Dans une colonie martienne les relations sociales quoique nécessairement contraintes, devront être aussi libres que possible
Dans un contexte martien, les relations sociales seront fortement contraintes par le danger, mortel, que représentera l’extérieur des habitats qui sera par définition non viabilisé. Ce fait dominant ne peut être écarté par une illusoire ‘terraformation’ qui appartient au domaine de la science-fiction. Dans ces conditions on peut concevoir deux périodes dans la vie de la Colonie. La première sera celle de la première génération de colons, les pionniers, dont les membres auront été sélectionnés sur candidature, par les organisateurs du projet martien. La seconde sera celle des générations suivantes, avec des enfants nés sur Mars de cette première génération et qui vivront sur Mars sans qu’ils aient été choisis pour ce faire et même qu’ils l’aient eux-mêmes demandé. Je traite aujourd’hui de la première période.
Transportons nous vers 2050 (ou 2070) et entrons dans cette première colonie qui comptera alors quelques 1000 résidents dont 500 personnes pour la faire fonctionner et 500 pour la faire vivre par leur argent, en tant que clients à divers titres. (NB : date et nombre sont des hypothèses qui peuvent être changés. Merci de ne pas en faire l’objet d’un débat).
Les clients auront bien sûr le droit de faire ce pour quoi ils sont venus sur Mars ou ce pour quoi leur entreprise, leur université ou leur état les aura payés pour faire, avec l’accord de l’administration de la Colonie, et ils bénéficieront aussi de temps libre. De même, les employés de la Colonie disposeront comme les clients, outre leur activité professionnelle, de temps libre pour se reposer ou profiter de leur vie sur un mode non prescrit (même les robots doivent recharger leur batterie !). De toute façon ils seront tous pour au moins 18 mois sur Mars puisqu’il n’y aura aucune possibilité de retour possible vers la Terre avant que les deux planètes se retrouvent en position relative favorable.
Que ce soit pendant le travail ou le temps libre, il y aura utilisations des divers locaux et équipements, et interactions entre les personnes. En laissant un maximum de liberté aux uns et aux autres, il sera nécessaire d’être très rigoureux sur la sécurité des locaux et la gestion des équipements, et aussi sur l’hygiène. Chacun devra bien sûr veiller au maintien en bon état des locaux mis à disposition, et à son hygiène personnelle.
La sécurité mécanique est la première à prendre en compte car une fissure dans une paroi ou dans un joint de parois serait la mort à coup sûr, non seulement pour la personne inattentive mais peut-être aussi pour ses voisins (idem pour un défaut dans la composition de l’atmosphère respirable, dans sa circulation et dans son recyclage, dans le fonctionnement du chauffage ou dans la conservation des aliments ou des médicaments). La sécurité sanitaire est également capitale car rien ne se reproduit plus vite que les bactéries et elles utiliseront tout ce qui est possible pour développer leur domaine d’action. Par ailleurs, il n’y aura pas d’effet tampon (‘buffer effect’) sur Mars car les volumes habitables (vus comme un seul microbiome) seront trop petits et il n’y aura pratiquement aucune dilution en cas de déséquilibre biologique du microbiote commun.
Il y aura donc une formation, précise et contrôlée, de chaque candidat au voyage avant son départ. Sur place, toute maladie respiratoire ou contagieuse par le contact, devra être circonscrite et traitée au plus vite. Une des solutions, touchant aux relations sociales, sera le port du masque et de gants par tous, au moindre doute, et l’isolement des personnes contagieuses ou susceptibles de l’être, en cas d’infection avérée. Mais cela ne sera pas suffisant car les risques sont trop grands et des inspecteurs architectes aussi bien que des inspecteurs sanitaires et des médecins, devront contrôler toutes les structures et tous les volumes, même à usage privatif, ainsi que toutes les personnes, périodiquement et aussi souvent que nécessaire. On peut, à la limite, prévoir la possibilité de séparer la colonie en deux ensembles autonomes, pouvant communiquer et travailler ensemble mais n’étant pas contraints de le faire.
