Et voilà ! Le 24 décembre 2024 à 06h53 UTC, la sonde Parker (« Parker Solar Probe », « PSP ») de la NASA a atteint l’objectif astronautique qui lui était fixé, celui de descendre à moins de 10 rayons solaires (« Rs ») de la surface de notre astre du jour (plus précisément 8,78 Rs soit 696.340 km x 8,78 = 6.114.200 km soit 0,04087 au – unité astronomique i.e. 149.597.871 km). C’est le point le plus bas jamais atteint. Le passage au périhélie (au plus près du Soleil) a dû avoir lieu à la vitesse de 192,23 km/s (692.018 km/h). Nous avons reçu un premier signe de vie seulement le 26 décembre à 19h57 UTC car il était impossible à la sonde de transmettre quoi que ce soit plus tôt. D’autres informations suivront le 1er Janvier mais elles ne seront que télémétriques. Les données scientifiques viendront fin janvier.

Indépendamment de tout enseignement scientifique, on doit saluer cette prouesse extraordinaire. Pour référence la planète Mercure à son périhélie, approche à 46 millions de km (0,3075 au) du Soleil. Les missions qui s’en étaient le plus approchées jusqu’à présent étaient Helios 2 (NASA, 1976) et Solar Orbiter (ESA, 2022, toujours en cours). Mais elles ne s’étaient risquées que jusqu’à un tout petit peu au-delà de Mercure, soit 43,38 millions de km (0.29 au). Lors de ses passages au périhélie, la sonde PSP pénètre, elle, profondément dans le plasma coronal. La température de ce plasma est supérieure à 500.000 degrés Celsius. Mais compte tenu de sa densité très faible à la distance atteinte (sauf éruption solaire massive, Coronal Mass Ejection, « CME »), le transfert de température à la sonde provient beaucoup plus des photons que de la matière projetée, et n’atteint que 1370 degrés Celsius en surface du bouclier thermique. A noter qu’à cette distance du Soleil, les radiations sont toutefois 500 fois plus fortes que dans notre environnement terrestre et qu’un instrument sophistiqué ne pourrait y séjourner longtemps. Après chaque passage, très rapide, la sonde repart donc vers l’orbite de Vénus. Il y a eu 22 passages au périhélie mais seulement sept survols de la planète (il permet des ajustements très puissants de vitesse). Le dernier aphélie de PSP se situe vers 155 Rs (juste un peu en-dessous de l’orbite de Vénus). Et bien sûr, elle va alors beaucoup moins vite (actuellement un peu au-dessus de 11 km/s à comparer aux 192,23 mentionnés ci-dessus) car il lui faut vaincre une attraction solaire extrêmement forte en s’éloignant du Soleil (avant de retomber vers le Soleil en étant de nouveau fortement accélérée). Ce « réglage » qui dépend bien sûr de la vitesse initiale et de la position par rapport au Soleil, est extrêmement précis et périlleux car il conditionne l’approche et donc la vitesse au périhélie (voir plus bas).

La sonde au périhélie va beaucoup plus vite (les 192,23 km/s en étant le maximum) que n’importe quel autre objet créé de la main de l’homme. Le deuxième, la sonde Voyager 1 ne se déplace qu’à 17 km/s et Helios 2 n’a atteint que 70,2 km/s. Mais si l’on tentait à cette vitesse d’aller jusqu’à Proxima Centauri, l’étoile la plus proche de notre système solaire située à 4,23 années-lumière, il nous faudrait quand même 6.600 ans car cette vitesse énorme pour nous n’est que 0,00064% de celle de la lumière. Cela nous donne clairement le périmètre de notre jardin !

Intérêt scientifique

L’objet de la mission est d’observer « de près » la couronne solaire (la couche externe de l’atmosphère du Soleil). Cette région s’étend sur près de dix millions de kilomètres (environ 14 fois le rayon du Soleil, Rs) au-dessus de la photosphère (surface solaire).

La sonde PSP a été lancée le 12 août 2018, en présence de l’homme dont elle porte le nom, Eugene Parker, astrophysicien, spécialiste du Soleil, né en 1927 et qui était alors toujours vivant et bien conscient (il est mort en 2022, à 94 ans).

