Un jour des gens vivront sur Mars. Ils produiront, ils créeront, ils échangeront, ils importeront, ils exporteront, ils consommeront, ils investiront, ils prêteront, en bref ils feront fonctionner une économie martienne.
Comme dit dans les billets précédents, cette économie sera dominée par les partenaires et les capitaux terriens mais, le séjour sur Mars durant au minimum 18 mois (et l’éloignement de la Terre 30 mois), il est impossible qu’une demande et qu’une offre de biens et de services ne s’expriment pas, il est impossible que l’adéquation entre cette demande et cette offre soit totalement prévue à l’avance (du moins au-delà de la stricte nécessité) et il est impossible qu’une possibilité de choix de consommation ou de possibilité de création, d’investissement et d’échange ne soient offertes aux habitants de Mars. Les échanges qui en résulteront seront les prémices d’une économie locale et puis, au fur et à mesure que le nombre de voyageurs augmentera et que la population se fixera sur Mars, le capital s’accumulera en mains martiennes, ouvrant de nouvelles opportunités d’entreprendre.
Remarquez bien que la naissance d’un tel système économique autonome ne serait pas possible sur la Lune où les séjours s’effectueront dans des conditions beaucoup plus difficiles, où les contacts physiques avec la Terre seront beaucoup plus fréquents et où la population temporaire ne pourra être que beaucoup plus faible et la résidence de longue durée impossible pour des raisons sanitaire (gravité trop faible, radiations trop fortes).
Les « Martiens » proviendront de nombreux pays de la Terre. Certains viendront payés par leur entreprise, leur université, leur centre de recherche, leur gouvernement ; d’autres seront des particuliers disposant d’une spécialité particulière demandée par la communauté martienne ou qu’eux-mêmes proposeront à leurs frais, à cette communauté. On aura besoin de boulanger, de plombier, d’électriciens, d’architectes, d’ingénieurs, de médecins mais des cinéastes ou des romanciers choisiront aussi de faire le voyage et donc de rester sur place au moins 18 mois et, de plus en plus, plusieurs multiples de 18 mois. Dans ce contexte, le moyen le plus simple d’exprimer et de réaliser une acquisition de bien ou de service ou d’entreprendre un investissement productif, sera de disposer d’une monnaie.
Quelle monnaie ? On voit mal un pays « tirer totalement la couverture à lui » pour le long terme, même les Etats-Unis. Des résidents auront des ressources terriennes en dollars, d’autres en euros, d’autres en roubles, d’autres en yuans ou en yens, et peut-être même en francs suisses. On ne peut pas imaginer non plus qu’un résident ressortissant de la zone dollar, accepte volontiers de se faire payer en roubles ou que les opérations de conversion se fassent à chaque transaction. Par ailleurs, le financement de la Société d’exploitation de la base aura probablement été effectué dans un panier de monnaies et la Société aura intérêt à percevoir ses revenus dans ce même panier de monnaies. Ainsi, on devrait créer très vite une monnaie martienne qui serait le panier de devises des résidents et des financiers (plus vraisemblablement d’ailleurs celui de ces derniers). C’est à l’aide de cette monnaie que les valeurs seront données aux biens et services martiens (un croissant sur Mars n’aura pas le même prix qu’un croissant sur Terre car les coûts de production et le pouvoir d’achat seront très différents sur Mars).
Il faudra donc très tôt, prévoir l’installation d’un système bancaire martien. Au début ce sera très probablement une banque en ligne avec son personnel sur Terre et, de toute façon, localement, l’utilisation exclusive de cartes bancaires pour les paiements!
Les résidents habiteront très probablement des locaux appartenant aux investisseurs terrestres de la base et gérés par la Société d’exploitation (je l’appellerais la « Compagnie des Nouvelles Indes »). Ils utiliseront très souvent des biens et services fournis par cette société. Ils respireront l’air, l’eau, l’électricité, le chauffage qu’elle produira et diffusera. Ils lui paieront donc des loyers, des redevances, des prix correspondants aux biens et services demandés et obtenus. Les prix-demandés seront calculés par la société d’exploitation en fonction de l’amortissement de ses investissements et les prix-effectivement-payés tiendront compte de la demande (de l’intérêt) de ces biens et services. Il en sera de même des prix-demandés par les particuliers qui offriront leurs services ou les biens qu’ils produiront pour les autres résidents. Evidemment ces derniers devront à leur tour payer leur hébergement et les services de la Compagnie des Nouvelles Indes et faire profiter cette dernière de leur activité. Pour ce faire ils devront lui payer une taxe. On peut imaginer que ce soit une flat tax, relativement basse, de 10% sur la valeur ajoutée. La perception de cette taxe et la gestion en général de la base, suppose très tôt la mise en place d’une petite administration, aussi légère que possible, donc aussi automatisée que possible, compte tenu du coût des personnes qu’elle devrait employer.
D’une manière générale, le problème de l’organisation de la base sera critique car, si cette organisation est nécessaire, il faudra également qu’elle soit aussi efficace, fiable et utile que possible. Dans ce domaine comme dans d’autres, l’installation de l’homme sur Mars conduira à l’invention et à la mise au point, constantes, des meilleures méthodes de gestion.
Considération économique 5/5
Image à la Une : Illustration de Philippe Bouchet, dit Manchu : Dôme sur Cratère. Il ne s’agit pas là d’un établissement de première, ni même de seconde génération mais, plutôt que d’envisager comme certains, une terraformation globale de la planète Mars, c’est plutôt ce genre de terraformation ponctuelle qui serait envisageable pour l’avenir.