Je passe cette semaine la parole à Robert Zubrin qui vient de faire dans un texte magistral publié par la National Review, l’exposé le plus clair que j’ai lu sur la faisabilité de l’établissement de l’homme sur Mars. Selon lui (et je partage totalement ce point de vue), cette faisabilité repose sur le désir d’individus volontaires et capables, dont principalement Elon Musk, et sur l’esprit de Liberté. C’est cette combinaison qui a permis par la créativité, l’innovation sans entraves, le travail et la création de richesses propres, la réalisation du rêve américain. Et c’est cette même combinaison qui permettra l’ouverture sur Mars d’une nouvelle « frontière » pour l’humanité. Contrairement à ce que beaucoup croient, ce ne peut pas être les décisions des dirigeants des Etats aux commandes de lourdes bureaucraties car ils sont contraints par des procédures collectives, et des préoccupations électoralistes (auxquelles ils se soumettent volontiers car leur but est de se faire élire puis le plus souvent de rester au pouvoir), à l’indécision et au désir de « faire plaisir à tout le monde ». La démonstration, frappante, de cet état de fait est exposée par la comparaison entre le développement du programme Starship d’Elon Musk et celui du programme SLS de la NASA.
Elon Musk’s Plan to Settle Mars
par le Dr. Robert Zubrin
publié dans la National Review le 22/02/20
(traduction Pierre Brisson)
La semaine dernière, ma femme Hope et moi nous sommes rendus à Boca Chica, au Texas, pour rencontrer Elon Musk. Pendant que nous parlions à l’intérieur du siège local de SpaceX, un groupe de mariachis jouait à l’extérieur, offrant un divertissement à de longues files de personnes faisant la queue pour postuler à plusieurs catégories d’emplois. Les centaines déjà embauchées travaillaient dans le complexe. Il y en aura bientôt des milliers.
Musk appelle son projet « Starship » (vaisseau des étoiles). C’est une fusée à deux étages propulsée au méthane/oxygène, en acier inoxydable, avec une capacité de charge utile égale à la Saturn V, celle qui a envoyé les astronautes d’Apollo sur la Lune. La Saturn V, cependant, était « consommable » (i.e. non réutilisable), chaque unité étant détruite lors de son unique utilisation. Le Starship sera, lui, entièrement réutilisable, comme un avion de ligne, et il promet donc une réduction radicale des coûts de transport de charge utile.
La capacité du Starship doit encore être démontrée. Pourtant, voici Musk qui ne construit pas seulement le premier vaisseau expérimental pour « prouver le concept » mais, comme nous l’avons vu le lendemain, un centre de production aérospatiale et une flotte. Est-il fou? Selon les critères conventionnels de l’industrie aérospatiale, il l’est certainement. Mais il y a une logique dans sa folie.
Je connais Musk depuis environ deux décennies maintenant. En 2001, j’étais parmi ceux qui l’ont aidé à le convaincre de faire de Mars son objectif. Son plan est basé dans une large mesure sur mon propre travail qui est généralement connu sous le nom de « plan Mars Direct ». Publié en 1990 et élaboré en détail en 1996 dans mon livre The Case for Mars, Mars Direct a constitué une rupture radicale avec les précédentes réflexions de la NASA sur la façon dont les missions humaines sur Mars pourraient être menées. Mais le plan de Musk basé sur son Starship est encore plus radical.
A l’exception d’une période dans les années 1990 où la NASA, sous la direction de Mike Griffin, son administrateur associé pour l’exploration, adopta une version quelque peu diluée de Mars Direct, l’agence spatiale est restée dans un paradigme présenté par Wernher von Braun, selon plusieurs variations, entre 1948 et 1969. D’après ce paradigme, on devrait d’abord construire des stations orbitales qui seraient utilisées comme plates-formes pour la construction en orbite de vaisseaux spatiaux interplanétaires géants utilisant des systèmes de propulsion avancés, qui voyageraient depuis l’orbite de la Terre (ou selon la politique actuelle et de manière plus absurde, depuis l’orbite lunaire) vers l’orbite de Mars. Quittant ces vaisseaux-pères orbitaux, de petites navettes de débarquement emporteraient des équipages jusqu’à la surface martienne pour « planter le drapeau », laisser quelques empreintes, puis revenir en orbite après un court séjour.
Au contraire, les plans Mars-Direct et Starship utilisent tous les deux le vol direct, de l’orbite terrestre à la surface de Mars, avec retour direct de la surface de Mars à la Terre en utilisant comme ergols le méthane et l’oxygène produits sur la planète rouge à partir de matière locale. Les deux plans écartent tout besoin d’infrastructure orbitale, de construction orbitale, de vaisseaux-pères interplanétaires, de petites navettes de débarquement ou de propulsion avancée. Les deux impliquent des séjours de longue durée sur Mars dès la toute première mission. Pour les deux, l’objectif principal de la mission n’est pas de voler jusqu’à Mars mais d’y accomplir quelque chose de sérieux.