La raison de cet hommage est qu’au milieu des années 1950, Eugene Parker avait déduit de ses recherches théoriques et contre l’opinion des « autorités », l’existence du « vent solaire » (un plasma constitué de protons c’est-à-dire de noyaux d’hydrogène ionisés, et d’électrons). Ce vent est une expression de la magnétosphère propre à l’astre. Parker donnait même le volume de cette magnétosphère (vérifié ensuite et devenu « spirale de Parker ») qui s’étend jusqu’à Jupiter. Plus tard, en 1987, il a proposé une explication, acceptée largement aujourd’hui, de l’origine de l’échauffement de la Couronne, celle des nano-éruptions (« nanoflares ») solaires.

Les objectifs scientifiques de la mission PSP actuelle sont donc, naturellement, de vérifier la théorie et d’aller plus loin. Il s’agit plus précisément de :

-déterminer la structure et l’évolution des champs magnétiques à l’origine de la projection des particules du vent solaire (Spirale de Parker) ;

-tracer les flux d’énergies provenant de la chromosphère (juste en dessous de la couronne) pour mieux comprendre le réchauffement de la couronne jusqu’à plusieurs millions de degrés (nanoflares) alors que la température de surface évolue entre 4000K et 6000K ;

-déterminer le processus à l’origine de l’accélération dans la couronne, du transport des particules du vent solaire (NB : il passe dans l’environnement terrestre à une vitesse de 500 km/s) ;

-généralement étudier autant que possible notre Soleil, une étoile assez banale, relativement peu massive et située au milieu de la séquence principale de Hertzsprung-Russell. Cette étoile étant évidemment la seule que l’on puisse approcher d’aussi près.

La mission a été prévue en fonction d’exigences d’approche autant que possible et de protection autant que nécessaire. Le coordinateur de sa réalisation, opérateur de mission et utilisateur principal des données est le « JHUAPL », John Hopkins University Applied Physics Laboratory. Pour atteindre ses objectifs, la sonde Parker a embarqué quatre « suites » d’instruments nommées SWEAP, ISIS, WISPR, FIELDS. Leurs fonctions, permettent de mieux en comprendre l’intérêt :

SWEAP-SPAN (Solar Wind Electrons Alphas and Protons Investigation) a pour objet de compter les différents éléments du vent solaire et de mesurer leurs propriétés (vitesse, densité, température). L’instrument est en deux parties, complémentaires, la Solar Probe Cup, « SPC », un collecteur placé dans le cône tronqué derrière le bouclier thermique et le Solar Probe Analyser, « SPAN », placé dans la partie haute du cylindre de la sonde. Il a été développé par l’Université du Michigan avec le concours du Smithonian Astrophysical Observatory (Cambridge, Mass.) et de l’Université de Californie, Berkeley.

ISIS (Integrated Science Investigation of the Sun) observe les électrons, protons et ions lourds accélérés à des énergies élevées (10 KeV à 100 MeV) dans l’atmosphère coronale et les met en rapport avec le vent solaire. L’instrument se trouve dans la partie haute du cylindre de la sonde, avant SWEAP-SPAN. Il a été développé principalement par l’Université Princeton.

WISPR (Wide Field Imagers for Solar Probe) est un groupe de télescopes qui prennent des photos de la couronne solaire et de la naissance de l’héliosphère pour capter tout événement, structure, dépôt, impact à l’approche et au passage de la sonde. Il se trouve dans le bas du cylindre de la sonde, après SWEAP-SPC. Il a été développé par le Naval Research Laboratory.

FIELDS (Fields Experiment) effectue la mesure directe des champs et ondes électriques et magnétiques, des flux de Poynting (qui indiquent la direction de propagation des ondes électromagnétiques), de la densité du plasma et de ses fluctuations de densité. L’instrument qui comprend plusieurs types de magnétomètres, se trouve sur la perche dans la queue de la sonde. Il a été développé par l’Université de Berkeley.

