleil.

Ce sont toutes ces possibilités sinon ces promesses que je vois en regardant la photo de Mars apparaissant derrière la Lune que je partage avec vous aujourd’hui. C’est une image qui donne courage et espérance, un moteur en quelque sorte, aussi puissant que les moteurs tangibles du SLS ou du Starship car c’est le moteur de la Motivation, celui qui suscite et qui entraine à « faire », qui motive pour créer les vrais moteurs de métal et leurs ergols de plus en plus puissants et de moins en moins massifs et de plus en plus maniables, et qui motive aussi pour surmonter les difficultés techniques ou financières. Si de telles photos ne pouvaient avoir de tels effets, toute la population terrestre appartiendrait à la première catégorie que j’évoquais au début, celle qui se contente de vivre au sein de notre merveilleuse bulle bleue.

J’introduirais toutefois un bémol: il faut un pont entre ceux qui voient cette image dans leur tête et l’ensemble de la population qui peut faire. La petite constellation des poètes sera certes pour le monde toujours un ferment. Leur esprit est en effet le seul atelier où l’image peut naître car ils sont incontournables pour simplement envisager la création, comme Rimbaud qui voyait la mer immense dans une simple flaque après la pluie et qui partit se perdre jusqu’en Abyssinie ou comme ceux qui se voient eux-mêmes dans le paysage austère mais splendide de Mars et demain dans la lumière des étoiles simplement au travers de l’image quelconque d’une petite bille ocre et terne. Mais ce n’est pas suffisant. Ce pont indispensable que je viens d’évoquer, ce sont des êtres hybrides, des Janus bifrons, qui sont sensibles au chant des poètes et qui avec eux regardent le ciel mais qui avec leur autre face regardent en même temps la matière. Ce sont soit des artisans-scientifiques comme le génial réalisateur de la machine d’Anticythère ou des constructeurs-artistes comme les architectes qui édifièrent les cathédrales ou des entrepreneurs-inspirés comme aujourd’hui, Elon Musk et ses ingénieurs passionnés ou, pour commencer à regarder sérieusement comment franchir la Seconde Porte, Iouri Milner, le promoteur de Breakthrough Starshot et ses équipes de chercheurs non moins enthousiastes. Pour concrétiser un rêve il faut non seulement avoir la tête dans les nuages mais il faut encore avoir les pieds sur Terre et sans doute du temps et de l’argent.

Joyeux Noël à tous et soutien aux « hommes de bonne volonté » pour ramener la Paix dans la Justice sur cette Terre commune et pour le moment unique. Surtout, n’oubliez pas la petite bille ocre et terne. Contrairement à ce que beaucoup pensent et disent, c’est un vrai Nouveau-monde et un jour, nous en parcourrons les vallées desséchées avant d’y faire à nouveau couler l’eau et chanter les couleurs de la vie.

Illustration : Photo prise par la NASA le 09 décembre 2022 depuis le sol de la Terre mais qui aurait pu être prise à la même date par une des caméras embarquées sur le vaisseau Orion de la mission Artemis. Crédit/copyright Tom Glenn (https://twitter.com/thomasdglenn) et NASA (APOD). Mars se trouvait alors à 82 millions de km. Je remercie Christine Vogt pour avoir attiré mon attention sur elle.

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Index L’appel de Mars 22 11 30

14 Responses

  1. Je ne crois pas du tout que cette photo ait pu être prise par la sonde Orion le 9 décembre !
    Il s’agit de l’occultation de Mars par la Lune vue depuis la Terre (visible en Suisse le 8 décembre vers 7 h du matin durant une heure), une photo prise (avec un télescope avec un grossissement confortable) par Tom Glenn à San Diego probablement juste avant minuit, heure locale, le 7 décembre ; voir ici un descriptif :
    https://apod.nasa.gov/apod/ap221209.html
    Il y avait une surprenante coïncidence cette nuit-là entre la pleine lune, l’opposition de Mars et cette rare occultation !

