EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Cette semaine je passe la plume à Pierre-André Haldi que les lecteurs de ce blog connaissent bien pour intervenir fréquemment dans les commentaires de mes divers articles et pour en avoir lui-même déjà écrit quelques-uns. Ancien professeur à l’EPFL sur le thème de l’énergie, il propose ici une alternative au Starship pour la « colonisation » de la Lune ou de Mars, que je trouve très séduisante car extrêmement logique et réaliste quant aux moyens à mettre en œuvre.

Vous allez pouvoir vous faire votre propre opinion sur ce « Système de Transport Interplanétaire » (« STI ») mais l’essentiel pour moi se trouve dans deux choix : 1) celui de la modularité qui permet d’une part une montée en orbite beaucoup moins difficile que lorsqu’il s’agit d’y monter un second étage « monolithe » comme le Starship-vaisseau, et qui permet d’autre part d’entretenir et d’adapter constamment le système sans avoir à le « remettre à plat » complètement. 2) la mise en rotation de l’ensemble du vaisseau plutôt qu’une mise en rotation partielle de celles-ci autour d’un axe fixe. Cela permet de créer dans les annexes (reliés à l’axe par pylônes télescopiques) une gravité artificielle par force centrifuge sans désolidariser ces annexes du moyeu autour duquel elles tournent.

Ce STI avait déjà fait l’objet d’une présentation sur ce blog en 2017.  Trouvera-t-on un jour un capitaliste suffisamment audacieux (du genre Elon Musk) pour en pousser la réalisation plus loin ? Je voudrais pouvoir en rêver.

NB : Ce texte constitue l’annexe « J » d’un traité d’astronautique, très complet, que Pierre-André a écrit…et qui attend son éditeur.

Dans la conception de tout vaisseau spatial une attention particulière doit être portée aux questions de masse et d’énergie. La première induit des dépenses devenant vite importants en ressources diverses et la seconde est rare dans le milieu spatial, ce qui fait qu’elle doit être en grande partie, sinon en totalité, importée de la Terre*. Minimiser l’une et l’autre est dans ce contexte une tâche capitale mais difficile étant donné qu’un vaisseau spatial est un système extrêmement complexe, qui doit remplir des fonctions très diverses d’autant plus imbriquées par ailleurs que ledit système est plus intégré. Lorsqu’il s’agit de traiter un problème de grande ampleur, il est de manière générale avisé dans la mesure du possible de le fractionner en sous-problèmes plus aisément gérables. Dans le cas qui nous intéresse ici, cela revient à chercher à diviser le système en modules différenciés remplissant chacun une fonction (principale) spécifique ; un module n’étant activé autant que faire se peut qu’au cours des phases de mission dans lesquelles il a un rôle effectif à jouer. C’est ce principe qui a conduit en particulier à utiliser des lanceurs à plusieurs étages plutôt qu’un seul ; il faut en effet beaucoup d’énergie et donc de masse d’ergols et de masse structurelle associée pour arracher un engin spatial du sol et il serait inutilement pénalisant de garder pour la suite du vol la structure inerte d’un étage ayant épuisé ses ergols. Dès les débuts de l’astronautique habitée on a donc adopté en général l’option de clairement séparer les fonctions : a/ de mise en orbite (lanceur), b/ de manœuvres et services en orbite (module de service) et c/ d’espace de vie et de travail pour les astronautes (module de commande ou ”de rentrée”). De Vostok à Apollo, cette approche modulaire a amplement fait la preuve de son efficacité et de sa sûreté, une défaillance d’un module n’entraînant pas nécessairement la défaillance globale du système. On peut même dire que sans l’application ”intensive” de cette logique, avec en plus des modules précédents un module lunaire divisé lui-même en un étage de descente et un étage de remontée, le défi du président Kennedy de voir avant la fin de la décennie 1960 débarquer des astronautes américains sur la Lune et retourner ensuite sains et saufs sur Terre n’aurait tout simplement pas pu être relevé compte tenu de l’état de la technologie spatiale à l’époque (l’envoi direct d’un vaisseau d’un seul tenant sur la Lune et son retour ensuite de même sur Terre a bien été initialement envisagé mais aurait nécessité un lanceur d’une puissance hors de portée dans les années 1960).

*Masse et énergie sont en fait liées : une plus grande masse à mettre en orbite requiert une dépense en énergie au lancement également plus importante ; de même, une plus grande demande en énergie à bord du vaisseau entraîne une augmentation de la masse totale de celui-ci (générateurs plus puissants, panneaux PV de plus grande dimension…).

