EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Nous sommes des poussières d’étoiles, des fruits de la Terre et du Soleil, des êtres de chair et de sang produits d’une évolution biochimique prodigieuse déroulée tout au long de 4,567 milliards d’années sur une planète bien particulière, rocheuse, où l’eau – fait rare – est abondante et liquide, orbitant autour d’une étoile de masse moyenne née quelques petits millions d’années avant elle, à la périphérie d’une galaxie spirale ordinaire parmi les innombrables qui peuplent un univers vieux de 13,8 milliards d’années.

Depuis quelques siècles nous nous éveillons à la conscience de ce monde, en ouvrant les yeux de la Science tout autour de nous pour comprendre. Nous observons, nous réfléchissons. Nous sommes peut-être uniques, les seules entités douées d’intelligence et de capacités créatrices dans cette galaxie sinon dans l’univers tout entier et nous devons en tirer un devoir moral. Depuis quelques dizaines d’années notre puissance d’observation et de réflexion a été considérablement augmentée par nos découvertes en informatique, par la création d’observatoires de plus en plus puissants et de lanceurs de plus en plus performants, par l’utilisation d’instruments de plus en plus extraordinaires comme les chromatographes, les spectromètres, les lasers, les microscopes à force atomique (entre autres !), par les mises en réseau d’ordinateurs de plus en plus rapides et par les constructions intellectuelles remarquables fondées sur les données rassemblées par ces instruments, résultant d’échanges quasi immédiats entre scientifiques du monde entier.

De ce fait nous progressons.

Nous semblons cependant contraints à l’intérieur de limites dont certaines paraissent des obstacles infranchissables. Des problèmes nous sont posés par des données physiques ou chimiques dont nous n’avons pas ou dont nous avons peu la maîtrise. Ce sont l’immensité de l’Univers, le temps que l’on ne peut que mesurer, la vitesse de communication / réception qui est absolument limitée par celle de la lumière, la gravité inhérente à toute masse, les radiations dont on ne peut parfaitement se protéger, l’énergie produite ou captée qui est épuisable, la biologie dont les (des)équilibres sont si complexes et si fragiles qu’il faut sans cesse les restaurer et qui, in fine, limitent notre durée de vie. Ces problèmes sont redoutables et souvent, d’une manière ou d’une autre, intrinsèquement liés.

Les conséquences sont différentes pour les deux domaines qui nous intéressent ici, l’astronomie et l’astronautique, la première n’impliquant pas le transport de masse (donc de besoin en énergie) que la seconde impose. Si on ouvre la fenêtre du domaine de l’astronautique on peut encore se placer du point de vue des missions robotiques ou des missions habitées, les premières n’impliquant pas toutes les complexités (et les précautions !) requises par le transport d’êtres humains. Selon ces points de vue les obstacles sont évidemment à des distances différentes et l’astronomie ouvre la voie à l’astronautique tandis que les missions robotiques ouvrent la voie aux missions habitées.

Pour avancer, l’homme louvoie. Il utilise ce qu’il peut comme il peut. Par son travail il se hisse d’abord jusqu’au niveau des connaissances acquises par ses pairs puis, grâce à l’effervescence de « ses petites cellules grises » et parfois la chance, il ajoute une idée, il fait un rapprochement, il réussit une expérience et fait pousser un peu plus la magnifique fleur de corail de nos capacités humaines.

Aujourd’hui il est donc probable que certains des murs qui nous entourent vont reculer encore, comme reculent les lignes d’horizon quand on croit s’en approcher. Et de ce fait, le « terrain de jeu » ou la « marge de progression » qu’ils nous laissent aujourd’hui et dans lesquelles nous pouvons nous exprimer, est de plus en plus vaste. Nous n’avons pas épuisé la mise en pratique de nos capacités technologiques théoriques et nous n’avons pas encore imaginé les nouvelles possibilités qui au-delà, un jour, s’ouvriront à nous. Mais pour avancer, il ne faut pas faiblir. En astronomie nous ne devons pas renoncer aux champs de télescopes interférométriques en réseaux dans l’espace même si pour le moment le projet Darwin a été annulé.  En astronautique, le projet « Breakthrough Starshot » soutenu par Stephen Hawking, pour envoyer des sondes explorer les étoiles voisines, nous ouvre des perspectives extraordinaires ; soutenons le ! Dans les années qui viennent (« l’immédiat ») nous ne devons pas faire défaut à Elon Musk pour son projet martien même s’il présente quelques faiblesses car il est le plus crédible et le seul qui puisse vraiment nous ouvrir la chance d’un établissement humain sur Mars, première étape de la création d’une civilisation multiplanétaire dans le cadre de laquelle l’homme ne serait plus dépendant d’une seul Terre.

Laissons notre esprit rêver pour projeter et construire en utilisant notre raison. Du mythe de Dédale et d’Icare, on ne retient d’ordinaire que la chute de ce dernier qui s’était approché de trop près du Soleil et on oublie la prouesse de Dédale qui réussit à fuir le Minotaure grâce à son ingéniosité. N’ayons pas peur ; osons l’audace. Cela n’empêche pas d’évaluer les risques qu’on prend pour pouvoir les prendre. Nous ne devons ni nous sous-estimer, ni nous sur-estimer comme nous ne devons ni sous estimer, ni sur-estimer les défis auxquels nous sommes confrontés. Dédale avait mis son fils en garde. 

Image à la Une : La fuite du Labyrinthe. Dédale réussit son vol car il a évalué correctement la puissance de ses ailes et ne les a pas sollicitées au-delà de leurs capacités.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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