Mais il y a une différence. Dans Mars Direct, le modeste véhicule de retour sur Terre et le module d’habitation de l’équipage sont libérés tous les deux par le lanceur qui les place en orbite, atterrissant sur la Planète-rouge avec une masse combinée, habitat plus charge utile, d’environ 40 tonnes. Dans le plan de Musk, un Starship est mis en orbite terrestre puis ravitaillé en carburant par six vaisseaux pétroliers, après quoi le vaisseau entier est piloté jusqu’à Mars, déposant une masse habitat-plus-charge-utile pouvant atteindre 200 tonnes. Ainsi, alors que le plan Mars-Direct pourrait envoyer des équipages de « seulement » quatre à six astronautes à la fois sur la planète rouge, un Starship pourrait en prendre en charge 50 ou même plus.
Le plan de Musk offre plus de capacités que Mars-Direct, mais cette capacité a un prix. Plus précisément, si on veut faire revenir l’équipage, on devra faire le plein d’ergols d’un Starship qui en a besoin d’environ 1.000 tonnes. Dans le plan Mars-Direct, le véhicule de retour sur Terre beaucoup plus modeste envoyé sur la planète rouge avant l’équipage n’a besoin que de 100 tonnes. La puissance énergétique nécessaire installée en surface de Mars et les autres besoins qu’il faudra satisfaire pour les opérations du Starship représentent un facteur dix fois plus élevé que ceux nécessaires pour réaliser une mission Mars Direct.
On devra donc construire à l’avance une base importante à l’aide de plusieurs Starships envoyés sur Mars, en sens « aller » uniquement et chargés de nombreux équipements de base avec une surface équivalente à dix terrains de football de panneaux solaires et des robots pour tout installer. Ce n’est qu’après que tout cela sera mis en place que le Starship transportant le premier équipage pourra arriver. Cela rend le système sous-optimal pour l’exploration. Mais l’exploration n’est pas ce que Musk a en tête.
Si Mars Direct peut être comparé à une version évolutive du programme Apollo, le plan de Musk serait à comparer au D-Day. Musk a besoin d’une flotte. Il crée donc un « chantier naval » pour construire une flotte. Mais pourquoi construire une flotte avant de tester ne serait-ce qu’un seul vaisseau ? Il y a plusieurs raisons. La première est que Musk veut être prêt à encaisser des pertes. Lorsque le premier Starship sera prêt pour son premier vol d’essai, il en aura trois ou quatre autres déjà construits et « sur le pont », prêts à être modifiés pour corriger tout ce qui aurait pu causer l’échec du premier. Son principe : lancez, échouez, réparez, recommencez, jusqu’à ce que cela fonctionne, puis continuez à lancer, en améliorant la charge utile et en réduisant le temps de rotation, en faisant progresser les performances, vol par vol, férocement.
Mais il y a une autre raison pour construire une flotte. C’est pour rendre le Starship bon marché. La NASA a construit cinq navettes spatiales sur une période de douze ans, chacune coûtant plusieurs milliards de dollars. Musk crée un centre de construction conçu pour produire à terme des Starships à la cadence de 50 ou plus par an. Cela peut sembler fou, mais ce n’est pas impossible. En 1944, les États-Unis fabriquaient des porte-avions d’escorte au rythme d’un par semaine. Des dizaines d’équipes distinctes travaillaient simultanément, chacune sur sa propre partie du navire pendant quelques jours avant de passer le travail à l’équipe suivante. Si Musk met en place un dispositif semblable avec un effectif de 3.000 personnes, cela signifiera des coûts de main-d’œuvre de l’ordre de 6 millions de dollars par vaisseau, ou de 15 à 20 millions de dollars chacun en incluant les matériaux et l’avionique.
S’il peut obtenir des coûts aussi bas, alors une fois que la base martienne sera opérationnelle, avec des capacités d’agriculture sous serre et de production industrielle croissantes, les vaisseaux transportant chacun 100 passagers pourront voler jusqu’à Mars et y rester, si nécessaire, pour fournir un logement, à un coût par passager de moins de 200.000 $. Fixons donc le prix du billet à 300.000 $ – la valeur nette d’une maison de taille et de conforts moyens, soit environ sept ans de salaire pour un Américain moyen. A l’époque coloniale, des travailleurs acharnés prenaient leur billet pour l’Amérique en échange de sept ans de travail. C’est un prix que beaucoup de gens peuvent payer – et ont payé – quand ils veulent vraiment « se bouger ». Ce qu’il faut simplement en plus, c’est notre mère Liberté pour accueillir les immigrées. Si elle les attend là-bas, ils viendront et prospéreront grâce à leur créativité.
