EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Les 6 et 7 Novembre, les ministres des 22 Etats membres de l’ESA, réunis en sommet interministériel à Séville, ont tenté une mise à jour (au sens de l’Anglais « reset ») de leur organisation. Il est plus que temps car l’Europe spatiale s’est littéralement effondrée. Le problème est de savoir s’il n’est pas trop tard.

Quelques chiffres résument la situation. Arianespace, pour le compte de l’ESA (Agence Spatiale Européenne), a lancé, entre le premier vol en 1979 et aujourd’hui, 261 fusées Ariane (catégorie « 5 » depuis 2003) produites par la société ArianeGroup (Airbus + Safran), dont seulement 2 (deux!) Ariane-5 en 2023 et 3 (trois!) Ariane-5 en 2022. Les meilleures années d’Ariane ont été l’an 2000 avec 12 lancements réussis et 2002 avec 11 lancements réussis. Depuis, jusqu’en 2020, le nombre tournait autour de 5 ou 6 par an. De son côté, SpaceX, le rival d’ArianeGroup et d’Arianespace, a lancé entre le premier vol en 2010 et aujourd’hui, 272 Falcon dont 60 (soixante!) dans l’année 2022 et 78 (soixante dix huit!) depuis le début de l’année 2023.

Aujourd’hui il n’y a plus de lanceur moyen Ariane-5 (le dernier lancement a eu lieu en juillet 23) et la mise en service de son remplaçant Ariane-6 est sans cesse retardée. Son complément, le lanceur européen léger, Vega-C, est, lui, cloué au sol après l’échec de son premier vol commercial du fait d’un défaut de conception de la tuyère de son second étage.

Le motif officiel du sommet était (en « langage européen ») de « déterminer comment rehausser les ambitions spatiales de l’Europe. A cette occasion l’ESA devait élaborer une stratégie européenne pour l’exploration, le transport et le développement durable dans et depuis l’espace. Les raisons en étant qu’exploiter tout le potentiel de l’espace pour améliorer la vie sur Terre doitt contribuer à garantir la prospérité, la compétitivité et le talent de l’Europe et ses citoyens, et permettre à l’Europe d’affirmer la place qui lui revient dans le monde ».

Qu’en termes pompeux ces choses-là furent dites !

Le communiqué parle de « stratégie européenne » et là commence le problème, l’Europe n’est pas une entreprise, l’Europe n’est pas un état, l’Europe est une administration commune à plusieurs pays ayant des ambitions différentes. L’ESA est le reflet de cette nature composite et il n’y a rien de plus frileux et opposé à la prise de risque qu’une administration multinationale. Pour un projet aussi « ambitieux » que le spatial, ce n’est vraiment pas le cadre idéal.

Certes l’attrait du gain n’est évidemment pas absent dans l’esprit des Européens puisque, dit-on, le marché du spatial-orbital (donc sans le spatial-lointain) pourrait être de l’ordre de 150 milliards de dollars dans les dix ans qui viennent. Mais le Spatial n’est pas un business comme un autre.

Dès l’exposé des motifs, on voit que quelque chose ne va pas. « Exploiter tout le potentiel de l’espace » ne peut avoir en premier lieu pour objet « d’améliorer la vie sur Terre » en étant « plus vert ». Exploiter le potentiel de l’espace c’est regarder vers les planètes et les étoiles et non d’abord vers la Terre, c’est porter le rêve de la conquête spatiale, c’est une exigence et une ascèse, donc une économie de moyens pour un maximum de résultats, pas pour « créer des emplois » ou « être plus vert » mais pour créer de la vraie richesse c’est-à-dire investir pour faire encore mieux, comme l’ont été toutes les grandes aventures humaines, et surtout pour réaliser un rêve. Bien sûr qu’il y aura des retombées de la conquête spatiale pour la vie sur la Terre mais Magellan n’est pas parti dans son tour du monde pour améliorer la vie en Espagne ou au Portugal. Et à notre époque Elon Musk se soucie peu d’améliorer la vie sur Terre, il veut donner à l’homme la possibilité de vivre sur la planète Mars, ce qui ne l’empêche pas de gagner beaucoup d’argent dans l’effort rationnel qu’il a entrepris, parce qu’il lui en en faudra, beaucoup, pour réaliser ce rêve.