    1. Vous avez raison Monsieur de Reyff. Cette photo a été prise depuis la Terre…mais cela ne change rien à l’ensemble de mon texte et à la réflexion qui le nourrit. Cela ne change rien non plus à ce que l’on voit puisqu’il n’y a nul écran terrestre visible entre la source de la photographie et la Lune. On aurait pu voir exactement le même spectacle Depuis Orion, de lever ou de coucher de Mars, à peu près à la même date (la capsule Orion est revenue sur Terre le 11 décembre), en étant bien sûr équipé d’un télescope adéquat.
      .
      Ce qui est merveilleux et intrigant…et attirant, c’est bien cette petite bille ocre et terne située alors à 82 millions de km de l’environnement terrestre, la planète Mars, où nous pourrons aller après être retournés sur la Lune et qui sera notre véritable introduction à la vie dans l’Espace.
      .
      NB: J’ai pris note de cette observation et modifié ma référence à la photo en conséquence, pour mieux informer le lecteur. Merci.

  2. Curieux quand même que vous parliez régulièrement des ingénieurs. La plus belle définition de l’ingénieur, c’est quelqu’un qui a appris des ordres de grandeur réalistes.

    Quant aux modèles, puisque vous commencez par un modèle sorti de votre imagination, ils sont tous faux, toutefois certains sont utiles.

    En tout cas, dans ma tête, vous ne cessez d’être une fameuse curiosité, un être inclassable. Le plus étonnant, c’est quand vous vous préoccupez d’événements de probabilité asymptotiquement nulle dans des conditions déjà elles-mêmes irréalisables. Question d’ordre de grandeur …

    Allez, « le temps est supérieur à l’espace », et notre temps est désormais structuré d’après la venue d’un enfant annoncé comme le « prince de la paix », né parmi les animaux dans un territoire très proche de la vallée la plus basse de notre planète, largement sous le niveau de la mer. Joyeux Noël.

    1. Curieux quand même ces personnes qui se croient obligées d’être désagréables quand elle s’expriment. Ca vous donne de l’assurance? Vous vous sentez plus fort ou plus convaincant?
      Quoi qu’il en soit, vos arguments qui sont des affirmations sans aucun développement me semblent très insuffisants pour être retenus et considérés. En fait vous ne démontrez rien du tout, vous êtes simplement…désagréable.
      Joyeux Noël quand même.
      NB: Bethléem est beaucoup plus proche de Jerusalem que de la Mer Morte.

  3. Ici, je suis parfaitement d’accord avec M. Pierre Brisson. Les poètes et romanciers visionnaires rejoignent les ingénieurs de l’espace dans la vision d’une humanité décomplexée qui saura faire, si elle est sage, du cosmos sa destinée en commençant par la Lune, Mars ensuite comme véritable laboratoire de nos ingéniosités et pas à pas des pans entiers du système solaire. Finalement, dans un futur pas si lointain, nous irons explorer d’une façon ou d’une autre, le système solaire voisin, celui aux trois soleils.

    Joyeux Noël plein d’Énergies cosmiques et Excellente Année de Paix 2023, en allant au-delà de nous-même pour nous projeter dans cette fantastique exploration, but noble qui nous distingue de toutes les autres espèces vivantes sur Terre…

    1. @ François Donneur Rigal
      C’est bien vrai que les poètes rejoignent les ingénieurs.

      Quand vous lisez les dernières strophes de Bénédiction (Les Fleurs du Mal), il paraît évident que Charles Baudelaire a entrevu l’oscilloscope cathodique qui n’apparaîtra pourtant que cinquante ans plus tard.

  4. Les personnes qui travaillent réellement pour aller sur mars se donnent souvent comme but le désir de trouver des preuves d’une vie ancienne et semblent pour beaucoup (du côté de la NASA) s’accrocher à cette seule idée. Une nouvelle question me semble intéressante à poser: se pourrait-il qu’il y ait sur mars du CO2 ou mieux encore de l’oxygène introduit par la pluie dans des roches mantelliques au temps où mars ressemblait à la terre? Il y a actuellement chez certains chercheurs à Oman, une réflexion sur la possibilité de stocker nos excès de CO2 dans des affleurements du manteau terrestre repérés en plusieurs endroits de la terre et cela existe déjà de façon naturelle. Si nous avons de la chance les cosmonautes, sur mars cette fois, auraient là un apport d’oxygène non extrait de l’atmosphère

  5. Je suppose que l’on peut être en désaccord sans passer pour désagréable. Le texte proposé est inspirant et dit beaucoup de vérités, mais certaines affirmations interpellent.

    Nos contemporains se répartiraient en 3 catégories. Les planétologues et astronomes professionnels sont, pour l’immense majorité, des chercheurs passionnés. Ils ont choisi l’étude des corps célestes la plus complète possible et sans idée de profit pour la Terre. Mais aussi dans leur immense majorité, ils jugent insensée toute idée de migration interplanétaire dans un avenir prévisible. Où les classe-t-on ?