Sur ce dernier point, Musk et moi sommes d’accord. Il est peu probable qu’une colonie sur une autre planète soit en mesure de réaliser un profit en exportant quelque produit matériel que ce soit vers la Terre. Les coûts de transport seront tout simplement trop élevés et les chiffres des « business-plans » basés sur de tels concepts n’auraient aucun sens. Mais la propriété intellectuelle est une tout autre chose puisqu’elle peut être transmise sur des distances interplanétaires presque gratuitement. La valeur la plus élevée que des données peuvent avoir est celle qui peut être contenue dans un brevet. Une colonie sur Mars sera composée d’une population techniquement extrêmement capable dans un environnement pionnier où les personnes seront libres d’innover et même contraintes d’innover. Ce sera comme l’Amérique du XIXe siècle, mais bien plus encore, une véritable cocotte-minute pour l’innovation. Comme l’historien Frederick Jackson Turner l’a souligné dans son célèbre essai « La signification de la frontière dans l’histoire américaine » (1982), une situation analogue a fait de la jeune Amérique le berceau de la culture la plus inventive de tous les temps, l’ingéniosité « yankee » apportant au monde les bienfaits de l’électricité, des bateaux à vapeur, des télégraphes, de machines diverses permettant des économies de main-d’œuvre, de l’enregistrement sonore, des ampoules électriques, des téléphones, des centrales électriques – et peu après qu’il ait écrit son essai, des avions et de la production en série des automobiles. Ainsi, pour répondre à ses besoins, l’ingéniosité martienne, fortement motivée et non-bureaucratique, devrait produire des avancées révolutionnaires dans la robotique, l’intelligence artificielle, les organismes génétiquement modifiés, la biologie de synthèse et dans de nombreux autres domaines. Ces inventions, créées pour répondre aux nécessités de Mars, pourraient faire l’objet de brevets qui seront commercialisés sur Terre, apportant aux Martiens les revenus nécessaires pour financer les importations de systèmes complexes, qui à la différence des matériaux en vrac comme la nourriture, les tissus, les carburants, l’acier, l’aluminium, le verre et le plastique, pourraient être trop difficiles à réaliser ou produire sur Mars, du moins pour un certain temps.
A l’heure présente, Musk se focalise sur la création de son centre de construction aérospatiale, une tâche qu’il considère comme beaucoup plus importante que celle de simplement perfectionner son Starship. Mais il y a beaucoup plus de problèmes que Musk devra résoudre pour que tout cela fonctionne. Le remplissage en orbite des réservoirs de propergols cryogéniques n’a pas encore été démontré et la technologie de production de propergols in situ sur Mars, certes bien comprise, n’est toujours pas prête à être utilisée. Les Starships revenant de Mars seront confrontés à des barrières thermiques beaucoup plus fortes que les véhicules qui reviennent simplement de l’orbite terrestre (NdT : vitesse plus élevée). La protection thermique légère qui suffit dans le second cas peut ne pas fonctionner dans le premier. Les panaches d’échappement des très lourds Starships pourraient créer des cratères dangereux lors des atterrissages sur Mars, obligeant Musk à adopter plutôt un plan de type Mars Direct, utilisant des véhicules plus petits, peut-être des mini-Starships à partir d’un grand-Starship en orbite terrestre. Je crois que cette considération, combinée à la très grande puissance énergétique requise pour faire le plein d’un grand-Starship sur la planète rouge, pourrait finalement l’obliger à développer une version miniature du Starship. Un tel «Mini» pourrait être porté jusqu’à l’orbite terrestre par un grand Starship, puis séparer de ce dernier pour terminer la mission sur le modèle Mars Direct, permettant au grand-Starship de retourner sur Terre pour être à nouveau mis en orbite en l’espace de quelques jours. Le Mini pourrait également être lancé indépendamment, comme étage supérieur réutilisable du Falcon 9, déjà opérationnel, de SpaceX, donnant ainsi à la société une capacité de lancement de charges moyennes, entièrement réutilisable. Musk préfère tout faire avec un seul design. Nous verrons s’il peut s’en tirer.