L’astronautique

Compte tenu de ce que la sonde approche au plus près du Soleil, la difficulté majeure de la mission a été de la protéger efficacement de la chaleur. La Couronne solaire à une forme variable en fonction des changements largement imprévisibles dans la configuration des lignes de champ magnétique. On a donc conçu et réalisé une protection thermique extraordinaire, la « TPS » (Thermal Protection System). C’est un bouclier de 11,43cm d’épaisseur et 2,3 mètres de diamètre (permettant d’éviter que les émissions solaires atteignent directement les instruments et les équipements embarqués, sauf lors des prises de données, évidemment brèves) constitué de mousse de carbone enveloppée dans un composite carbone-carbone et recouvert, côté Soleil, d’une couche d’alumine. La sonde est aussi équipée d’un liquide refroidissant (simplement de l’eau sous pression !). Cela permet de maintenir les instruments et les équipements à l’intérieur de la sonde à une température maximum de seulement 29°C lorsque la face vers le Soleil est portée à 1400 K (1126°C). Elle pourrait résister brièvement à des températures de 1650°C mais il faut espérer qu’elle ne se trouve pas prise dans les éjections d’une éruption solaire assez dense (une « CME » pour « Coronal Mass Ejection »). Une partie de la solution est aussi la réduction du temps de passage dans l’« enfer » (la durée maximum de « séjour » à moins de 0,3 au, l’orbite de Mercure, est de 110 heures). Par ailleurs l’architecture de vol est prévue pour que le bouclier fasse constamment face au disque solaire (les variations d’orientation par rapport à cette direction doivent être inférieures à un degré) et en dessous de 0,1 au, les organes de prise de données sont abrités à l’intérieur de la sonde lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Les deux panneaux solaires, sont tout petits, surface totale de 1,55 m2. Compte tenu évidemment de la puissance de l’irradiance à cette distance, on n’a pas besoin de plus. Mais ils sont quand même rétractables et placés dans l’ombre du bouclier à l’approche du Soleil.

Le principe de la navigation a été de faire décrire à la sonde des orbites en ellipses dans le plan de l’écliptique, en allant de l’orbite de Vénus à la face opposée du Soleil, et en les resserrant progressivement en utilisant la planète Vénus pour la freiner (sept survols) et pour qu’elle puisse ainsi descendre plus profondément vers le Soleil. Au total, entre 2018 et 2025 la sonde doit décrire 24 ellipses tendant vers 88 jours chacune (seules les trois dernières et les plus courtes, dont la 22ème de ce 24 décembre, doivent atteindre cette durée). Et les 3 périhélies les plus « serrés » devaient être effectués à 0,045 au soit 9,68 rayons solaires ou 6,74 millions de km seulement. A 8,78 Rs ; 0,040 ua et 6,114 millions de km, nous sommes donc nettement au-dessous. A cause de la chaleur, les données sont stockées dans la région du périhélie et ne sont diffusées vers la Terre (« science data downlink periods ») que lorsque la sonde se trouve dans un environnement sûr en allant vers son aphélie.

Outre la chaleur, un second problème est la vitesse de la sonde qu’il faut combiner avec la force d’attraction solaire. Au cours du freinage la sonde devient plus sensible à cette attraction (au plus bas, force de 274 m/s2 contre 9,8 m/s2 pour la Terre). Le pilotage astronautique est très délicat ! Il s’agit de céder un peu de vitesse mais pas trop. Si l’on ralentissait trop à l’aphélie, la sonde serait capturée par le Soleil au périhélie et disparaîtrait corps et bien dans la fournaise.

Dans son programme, la sonde Parker doit tenter deux nouveaux périhélies après celui-ci mais sans s’approcher davantage du Soleil. Ce sera le 22 Mars 2025 et le 19 juin 2025. Après, selon le JHUPL (John Hopkins University Applied Physics Laboratory), “the team will decide whether to keep the spacecraft in that orbit or reposition it.” Peut-être tentera-t-on un passage encore plus près ?

Pour comparaison, le Solar Orbiter, sonde de l’ESA qui évolue dans sa zone d’exploration depuis 2022 et continuera jusqu’en 2026 ne joue pas dans la même cour sur le plan astronautique. Son périhélie n’approche le Soleil qu’à 55 rayons solaires. Son intérêt est qu’elle a une orbite polaire et voit donc le Soleil sous un angle particulier.

PS, Communiqué de la NASA daté du 02 janvier: « Eight days after its record-breaking closest approach to the Sun’s surface Dec. 24, 2024, NASA’s Parker Solar Probe has confirmed the spacecraft’s systems and science instruments are healthy and operating normally, including collecting science data as it swung around our star. »

Illustration ci-dessus : les orbites de la sonde Parker. Vous remarquerez qu’elles se resserrent petit à petit, entre l’orbite de Vénus et le côté opposé du Soleil (périhélie). Les trois premiers périhélies ont été jusqu’à 35 Rs, les périhélies 4 et 5 sont descendus à 27 Rs, les 6 et 7 à 20 Rs, les 8 et 9 à 15 Rs, les 10 à 16 à 11 ou 12 Rs, les 17 à 21 à 10 Rs et le 22ème est passé en-dessous de 10 Rs.