Toute activité requière une dépense d’énergie. La vie et l’action sur Mars ne seront pas possibles sans un apport d’énergie de source non naturelle (nucléaire), à l’exception d’un peu de Soleil à la bonne saison australe et en l’absence de tempête de poussière. Il sera donc nécessaire que tout candidat au séjour sur Mars présente le budget énergétique qu’il projette, pour lui-même et son activité, avant son départ et que ce budget soit approuvé en fonction des disponibilités sur place.
Le même principe régira l’utilisation des équipements. L’ensemble, par exemple les véhicules ou les robots humanoïdes, seront en nombre limité. On pourra bien sûr en prévoir l’augmentation dans les importations depuis la Terre ou la production sur place mais ceci dans des limites techniquement possibles (elles dépendent aussi de la capacité de transport depuis la Terre, de la main-d’œuvre, des ressources, et du temps).
Ces limitations devront être strictement respectées (là encore il y va de la sécurité de tous). Elles pourront être ajustées à la marge sur la durée du séjour en fonction de la réalité des utilisations mais la distribution des facilités sera strictement arbitrée par l’administration de la base, avec si nécessaire l’application d’une contrainte et de sanctions (annulation des possibilités d’action).
Pour ce qui est de l’ajustement, entre l’offre et la demande, on n’a jusqu’à présent jamais mieux trouvé que la monnaie. C’est elle qui en effet, exprime le mieux le besoin et la rareté dans la mesure où les prix sont formés librement. Outre les paiements ‘lourds’ qui résulteront de commandes avant le départ, il y aura les ajustements plus fins qui ne pourront être précisément prévus et qui ne pourront trouver que ce moyen d’expression. Toute tension sur un prix sera un signal clair qui devra orienter la production locale ou l’importation (physique ou par les ondes) et les investissements.
Cela entraîne à parler de l’emploi (production locale ou service rémunéré). Compte tenu des finances très serrées de la première colonie martienne, personne ne pourra vivre au chômage c’est-à-dire sans contribuer, sinon tout à fait marginalement. Il y aura certes des assurances obligatoires contre ce risque mais si une personne sans utilité pour la communauté occupait un volume viabilisé qui aurait pu être occupé par une personne productive, elle devra obligatoirement quitter la Colonie à l’issue de ses 18 mois de séjour. Et pendant son séjour sans emploi, si elle disposera bien du minimum vital (payé par son assurance ou ses ressources propres), elle ne pourra pas interférer avec les actifs. La seule voie d’issue, pendant la durée du séjour (et éventuellement au-delà) serait pour elle, d’imaginer une offre solvable et utile pour l’ensemble de la communauté (il ne faut pas décourager l’esprit créatif et d’initiative). Bien sûr la communauté et l’administration de la Colonie devraient considérer si cette offre est suffisamment utile pour être maintenue.
Mais sur Mars, comme signalé au début de l’article, il y aura un temps pour travailler et un temps pour se reposer et avoir des relations sociales. De ce point de vue la première population de Mars sera composée d’adultes puisqu’on n’enverra d’abord que des personnes qualifiées pour exercer une fonction et aussi parce que le voyage serait trop éprouvant pour les très jeunes, notamment les enfants et les femmes en âge de procréer (radiations). Entre adultes, il y aura nécessairement des relations amicales et sexuelles (c’est la nature qui l’impose !). Le mieux pour faire face à ce dernier besoin serait de ne faire partir que des couples ayant prouvé leur désir de vivre ensemble. On ne pourra bien sûr éviter les évolutions divergentes mais la concorde sera toujours à rechercher et des psychologues (sur place) devront participer à ce que les échecs se résolvent au mieux.
De toute façon, la prévention des conflits comme celle des dépressions individuelles (résultant de la situation évidemment très particulière) devra faire l’objet de la plus grande attention. Le respect de la vie privée de chacun sera une exigence sur laquelle on ne pourra pas transiger (sauf pour l’application des règles de sécurité et d’hygiène susmentionnées). On pourrait prévoir à cet effet que chaque individu ait une chambre (qu’il utilisera ou non) à sa disposition, tout en favorisant les réunions, les échanges, les repas en commun (et prévoir des locaux à cet effet). Bien entendu tout prosélytisme religieux (actif ou passif comme le serait le port d’une ‘tenue distinctive’) sera strictement interdit. On ne pourra empêcher la politique d’occuper les esprits mais comme par définition la base sera peuplée de ressortissants de multiples nationalités, la vigueur des débats devraient pouvoir être atténuée (ou contenue). L’exemple est donné par la pratique de la vie dans la même ISS d’astronautes américains et russes, puisque leur cohabitation se passe apparemment sans problème. Il y aura bien sûr des discussions concernant la vie dans la Colonie mais ces discussions devront être arbitrées et les décisions prises dans les conditions statutaires impliquant tous les intéressés, respectées. Plus précisément, on peut concevoir que les investisseurs aient leur mot à dire, tout comme les personnes résidant dans la Colonie. Les modalités et la pondération des voix des participants aux décisions devront être réglées avec le plus grand soin.