Le budget de fonctionnement de la NASA est plus de dix fois supérieur à celui de la société SpaceX de Musk qui cependant est en train de la dépasser rapidement en performance. Le lanceur de charges lourdes très en retard de l’agence spatiale, actuellement connu sous le nom de SLS, était une conception raisonnable pour un « booster » qu’on pouvait extrapoler rapidement à partir de la navette, lorsqu’il a été proposé pour la première fois en 1988. Mais il arrive maintenant une génération trop tard, avec moins de capacité d’emport de charge utile que le Starship et un coût environ 50 fois supérieur par vol. La NASA dit qu’elle est engagée dans un effort de type « tout le monde sur le pont » pour faire atterrir des astronautes sur la Lune vers 2024, mais il y a peu de chances qu’elle y parvienne car elle a imaginé un plan hyper-complexe impliquant d’abord la construction d’une station spatiale en orbite lunaire et ensuite en ayant recours à quatre lancements, cinq éléments de vol et six opérations de rendez-vous par mission. Bien que cette approche offre l’avantage politique de faire bénéficier du programme le plus grand nombre d’acteurs possible, l’opérabilité du plan est extrêmement discutable.
La conception de la mission martienne de la NASA est encore pire. Elle implique de loger un énorme « DST » (« Deep Space Transport » soit : « Système de transport dans l’espace profond ») sur la station spatiale en orbite lunaire, puis d’envoyer le DST vers une autre station spatiale qui, selon l’agence, doit être construite en orbite autour de Mars. Le temps de transit de l’orbite lunaire à l’orbite de Mars pour ce système futuriste est de 300 jours dans chaque sens – près de deux fois ce dont les rovers Spirit et Opportunity ont eu besoin pour faire le voyage de la Terre à la planète rouge en 2003. De plus, contrairement à Spirit et Opportunity, le DST ne devrait pas atterrir sur Mars.
Si on veut explorer ou s’installer sur Mars, on doit atterrir sur Mars. Le but du plan DST cependant, n’est ni l’exploration ni l’installation de l’homme sur Mars, c’est de dépenser. Plutôt que d’offrir le chemin le plus simple et le plus efficace vers la planète rouge, l’architecture DST propose le chemin le plus complexe, afin de fournir des « justifications » (N.B : et non des « raisons ») pour autant de nouveaux programmes de développement technologique que possible.
L’approche de Musk est tout le contraire. Le programme de la NASA est axé sur la satisfaction des fournisseurs. Le sien est déterminé par l’objectif. Il ne cherche pas à justifier les dépenses par un ensemble de technologies « potentiellement utiles ». Il veut que son programme se fasse avec le moins possible de nouveaux développements. Son attitude est « Montrez-moi pourquoi j’en ai besoin ». Il se peut qu’il pousse cela un peu loin. Comme indiqué, je pense qu’il serait sage de développer un Mini-Starship pour réduire les besoins en énergie pour produire sur Mars le carburant de retour sur Terre. Il n’est pas d’accord. « Démontre le moi », dit-il. Nos conclusions sur ce point divergent, mais j’aime vraiment la façon dont il pense.
C’est le genre de réflexion qui peut nous amener sur Mars.
Robert Zubrin
Fin de traduction.
Je reprends la plume pour faire observer que l’épanouissement du génie ingénieurial et organisationnel (pour les vaisseaux) d’Elon Musk dans la direction de Mars, n’aurait pas été possible sans le génie ingénieurial et concepteur (pour l’architecture de mission) de Robert Zubrin. Les deux sont de fortes personnalités qui ne s’embarrassent pas de paradigmes anciens et qui ont pu exprimer leur potentiel créateur grâce à la liberté intellectuelle, administrative et financière qu’offre malgré tout encore, les Etats-Unis d’Amérique.
La société de ce pays est, en dépit d’une évolution bureaucratique négative et de pressions écologiques extrémistes de plus en plus en fortes, toujours tournée vers l’avenir, portée par l’esprit d’innovation et d’aventure. « Last but not least », la multiplicité des centres de décisions et des concurrents, donc la responsabilité de chacun, stimule plus efficacement que dans la plupart des autres pays, la recherche de l’efficacité dans l’économie des moyens. La Suisse ouverte à la concurrence mondiale et disposant à la fois des moyens financiers et des compétences technologiques est évidemment un cas à part, où la liberté a encore comme aux Etats-Unis, beaucoup de latitude, mais avec des moyens quand même plus limités. Et il lui manque peut-être l’esprit d’aventure américain qu’expriment si bien Robert Zubrin et Elon Musk !
Pierre Brisson
lien vers l’article en Anglais de Robert Zubrin, tel que publié dans la National Review:
https://www.nationalreview.com/2020/02/mars-elon-musk-plan-to-settle-red-planet/
Pour retrouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur:
Index L’appel de Mars 23 02 19
Compte tenu de la pandémie de coronavirus covid-19, l' »événement » martien prévu le 24 mars à Lausanne dans les locaux du Temps, a été reporté. Il n’est en effet pas raisonnable de s’exposer et d’exposer les autres à une contagion.
Je souhaite à mes lecteurs de traverser sans dommage cette épreuve. Elle aura démontré que sur notre vaisseau spatial Terre, nous sommes de fait solidaires et que nous devons nous comporter en conséquence.