Un seul motif cité par le communiqué m’intéresse en tant qu’économiste libéral, c’est « garantir la compétitivité de l’Europe et de ses citoyens » (quoi que je n’aime pas le terme « garantir » qui présuppose qu’on puisse figer un avantage dans une compétition alors que la compétition est une lutte sans merci et sans garde-fou et que dans ce contexte, on ne peut compter sur quelque avantage acquis ou « rente » que ce soit).

Après ce préambule, long mais nécessaire, voyons ce qui a été décidé à ce sommet.

D’après le directeur général de l’ESA Josef Aschbacher, un « soutien financier » permettra d’assurer « la viabilité économique et la compétitivité des fusées Ariane-6 et Vega-C, stratégiques pour l’accès autonome de l’Europe à l’espace ». Il s’agit d’« une subvention annuelle d’un maximum de 340 millions d’euros pour Ariane-6 et de 21 millions d’euros pour Vega-C ». Quand on sait qu’un lancement d’Ariane-6 devrait coûter 100 millions d’euros (mais cela dépendra beaucoup de l’économie d’échelle fonction du nombre) et qu’un lancement de Falcon-9 coûte 50 millions d’euros, on voit bien l’inanité de la subvention européenne (si du moins on espère lancer plus de quatre ou cinq fusées par an). NB : le coût de développement de l’Ariane-6 a été de l’ordre de 4 milliards d’euros ; celui du Falcon-9, de 400 millions de dollars. Plus que l’argent, ce sont les objets pour lesquels il est dépensé et l’organisation de l’entreprise qui est en jeu.

Par ailleurs, la fusée Ariane-6 ne sera toujours pas réutilisable. Avec ce nouveau lanceur l’Europe continuera à « jeter à la poubelle son Airbus après avoir traversé l’Atlantique » (image personnelle que je trouve très parlante !). Chez le compétiteur SpaceX, un des Falcon-9 a déjà été réutilisé 18 fois ! Jusqu’à tout récemment, l’ESA ou ArianeGroup ne voulaient pas de réutilisation car il fallait consacrer entre 10 à 15% d’ergols à la redescente sur Terre du lanceur et parce que cela aurait rendu plus coûteuse à l’unité une production de moteurs qui aurait été moins nombreux du fait de leur réutilisation. Cela est un raisonnement valable dans une économie statique mais pas dans une économie en développement (et l’on aurait pu penser que les dirigeants européens auraient espérer qu’elle le devienne, la condition étant qu’ils y croient). De ce fait SpaceX a produit plus de moteurs qu’ArianeGroup car elle a construit plus de fusées, même réutilisables, et sa consommation d’ergols supplémentaire par lancement a été totalement négligeable par rapport au gain obtenu pour chacun par les économies d’échelle résultant du nombre de vols. Par ailleurs produire des lanceurs pour les « jeter à la poubelle » n’est pas l’expression d’un souci particulier de l’environnement comme prétendent avoir ESA et ArianeGroup.

Enfin la capacité de transport d’Ariane-6 ne sera pas énorme, 20 tonnes en orbite basse. Ce n’est vraiment pas une révolution. Si le Starship vole il pourra porter 100 tonnes à la même altitude, le Falcon Heavy, porte effectivement 64 tonnes et le Falcon-9, 22 tonnes.

Une note positive cependant. L’Allemagne a obtenu que la fourniture des équipements et prestations soient soumise à la concurrence. Vous avez bien lu le mot « concurrence ». Jusqu’à aujourd’hui les pays membres se répartissaient politiquement les contributions du fait de leur participation à l’ESA (on appelait ça le « géo-retour »). Ce n’était pas la meilleure incitation à produire mieux et moins cher puisque chaque pays avait son petit domaine assuré et protégé. Désormais des appels d’offres seront lancés et les meilleures offres seront retenues, indépendamment de la nationalité du fournisseur (mais il y aura quand même des règles à respecter, les administrations ne pouvant s’empêcher d’en imposer !). Indirectement cela donnera quelques chances au NewSpace européen, c’est-à-dire aux indépendants, notamment Allemands, qui avec des moyens très limités ont décidé de se mesurer aux sociétés officielles aujourd’hui protégées. La NASA le fait depuis « toujours » (depuis la première présidence Obama mais cela fait déjà longtemps). Quel progrès ce sera pour l’Europe mais il est plus que temps !

