Début septembre, notamment le 6 et le 10, notre père le Soleil était en colère. Il nous a bombardé de flux de radiations intenses qu’on appelle tempêtes solaires. Le 10, il a même envoyé une bouffée de matière ultra chaude (sous forme de plasma) qu’on appelle CME (Coronal Mass Ejection) qui a touché les Amériques (très atténuée!). Cet événement est inhabituel. Il met en évidence que le soleil est un astre qui vit et donc qui varie dans son rayonnement, qu’il est dangereux de par sa puissance, aussi bien que bénéfique, et qu’il ne peut être facilement prévisible.
Le soleil est une énorme boule d’hydrogène et d’hélium, comme 98% de l’univers actuel. En dehors de cette composition chimique, le fait le plus important qui le caractérise est sa masse : 1,9891 x 10³⁰ kg soit 330.432 fois la masse de la Terre. C’est cette masse qui détermine la pression en son centre (on parle de « compression gravitationnelle ») et donc le niveau de nucléosynthèse (par fusion nucléaire) qu’elle effectue continûment. Le soleil étant une étoile moyenne (de type « G2 » dans une classification spectrale progressant selon les lettres OBAFGKM), cette nucléosynthèse consiste à transformer son hydrogène en hélium (d’autres étoiles plus massives produisent du carbone et, en fin de vie, des éléments plus lourds). Cette fusion dégage de la chaleur (elle est exothermique), de la lumière (diverses longueurs d’onde dont la lumière visible et les UV) et un vent de particules ionisées, principalement des protons (c’est-à-dire des noyaux d’hydrogène privés de leur unique électron).
L’activité solaire est rythmée par des cycles durant entre 8 et 14 ans et de 11,2 ans en moyenne (qui ne sont pas encore totalement expliqués même si on a fait récemment de grands progrès*). Ceci veut dire qu’elle est en principe plus intense en haut de cycle. Cette intensité, qui peut varier du simple au triple, se manifeste par des éruptions plus fréquentes (à partir des fameuses « taches noires »), qui peuvent donner lieu à des phénomènes très violents de CME (comme les 6 et 10 septembre), à l’occasion desquelles de la matière solaire dépasse la vitesse de libération du soleil (617 km/s contre 11,2 km/s pour la vitesse de libération de la Terre). Ils peuvent durer de quelques minutes à une heure ou un peu plus.
*article d’Olivier Perrin dans le Temps du 14 /07/ 2017 .
Les émissions solaires, résultant de l’activité « normale » de notre étoile, nous chauffent et nous éclairent. Si nous n’avions pas plusieurs couches de protection naturelle (atmosphère épaisse, couche d’ozone, champs magnétique déterminant une magnétosphère qui piège les radiations et particules ionisées dans la Ceinture de Van Allen), nous recevrions outre les particules ionisées mentionnées ci-dessus, des UVc (les UV les plus dures) et beaucoup plus d’UVa et UVb ; autant dire que la surface terrestre nous serait impraticable sans scaphandre protecteur, comme l’est celle de la planète Mars et encore plus l’espace profond. Toutefois au cours des tempêtes solaires et ceci d’autant plus qu’elles sont plus fortes, nous subissons des dommages : perturbation des communications, des réseaux électriques et des appareils électroniques. Dans l’espace les particules ionisés peuvent détruire les molécules organiques et causer des lésions dans le corps des astronautes (donc des dérèglements, induisant des cancers, des dommages neurologiques, des maladies dégénératives des tissus ou même la mort par syndrome radiatif aigu). On peut supporter quelques lésions mais pas une abondance de lésions en même temps. Il faut donc se protéger.
L’intensité varie beaucoup d’un événement à l’autre. On remarque en particulier qu’une abondance de taches est beaucoup moins grave qu’une énorme tache. Les Etats-Unis suivent le temps solaire avec leur « SWPC » (« National Oceanic and Atmospheric Administration’s Space Weather Prediction Center »). L’avantage que nous avons c’est que les taches naissent et croissent sur une certaine durée. On peut donc les observer, tenter de prévoir les éruptions et d’évaluer quand elles pourraient nous frapper, en prenant en compte que le soleil tourne sur lui-même en 27 jours (ce qui donne un préavis). L’éruption est directionnelle, mais elle diffuse son jet de radiations ou de particules en spirale (il est donc difficile de savoir quel endroit de la planète elle va toucher). L’inconvénient est que les émissions se déplacent extrêmement vite dans l’espace ; les radiations photoniques, les moins dangereuses, bien sûr à la vitesse de la lumière (300.000 km/s), mais les particules avec masse, les plus dangereuses, moins vite ; le plasma d’une CME à une vitesse de seulement 400 à 800 km/s (il a été freiné au départ par la gravité solaire).
Ce qui est surprenant dans l’événement dont nous venons d’être témoins le 10 septembre, c’est qu’il se soit produit en période de moindre activité par rapport au pic qui devait avoir lieu en 2013 (le cycle de onze ans a commencé en janvier 2008), et aussi que sa force est inhabituelle (événement « X », sur une échelle A, B, C, M, X), le plus fort depuis 12 ans, d’autant plus que le cycle était réputé « calme ».