24 Responses
Je partage l’admiration de Robert Zubrin pour le volontarisme et le courage entrepreneurial d’Elon Musk, mais aussi ses réserves concernant certaines des caractéristiques du concept du « Starship » tel qu’actuellement envisagé par SpaceX. J’avais moi-même réalisé une analyse critique de ce concept, présentée à la réunion des Mars Societies européennes en octobre 2018 (en présence de Robert Zubrin). Il serait trop long d’en présenter ici les arguments, mais à mon avis le concept général « couteau-suisse » du Starship – qui est censé tout faire: transfert Terre-Mars, atterrissage sur la planète rouge, retour vers la Terre, et même servir tel quel pour d’autres destinations dans le système solaire – ne me paraît ni optimal ni raisonnable sur le plan sécuritaire (possibilités de « plan B » en cas de « pépins » très limitées). On verra, mais à mon avis Elon Musk devra assez profondément « revoir sa copie » s’il veut se donner les plus grandes chances de succès.
A ce propos, je ne crois pas à l’approche qui verrait faire des tests de missions martiennes habitées éventuellement non couronnés de succès, pour ressayer ensuite avec des engins déjà prêts qui seraient juste modifiés pour tenir compte de l’expérience négative vécue. Le premier essai DOIT être le bon. Sinon, la pression pour un abandon total de ce genre de missions suite à une catastrophe lors de la première tentative sera telle que même Elon Musk ne pourra passer outre. Si Apollo XI avait été un échec il n’y aurait très certainement pas eu de missions XII, XIII, XIV, … XVII, bien que les fusées pour celles-ci étaient aussi prêtes ou en construction (d’ailleurs, malgré le succès des missions XI, II, XIV – XVII, il est resté une Saturn V non utilisée.).
Je partage les critiques de Pierre-André Haldi sur les inconvénients de la conception « couteau-suisse » du Starship et sur l’importance qu’il y a à réussir la première mission.
apologie d’un escroc qui n’a jamais payé son dû et préfère claquer ses milliards frauduleux en espérant verrouiller toutes les retombées de l’exploration spatiale à son seul profit.
On a un avant goût de l’histoire quand on voit qu’il nomme sa bagnole Tesla, du nom d’un inventeur serbe qui s’est fait piquer ses idées/brevets par ce bon Thomas Edison, un vrai américain philanthrope comme Elon, qui a converti tout ça en monnaie sonnante et trébuchante en fondant General Electric, alors que Tesla se fixait comme objectif d’apporter gratuitement l’électricité dans les foyers et de la véhiculer sans fil…. Mais l’Histoire n’est-elle pas un éternel recommencement?
Alors si une planète et ses ressources en tous genres peut appartenir à un seul homme plutôt qu’à l’Humanité, je me réjouis déjà de payer (trop cher) pour les innovations martiennes.
Je n’aime pas cette agressivité non argumentée.
Je ne comprends pas bien ce que vous reprochez à Elon Musk. Il gagne de l’argent certes mais en quoi est-ce critiquable? Il est passionné par son projet et il consacre énormément de l’argent qu’il a gagné, me semble-t-il honnêtement, et de son temps, pour faire avancer ce projet vers sa réalisation. C’est un entrepreneur qui prend des risques, qui a des idées originales et qui sait changer de paradigmes quand il s’aperçoit qu’il s’est trompé. Personnellement sa conduite professionnelle ne me semble plutôt devoir susciter que de l’admiration.
Je l’ai constaté aussi sur un autre forum, c’est généralement des personnages s’étant contenté toute leur vie professionnelle d’en « faire un minimum », qui jalousent et critiquent agressivement ceux qui ont (eu) de plus grandes ambitions. Que je sache, Elon Musk a gagné honnêtement sa fortune, même si c’est peut-être en faisant fructifier les idées d’autres personnes (qui auraient pu faire de même si elles en avaient les capacités entrepreneuriales). Qu’il veuille consacrer celle-ci à ouvrir l’espace à l’Humanité, plutôt par exemple qu’à satisfaire des plaisirs plus personnels, égoïstes et « bas de gamme » ne me semble pas justifier une telle hargne, au contraire.
J’ajouterai , tout cela c’est de l’infantilisme , l’exploration humaine de l’espace est couteuse et inutile.Les plus grandes decouvertes dans le système solaire ont faites par des gars restes au sol.Voyager , New Horizon , sonde vers tchoury , Galileo , Hubble telescope ,Juno…..Les plus merveilleuses decouvertes ont ete faite du sol de notre planete. Bien jolis les delires prepuberes mais il ya des choses plus importantes , apres si c’est de l’argent prive je m’en fout..
Dites moi, Madame, ce que sont des « délires pubères » et quels sont les vôtres.