Illustration ci-dessous : la sonde Parker à l’approche du Soleil (vue d’artiste) : crédit NASA/John Hopkins APL/Steve Gribben. Vous remarquerez les panneaux solaires mobiles sur le côté ; les antennes qui partent du bord du bouclier et la perche à l’arrière qui porte un magnétomètre.

Liens :

https://parkersolarprobe.jhuapl.edu/News-Center/Show-Article.php?articleID=206

https://parkersolarprobe.jhuapl.edu/index.php#the-mission

https://space.stackexchange.com/questions/66537/how-fast-does-the-parker-solar-probe-move-before-at-aphelion

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/astronomie-sonde-parker-survit-fondre-approchant-soleil-comme-jamais-118458/

https://www.space.com/the-universe/sun/what-time-is-nasa-parker-solar-probe-closest-sun-flyby-on-christmas-eve

https://science.nasa.gov/mission/parker-solar-probe/

https://blogs.nasa.gov/parkersolarprobe/

https://blogs.nasa.gov/parkersolarprobe/2023/08/10/course-correction-keeps-parker-solar-probe-on-track-for-venus-flyby/

Je vous souhaite une bonne fin d’année 2024 et vous adresse tous mes meilleurs voeux pour 2025!

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15 réponses

  1. Une très belle et impressionnante réussite dont on attend avec impatience les données scientifiques récoltées. Cette mission complète « vers l’intérieur » cette fois les missions d’exploration de notre Système solaire. Pratiquement plus aucune zone de celui-ci nous reste encore inaccessible, pour ce qui est de missions robotiques tout au moins (pour des missions habitées, c’est évidemment une autre question).
    « Happy New Year 2025 » à tous!

  2. Magnifique exploit !
    Peut-être faut-il préciser que le revêtement du bouclier thermique en alumine provoque un albédo de près de 80%. Ainsi, s’il est correct de dire que, à la distance de 6,1142 millions de km du Soleil la température d’équilibre serait de 1377 K pour un corps noir, du fait de la présence de cette surface blanche la température d’équilibre n’est plus que de 921 K.
    Avec, à mon tour, l’expression de mes remerciements et mes voeux chaleureux réitérés à l’auteur et, bien sûr, aussi aux lecteurs de ce blog.

    1. Merci cher Monsieur de Reyff pour votre commentaire, vos remerciements et vos vœux.
      .
      Je vous adresse les miens en retour, bien sincères et je profite de ce message pour associer à ces vœux spécifiques, les autres lecteurs les plus actifs, notamment Pierre-André Haldi, Robert Niogret et « Martin ».
      .
      Un blog est une œuvre collective et le nôtre fonctionne plutôt bien avec les commentaires qui complètent, qui corrigent ou qui ouvrent sur d’autres horizons. Mais on peut toujours faire mieux et je souhaite donc pour 2025 une participation visible encore plus importante. Chers amis-silencieux, n’hésitez pas, exprimez vous!
      .
      Vous avez raison, Monsieur de Reyff, pour la couche d’alumine. Elle réfléchit/renvoie la lumière. Cela me fait penser aux ombrelles qu’utilisaient les femmes à Singapour et qui étaient recouvertes d’un film de métal avec l’objet bien compris de rafraichir, un peu, l’atmosphère en dessous.

  3. Ne trouvez-vous pas ce programme sacrément ambitieux même si cette sonde reste en place longtemps? « mieux comprendre le réchauffement de la couronne jusqu’à plusieurs millions de degrés (nanoflares) alors que la température de surface évolue entre 4000K et 6000K « . Ce serait extrêmement intéressant de comprendre ce phénomène, sa cause. Mais toute avancée sera bienvenue.
    Je me joins à monsieur Brisson et aux lecteurs de ce blog pour souhaiter à tous les personnes qui visitent ce blog mes vœux de lectures enrichissantes et de bonne santé