Il paraît donc assez raisonnable d’envisager une structure similaire pour les futurs vaisseaux spatiaux à destination de la Lune et de Mars, voire ultérieurement d’autres corps célestes plus lointains encore. L’esquisse d’un système de transport spatial de ce type répondant à la philosophie générale de séparation des fonctions en modules différenciés est présentée à la figure 1. Ce système se veut être une alternative possible au Starship de SpaceX pour son utilisation dans le cadre de ce qu’Elon Musk appelle la ”colonisation” d’un corps céleste, soit une phase postérieure à l’étape des premières explorations (dans laquelle des engins plus rudimentaires seraient utilisés), lorsqu’il s’agira d’y transporter des dizaines de ”passagers, et non plus quelques astronautes professionnels, et que des habitats et infrastructures de production de biens et services vitaux auront déjà été installés sur son sol.

Les ”modules” (au sens large du terme) du système de transport spatial en question sont:

  • Un lanceur lourd réutilisable (LLR) de la classe de puissance des Saturn V, SLS ou Super Heavy (charge utile en orbite basse de 100-150 tonnes), utilisé pour mettre en orbite terrestre, en plusieurs lancements, les différents éléments du vaisseau spatial avant leur assemblage, si nécessaire avec un deuxième étage ;
  • Un système de propulsion spatial (SPS) pour l’injection du vaisseau sur l’orbite de transfert interplanétaire et la réalisation d’autres manœuvres orbitales ;
  • Une source d’énergie embarquée basée sur la fission nucléaire (SEN) ;
  • Des modules d’habitation (MHS), au nombre de trois*, abritant les passagers pendant le voyage spatial en leur procurant un environnement de vie aussi confortable que possible ;
  • Des navettes de descente/montée (NDM), également au nombre de trois, assurant la liaison entre le vaisseau principal restant en orbite autour de l’astre de destination (Lune dans un premier temps, et ensuite Mars, voire au-delà) et le sol de celui-ci ;
  • Un module de connexion et de service (MCS) faisant la liaison entre les différents éléments du vaisseau une fois celui-ci assemblé en orbite et leur procurant les services nécessaires (distribution d’électricité, systèmes de communication et de positionnement…).

    Fig. 1 Les différents éléments du système de transport interplanétaire modulaire

    *Un clin d’œil à la série de romans ”Rama” du prolifique auteur de science-fiction Arthur C. Clarke, dans lesquels celui-ci imagine un vaisseau alien géant, un cylindre en l’occurrence, dont beaucoup d’éléments sont en triple exemplaire.  

    Une vue du vaisseau entièrement assemblé est présentée à la figure 2. Une différence importante par rapport au Starship est la disposition en étoile des modules d’habitation, à une certaine distance du module central de connexion, qui permet par la mise en rotation de l’ensemble de créer une gravité artificielle pour les passagers pendant le transfert de la Terre à l’astre de destination.

    Il ne paraît en effet guère envisageable de soumettre de simples ”passagers” à un séjour prolongé (de l’ordre de six mois) en apesanteur. Plutôt que chercher à reproduire l’équivalent de la gravité terrestre (9,81 m/s2), on se contentera ici d’une valeur proche de la gravité martienne (3,711 m/s2).

    Fig. 2 Le système de transport interplanétaire modulaire assemblé dans l’espace

    Afin de leur assurer une meilleure protection contre les rayonnements cosmiques et solaires les occupants du vaisseau sont d’autre part tenus à distance des parois des modules d’habitation par l’entreposage de divers équipements et fournitures en périphérie desdits modules et par des espaces techniques en haut et en bas de ceux-ci (Fig. 3); d’autre part, aucune verrière n’est prévue et le nombre de hublots est limité. Chaque module d’habitation dispose individuellement de tous les aménagements nécessaires pour assurer à ses occupant des conditions de vie appropriées pendant les trajets entre la Terre et le corps céleste de destination et retour. Cette configuration accroît grandement la sécurité du système en offrant la possibilité d’héberger, provisoirement ou définitivement, les occupants d’un module à bord d’un autre en cas de graves avaries du premier (au prix évidemment de conditions de séjour dégradées pour les ”passagers” dans ce cas). On peut même envisager que les navettes puissent servir de ”chaloupes de secours” d’ultime recours, comme le module lunaire l’a fait en 1970 après la destruction par explosion du module de service d’Apollo 13. En position initiale, ainsi que pour permettre le transfert d’un module d’habitation à un autre, ces modules peuvent être rapprochés du module central (liaisons réalisées par mâts coulissants) auquel ils peuvent alors se connecter directement par un sas. Pourquoi avoir prévu une disposition en étoile plutôt qu’une structure torique comme cela est souvent envisagé dans les projets de vaisseaux spatiaux interplanétaires (réels ou de science-fiction) ? Premièrement pour des raisons constructives, il est plus facile de lancer et assembler dans l’espace les modules cylindriques proposés que d’y construire un espace de vie en forme de tore. Deuxièmement parce qu’il est également plus aisé de structurer et aménager les quartiers d’habitation et espaces techniques dans un volume cylindrique que dans un volume torique (du moins tant que le tore n’est pas de très grand diamètre). Enfin, troisièmement, pour une plus grande redondance et donc sécurité.

