L’astronomie optique* à partir de la surface terrestre est en train d’effectuer un bon fantastique de capacité sur la base de deux technologies nouvelles, l’optique active / adaptative et les miroirs segmentés. En effet ces technologies permettent la construction en cours des ELT (Extremely Large Telescope) qui succèdent ainsi aux grands télescopes des années 1990/2000 du type VLT (Very Large Telescope). Nous disposons déjà du LBT (Large Binocular Telescope) et allons d’ici à 2025 pouvoir utiliser les TMT (Thirty Meter Telescope), GMT (Giant Magellan Telescope) et E-ELT (European Extremely Large Telescope). Des sources d’énergies spatiales qui nous sont encore inaccessibles (époque de la réionisation de l’univers, trou noir galactique) de même que les exoplanètes de taille terrestre des systèmes stellaires proches, nous deviendront ainsi « visibles ».
*l’astronomie qui collecte les rayonnements visibles et de l’infrarouge proche.
Bien entendu rien n’est simple et les grands télescopes optiques de miroirs primaires monoblocs de 8 à 9 mètres de diamètre (la génération précédente) restent encore des instruments très utiles et suffisants pour explorer une multitude de phénomènes moins difficilement accessibles. De même les ELT (aux miroirs de plus de 10 mètres) ne retirent pas leur intérêt aux télescopes spatiaux ou aux radiotélescopes qui permettent d’exploiter d’autres sources d’émissions. Enfin on passe souvent des uns aux autres en jouant des spécificités différentes et on fait aussi travailler les instruments ensemble pour bénéficier de leur complémentarité. On peut cependant dire qu’avec les ELT on monte en gamme avec des possibilités d’investigation nettement supérieures.
Les quatre ELT ont beaucoup en commun même si la progression se poursuit de l’un à l’autre (les TMT et l’E-ELT étant plus évolués que le LBT et le GMT). Il y a eu un saut par rapport à la génération précédente parce qu’à partir des 8 à 9 mètres de diamètre, les grands miroirs primaires monolithiques butent sur de vrais problèmes de réalisation et d’utilisation. La masse, le volume, les variations thermiques, les déformations dues au poids deviennent extrêmement difficiles à gérer. Arrivés à cette constatation, les concepteurs des télescopes Keck mis en service en 1993, avaient déjà démontré les possibilités et les avantages des miroirs minces (de 0,5 à 5 cm d’épaisseur) segmentés (hexagones de moins d’un mètre d’apothème). La substitution de ces miroirs aux lourds miroirs concave monoblocs traditionnels n’était évidemment possible que grâce à l’optique active (pour pallier les déformations dues à la masse même des miroirs) puis adaptative (une multitude d’actuateurs agissant extrêmement rapidement pour adapter la surface aux perturbations atmosphériques) que les progrès de l’informatique rendaient possible (et qui se sont accélérés). L’avantage de masse, l’avantage thermique, l’avantage de transport et de manipulation sont énormes. C’est donc cette voie que l’on utilise maintenant d’une façon générale, pour continuer à augmenter la taille des miroirs primaires.
L’instrumentation est semblable dans tous les cas (mais également évolutive vers des capacités de plus en plus remarquables). Il s’agit de caméras extrêmement puissantes, de spectrographes, et d’appareils pour coordonner les ondes collectées, situés sur des plateformes extérieures au tube du télescope. La lumière leur est accessible via un miroir tertiaire mobile de type « Nasmyth » qui la renvoie latéralement (par un orifice ménagé dans la paroi du tube) et qui permet de passer très rapidement de l’un à l’autre du fait de leur disposition sur ces plateformes (également nommées « Nasmyth » du nom de l’inventeur de ce troisième miroir, le mécanicien et astronome écossais James Nasmyth).
Voyons les spécificités de chacun de ces ELT.
Le LBT
Le Large Binocular Telescope se trouve à la limite des grands télescopes et des ELT. Sa caractéristique principale est d’être constitué de deux miroirs monolithes, chacun de 8,4 mètres (et de 16 tonnes !). La surface de collection égale celle d’un télescope de 11,8 mètres. Les centres étant séparés de 14,4 mètres, il procure une base interférométrique de 22,4 mètres. L’optique adaptative est générée au niveau des miroirs secondaires. Il est situé à 3200 mètres d’altitude dans le désert d’Arizona (Monts Graham). C’est le plus ancien des ELT, sa construction a commencé en 1996 et la première lumière de ses deux miroirs ensemble a été recueillie en 2008.