Airbus-Safran (ArianeGroup) profitera sans danger de cette concurrence car elle est, de loin, l’entreprise la plus puissante en Europe. Par contre les Italiens de l’entreprise Avio, avec le VEGA-C (anciennement produit par ArianeEspace), vont se trouver en concurrence réelle très vite avec les petites sociétés du NewSpace européens, notamment l’allemande « Isar Aerospace » dont le premier lanceur devrait voler fin 2023 mais aussi la franco-allemande « The Exploration Company » qui propose sa capsule Nyx. C’est de là, sans doute, que viendra le progrès mais la progression sera rude. l’ESA prévoit une aide allant « jusqu’à 150 millions d’euros pour les projets de lanceurs les plus prometteurs ». Vu les coûts ce ne sera qu’une « grosse » goutte d’eau.

Avec cette politique, l’Europe n’est pas sortie d’affaire. Le lanceur Ariane-6 * sera toujours non réutilisable et il n’est toujours pas prévu de transport de personnes (sur ce plan la dépendance aux Américains restera totale). Un tout petit espoir cependant : il est à nouveau question d’un transporteur robotique, du type SUSIE (Smart Upper Stage for Innovative Exploration), qui sera, lui, réutilisable, et qui devrait servir à aller et revenir de l’ISS (pas pour les hommes mais pour les équipements et les consommables). La présentation du véhicule avait fait sensation à l’IAC de 2022 car elle avait donné l’impression que l’Europe se réveillait, enfin. Mais on n’en avait plus entendu parler depuis. Une somme de 75 millions d’euros y a été affectée lors de ce sommet. Il faut espérer maintenant que ce projet aille plus loin que le vaisseau cargo ATV (lancé une seule fois il y a 15 ans déjà mais non réutilisable) ou que l’avion fusée Hermès (finalisé il y a 30 ans mais qui n’a jamais volé). Cependant il ne faut pas exagérer son importance ni ses perspectives. SUSIE ne pourra apporter que 4 tonnes dans l’ISS et il ne pourra en rapporter que 2. Ce n’est rien comparé aux capacités du Starship (100 tonnes) et c’est moins que la capacité de la capsule Dragon de SpaceX (6 tonnes) qui fonctionne aujourd’hui. On nous dit que ce véhicule pourrait fonctionner en 2028 mais c’est à cet horizon que l’ISS devrait être désorbitée ! Alors, ce concept va-t-il être développé jusqu’au bout, ou bien va-t-il disparaître comme l’ARV (Advanced Reentry Vehicle) qui devait succéder à l’ATV (Automated Transfer Vehicle) et qui a disparu des écrans autour de 2010 alors qu’il avait fait comme SUSIE, l’objet d’un « démonstrateur » ? A partir de SUSIE, l’ESA dit qu’elle envisage de développer un véhicule habitable et réutilisable…mais il y a un double saut à effectuer (puissance et viabilisation) et aucune date ne peut bien sûr être avancée !

*la mise à feu au sol du moteur Vulcain 2.1 du corps principal de ce lanceur a eu lieu 23 novembre. C’était le dernier test à effectuer avant la tentative de premier vol. Après analyse des données (une quinzaine de jours) Arianespace devrait donner une date pour ce lancement. Ce sera en principe au Printemps 2024 (on en parle depuis 2009 et le premier vol devait avoir lieu en 2020 !).

En résumé, on a l’impression que le constat est fait mais que le virage prendra beaucoup de temps à se concrétiser. Peut-être trop de temps car, en attendant, SpaceX ne va pas dormir sur ses lauriers. Ariane-6 va arriver déjà démodée sur un marché ultra-concurrentiel (en dehors des Américains, il y aussi les Indiens ou les Chinois, même les Japonais) et, franchement, qui va se servir de SUSIE quand Dragon donne pleinement satisfaction pour le type de transport visé et que SUSIE ne sera probablement pas moins cher ? Ce ne sera qu’un test pour autre chose (le transporteur habitable) mais probablement sans rentabilité à la clef. Que de temps et d’argent perdus par l’Europe par pur dédain des autres, c’est-à-dire très clairement par arrogance (« parce que nous sommes les meilleurs et que nous savons mieux que les autres ce qu’il convient de faire »).

Illustration de titre (Capture d’écran ESA) : Ariane-6 sur son pas de tir de Kourou, le 23 Novembre, au milieu de son test de mise à feu du (seul) moteur du corps principal du lanceur (« full stage engine hot-fire test »). Le test consistait à allumer le moteur (« Vulcain 2.1 »), puis à le faire fonctionner de façon stabilisée pendant 470 secondes, durée qui couvre l’ensemble de la phase de vol de ce corps central (il sera accompagné de 2 ou 4 boosters) tel qu’elle se déroulerait lors d’un lancement dans l’espace.