La leçon à tirer est que nous avons encore beaucoup à apprendre du soleil et qu’en conséquence la science de la prévision des événements solaires est aussi difficile (sinon plus !) que celle des prévisions météorologiques. Il est toujours préférable de savoir le temps qu’il va faire avant de sortir et nous nous apprêtons à le faire beaucoup plus que par le passé puisqu’après les missions lunaires d’il y a quarante ans, nous nous préparons à repartir physiquement dans l’espace profond (au-delà des Ceintures de Van Allen). Ce qui complique la problématique c’est (1) que lorsqu’une fusée est lancée, il n’est pas possible d’interrompre la mission dont elle est le vecteur ; (2) qu’un voyage vers la Lune dure 3 jours mais qu’un voyage vers Mars dure 6 mois ; (3) que dans l’espace profond nous sommes exposés en même temps aux radiations solaires et aux radiations galactiques ; (4) que prises individuellement les particules lourdes galactiques sont beaucoup plus dangereuses que les particules solaires (y compris les protons) ; (5) que lorsque l’activité solaire est forte, elle repousse et nous protège des radiations galactiques ; (6) que la densité des averses de protons lors d’une tempête peut facilement être mortelle à très court terme tandis que c’est plutôt sur la durée que les radiations galactiques (constantes) sont nuisibles. Ceci dit on peut se protéger d’un bombardement de protons mais on ne peut pas se protéger de la composante la plus dure (nombre « Z » élevé) du rayonnement galactique.
Alors que faire ?
Il vaudra mieux malgré tout voyager pendant les périodes de pics d’activité solaire en espérant ne pas avoir à subir de tempêtes avant d’arriver à destination, sur Mars par exemple (on y bénéficiera de la protection de l’atmosphère martienne qui donnera la même protection que celle dont on bénéficie dans la Station Spatiale Internationale et on peut aussi, comme sur la Lune se mettre sous la protection d’une couche épaisse de régolithe ou dans une cavité du sol). En temps « normal » on pourra toujours porter des gilets antiradiations du type « astrorad »* de la société Stemrad. Si jamais on était surpris par une tempête solaire, il faudrait se mettre en plus, à l’abri dans un caisson de sécurité le temps qu’elle passe. Ce caisson pourrait être constitué par un cylindre autour duquel seraient disposées les réserves d’eau et de nourriture. Le noyau des atomes d’hydrogène de l’eau, en fait des protons, ne seraient pas explosés par les projections de protons solaires, au contraire des noyaux d’éléments lourds qui du fait de leur composition (plusieurs protons et éventuellement plusieurs neutrons), généreraient de multiples rayonnements secondaires très agressifs, dont des rayons gamma.
* article sur astrorad daté du 16 /11 /2017 dans mon blog.
Ce risque est une des raisons pour lesquelles, dans l’espace profond il vaut mieux aller sur Mars que nulle part ailleurs (meilleure protection que sur la Lune, sur Phobos ou dans l’espace profond, et voyage de six mois maximum).
Il faut donc, en même temps que nous devons le remercier pour l’énergie dont il nous comble à profusion, toujours se méfier des colères du Dieu Aton.
lien (film de l’éruption) : https://www.youtube.com/watch?v=N4u7Il-U0OI
Image à la Une : éruption solaire du 10 septembre 2014 (catégorie 1,6X) crédit : NASA/GSFC/SDO. NB: l’explosion du 10 septembre 2017 était beaucoup plus forte (9,3X). Image ci-dessous: l’éruption du 10 septembre 2017.
4 Responses
Bizarre qu’un économiste et banquier puisse avoir de telles connaissances a caractère plutôt scientifique. Bon , le monde appartient aux pluralistes. A part cela, j’ai bien apprécié l’article, plein d’informations sur l’espace qui nous entoure.
A noter qu’il est plus facile de se protéger de particules chargées (comme les protons ou les particules alpha), qui sont assez vite arrêtées dans la matière, ou qui pourrait alternativement également l’être en créant un champ électromagnétique autour du vaisseau spatial. L’eau par contre est à peu près la seule protection envisageable contre les rayonnements neutroniques qui, comme leur nom l’indique, ne sont pas chargés électriquement. Le principe est alors celui des boules de billard, les protons de la molécule d’eau, de masse très proche de celle des neutrons freinant ici ces derniers par collision (comme une boule de billard entrant avec une autre de même masse lui communique toute son énergie et s’arrête), et non par un phénomène d’ionisation dans ce cas inexistant.
et selon vos théories financières, probablement héritées de votre passé de banquier, l’accès aux caissons est bien entendu payant
C’est sans doute de l’humour mais ce n’est pas très malin! Je constate que certaines personnes sont tellement aveuglées par leur anticapitalisme primaire qu’elles finissent par dire n’importe quoi.