    Fig. 3 Vues extérieure et intérieure d’un module d’habitation

    Les navettes (NDM) sont les véhicules qui effectuent les transferts d’hommes, matériels, ainsi que certains ravitaillements, entre le vaisseau principal (modules d’habitat + système de propulsion + source d’énergie) restant en orbite et le sol (celui du corps céleste de destination à l’aller et celui de la Terre au retour). Cela suppose que ces navettes comprennent une zone cargo, ou alors de prévoir deux types de navettes différentes, une version purement cargo et une autre habitée uniquement. Les infrastructures nécessaires étant supposées avoir été mises en place aussi bien sur Terre que sur l’astre de destination, les navettes sont ravitaillées au sol après leur atterrissage sur les bases respectives. Outre les ergols alimentant les moteurs-fusées, ces ravitaillements peuvent comprendre l’oxygène nécessaire à la respiration des passagers, tout ou partie de l’eau et de la nourriture consommées pendant les traversées interplanétaires et éventuellement d’autres fournitures utiles, dans la mesure où celles-ci peuvent être produites sur l’astre de destination, s’agissant du trajet de retour vers la Terre (sinon, il faut les emporter avec soi en quantités suffisantes depuis la Terre).

    Un des avantages de l’approche modulaire est de permettre d’envisager en particulier divers types de propulsion pour le vaisseau spatial en fonction de l’arrivée à maturité de nouvelles technologies, sans que cela nécessite de modifier substantiellement les autres éléments de celui-ci. Ainsi, la propulsion pourrait être purement chimique dans un premier temps (LH2-LOX, ou CH4-LOX), pour passer ensuite à la propulsion nucléaire thermique et, finalement, à une combinaison de propulsion nucléaire thermique (pour les manœuvres demandant des poussées importantes mais de relativement courtes durées, extraction de la sphère d’attraction planétaire typiquement) et de nucléaire électrique fournissant sur la trajectoire de transfert des poussées moindres mais prolongées de manière à réduire significativement la durée du voyage. Pour ce qui concerne le ravitaillement en ergols, l’idée serait de procéder à l’échange standard de réservoirs plutôt qu’à un transvasement.

    Fig. 4 Évolution possible dans le temps du système de propulsion du vaisseau en fonction de l’arrivée à maturité de nouvelles technologies (nucléaire thermique, nucléaire électrique).

    Soulignons encore une fois qu’il ne s’agit ici que de l’esquisse d’un système de transport interplanétaire, esquisse destinée essentiellement à illustrer ce que pourrait être un vaisseau de conception fortement modulaire dans un tel cas et en montrer l’intérêt. Il n’a pas été réalisé à ce stade d’études de dimensionnement précis des divers éléments du système proposé. A ce sujet, il pourrait être intéressant, de manière à réduire la longueur des mâts coulissants reliant les modules d’habitation au module central (un point sensible), d’étudier la possibilité d’augmenter légèrement la vitesse de rotation du système*, à 3 rpm plutôt que 2 rpm.  Cette augmentation de rotation de seulement 50% conduirait à une réduction de la longueur des mâts de liaison par un facteur 2,25 en raison du fait que la vitesse de rotation intervient au carré dans l’expression de l’accélération centrifuge. Or, des études en centrifugeuse** ont montré que la plupart des sujets testés (sauf ceux particulièrement sensibles au mal de mer) s’habituaient en quelques heures seulement à une vitesse de rotation de cet ordre, en dépit de ”l’effet Coriolis”. A noter, que cette vitesse de rotation de 3 rpm est celle qu’avait choisie von Braun pour sa célèbre ”roue spatiale” (rayon de 38 mètres).

