Aujourd’hui je passe la parole à une autre équipe d’étudiants de l’EPFL, « Xplore », que mon association, la Mars Society Switzerland soutient. Il s’agit, avec l’encadrement de l’Ecole et les moyens qu’elle met à leur disposition, de développer un robot d’exploration planétaire, un « rover » dans notre langage devenu courant (avec l’exploration de la planète Mars). Travailler sur ce robot à la pointe de l’ingénierie revient à disposer d’un support de formation intellectuelle formidable. Il s’agit d’utiliser ou de développer des compétences dans un grand nombre de domaines techniques et aussi, c’est très important, de savoir s’organiser en équipes qu’il faut faire avancer de façon coordonnée.
Sur Terre, dans l’immédiat, ce travail a permis à nos étudiants de se mesurer avec succès, du premier coup, à plus de cinquante autres équipes universitaires en Europe. Nous leur devons toute notre admiration et aussi nos encouragements car l’aventure continue! Je vous laisse lire leur récit:
Vue aérienne du rover sur le terrain où s’est jouée la première compétition universitaire à laquelle a participé Xplore. Il y avait des obstacles!
Il y a toujours l’espace à explorer !
Qui n’a jamais rêvé de partir explorer le monde et ses paysages fabuleux étant enfant, ou bien même… de partir à la conquête de l’espace ? Depuis des décennies, nombreux sont les artistes nous ayant fait voyager à trouver les univers fantastiques des nouvelles et films de science-fiction. Ces univers où l’espèce humaine découvre de nouveaux mondes peuvent nous paraître lointains, voire inatteignables. Pourtant, cette réalité n’est plus aussi lointaine qu’on ne se l’imaginait il y a à peine 20 ans.
Le retour sur le devant de la scène des américains par le biais de compagnies de lancement privées et l’émergence de nouveaux programmes d’exploration à travers le monde montrent aujourd’hui un nouvel attrait pour l’exploration spatiale. Témoins du renouveau de ce secteur, des équipes d’étudiants se sont alors formées aux quatre coins du monde afin de se préparer pour ce merveilleux domaine. C’est donc dans cette lignée qu’un nouveau projet de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne s’est formé : EPFL Xplore.
Origine du projet
EPFL Xplore est un projet étudiant de l’EPFL fondé en 2020 visant à développer des robots d’exploration planétaires, communément appelés rovers, afin de participer à des simulations de missions robotiques spatiales.
L’idée de lancer le projet Xplore nous est venu de différents horizons. D’une part, une passion commune pour l’exploration spatiale a cultivé notre envie de prendre part à un projet ambitieux du domaine. D’autre part, la faible implication de la robotique dans les associations étudiantes du campus nous a conforté dans l’idée de lancer un nouvel axe des projets spatiaux de l’école.
Néanmoins, bien que bénéficiant d’expériences passées dans la gestion de projets, lancer un projet spatial à quatre étudiants ne fut pas facile. En avril 2020, nous concentrions nos efforts à établir les fondations techniques du projet, notamment la définition du cahier des charges et la décomposition fonctionnelle du rover que nous souhaitions développer, mais nous avions également besoin de l’expérience et du soutien de professeurs, de laboratoires et de premiers partenaires industriels. Ceci était en effet primordial : afin de devenir un projet technique éligible pour recevoir un soutien financier de la part de l’EPFL, nous devions montrer que des professeurs étaient prêts à nous aider techniquement. Nous devions par ailleurs trouver un laboratoire acceptant de superviser le projet, ce qui nous a donné le plus de fil à retordre. En outre, tout cela eut lieu en début de pandémie, ne facilitant pas toujours la tâche.
Après quelques semaines de recherches, nous avons finalement réussi à trouver un bon nombre de laboratoires, ce qui nous permit de recruter nos premiers membres en début d’année académique. Dès lors, une course contre la montre commença : développer un rover de A à Z en seulement une année et trouver le financement pour le faire.
Le (premier) rover Argos devant le logo de l’EPFL
Une seule limite : la passion d’une équipe
Un projet seulement limité par l’imagination, c’est souvent ce que les nouveaux membres racontent les avoir poussés à rejoindre l’aventure. Après une année intense et pleine de rebondissement, seule une équipe soudée par une passion commune permit à notre premier rover d’être finalisé en moins de 12 mois.
Afin de maximiser nos chances de réussite, nous nous sommes fortement inspirés de l’organisation et des designs des agences spatiales. Ceci nous a donc poussé à séparer le projet en différentes équipes techniques.
La Structure est responsable du châssis, de la suspension et des roues ainsi que du corps principal du rover tandis que Handling Device s’occupe du développement et du contrôle du bras robotique. Comme pour la structure, l’équipe doit réaliser tout le design mécanique du bras, mais aussi implémenter les logiciels de contrôle manuel et automatique qui seront utilisés durant la compétition.