  4. Un ami lecteur m’a demandé ce qu’il en était de la Terre pour cette température d’équilibre.
    Si la Terre était un corps noir, cette température serait de 278,3 K, soit +5,2 °C en moyenne (avec une fourchette de plus ou moins 2,3 °C entre le périhélie et l’aphélie).
    Mais, du fait que la Terre a un albédo de 0,306 (dû aux diverses surfaces réfléchissantes : sols plus ou moins foncés ou clairs, océans, végétations, nuages…), cette température tombe de fait bien en-dessous de zéro, soit à 254,0 K ou -19,1 °C. Si la Terre était quasiment blanche (recouverte de glace), avec un albédo de 0,6 (pour la glace, voire de 0,8 pour la neige fraîche), cette température d’équilibre tomberait à -52 °C.
    Ce n’est que grâce à un bienfaisant (eh oui !) effet de serre, dû aux gaz triatomiques minoritaires de l’atmosphère (dans l’ordre décroissant de leur influence : H2O, CO2, O3, N2O, et autres gaz synthétiques), présents à côté des gaz diatomiques habituels N2 et O2, qu’un forçage de près de 34 degrés permet à la température moyenne de la Terre de se situer « agréablement » à +15 °C.
    Finalement, cette température moyenne « agréable » et donc vivable est le résultat de subtils effets contraires : une augmentation de l’albédo (celui des couches nuageuses, par exemple, avec un albédo compris entre 0,5 et 0,8) tendant à un refroidissement, d’un côté, et, de l’autre, une augmentation des gaz à effet de serre tendant à un réchauffement.

    1. Merci Monsieur de Reyff pour votre commentaire.
      Il met remarquablement en évidence combien le réglage est complexe, fin et délicat. Il s’en faudrait tellement peu pour que la situation soit catastrophique ! Ne nous plaignons donc pas quand il fait un tout petit peu trop chaud ou un tout petit peu trop froid…Ceci n’exclut bien sûr pas que nous soyons vigilants quant à notre impact sur l’environnement.

  5. Vous avez bien raison de le souligner.
    Je viens en effet de vérifier ici
    https://nssdc.gsfc.nasa.gov/planetary/factsheet/earthfact.html
    que la Nasa a récemment (15 novembre 2024) encore réduit l’albédo de la Terre de 0,306 à 0,294.
    Il y a donc moins de surface blanches (glaciers, calottes polaires) et plus de surfaces sombres d’océans.
    Ce qui signifie que la température d’équilibre, avant effet de serre, est passée désormais de 254,1 K à 255,1 K, soit de -19 °C à -18 °C. Cet effet d’albédo, décroissant actuellement, va donc dans le même sens que celui des gaz à effet de serre…

  6. L’albedo qui mesure la capacité d’un corps astronomique à réfléchir la lumière reçue est en fait « l’albédo de Bond » (rien à voir cependant avec un célèbre espion de sa Majesté, c’est le nom d’un astronome américain!), ou « albédo planétaire », qui diffère plus ou moins de l’albédo « géométrique ». Il mesure la capacité d’un corps astronomique à réfléchir la lumière reçue, en tenant compte de tous les angles sous lesquels cette lumière parvient à la surface du corps. Si l’albédo géométrique de la terre est de l’ordre de 0,306, son albédo de Bond est estimé entre 0,30 et 0,31; 0,11 et entre 0,11 et 0,12 respectivement pour la Lune; 0,16 et environ 0,25 respectivement pour Mars (mais on trouve aussi des valeurs assez différentes dans la littérature scientifique selon les auteurs; j’ai indiqué ici celles qui me semblaient les plus « plausibles »). En résumé, la différence principale entre les deux albédo réside dans la manière dont l’angle et la direction de la lumière et de l’observation sont pris en compte. Toutefois, dans le cas de la Terre et de la Lune, leurs valeurs sont assez proches comme on le voit, mais pas pour Mars.

  7. Je crois devoir donner ici quelques précisions nécessaires :
    L’albédo de Bond, ou albédo sphérique, ou albédo planétaire, ou albédo bolométrique, qui est ici seul pertinent pour déterminer la température d’équilibre, vaut actuellement 0,294 et plus 0,306. L’albédo de Bond ne peut pas dépasser la valeur 1.
    Par contre, l’albédo géométrique de la Terre est bien plus élevé et vaut 0,434. Je rappelle la référence ci-dessus de la Nasa, mise à jour le 15 novembre.
    L’albédo géométrique, quant à lui, peut dépasser 1 et vaut même 1,375 pour Encelade, la 6e lune de Saturne, alors que son albédo de Bond vaut 0.81.