    Les membre du 3ème groupe seraient « les plus curieux, les plus rêveurs » et « les plus exigeants ». Ceux des autres catégories (et les inclassables) seraient donc moins curieux, moins rêveurs et moins exigeants. Pourquoi ?

    Ces membres du 3ème groupe sont prêts à se projeter corps et âme dans l’inconnu. Il faudrait y ajouter « et descendance comprise ». Une migration bornée au globe terrestre ne conduit pas à s’enterrer dans un bunker, à dépendre d’un scaphandre pour sortir, et à s’exposer à une gravité différente dont on ne connaîtra qu’après et trop tard les effets de long terme sur la santé. Une migration planétaire, si. Ces contraintes extrêmes, rien ne dit que les descendants les auraient acceptées pour eux-mêmes – si on leur avait laissé le choix. N’y a-t-il pas là un vrai problème éthique ?

    Enfin, depuis 2500 ans, les philosophes ne sont pas parvenus à s’entendre sur un concept univoque de liberté. Mais nous en aurions identifié la variante « vraie», qui serait celle de nous mouvoir dans l’espace illimité. Ne sommes-nous un peu rapides dans nos conclusions ?

    Un joyeux Noël à toutes et tous !

    1. Excellent message. Oui, on peut être en désaccord sans être désagréable (« …but man, proud man… most ignorant of what he’s most assured… »), ceci d’autant plus qu’en effet, ce texte inspire et interpelle, comme tant d’autre sur ce blog pas comme les autres. Et oui, dans leur immense majorité les chercheurs sont passionnés par leur domaine de spécialisation, même si les contraintes et pressions de tous ordres – politiques, économiques, industrielles et commerciales ou Idéologiques – se sont efforcées et même aujourd’hui plus que jamais, de les asservir à leurs propres fins.

      Aux trois catégories que propose ce blog, ne pourrait-on ajouter une autre, celle des « rêveurs » (scientifiques ou non) pris plus ou moins malgré eux au piège de leurs propres mirages? Dans son livre « Morts pour la science – 68 destins scientifiques tragiquement contrariés », paru aux Presses polytechniques et universitaires romandes en 2022, Pierre Zweiacker rappelle que la science n’est pas une sinécure. Il y recense vingt-trois suicides, vingt-et-un meurtres, huit accidents mortels et quatre cas de décès d’origine douteuse en deux mille ans d’histoire des sciences. Il ajoute même quelques cas litigieux où la mort ne peut pas être rattachée clairement à l’activité scientifique de la victime (chagrin d’amour d’Evariste Galois, accident de Pierre Curie …).

      Depuis l’origine des temps, apprend-on dans ce livre très original, les sciences sont jonchées de cadavres. Assassinats de rivaux, suicides de génies s’estimant incompris, querelles de paternité tournant au drame, vengeances de collaborateurs spoliés, expériences qui ont mal tourné … L’histoire des sciences est peuplée de scènes de crimes comparables à celles imaginées par les meilleurs auteurs de romans policiers… Patiemment, l’auteur de « Morts pour la science » a classé ses cas par discipline. La physique et la chimie, évidemment, ont leur lot d’accidents du travail. Les pratiques expérimentales, dangereuses jusqu’à l’inconscience, s’étaient répandues chez les physiciens du XVIIIème siècle, ou tout du moins parmi ceux qui se donnaient pour mission d’étudier la foudre, l’un des principaux thèmes de recherche du moment. Nombre d’entre eux frôlèrent la mort, sauf …Georg Wilhelm Richmann qui y succomba. A Saint-Pétersbourg, afin d’étudier confortablement la foudre, ce physicien avait installé un long conducteur métallique capable de la guider jusque sur son bureau. Son dispositif – très au point il faut croire – fonctionna au-delà de toute espérance. Le 6 août 1753, Georg-Wilhelm – le premier savant à avoir reniflé un éclair d’un peu trop près – mourut en martyr de la science, foudroyé dans son fauteuil de bureau avec une forte odeur de viande brûlée.