Le sous-système suivant, la Navigation, est l’équipe responsable de tous les mouvements du rover. Non seulement est-elle tenue de programmer la navigation autonome, mais également de contrôler tous les moteurs des roues du rover.
Mais que serait un rover sans sa base de contrôle ? Notre Houston à nous, c’est la Control Station. L’équipe s’occupe de mettre en place l’interface graphique par laquelle nous pouvons contrôler le rover, mais aussi la communication entre la base et le rover.
Avionics, c’est toute l’électronique embarquée du rover. Des circuits électroniques sont conçus et manufacturés afin d’intégrer les capteurs et actuateurs du rover. Et enfin, la Science a pour but de développer une plateforme située à l’arrière du rover afin d’analyser sur place les échantillons récoltés.
Bien sûr, l’association ne pourrait pas exister sans le travail d’équipes non techniques, telles que l’équipe Finance, responsable de trouver des sponsors pour le projet, ou encore l’équipe Communication, mettant en avant l’image d’Xplore sur les réseaux sociaux.
Une question d’organisation
L’année est séparée en trois grandes phases : la Conception, la Production et la phase de Tests.
La première partie de l’année est donc dédiée au développement des plans et designs du rover. Bénéficiant du soutien de plusieurs laboratoires, de partenaires industriels ainsi que de l’appui de mentors impliqués dans le milieu spatial, l’équipe conçoit durant 4 mois son rover sur ordinateur.
La phase qui suit est sûrement la plus complexe à planifier. En pleine période de covid, assurer la production et la livraison de nos composants et pièces mécaniques en temps voulu constitua en 2021 un vrai défi. Les délais que nous avons alors subis nous ont forcés à repousser la période de test jusqu’à l’été, laissant seulement quelques semaines pour valider le fonctionnement du rover.
Pourtant, malgré les échéances de plus en plus courtes et la pression croissante face à l’annonce des finalistes de la compétitions européenne, c’est une fois de plus la motivation de l’équipe qui fit la différence. En juin 2021, la qualité du travail présenté dans les rapports techniques permit à l’équipe d’être sélectionnée parmi 58 projets mondiaux pour participer à l’European Rover Challenge (« ERC ») organisé chaque année en Pologne.
Cette annonce eu un impact retentissant au sein de l’équipe : participer à une compétition mondiale après seulement un an était une merveilleuse réussite.
Désormais, un but seul nous animait : aller le plus loin possible à la compétition ! C’est donc après un été entier passé à tester notre rover que nous avons finalement rejoint les 15 équipes participant à la compétition en septembre.
European Rover Challenge
La compétition à laquelle nous participons, vise à simuler un environnement martien afin de tester nos rovers dans des conditions les plus proches de celles rencontrées par les rovers actuellement en activité sur la planète rouge.
Cela prend la forme de 4 tâches techniques :
Tout d’abord, la tâche scientifique nous impose de récolter un ou plusieurs échantillons du sol à l’aide notre bras robotique. Ces échantillons devront être directement analysés à bord du rover afin de valider ou non des hypothèses précédemment établies à travers des études théoriques du sol martien. Des photos de l’environnement sont également prises afin d’appuyer les analyses scientifiques et de trouver d’éventuels éléments sortant de l’ordinaire.
Par la suite, le rover est évalué à travers une tâche de navigation autonome. En effet, les délais de communication imposés par la distance entre la Terre et Mars forcent les agences spatiales à doter leur rovers d’une certaine autonomie. Diriger un robot avec une latence pouvant aller jusqu’à 22 minutes serait parfaitement impensable, c’est la raison pour laquelle notre rover est équipé de nombreux capteurs et caméras lui permettant de se repérer dans son environnement et d’en analyser les obstacles et crevasses afin de planifier sa trajectoire.
Il faut noter qu’au cours de cette tâche, les étudiants n’ont pas accès aux données des caméras du rover et doivent donc compter entièrement sur l’autonomie programmée du rover.
Une tâche de sondage s’ensuit alors au cours de laquelle le rover dépose des sondes à des emplacements d‘intérêt scientifique sur le terrain martien. On pourrait par exemple décider d’étudier la composition minérale du sol à la base d’un volcan comme au centre d’un cratère afin d’en apprendre plus sur leur formation.