Les signes précurseurs de dépression devront être activement surveillés car une telle maladie pourrait être catastrophique non seulement pour la personne atteinte mais pour la Colonie. Les psychologues devront y veiller activement pour intervenir suffisamment tôt (encore plus qu’ailleurs, il faudra prévenir plutôt que guérir). Eventuellement une personne atteinte devrait interrompre son métier si continuer à l’exercer dans ces conditions pourraient entraîner un risque collectif. Si elle le continue elle ne devrait pouvoir le faire que sous une surveillance active particulière. Tout ceci justifie que l’exercice de chaque fonction vitale pour tous, puisse être reprise à tout moment par une autre personne (d’autant qu’il peut y avoir aussi des décès pendant le voyage aller ou le séjour sur Mars) et qu’il y ait donc redondance dans les recrutements.
La date du grand voyage vers Mars n’est pas encore fixée mais nous devons nous y préparer. La prochaine fois je vous parlerai des enfants et descendants des pionniers, c’est-à-dire de ceux qui n’auront pas choisi de vivre sur Mars mais qui y vivront quand-même.
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Index L’appel de Mars 25 06 09
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16 réponses
Excellent descriptif MAIS dans l ensemble c est quand meme tres delicat…cette premiere installation sur Mars.Personnellement cela ne m attire pas plus que cela!
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La nature humaine n est pas vraiment adaptee a ce genre de vie contrainte.
Merci Robert Niogret.
Je comprends que la vie dans ces conditions ne vous attire « pas plus que cela ». Vous n’êtes sans aucun doute pas le seul.
Cependant, la vie, même dans ces conditions, peut être passionnante car elle permet de s’intéresser à toutes sortes de nécessités vitales, à toutes sortes de technologies et à découvrir un monde nouveau.
De toute façon la « première génération » ne pourra être composée que de très peu de personnes et sur l’ensemble des personnes qualifiées sur Terre, on devrait trouver « ce qu’il faut ».
Notez bien que si je recevais mission de le faire je le ferais sans problemes! Et donc je pense que les premiers seront en mission et la ça change la donne.
En tant qu’amateur de science-fiction, j’imagine bien un système de communication intégré – allant de la tenue de travail connectée à la puce neuronale dans les cas extrêmes – permettant à chaque résident d’alerter soit l’ensemble de la colonie en cas de problème matériel (fuite d’air, contamination atmosphérique, dysfonctionnement d’équipement), soit l’équipe médicale en cas de problème physique ou de crise psychologique (plus délicate à détecter et nécessitant une intervention discrète, voire une neutralisation à distance).
Au-delà des alertes d’urgence, ce système faciliterait la gouvernance d’une communauté de mille personnes : discussions collectives entre personnel opérationnel et clients pour résoudre les défis quotidiens, mise en débat des problèmes techniques ou logistiques, recherche de consensus sur les règles de vie commune, et votes en temps réel pour trancher les questions critiques affectant la colonie. Dans un environnement aussi contraint que Mars, où chaque décision peut impacter à la fois la sécurité des résidents et la viabilité économique de la colonie, un tel outil de démocratie participative deviendrait (peut-être) indispensable pour équilibrer les intérêts du personnel et de la clientèle, maintenir la cohésion sociale et optimiser la prise de décision collective à l’échelle d’une véritable petite ville martienne.
Je partage votre point de vue sur la tenue de travail connectée. Il le faudrait en cas de malaise de la personne qui la porte, ou d’accident. Je ne suis pas d’accord avec la puce neuronale qui est pour moi une intrusion inacceptable dans la liberté individuelle.