      En maths, ce sont les assassinats et les suicides qui abondent. Hypathie d’Alexandrie, fille de Théon, directeur de l’université de l’antique métropole et de sa célèbre bibliothèque, était la seule mathématicienne de l’Antiquité. Géométrie, algèbre, astronomie, rien n’arrêtait son intelligence. Pourtant, cet esprit brillant, qui dirigeait aussi une école de philosophie, sera assassinée en 415. Ce crime aurait été commandité par une autorité ecclésiastique pour qui une femme ne devait pas se mêler de sciences. Le scénariste et écrivain Alejandro Amenábar a retracé la vie d’Hypathie dans son film « Agora », sorti en 2009.

      Brillant théoricien, Archimède était aussi un ingénieur qui inventa la vis sans fin et des machines pour la défense de Syracuse comme la catapulte. Grâce à ses créations, Syracuse résista pendant trois ans aux Romains lors de la Seconde Guerre Punique. Mais la ville finit par être prise et Archimède sera tué par un soldat romain auquel il refusait d’obéir pendant qu’il tentait de résoudre une équation. Plutarque décrit ainsi sa fin de vie:

      “Comme le destin le voulait Archimède était en train de résoudre un problème par un diagramme, et avait les yeux et l’esprit fixés sur l’objet de sa réflexion ; il ne remarqua pas l’entrée des Romains, ni le fait que la villa a été prise. Inopinément, un soldat survint et lui demanda de l’accompagner. Comme il refusait d’obtempérer tant que son problème n’était pas résolu, le soldat fou de rage brandit son sabre et le transperça …“ (Plutarque, Vie de Marcellus, chapitre XIX, 8-12).

      Tous les mathématiciens ne meurent pas assassinés, certains (Renato Cacciopoli et Alan Turing) se suicident ou deviennent fous. La célèbre formule de Fermat peut tuer : en 1958, le mathématicien japonais Yutaka Taniyama se suicida, par désespoir de ne pas l’avoir résolue. Gödel, qui craignait d’être empoisonné, mourra quasiment d’inanition (il ne pesait plus alors que 29 kg). Il croyait aux anges comme au diable – parmi bien d’autres étrangetés – et tente au cours des années de constituer ses idées bizarres en un système logiquement cohérent, dont l’analyse éclaire d’un jour nouveau ses découvertes mathématiques.

      Difficile voire impossible d’énumérer les génies morts incompris dans la misère la plus totale et ignorés de tous (Denis Papin), ceux qui dérangeaient (Giordano Bruno ou Diane Fossey) ou encore ceux dont la maladie est due à leurs travaux (Marie Curie) …

      Plus en rapport avec l’exploration spatiale, comment a-t-on calculé la distance de la Terre du soleil ?
      Depuis quand savons-nous que notre planète est aplatie aux pôles ? Pour effectuer les mesures de la Terre et du ciel, des savants ont entrepris des expéditions aussi périlleuses qu’incertaines, auxquelles le blog de Monsieur Brisson ne manque pas de faire le lien, et sont allés jusqu’au bout du monde, poussés par la seule soif de connaître. Ce sont les fabuleuses aventures de La Condamine au Pérou, de Maupertuis en Laponie, de Chappe d’Auteroche en Sibérie, de Méchain en Espagne et de bien d’autres astronomes souvent restés dans l’ombre.

      « Morts pour la science »… un livre qui pourrait intéresser les futurs explorateurs de Mars?

      Heureuses fêtes de fin d’année à toutes et à tous.

      1. Merci Cher A.Ldn de votre compliment et de votre recommandation de lecture.
        Après votre présentation, je crois que plusieurs lecteurs, comme moi-même, seront incités à lire ce livre « Mort pour la Science ».
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        Comme vous le dites la mort de ces scientifiques a pu être accidentelle mais sans doute Pierre Curie était-il trop absorbé dans ses pensées pour ne pas percevoir le véhicule à cheval qui allait le renverser puis l’écraser et l’on peut comprendre qu’Archimède n’ait pas voulu interrompre une réflexion qui devait exiger une attention extrême. L’accident dont se sont servi les Parques pour couper le fil de leur vie n’était donc certainement pas provoqué mais il est compréhensible quoique « bête et méchant ». Par ailleurs comment ne pas comprendre ceux qui ont dédié leur vie à la résolution d’un problème et qui se suicident en se retrouvant dans une impasse qui bouche complètement leur unique horizon?
        .
        Toutes ces morts soient qu’elles aient écourté les potentialités d’une force créatrice hors du commun, soient qu’elles aient sanctionné un échec et donc la fin d’un rêve, sont dramatiques. Mais la mort de ceux qui étaient encore dans leur période créatrice et qui ont pris la décision de se suicider, est encore pire car cette mort était sans doute évitable si une affection humaine, cas d’Evariste Gallois, avait pu leur être donnée ou s’ils avaient été moins sensibles à la méchanceté des autres, cas de Ludwig Boltzmann.
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        Par ailleurs tous les scientifiques ne sont pas « des petits saints ». Dans ce monde aussi très humain, les rivalités et les jalousies sont féroces et les « originaux » sont mal vus. Souvenons nous de Doppler ou même de Pasteur.
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        Le thème est passionnant car il ouvre aussi la réflexion sur le caractère non reproductible de notre civilisation aujourd’hui. Que serions nous si des découvertes sur lesquelles « tout » repose n’avaient pu être faites? Que serions nous a contrario si d’autres qui ont été avortées, avaient été menées à bien?