    *Précisons que l’ensemble de la structure du vaisseau assemblé dans l’espace est ici mis en rotation. Envisager de ne mettre que les modules d’habitation en rotation impliquerait l’existence de paliers provoquant inévitablement des frottements qu’il faudrait compenser par une dépense constante d’énergie. Outre que ce type de configuration compliquerait sérieusement le passage d’un module à l’autre, on perdrait ainsi l’un des avantages de la simulation dans l’espace d’une gravité par la force centrifuge, qui est que cette gravité se maintient ”gratuitement” (énergétiquement parlant) une fois la vitesse de rotation souhaitée atteinte. Étant donné qu’il n’y pas de points d’appui dans l’espace, il faudrait par ailleurs créer un contre-couple pour que la partie supposée devoir rester ”fixe” ne se mette pas à tourner en sens inverse de celle de la rotation des modules d’habitation.

    **Graybiel, B. Clark, and J. J. Zarriello, “Observations on human subjects living in a slow rotation room for periods of two days,” Archives of neurology, vol. 3, no. 1, pp. 55–73, 1960

    Illustrations: Schémas de Pierre-André Haldi (crédit P.A. Haldi).

    XXXX

    NB: La Chine a lancé ce vendredi 3 mai (à 11h30 en Europe Occidentale), sa fusée Chang’e 6 vers la face cachée de la Lune. Pour vous informer sur le sujet, lire mon article publié le  sur ce blog. Lien: https://www.explorationspatiale-leblog.com/avec-change-6-la-chine-poursuit-un-programme-dexploration-lunaire-jusquici-sans-faute/

    Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

    Index L’appel de Mars 24 03 11

    Cet index reprend l’intégralité des articles publiés dans le cadre de la plateforme letemps.ch aussi bien que dans le blog qui y fait suite, celui-ci.

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8 Responses

  1. Bonjour Pierre Brisson

    Et c est un tres beau projet : on va vers ce type de vaisseau par la force des choses; facile a propulser en orbite -facile a « entretenir »- securisant pour les equipages- evolutif au niveau de la propulsion -pratique par sa modularite-capacite a rester en orbite garage entre 2 missions-et bien sur capacite a generer une pesanteur artificielle-plein de carburant modulaire facile…
    Nous disposons deja des lanceurs sls ou superhaevy…des navettes starship…le reste est facile a developper…de plus on peut adjoindre des panneaux solaires…juste une petite question:comment Pierre Haldi met il en rotation l ensemble et freine t il cette rotation si necessaire?le module central tournant sur lui meme il faudra reconstituer informatiquement les images de l exterieur.

  2. Bonjour Niogret et merci pour vos appréciations très positives. Il y a évidemment encore beaucoup de « détails » (dans lesquels se cache le diable comme on sait :-)!) à préciser dans ce qui n’est pour le moment qu’une esquisse de principe. Mais effectivement, je considère que mon concept offre a priori nettement plus de souplesse, de facilité de mise en oeuvre et de sécurité que celui de SpaceX (Starship). On trouve d’ailleurs de plus en plus sur le net d’avis d’experts qui mettent en doute la faisabilité d’un Starship martien tel que présenté jusqu’ici par Elon Musk (transfert d’ergols cryogéniques en apesanteur, alimentation en énergie pendant les transferts Terre-Mars et retour, évaporation « en route » des ergols dans le type de réservoirs prévus, pas de création de gravité artificielle envisagée et d’ailleurs difficile à réaliser avec la configuration du Starship … ).
    Pour répondre à votre question spécifique concernant mon esquisse de STI modulaire, les moteurs des navettes amarrées aux modules d’habitation pourraient servir à la mise en rotation, puis à son freinage lorsque cela sera souhaité. Quant au module central, même s’il tourne sur lui-même il reste possible de l’orienter dans une direction à privilégier, pour effectuer une correction d’orbite avec les moteurs principaux par exemple (sans interrompre la rotation), peu importe si ceux-ci tourneront avec le module selon un petit rayon, ou pour une orientation d’antenne autre exemple. Si l’on veut le cas échéant corriger l’effet de rotation sur des images prises par des caméras montées sur celui-ci, je ne pense pas que cela pose un réel problème sur le plan informatique (voire mécanique: contre-rotation).