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Je suis tout à fait d’accord sur la démocratie participative. Pour moi, elle sera essentielle. J’ai d’ailleurs écrit plusieurs articles de mon blog sur le sujet (voir index) et je l’ai recommandée dans mon livre « Franchir sur Mars… ».
Qui dit vie en communauté impliquera, et c’est la nature humaine qui l’impose, des conflits. Un simple médiateur, pas obligatoirement professionnel mais formé, ferait l’affaire pour de simples anicroches (en fait, ce n’est jamais si simple), mais dans des cas plus complexes, la médiation pourrait ne pas suffire. Il faudra envisager une autorité, osons le mot, policière ou quasi. Il s’agira à ce niveau de faire respecter les simples règles de vie, et plus. Dans ce cadre autarcique très particulier, le conformisme aura sa place sans pour cela rejeter les libertés individuelles (c’est dans le titre de l’article). Il en va de la (sur)vie d’un ensemble qui devra être d’une grande cohérence ; pour un millier de colons, c’est encore faisable. Qu’en serait-t-il pour le triple, voire plus?
Je suis d’accord avec vous. Il faudra appliquer des sanctions à ceux qui ne respecteraient pas les règles sanitaires ou celles assurant une vie sereine. Il y va de la survie de la communauté. Et l’on peut très bien parler de « police », le mot n’est pas tabou.
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Le danger intellectuel et moral est évidemment que les libertés individuelles soient trop restreintes et c’est pour cela que le bon fonctionnement de la démocratie représentative, avec une voix et de vrais pouvoirs aux résidents martiens, sera très important. D’un autre côté le danger vital imposera beaucoup de précautions.
Bonjour Pierre Brisson
Avi Loeb est en train de s interresser a 3L/ATLAS: il remarque des choses bizarres…
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comment dire? une foi ca passe mais deux fois en moins de dix ans ca commence a faire beaucoup !
Certes, c’est le troisième « objet » interstellaire identifié mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en ai pas eu aussi fréquemment auparavant (autrement dit ce n’est pas parce qu’un objet interstellaire passe par notre système qu’il est artificiel).
Malheureusement, pour 3L/Atlas aussi, la visibilité sera mauvaise. Il ne ferait pas plus de 20 km de diamètre et passera au plus près à quelques 210 millions de km.
Oui completement d accord mais a surveiller!
je viens de voir une photo de 3L/ATLAS il semble entoure d un halo :je crois qu il s agit d un gros pain de glace!
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l effet des rayons cosmiques sur la glace conduit a une glace amorphe compacte.ce qui doit etre le cas pour 3L/ATLAS.
les differences avec OUMUAMUA apparaissent deja ?
Quand un corps glacé parvient à une distance raisonnable du Soleil, distance qui se situe dans la Ceinture d’astéroïdes, i.e. quelques 2,8 unités astronomiques (420 millions de km), sa face exposée au Soleil doit commencer à libérer ses éléments volatiles et en particulier la glace commencer à fondre. Cela donne une comète (avec une queue de plus en plus fournie à mesure que le corps s’approche du Soleil). Comme il est prévu que ce corps glacé s’approche beaucoup plus près à son périhélie, nous devrions pouvoir le vérifier.
oui on le voit deja sur certaines prises de vues! c est tres interressant cette affaire!
d ailleurs refexion faite oumuamua aurait du etre recouvert au minimum d une couche de glace amorphe vu le duree astronomique de son periple dans le milieu intersideral: dans ce cas il aurait ete tres brillant ce qui est le cas mais il n aurait pas du presenter deux couleurs differentes selon la face observee et en outre il aurait du presenter ce fameux halo et cette trainee caracteristique.
Dans les deux cas il est il apparait difficile d expliquer les hautes vitesses d entree de ces objets dans le systeme solaire.
Je ne pense pas que ce soit le problème. Il y a des variantes importantes dans la vitesse des systèmes qui tournent autour du Centre galactique à la même distance de ce Centre.
Il suffit d’approcher un astre proche du nôtre dont l’un des corps les plus extérieurs subirait une perturbation pour que ce corps soit délié de sa contrainte gravitationnelle d’origine, et pénétre dans un autre système plus lent ou évoluant dans une direction légèrement différente (évolution de type sinusoïdale autour du Centre galactique).