Sur le fond, il est vrai comme je le répète inlassablement que, au moins pour le moment, on ne va aller explorer physiquement les lunes de Jupiter, mais si l’on peut aller sur Mars (et je pense et essaie de montrer que c’est possible), notre présence physique facilitierait beaucoup l’avancée de la Science.
Que l’article soit de vous ou de votre ami Zubrin, c’est toujours aussi passionnant.
Deux réflexions de ma part :
À défaut de construire une flotte, lors de la conception et de la construction d’un navire d’une certaine complexité, on construit en même temps une « sister ship ». C’est le cas notamment des légendaires remorqueurs de la société Abeilles et c’est de bonne guerre car ça évite de faire deux fois les mêmes frais. Une flotte plus limitée de Starships me paraît moins risquée que le nombre envisagé par Elon Musk.
Ensuite, je ne trouve pas inutile de placer une station relai en orbite. L’orbite lunaire est bien sûr une ineptie due à l’actuel locataire le la Maison Blanche mais comme il croit que la Terre est plate, on peut lui pardonner cette erreur. Une orbite terrestre est par contre intéressante et finalement, en l’appelant autrement c’est ce que veut faire Elon Musk quand il compte ravitailler ses Starships en orbite terrestre. C’est aussi plus prudent. Que ce soit sur Terre ou sur Mars, amener de l’espace vers le sol et faire repartir un vaisseau de 200 tonnes avec une centaine de personne à bord me paraît plus dangereux que de confier ces deux tâches à un plus petit vaisseau qui ferait une dizaine d’aller-retour entre le sol et la station en orbite. C’est pour une raison analogue qu’on évite d’envoyer la totalité d’une équipe de football dans le même avion.
Quelle que soit la solution retenue, j’espère vivre assez longtemps pour voir se réaliser ce projet dont je rêvais déjà enfant. Mais en ce moment précis où j’écris ce commentaire, une épidémie met en péril l’avenir de nombreuses entreprises privées parmi lesquelles Tesla. Ce serait infiniment regrettable et injuste que le projet d’Elon Musk soit mis en danger par un simple virus. Si cela venait à se produire, serions nous assez nombreux pour acheter chacun ne serait-ce qu’une action pour sauver le projet ?
Merci Monsieur de votre aimable commentaire!
Oui la situation économique mondiale est préoccupante et il serait bien hasardeux de faire aujourd’hui des prévisions. Pour votre information, la société TESLA est cotée sur le NASDAQ (symbole TSLA).
Pour ce qui est du nombre de Starship à construire, je partage votre point de vue, un sistership ne serait pas inutile compte tenu de la complexité de ce vaisseau. C’est pour un plus grand nombre que la précipitation semble une moins bonne idée (ce qui n’exclut pas la production de certains composants en nombre plus élevé pour des raisons d’économie d’échelle).
Pour ce qui est de l’acheminement des passagers je serais aussi partisan de ne les faire « monter » qu’une fois le vaisseau interplanétaire en orbite, remplis de ses ergols et prêt à partir. Cependant une station relais en orbite ne me semble pas souhaitable car du coup, elle devrait être équipée de toutes sortes de machines nécessaires au maintien de la vie, entretenue, avec sans doute un équipage, et cela pourrait s’avérer très coûteux (comme l’ISS), d’autant que les voyages vers Mars ne partiront que tous les 26 mois.
Toujours passionnant de lire les articles de votre blog. Je ne conteste pas l’esprit entrepreneurial de Musk que je reconnais assez exceptionnel. Ma formation scientifique et médicale me fait pointer du doigt un aspect de la physiologie humaine qui me semble avoir été négligé dans cette histoire. Mettre un homme ou une femme en orbite terrestre pendant 1 à 6 mois n’est pas un problème et cela a été démontré. Des modifications organiques et physiologiques ont été enregistrées, mais sont réversibles au retour sur Terre. Au delà de 6 mois en orbite reste une inconnue et la cohabitation aussi. Vous parlez d’établir une population mixte sur une longue période, ce qui fera surgir des problèmes relationnels, homme-homme, vous homme-femme, sans parler des possibles relations plus intimes non exclues. Je veux bien que ces personnes seront animées d’un esprit aventurier, mais cela n’a certainement pas été négligé. Il serait intéressant de vous entendre rapporter sur ce sujet lors de l’un de vos prochain blog. Merci d’avance.
Même si les situations ne sont pas exactement comparables, on a quand même déjà sur (ou près de la) Terre l’expérience de cohabitations « en confinement » sur de relativement longues durées (sous-marins nucléaires, bases en Antarctique, ISS … ). En sélectionnant soigneusement les équipes, la cohabitation dans le cadre d’une mission martienne ne devrait pas poser beaucoup plus de problèmes … que celle dans un « open space » professionnel par exemple :-)! Bien entendu, il faudra prévoir des « espaces privatifs » dans lesquels les martionautes pourront s’isoler un moment pour relâcher une éventuelle pression sociale devenue trop pesante.