Le GMT
Le Giant Magellan Telescope aura la particularité d’être constitué de 7 miroirs monolithes de 8,4 mètres chacun (et de 17 tonnes !) utilisés comme segments qui sont disposés comme les pétales d’une fleur (6 pour la corolle et un pour le cœur). Le diamètre sera ainsi de 24,5 mètres et la surface de collecte de 368 m2. Les miroirs primaires seront desservis par 7 miroirs secondaires, flexibles car c’est aussi à leur niveau que se trouvera l’optique adaptative. Sa résolution sera 10 fois celle de Hubble, dans le visible et l’infrarouge proche (de longueurs d’ondes 320 nanomètres à 25 microns). Le télescope est situé à 2550 m d’altitude et en zone aride (Atacama, Cerro de las Campanas), tout près des deux précédents télescopes de Magellan de 6,50 mètres. Sa construction a commencé en 2015 ; elle doit être achevée en 2024.
Avec les deux autres ELT on passe à un niveau supérieur de puissance et d’adaptabilité puisqu’ils utilisent les miroirs primaires segmentés déjà décrits.
Le TMT
Le Télescope de Trente Mètres aura un miroir primaire de…30 mètres, fait de 492 segments hexagonaux de 1,44 de diamètre et de 50 mm d’épaisseur. Son optique adaptative sera située comme les autres au niveau du miroir secondaire (3,1 mètres), flexible. Un miroir tertiaire elliptique (3,6 m x 2,5 m) et articulé renverra aux différents instruments (spectromètres et caméras) sur deux plateformes Nasmyth (de part et d’autre du tube). Il exploitera surtout le visible et l’infrarouge (longueurs d’onde de 310 nanomètres dans l’UV à 28 microns dans l’infrarouge).
Sa surface de collecte sera égale à 10 fois le télescope Keck (144 fois celle de Hubble) et la résolution obtenue, égale à 3 fois le Keck (et plus de 10 fois la résolution de Hubble dans l’infrarouge proche et les longueurs d’onde plus élevées). Il devait être situé au sommet du Mauna Kea (Hawaï), à 4050 mètres d’altitude mais une controverse avec les Hawaïens pourrait le faire se « poser » ailleurs (Canaries ?). La construction devrait se dérouler entre 2018 et 2022.
L’E-ELT
L’« European ELT » sera sans contexte « la star » des ELT. Son miroir primaire aura un diamètre de 39 mètres et sera donc de loin le plus grand. Il sera constitué de 798 segments de 1,44 mètre et de 40 mm d’épaisseur ; les segments seront répartis en 5 miroirs primaires (hexagonaux, côte à côte). Sa surface de 978 m2 permettra de collecter plus de 100.000.000 de fois de lumière que l’œil humain, plus de 8.000.000 de fois que la lunette de Galilée et plus de 26 fois que l’un des quatre télescopes unitaires du VLT. En fait il recueillera plus de lumière que tous les télescopes de classe 8 à 10 mètres de la planète réunis. Ses autres miroirs seront aussi très grands : miroir secondaire de 4 mètres et miroir tertiaire, renvoyant vers les instruments, de 3,75 mètres. Il sera localisé dans l’Atacama, sur le Cerro Amazones, à 3060 mètres d’altitude (à 20 km du Cerro Paranal où se trouve le VLT de l’ESO). La première lumière est prévue pour 2024.
Il ne serait pas exagéré de qualifier ces ELT de joyaux du patrimoine scientifique de l’humanité tant ils concrétisent la quintessence de notre intelligence et de notre savoir-faire collectif.
Image à la Une : vue d’artiste de l’E-ELT (crédit : ESO). Remarquez la taille des personnages mis en référence visuelle.
Image ci-dessous : les trois autres ELT : LBT, GMT, TMT:
2 Responses
BONJOUR QUE POURRONS NOUS VOIR et savoir AVEC MOSAIC (e-elt) des planetes (mars)et leurs satellites voisins(europe …) des exoplanetes (proxima..) ?mosaic condamne t’il le hdst de 2035 et le jwst(james web) de 2018 qui semble si couteux et si hasardeux à mettre en oeuvre ?merci.
Le JWST aura accès à des longueurs d’onde beaucoup plus longues que l’E-ELT (jusqu’à 28 micromètres alors que l’E-ELT sera concentré sur les longueurs d’ondes du spectre visible et du proche infrarouge, jusqu’à 2,5 micromètres). L’avantage d’être dans l’espace c’est de n’avoir aucun écran occultant certaines longueurs d’ondes; c’est aussi de pouvoir fonctionner en continu, 24h/24h, d’autant que le JWST sera positionné au point de Lagrange L2, constamment dans l’ombre de la Terre par rapport au Soleil. Par ailleurs il n’y aura aucune pollution atmosphérique,ni lumineuse.