Liens :

https://www.esa.int/Newsroom/Press_Releases/Les_ministres_soutiennent_les_ambitions_de_l_Europe_spatiale_axees_sur_la_durabilite_et_la_competitivite

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/08/europe-spatiale-un-changement-de-paradigme-essentiel_6198938_3232.html

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/08/l-europe-spatiale-a-su-depasser-ses-contradictions-et-ses-rivalites-en-se-reinventant-a-un-moment-cle-de-son-histoire_6198918_3232.html

https://www.cieletespace.fr/actualites/a-seville-l-europe-annonce-vouloir-se-doter-d-un-cargo-spatial-reutilisable

https://www.letemps.ch/sciences/espace/l-europe-spatiale-decide-de-son-avenir-lundi-et-mardi-a-seville

https://www.cieletespace.fr/actualites/la-fusee-europeenne-vega-c-ne-revolera-pas-avant-octobre-2024

https://nextspaceflight.com/events/

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 23 11 17

Cet index reprend l’intégralité des articles publiés dans le cadre de la plateforme letemps.ch

Et, si vous aimez ce blog, abonnez-vous !

24 Responses

    1. Bon point Bob, comment l’EU pourrait à armes égales lutter contre des pays comme:
      – USA
      – Chine
      – Russie
      – Inde
      – Japon
      Qui pour des raisons politiques diverses, ou fonctionnement, n’ont pas à trouver de consensus.

  1. Il y a les lanceurs de vent qui crient leur idéologie, ils parlent. Mais qu’est-ce qui est important? C’est le niveau de foi des ingénieurs en ce qu’ils font, qu’ils aient envie d’aller sur la lune plus que de construire des satellites d’observation de la terre. Et, hélas, aussi la confiance qu’ils peuvent avoir dans le niveau de leurs ressources. Un autre facteur: il se lèvera peut-être parmi eux un petit génie, tout arrive. Cela dit, avec les ravages de 1945, l’Europe n’en finit pas d’essayer de retrouver confiance et même n’y arrive pas. Les succès américains, arabes, indiens, chinois feront-ils bouger les choses? Je suis aussi pessimiste que vous mais…

  2. Bonjour
    Le projet en developpement est « Ariane next » tres proche de space x : ca devrait aboutir dans 6 a 7 ans.
    Ariane 6 est une tres belle fusee mais a ete prise de court par la creativite de Elon Musk et de ce fait se presente comme une fusee d ancienne generation non reutilisable .

  3.  » l’Europe est une administration commune à plusieurs pays ayant des ambitions différentes. L’ESA est le reflet de cette nature composite », mais l’ESA n’est pas l’UE (pas tous les pays en font partie) et l’UE n’est pas l’ESA (des pays hors UE en font partie). Ce qui, évidemment, n’arrange pas les choses mais tend à les compliquer encore! En tout cas, je partage l’opinion qu’il faut que l’ESA cesse d’avoir des ambitions purement commerciales et « utilitaristes ». On ne créera pas en particulier chez les jeunes un enthousiasme pour le domaine spatial, avec des objectifs restant aussi « terre-à-terre ». Voulons-nous ad vitam aeternam nous contenter de s’émerveiller des exploits des autres?! Bien exploitée, la diversité mentionnée plus haut pourrait d’ailleurs aussi se révéler être une richesse et une source d’inventivité originale. Après tout, de quelle origine étaient la plupart des ingénieurs et scientifiques ayant contribué aux débuts de l’ère spatiale (note: ceci est évident pour les Etats-Unis, et je considère la Russie comme essentiellement européenne malgré sa désolante dérive actuelle)?!