Merci Docteur de votre compliment.
Effectivement le problème relationnel mérite d’être développé. Je le ferai un jour.
Pour ce qui est de la santé physique, je regrette, comme beaucoup de membres de la Mars Society que la restitution d’une certaine pesanteur par gravité artificielle n’ai jamais été expérimentée. Avec les starships il faudrait que des couples de vaisseaux voyage de concert, reliés par des filins (concept de Robert Zubrin) ou des pylônes/tiges rigides. On impulserait une rotation au couple et ce mouvement se perpétuerait pendant tout le voyage en quasi absence d’attraction gravitationnelle (un tout petit peu la Terre au début puis un tout petit peu le Soleil ensuite) et bien sûr en l’absence d’atmosphère pour le freiner. Il est déjà envisagé pour le « refuelling » des starships qu’ils soient réunis par la base avec leur tanker, le temps de l’opération. A partir d’une telle configuration, reconstituée après injection interplanétaire, on pourrait imaginer que les vaisseaux s’éloignent l’un de l’autre en dévidant des câbles ou mieux des tiges rigides. On impulserait ensuite une très légère impulsion latérale en sens inverse à partir de chaque vaisseau et on accélérerait la vitesse de rotation en réduisant la longueur de la jonction. Cela permettrait de restituer une verticalité et une gravité minimum dans le corps. On ne pourrait aller évidemment trop loin à cause des effets de la force de Coriolis.
Reste le problème des radiations de type GCR (Galactic Cosimic Ray) et plus particulièrement des 2% en moyenne de HZE (noyaux lourds). On ne peut pas grand chose (pour ne pas dire rien) pour s’en protéger contrairement aux radiations solaires. La seule solution est de ne pas les subir trop longtemps et c’est pour cela que le voyage interplanétaire ne peut pas durer beaucoup plus de 6 mois continus (9 mois?) et c’est pour cela qu’on ne peut envisager aujourd’hui envisager d’aller plus loin que Mars.
Bonjour,
Sans être un spécialiste il me semble que dans la partie habitable on pourrait créer un anneau de 8m de diamètre, soit une circonférence de 24m de 2m de largeur. Dans cet anneau 6 cabines de 4*2m pourrait être organisées. des cabines d’une hauteur de 2m permettrait de laisser un espace vide de 4m de diamètre au milieu de l’anneau pour circuler. Avec une rotation de 0.5t/mn on aurait à la périphérie de l’anneau (le sol des cabines) une gravité artificielle d’environ 0.15g. Les passagers pourraient passer 5 à 6h par jour ds ces cabines pour retrouver un peu de gravité, faire leur toilette, etc…
Pour le rayonnement cosmique, ne peut on pas créer un champs magnétique qui protégerait les passager comme le champs magnétique de la Terre nous protège ?
La mise en rotation du Starship sur lui-même sera probablement indispensable pour équilibrer l’exposition à l’irradiance solaire des surfaces longitudinales du vaisseau qui y sont exposées. Mais je ne pense pas que votre solution soit bonne car il me semble que sur une hauteur de 4 mètres (distance à l’axe du vaisseau à partir des parois extérieures), il va y avoir un différentiel de gravité restituée entre la tête et les pieds qui peut-être gênant et la tête étant à un peu plus d’un mètre de l’axe, aurait très peu de gravité.
Une meilleure solution serait celle préconisée par Pierre-André Haldi dans son article du 4 avril 2017 Dans cette article, P.A. Haldi propose un vaisseau dont l’assemblage se termine en orbite basse terrestre et qui comprend des pylones rétractables, rayonnant du coeur du vaisseau spatial et portant à leur extrémité des habitats auxquels les passagers auraient accès par de petits véhicules. Les pylones auraient une longueur de plusieurs dizaines de mètres. Dans ce cas, on peut envisager une gravité dans les habitats périphériques qui serait plus homogène pour le corps.
Pour ce qui est de la protection contre les radiations par un champ magnétique généré à bord, certes, on y viendra peut-être un jour mais cela suppose pas mal d’énergie et de la masse à ajouter à la charge emportée par le vaisseau. Au début on n’aura pas la possibilité d’emport suffisante. De plus pour être vraiment efficace, le champ magnétique, très rapproché de l’habitat, devrait être très puissant donc supposant des équipements embarqués d’autant plus massifs. Enfin cette protection ne serait d’aucun effet contre une bonne partie les HZE des GCR (Galactic Cosmic Rays), les HZE étant les particules lourdes (des éléments chimiques lourds) animées d’une grande vitesse et d’une énergie élevée qui sont les plus dangereuses des radiations, sur la durée (les protons étant les plus dangereuses sur le court terme lors des tempêtes solaires, du fait de leur intensité).