    2. On peut être un contradicteur sans être désagréable et vous en manifestez la preuve, cher Monsieur.
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      J’ai réparti mes contemporains en trois catégories mais vous savez bien que la réalité est souvent fluide et complexe et que les catégories que l’on peut percevoir tranchent presque toujours dans le vif des marges ou des nuances. Ceci dit je classerais volontiers les planétologues et astronomes professionnels à enracinnement terrestre dominant, dans la deuxième catégorie, tout simplement celle de ceux qui n’osent pas envisager le grand saut, en pensant que la Terre est le seul endroit l’homme puisse vivre. NB: le profit n’est pas à comprendre uniquement dans son sens financier; ce peut-être dans le sens « avantage pour progresser dans divers domaines en restant sur Terre ».
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      Pour ce qui est des enfants, j’oserais dire que les parents sont responsables de leurs enfants et que les enfants nés sur Mars souffriront certes de limitations par rapport à ceux qui vivront sur Terre mais qu’ils auront aussi des avantages par rapport à beaucoup de ces derniers. Donne-t-on un permis de procréer à un couple installé dans un pays africain déjà surpeuplé et sans ressources et dont les perspectives pour l’enfant sont de vivre adulte dans un pays encore plus surpeuplé et encore plus pauvre? Donne-t-on un permis de procréer à un couple de Chrétiens coptes dans l’Egypte contemporaine et qui trie les ordures dans des conditions épouvantables, en sachant que leur enfant sera confronté à des difficultés épouvantables et encore plus s’il s’agit d’une fille? Donne-t-on un permis de procréer à un couple dont l’homme et la femme travaillent intensément et ne peuvent tout simplement pas s’occuper de leur enfant parce qu’ils n’en ont pas le temps (ou ne veulent pas le prendre)?

  6. Oui, des génies meurent fous mais certains sauvent le monde. Oui, on peut être en désaccord. Mais on doit raisonner et parfois certaines opinions s’avèrent importantes. La bombe atomique est un joli jouet et vous croyez qu’à force de le contempler il n’y aura pas quelqu’un qui voudra voir ce que ça fait? Il y a deux petits précédents et les bombes ont de plus en plus de puissance. Ensuite nous avons de très bons chercheurs en médecine mais l’erreur est humaine et les militaires aussi ont soif de savoir médical. Enfin vous me direz que l’histoire ne repasse pas les plats mais l’arrivée d’un météore, ça peut faire des dégâts. Pensez à la formation de la lune. Ne parlons plus d’autres catastrophes expérimentales ou climatologiques genre super-réchauffement… ou super-E.T. Je suis pour les voyages dans l’espace. Je vois l’humain sur mars comme un moyen de faire repartir la vie sur terre après une abomination. Ah oui, leur vie sera terrible et inconfortable. Ils seraient enfermés dans une sorte de sous-marin nucléaire abrité dans une grotte, ne sortant qu’avec des scaphandres. Mais je n’aime pas l’idée d’attendre le couteau du bourreau sans rien faire. Et on trouvera peut-être un composé solide de l’hydrogène capable de nous protéger des rayons cosmiques. Si, si, ayez confiance en l’homme!

  7. @ A. Ldn
    Merci beaucoup d’avoir signalé l’existence de ce livre qui paraît fort intéressant.
    Je ne suis pas mort pour la science mais une expérience de chimie m’a quand même fait perdre un œil et la moitié de mes dents.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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