    1. Certes l’ESA n’est pas l’UE mais le problème avec les grosses administrations c’est qu’elles sont gouvernées selon le principe du plus petit commun dénominateur. En application de ce principe, l’ESA n’arrive pas à regarder le ciel et se contente à regarder la Terre depuis l’orbite basse terrestre quant il s’agit de vols habités.
      .
      Je me souviens d’une conférence sur l’espace (« Comment faire rêver de l’espace ») donnée le 4 décembre 2014 par Claude Nicollier à Bruxelles (ULB). Avant cette conférence, une petite session de questions / réponses était réservée à la Presse et aux spécialistes. Au cours de cette session le représentant de la France pour l’Europe (UE) en charge du spatial, qui était bien sûr présent, avait répondu qu’il était exclu de considérer les vols spatiaux habités au-delà de l’orbite basse car les astronautes risquaient fortement de griller du fait des radiations. L’esprit a peut-être un peu changé aujourd’hui puisque les Européens depuis le Directeur général de l’ESA, Jan Wörner, considèrent la perspective d’un village lunaire. Mais le cheminement vers ce « village » se fait avec extrêmement de réticence et sans aucun moyen. Ce n’est décidemment pas ce sujet qui inspire les dirigeants « européens » (ESA ou UE).

  4. « Quand on sait qu’un lancement d’Ariane-6 devrait coûter 100 millions d’euros (mais cela dépendra beaucoup de l’économie d’échelle fonction du nombre) et qu’un lancement de Falcon-9 coûte 50 millions d’euros »
    Puisqu’un lancement de Falcon-9 coûte 2 fois moins cher, qu’est-ce qui motive les clients d’Arianespace (il y a eu 5 lancements en 2022-2023) à payer deux fois plus ?

  5. Je ne suis pas du tout pessimiste.
    Les programmes CALLISTO https://en.wikipedia.org/wiki/CALLISTO
    et THEMIS https://en.wikipedia.org/wiki/Themis_programme
    prévoient justement la réutilisation du lanceur avec Ariane Next, y compris le VTVL (lancement et atterrissage verticaux) https://en.wikipedia.org/wiki/VTVL
    avec un nouveau moteur (6 à 9 en tout), succédant au Vulcain 2.1, le Prometheus
    https://en.wikipedia.org/wiki/Prometheus_(rocket_engine)
    et qui utilisera comme carburant le méthane liquide, CH4, à la place du dihydrogène liquide, H2, la densité volumique d’énergie étant de 22,2 MJ/L au lieu de 10,04 MJ/L, un gain considérable, et la température du réservoir étant de -160 °C au lieu de -253 °C.

    1. oui c est exactement ce que je pense ; le moteur prometheus tourne deja au banc et peut s arreter et re-demarrer a volonte et le choix du methane est evidemment judicieux comme vous le signalez et de plus le methane n encrasse pas les moteurs.Reste juste a savoir si la fusee sera en acier au lieu du titane.Et le lanceur sera reutilisable: tout cela est tres bien.
      Normalement compte tenu de la competence et de l experience des gens de Ariane-space cela devrait aller tres vite car dans cette affaire le temps compte.

    2. Je partage en grande partie votre opinion. L’Europe a déjà montré que « quand elle veut, elle peut (et plutôt bien!) ». Ariane Next est un outil prometteur, reste juste à lui assigner des objectifs un peu plus ambitieux que purement utilitaires et commerciaux. Je suis persuadé que l’Europe pourrait alors non seulement rattraper, mais même dépasser à terme les réalisations des autres puissances spatiales. Donc: « lets’go Europe! ».
      En ce qui concerne le méthane liquide, il présente en effet un pouvoir énergétique par litre (55,53 MJ/kg*0,42262 Kg/l=23,5 MJ/l) environ deux fois supérieur à celui de l’hydrogène (142 MJ/kg*0,0709 Kg/l=10,1 MJ/l), ce qui est un incontestable avantage. Son impulsion spécifique est par contre environ 16% inférieure (380 s vs 450 s), mais ce n’est pas très significatif. De toute façon, pour aller vers Mars il faudrait utiliser la propulsion nucléaire, qui permet d’approcher les 900 s d’impulsion spécifique (nucléaire thermique).

      1. Il est intéressant de noter que le méthane est un gaz que l’on pourra obtenir sur Mars par la réaction de Sabatier (gaz carbonique de l’air + hydrogène de la glace d’eau ou CO2 + 4 H2 ⟶ CH4 + 2 H2O).
        Aussi les réservoirs de méthane ne doivent pas être aussi volumineux que ceux de méthane et dans un lanceur le volume compte presqu’autant que la masse.

        1. « le méthane est un gaz », tout dépend à quelles température et pression! La discussion plus haut portait justement sur du méthane liquide utilisé comme ergol dans les moteurs-fusées, et non de méthane gazeux dans cette application.
          « Aussi les réservoirs de méthane ne doivent pas être aussi volumineux que ceux de méthane » ??