Certains plans impliquent de n’envoyer qu’une équipe masculine. Toutefois, la NASA n’a jamais envisagé une équipe supérieure à 6 et la plupart des projets vers Mars visent 4 personnes. Si on a une équipe de 10-15 personnes, la dynamique est sûrement différente.
La question revient au final sur la composition de l’équipe: peut-être que choisir des célibataires est une solution.
Article intéressant. Je me demande bien si d’ici 10 à 15 ans, quand SpaceX commencera à avoir les capacités d’emmener des hommes pour la première fois sur Mars, quelles seront les relations entre SpaceX et la NASA. En effet, Mr Musk souhaite développer, comme vous l’avez souligné, une véritable ville martienne. Mais pour autant, il me semble qu’aux dernières nouvelles, la philosophie de SpaceX est de se contenter de fournir un moyen de transport avec son Starship. Il me semble évident que le premier envoie d’hommes sur Mars sera chapeauté par la Nasa. C’est elle qui possède toute l’expertise du vol habité et qui disposera du retour d’expérience, si tout se passe bien, des missions habités lunaires. Néanmoins, à supposer que la Nasa profite de l’ensemble de la solution de SpaceX pour sa mission marsienne, le choix du site d’atterrissage sera crucial, puisque l’investissement important pour construire une usine de propergols in situ impliquera l’utilisation de ce même site pour construire la première ville martienne. D’autre part, il y aura une forte pression de la part de la communauté scientifique et de la Nasa pour que la première mission marsienne soit focalisée sur des objectifs scientifiques. Ainsi pourrait-il y avoir des conflits entre un intérêt scientifique (recherche de traces de vie) et colonialiste (objectif de Mr Musk).
Je vois ainsi des tensions apparaître entre la Nasa et SpaceX. En effet, le Starship sera prêt bien avant importe quelle programme de la Nasa. Mais SpaceX ne pourra pas se passer de la Nasa dans un premier temps, pour de multiples raisons (ne serait-ce que l’équipage). La pression de la Chine obligera donc la Nasa à utiliser le Starship, mais les objectifs de cette dernière et de SpaceX sont différents, et la première mission sera cruciale. Qu’en pensez-vous ? Une première mission martienne sous la direction de SpaceX est-elle envisageable ?
Merci Monsieur. Bonne analyse de la situation.
Ce que je pense c’est que SpaceX a besoin de la Nasa et réciproquement. Probablement c’est SpaceX qui prendra le leadership des vols habités vers Mars et la Nasa imposera probablement un volet scientifique aux missions. Je ne pense pas que les deux soient contradictoires car même dans l’optique prioritaire d’une colonisation, SpaceX aura besoin d’une excellente connaissance de la planète.
Il y aura une opposition à coup sûr: le but de la NASA sera de chercher de la vie martienne, or le développement d’une colonie va apporter toute une invasion de bactéries terrestres et il est probable que sur le moyen terme, celles-ci s’adaptent à certaines conditions martiennes au point que l’on ne sache plus les reconnaître en tant qu’issues de la Terre.
L’autre conflit sera celui de la terraformation: développer une colonie sous terre ou sous dôme n’offre pas beaucoup de perspective. Il y aura des adeptes de la terraformation chez les premiers colons, cela ne sera pas un mouvement organisé, mais il y aura des tentatives.
La logique voudrait que l’on protège l’environnement martien pendant plusieurs décennies, le temps de bien chercher les traces de vie, mais cela sera trop long pour Musk et les autres adeptes d’une colonisation martienne.
Si au départ, il y aura coopération, le temps de trouver les bonnes techniques de survie sur Mars, dès que l’autonomie suffisante sera permise, il est fort à parier que SpaceX se lancera toute seule dans l’aventure. Elle est ne sera pas la seule.
Monsieur Rerat, je comprends votre inquiétude mais je ne la partage pas. Je pense qu’il est fort improbable qu’une hypothétique vie martienne soit structurée sur les mêmes briques biologiques que la vie terrestre. Regardez « chez nous », nous avons deux formes de vie irréductibles, les bactéries et les archées. Il peut y avoir symbiose (et elle a probablement eu lieu dans les eucaryotes) mais pas « mélanges » comme vous le supposez. Il y aura toujours des éléments fondamentaux qui differeront.
Dans la conclusion, quel est le rapport avec la « pressions écologiques extrémistes »?
Tout simplement parce que les ecologistes extrémistes considèrent que l’envoi de quelques fusées dans l’espace génère une pollution insupportable et inutile.