    1. Comme je l’ai mentionné, on trouve des valeurs très différentes pour ces différents albédos dans la littérature scientifique. Je ne crois pas que l’on puisse affirmer péremptoirement actuellement qu’une valeur est plus valable qu’une autre. C’est très controversé et pourrait bien encore varier. Ce qui est important par contre est de bien distinguer les deux types d’albédos et que l’albédo de Bond est bien celui qui est pertinent pour déterminer la température d’équilibre et non l’albédo géométrique.

    2. Pour compléter le commentaire que j’ai rapidement rédigé en fin de matinée, devant ensuite m’absenter, je précise qu’il se trouve que j’ai un peu creusé cette question pour le chapitre d’un traité d’astronautique dont je suis en train de finaliser la rédaction (déjà plus de 600 pages à ce stade!), chapitre dédié à la production d’énergie pour de futures bases lunaires et martiennes, J’ai essayé de faire une revue aussi exhaustive que possible des valeurs que l’on peut trouver sur le web ET DE RECOUPER ces données entre différentes sources, mais les valeurs que l’on trouve diffèrent fortement. Je n’ai trouvé qu’une seule référence qui donne une valeur aussi élevée que 0,434 pour l’albédo géométrique de la Terre (la même source, Wikipédia citant la NASA, donne 0,294 pour l’albédo de Bond de notre planète et 0,12/0,11 et 0,17/0,25 pour les grandeurs correspondantes sur la Lune et Mars respectivement). 0,434 me paraît être une valeur TRES élevée; La plupart des autres sources proposent des valeurs tournant autour de 0,3 pour l’albédo géométrique de la Terre, et des valeurs relativement proches pour son albédo de Bond. ChatGPT, qui n’est certes pas une référence absolue, mais qui base ses réponses sur une très large banque de données (aucun être humain ne pourrait en faire autant), propose pour sa part: « environ 0,30 pour l’albédo géométrique de la Terre » (ce que je trouve plus prudent et raisonnable que de vouloir donner une valeur « absolue » à 3 chiffres significatifs près!) et « entre 0.29 et 0,30 » pour l’albédo de Bond, confirmant ainsi apparemment que pour notre planète il n’y a pas de grandes différences en les deux albédos, contrairement à ce que prétend Wikipédia). personnellement, je me garderai de trancher en l’état, faute d’une base solide pour le faire.

      1. Pensez-vous que, bien au-delà de wikipedia, le site que j’ai indiqué des données de bases planétaires de la Nasa : https://nssdc.gsfc.nasa.gov/planetary/factsheet/ ne soit pas pertinent et actuel en la matière ?
        Je rappelle que la mise à jour pour la fiche sur la Terre est du 15 novembre 2024.
        .
        Concernant la valeur de l’albédo géométrique de la Terre qui vous étonne, il est clair que la valeur dépend de la longueur d’onde alors que l’albédo de Bond intègre tout le spectre électromagnétique.
        Par exemple, en p. 16 de ce papier : https://arxiv.org/pdf/1609.05048 vous trouvez les valeurs pour les longueurs d’onde U, B, V, R, I, … pour la Terre et les autres planètes.
        La valeur V pour le « visible » (soit le jaune, par définition) est bien 0,434 pour la Terre.
        On voit aussi que les valeurs adjacentes dépassent 0,4 : U : 0,688 ; B : 0,512 ; V : 0,434 ; R : 0,418 ; I : 0,430.
        .
        Il faut, me semble-t-il, tenir compte que la décroissance actuelle de l’albédo de Bond de la Terre (de 0,306 à 0,294) a aussi provoqué un forçage (peut-être équivalent à 3 à 4 W/m^2 ?) et donc un effet de +1 °C sur la température d’équilibre (avant effet de serre), de -19 °C à -18 °C, comme dit ci-dessus.

  8. Bien entendu !
    Par exemple, la planète Vénus, dont le sol est complètement caché sous une épaisse couche nuageuse (formée aussi d’aérosols), a ainsi un albédo de 0,77.
    Ainsi sa température d’équilibre serait très basse (227 K, soit -46 °C, en regard de 255 K, soit -18 °C pour la Terre avec un albédo de 0,294), mais, du fait de son atmosphère très dense, l’effet de serre est colossal et la température y est de 737 K, soit +464 °C.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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