          1. D’accord mais on parle aussi de « gaz liquéfié ». Il est évident que l’on ne va pas remplir les réservoirs d’un lanceur avec du gaz non liquéfié.
            .
            Plus sérieusement, en ce qui concerne le volume des réservoirs:
            Le méthane liquide est beaucoup plus dense que l’hydrogène liquide, 422,8 kg/m3 contre 71kg/m3. Le mélange hydrogène/oxygène donne certes une Isp de 435 secondes contre 373 secondes pour le méthane/oxygène mais cela ne compense pas le désavantage de l’hydrogène en densité. Les réservoir d’hydrogène doivent donc être plus volumineux que ceux de méthane (ce qui implique aussi une masse de métal de réservoir plus importante pour le contenir).

            NB, pour rappel: l’Isp est l’« impulsion spécifique », c’est-à-dire la durée pendant laquelle 1 kg d’ergol (carburant et comburant) produit la poussée nécessaire pour générer une force de 1 Newton (force capable de communiquer à une masse de 1 kg une accélération de 1 m/s2) dans le champ gravitationnel terrestre).

          2. Il ne faut pas jouer sur le mots, « un gaz liquéfié » est un liquide, point; gaz et liquides sont des états de la matière physiquement différents, on ne peut utiliser indifféremment une dénomination pour l’autre. On est ici sur un blog dédié à l’exploration spatiale, c’est dans les conditions de surface TERRESTRE que le méthane se trouve sous forme gazeuse, d’où l’expression ci-dessus; sur Titan (lune de Saturne), on a des lacs de méthane liquide, qui y jouent un peu le rôle de l’eau sur Terre (Titan et la Terre sont les seuls objets du système solaire à la surface desquelles existent des étendues liquides, mais pas de même nature). On ne peut donc se référer, comme dans le commentaire impliqué, au caractère gazeux du méthane pour discuter de la taille des réservoirs d’ergols utilisés dans les moteurs-fusées de vaisseaux spatiaux, le méthane y étant stocké sous forme liquide.
            Quant à l’impulsion spécifique, je l’ai citée parce que c’est la valeur encore communément utilisée pour comparer les performance de différents ergols, mais j’ai déjà signalé ici qu’à mon avis on devrait l’abandonner au profit de la vitesse d’éjection (Isp=ve/g); maintenant que nos engins spatiaux sortent du domaine terrestre, ça n’a plus de sens de continuer à faire intervenir l’accélération de la gravité terrestre (en confondant les kg masse avec les kg poids!).

  6. Je ne suis pas déçu par l’ESA car il y a longtemps que je n’attends plus rien de cet organisme.

    Je suis par contre déçu par la Chine. Avec les moyens scientifiques, techniques et financiers dont disposent les Chinois, on aurait pu espérer qu’ils auraient développé, testé et utilisé depuis longtemps un astronef à propulsion thermonucléaire, la seule option valable si les Terriens veulent, un jour, explorer le système solaire.

    1. Vous avez raison.
      Pour une propulsion thermonucléaire, il faudra alors viser un jour soit la réaction de fusion : 2 hélium-3 —> hélium-4 + 2 protons,
      soit la réaction de fusion : hélium-3 + deutérium —> hélium-4 + proton,
      toutes deux très « exothermiques », environ 5,9 10^17 J par tonne, ou 5,6 10^11 J par gramme, soit aussi 164 MWh thermiques par gramme, c’est environ 7 fois mieux que les réactions de fission (23 MWh par gramme de U235), soit aussi 10 millions de fois plus que la combustion du méthane (55,53 kJ/g) !
      Il y aura trois avantages :
      – les produits de fusion (He4 et protons) pourront entièrement être utilisés comme masse d’éjection,
      – il n’y a pas de tritium en jeu ni de production de neutrons qui sont une source d’activation des matériaux (donc aucun sous-produit radioactif),
      – et He-3 semble être assez abondant dans le régolithe lunaire, au moins 100’000 tonnes, même jusqu’à un million de t ; mais il faudrait traiter quelque 150 t de régolithe pour obtenir 1 g de He-3 ! La concentration moyenne est donc de l’ordre de 7 ppb (parties par milliard), de fait, selon les échantillons analysés, on trouve une teneur entre 1,4 et 15, voire ici ou là jusqu’à 50 ppb de He-3.
      Mais, sur Terre, on n’a pas encore réussi à entretenir une réaction de fusion, propre à alimenter un réacteur fonctionnant en continu…

      1. @CdR
        Pourriez vous énumérer sommairement quels sont les points critiques à solutionner pour que la fusion nucléaire se déroule en continu?
        Encore loin du but?
        Merci.