Enfin, c’est une tâche de manipulation qui constitue la dernière mission de la compétition. Dans l’optique de prévoir l’arrivée des premières missions habitées sur Mars, les robots que nous concevons devront pouvoir installer et entretenir les premières infrastructures d’une base martienne. Comptant sur la dextérité et la précision de notre bras robotique, cette mission nous impose de manipuler des éléments sur un panneau de contrôle et d’en déterminer les états et propriétés électriques. Il nous faudra alors actionner des boutons, mesurer des tensions ou encore brancher et débrancher des câbles de ce panneau.
La compétition se déroule sur une durée de trois jours sur le campus du Kielce University of Technology. De nombreux stands où des entreprises et des équipes d’étudiants et étudiantes exposent leurs produits s’y retrouvent, transformant le campus en une exposition du spatial très animée !
En Juin 2021, l’équipe participa donc à sa toute première compétition. Sur les trois jours intenses de celle-ci, notre premier rover, Argos, parcourut le terrain martien à la recherche de trace d’eau dans le but de prouver l’existence de vie passée ou actuelle.
Alors reconnu pour son avancée technique et la qualité de l’analyse scientifique menée au cours de la compétition, notre rover nous permit de décrocher la 3ème place mondiale ! Nous avons de plus été récompensé par le prix de la meilleure performance dans les tâches de Science et de Sondage du sol, faisant d’Xplore l’équipe la plus récompensée cette année-là.
L’équipe après l’annoncement de la 3e place à l’ERC 2021
Une nouvelle stratégie
À la suite de la compétition, un changement majeur s’est opéré dans la stratégie du projet. Jusqu’alors, le but d’EPFL Xplore avait été de prouver qu’une équipe d’étudiants pouvaient construire un rover en moins d’un an en ne partant de rien. Le design de celui-ci avait donc été simplifié de façon à optimiser son temps de développement.
Néanmoins, la compétition permit de révéler que ce choix d’un design simpliste et spécifique allait limiter son potentiel d’évolution pour les années à venir. C’est pourquoi, dès septembre 2021, la nouvelle équipe s’est entièrement dédiée à développer une nouvelle plateforme modulaire et adaptable pour les années à venir.
Astra, le rover de l’année académique 2021-2022 lors de son Unveiling
Cela fut également motivé par le souhait de réduire l’impact environnemental du projet : ne pas repartir de zéro chaque année et itérer sur une même base permettrait alors de limiter notre empreinte écologique tout en favorisant le développement sur le long terme de cette plateforme.
Futurs Projets
EPFL Xplore est un projet étudiant en constante évolution. Son but principal reste aujourd’hui de développer des rovers pour des compétitions internationales, jusqu’alors en Europe, mais les collaborations de plus en plus poussées avec ses partenaires le mènent progressivement vers le développement de technologies ayant une réelle application spatiale.
Notamment, un nouveau projet qui prendra forme durant la prochaine année académique est le développement d’un drone d’exploration. Ce dernier pourra assister le rover dans sa navigation et l’aider à se localiser sur différents types de terrains. On pourrait même imaginer le drone atterrissant sur le rover pour se recharger et repartir par la suite !
Finalement, un projet de cette ampleur nécessite un budget conséquent afin d’être mené à bien. Outre le soutien d’entreprises fournissant du budget ou du matériel, nous avons la chance et l’honneur de bénéficier de l’appui d’organisations telle la Mars Society Switzerland pour nous permettre de toujours aller plus loin !
Aujourd’hui, le support de nos partenaires permet à plus d’une septantaine d’étudiants et d’étudiantes de développer leur passion dans l’espoir de pouvoir un jour faire de nos fictions actuelles une réalité.
Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur : Index L’appel de Mars 22 05 25
2 Responses
Bravo à toutes les diverses équipes impliquées !
Une question à l’équipe technique « Structure » : pourquoi êtes-vous passés d’un rover à six roues (« Argos ») à un rover à quatre roues (« Astra »), du moins à ce que je vois dans les photos ci-dessus ? Que je sache, jusqu’à « Perseverance » de la mission Mars 2020 en tout cas, le concept à six roues a fait ses preuves et semble devoir être un must incontournable, non ?
Bonjour M. De Reyff,
Merci pour votre message. Vous avez absolument raison, le design à 6 roues a fait ses preuves au cours des 2 dernières missions Martiennes (Persévérance et Curiosity). Cependant, les roues frontales et arrières de ces deux rovers sont également dotées de moteurs de direction (« steering ») leur permettant de tourner sur place. Notre premier rover s’en est inspiré, mais dû à des contraintes de masse imposées par la compétition, nous n’avons pas pu ajouter ces moteurs de « steering » aux 6 roues, limitant la mobilité du rover. Nous avons donc choisi de partir sur 4 roues cette années afin de gagner en masse et ainsi de pouvoir ajouter un moteur supplémentaire par roue nous permettant de suivre des trajectoires plus complexes (comme des mouvements en crabe).