Avant d’examiner plus avant la recherche MELiSSA (Micro Ecological Life Support System Alternative), il convient de présenter sa structure et son organisation.
Les travaux de MELiSSA s’articulent autour de six « compartiments ». Chacun, d’abord seul et maintenant en relation avec les autres, permet d’étudier les différents stades d’interactions écologiques de la boucle de vie : dans le « Compartiment 1 » les bactéries anaérobie thermophiles effectuent à 55°C la dégradation des déchets organiques des animaux et plantes supérieures (qui évoluent dans le « Compartiment V »), en acide gras volatils, minéraux et ions ammonium (les fibres sont traités dans un compartiment annexe); dans le « Compartiment II » des bactéries photo-hétérotrophes (qui élaborent leur propre matière organique avec l’aide de la lumière à partir de matière organique déjà produite par des êtres vivants) fixent le carbone, procèdent à la dégradation des acides gras volatils en leurs composants, gaz carbonique et hydrogène/eau et transforment l’ammonium (NH4+) en ammoniac (NH3–); dans le « Compartiment III » des bactéries nitrifiantes effectuent, grâce à l’apport d’oxygène du « Compartiment IV », la transformation de l’ammoniac en nitrates (NO3–) ; dans le « Compartiment IV » les nitrates et le gaz carbonique viennent nourrir des plantes supérieures (IVb) et des bactéries photo-autotrophes (qui fabriquent leur matière organique à partir des minéraux de leur environnement) du genre spiruline ou chlorelle (IVa) dont le métabolisme puise ses ressources dans le gaz carbonique et rejette de l’oxygène ; dans le « Compartiment V » vivent les animaux supérieurs, et plus tard l’homme, qui s’alimentent de la production des deux compartiments IV.
Tout a commencé dans les années 1980 par l’initiative de personnes privées, comme souvent dans les belles histoires collectives européennes. Ce sont des individus, les Français Claude Chipaux et Daniel Kaplan de Matra Espace, Marcelle Lefort-Tran et Guy Dubertret du CNRS, les Belges Max Mergeay (SCK-CEN, centre d’étude de l’énergie nucléaire civile) et Willy Verstraete de l’Université de Gand, qui ont voulu lancer un projet européen de recyclage des déchets et du dioxyde de carbone par des bactéries qui, en se développant, deviendra le « Consortium MELiSSA » en 1993. La structure en a été formalisée à cette date par un “Memorandum of Understanding” (MoU), avec la contribution essentielle de l’ESA qui en a pris en charge le management. Le « Project Manager » est depuis une vingtaine d’années le Dr. Christophe Lasseur (coordinateur des activités R&D de Support-vie de l’ESA-ESTEC).
Ce qui caractérise l’organisation MELiSSA c’est sa souplesse, son adaptabilité et son efficacité. Progressivement de très nombreuses entités se sont ajoutées aux pionniers en tant que « partenaires » indépendants (« officiels », ayant signé le MoU ou simplement « coopérants »). Ce sont des universités, centres de recherche et sociétés industrielles établies ou spin-off (transfert de technologies au travers de IPStar.BV). L’idée maîtresse est, sur le court terme, de faire bénéficier la Terre de ses recherches qui ont, a priori et sur le long terme, un horizon spatial. Son premier corollaire est de compter avant tout sur soi et ses membres et donc de générer autant que possible des revenus propres, par la commercialisation des applications (ainsi, par exemple, pour le traitement de l’eau ou l’analyse du milieu microbien). Son deuxième corollaire est de participer à son propre développement sur le plan intellectuel et c’est l’objet de la Fondation MELiSSA qui offre des bourses d’études à 140 jeunes scientifiques et ingénieurs dans les divers domaines d’intérêt du projet.
Aujourd’hui le Consortium comprend 40 partenaires implantés dans 13 pays. Ce sont, outre la Suisse, la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, le Canada, la Norvège, la Russie, l’Irlande, la Hollande, la grande Bretagne, la Norvège et l’Allemagne. En Suisse, les partenaires, outre l’UniL où se déroulait le dernier « workshop », sont les EPF, RUAG-Space et la HES-SO (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale). Parmi les organisateurs suisses du workshop, il convient de noter outre Théodore Besson, porteur du projet Oïkosmos, déjà nommé, Le Dr. Suren Erkman, promoteur de l’« écologie industrielle » et enseignant à l’UniL. Tous deux concrétisent parfaitement le double objectif de la recherche, sur le plan général, de MELiSSA.
En dehors de ces généralistes, les partenaires sont, chacun, spécialisés sur leur « compartiment ». Ils y travaillent « chez eux ». Progressivement cependant les compartiments vont être intégrés dans une installation unique située dans les locaux de de l’UaB (Université autonome de Barcelone), l’un des « partenaires officiels » de MELiSSA. L’intégration a commencé et les travaux ayant suffisamment avancé, on va prochainement introduire des êtres vivants dans la boucle (le « Compartiment V »), en l’occurrence les souris de BIORAT. En fin de compte l’installation devra être miniaturisée.
L’aventure MELiSSA dure maintenant depuis près de 30 ans. Plus que sa longévité ses accomplissements sont un succès, les nombreuses recherches spécifiques effectuées, la coordination de ces recherches que l’organisation permet, la meilleure compréhension du système micro éco-biologique, la compréhension des paramètres à prendre en compte pour faire vivre de façon pérenne un milieu micro éco-biologique, et les divers dispositifs imaginés pour faciliter l’exploration de l’espace profond par vols habités.
A suivre! (« MELiSSA » 2/7)
NB: La NASA a son propre système de recherche en ECLSS (Environmental Control & Life Support System) mais il n’a pas la même ambition que MELiSSA (boucle fermée reposant sur des processus naturels).
Image à la Une : la boucle MELiSSA (crédit MELiSSA / ESA)
Lien vers l’incubateur des spin-off de MELiSSA: http://www.ipstar.io/