        1. En 1948, Luis Alvarez a reçu le prix Nobel de physique pour avoir découvert que les muons catalysaient la réaction de fusion des noyaux d’hydrogène. S’était-il trompé ?
          En 2002, Arthur Clarke était venu en Angleterre et j’avais eu la chance de le rencontrer et de m’entretenir avec lui. Il était persuadé que Luis Alvarez avait vu juste et, selon lui, Sakarov aurait obtenu des résultats en appliquant sa théorie. Qu’est-ce qui est vrai dans tout ça ?

          1. S’il s’agit bien de Luis Walter Alvarez (1911-1988), il a reçu le prix Nobel de Physique en 1968, mais pas du tout pour la fusion catalysée par les muons dont il s’est effectivement aussi occupé. Son prix était pour la découverte des états de résonance en physique des particules élémentaires. Il s’est du reste aussi intéressé à la détection des hypothétiques monopôles magnétiques en contestant en 1975 une mesure qui en aurait détecté un dans les rayons cosmiques.
            La fusion catalysée par des muons : c’était là une mauvaise bonne idée !
            Avantages :
            – la fusion peut se réaliser à température ambiante et à basse pression
            – car la « densité » des atomes est plus grande qu’avec des électrons, les atomes étant alors bien plus proches les uns des autres puisque la masse du muon vaut 207 fois celle de l’électron.
            Désavantages :
            – la durée de vie des muons est malheureusement très courte, de 2,2 μs
            – il faut fournir une énergie énorme (et donc coûteuse) pour produire en continu des muons très instables
            – de ce fait le gain énergétique de la fusion est soit nul, soit même négatif
            – les muons se font vite piéger par les He4 formés,
            – donc il y a une efficacité très faible de seulement 10 à 100 fusions par muon

  7. ITER est l’outil actuellement mis en œuvre pour chercher à réaliser ce fonctionnement continu.
    Lisez ici les problèmes à résoudre :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/ITER#Problèmes_majeurs
    ainsi que les critiques de la faisabilité :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/ITER#Critique_de_la_faisabilité
    Entre autres, il faut faire coexister à quelques décimètres de distance une température de 150 millions de degrés dans le plasma et une autre de -269 °C pour les éléments supraconducteurs.
    N’oubliez pas qu’ici on a affaire à une autre réaction de fusion : deutérium + tritium —> hélium-4 + neutron.
    Il y a donc du tritium radioactif en jeu et un flux de neutrons formés qui activent la matière environnante, toutes choses évitées avec les réactions nucléaires mentionnées ci-dessus, mais qui demandent de l’hélium-3, actuellement peu disponible, car rare sur Terre.

  8. Fusion nucléaire : le tokamak japonais JT-60SA est inauguré.

    JT-60SA, non ce n’est pas le cousin de R2D2, mais bien le plus grand tokamak (réacteur de fusion nucléaire) au monde. Il a été inauguré ce vendredi 1 décembre 2023, au Japon à Naka. Il est le fruit d’une coopération entre le Japon et l’Union européenne.

    Haut de 15,5 mètres pour un diamètre de 13,5 mètres, il a été installé dans l’Institut de fusion de Naka, à une centaine de kilomètres au nord-est de Tokyo. Il fait partie d’un projet expérimental nommé « l’énergie des étoiles » entre le Japon et l’Europe. Sa construction avait débuté en 2013 et a été achevée en 2020.

    Comme un air de famille avec Iter

    Beaucoup parlent du « petit frère d’Iter », le réacteur international de fusion nucléaire en cours de construction en France.

    Suite:
    https://www.sfen.org/rgn/fusion-nucleaire-le-tokamak-japonais-jt-60sa-est-inaugure/

  9. Bonjour
    Apparement STARSHIP V2 sera plus legere ,plus grande,et plus puissante avec les nouveaux moteurs RAPTOR comme nous l avions suppose il y a quelques mois.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

Abonnez-vous à ce blog par e-mail.

Saisissez votre adresse e-mail pour vous abonner à ce blog et recevoir une notification de chaque nouvel article par e-mail.

Rejoignez les 88 autres abonnés