  3. oui l ideal serait de realiser ce projet eu « utilisant » ce qui existe deja : super heavy , starship , les moteurs vulcains ou encore les modules habitables boeing, en les adaptant de facon a faire economique et efficace et rapide et eviter ainsi de tout reprendre a « zero ».

    1. En effet, c’est bien l’idée. Avec en plus l’avantage d’avoir des modules faciles à lancer avec les gros lanceurs actuels, et un important effort de construction à faire seulement une fois, au début, avec l’essentiel du vaisseau restant ensuite dans l’espace où il sera soumis à bien moins de contraintes que le Starship, qui est censé faire de multiples entrées/descentes atmosphériques très « usantes » et périlleuses pour un si gros engin.

  4. Il n’y a en effet guère de doute que seule une approche modulaire au sens où vous la définissez permet d’envisager des missions interplanétaires habitées, en tout cas pour un certain temps. Cela vaut du reste aussi pour les premiers vols.

    La solution proposée est séduisante, en particulier à l’égard de deux problèmes majeurs : les effets de l’apesanteur, et l’exposition aux rayonnements d’un propulseur nucléaire. Trois questions toutefois :

    – « une meilleure protection contre les rayonnements cosmiques et solaires » : mais les seconds viennent, au contraire des premiers, d’une source unique, ce que ne semble pas prendre en compte l’architecture. Pour les risques propres à cette source unique, ne faut-il pas ajouter, soit un module supplémentaire servant d’écran à l’ensemble, soit un dispositif de rotation ad hoc des modules existants (ce qui me paraît plus compliqué) ?
    – Pourquoi privilégier, même dans une esquisse, la forme cylindrique aux dépens de la sphère a priori plus optimisée ?
    – Pourquoi trois modules d’habitation, et pas plus ni moins ? Ou s’agit-il d’un simple exemple pour la clarté de l’exposé ?

    Masse et constitution des protections aux rayonnements cosmiques et solaires d’une part, fiabilité de mats télescopiques exposés à d’importantes forces centrifuges d’autre part, me semblent être parmi les premiers points à vérifier et quantifier pour une étape suivante.

    1. Merci Monsieur Baland de confirmer mon opinion que l’approche modulaire est nettement la plus réaliste et la plus rationnelle pour envisager dans un avenir prévisible des missions habitées sur Mars en particulier.
      Pour répondre plus spécifiquement à vos questions:
      1/ Concernant la protection contre une « tempête solaire », à noter premièrement que ce problème n’est pas propre au concept présenté ici. Je n’ai pas pu dans le cadre de cet article entrer dans tous les détails de mon concept. En fait, chaque module d’habitation comprenant 3 « ponts-cabines » j’avais prévu de renforcer les parois du pont médian pour qu’il serve d’abri en cas de telles tempêtes (évidemment, les occupants ainsi regroupés seraient un peu serrés, mais pour un temps limité; par ailleurs la protection ne serait que partielle, mais il est impossible d’assurer une protection totale). Mon concept présente en tout cas une bien meilleure protection que dans le cas du Starship, avec sa grande verrière, ses nombreux hublots et ses occupants installés en périphérie du vaisseau (on se croirait dans Star Trek 🙂 )!
      2/ J’ai expliqué qu’à mon avis la forme « boîte de conserve » (!) pour les modules d’habitation est celle qui est la plus simple à intégrer à un lanceur et qui offre la meilleure habitabilité. Bien plus en tout cas que dans le cas d’un tore (sauf de très grande dimension) ou d’une sphère. La capsule de Gagarine était en forme de sphère, ce qui avait obligé les ingénieurs soviétiques de l’époque à la recouvrir pour la montée en orbite d’une protection ogivale qui ajoutait au lancement une masse sans autre utilité, contrairement aux capsules Mercury, Gemini ou Apollo.
      3/ J’ai également expliqué le choix « symbolique » de prévoir trois modules d’habitation. Mais rien dans le principe n’empêcherait d’en prévoir 2, ou 4 … Etant donné que le but était de proposer un vaisseau ayant plus ou moins la même capacité que celle annoncée par Elon Musk pour son Starship, 3 modules d’une capacité de 30 occupants chacun faisaient l’affaire.
      4/ Je suis conscient, comme je l’ai mentionné, que les « mâts télescopiques » sont un point délicat du concept proposé. Raison pour laquelle je serais en faveur de passer à 3 rpm, plutôt que 2, ce qui simplifie déjà un peu les choses. Des solutions existent néanmoins. L’ « Escuela Superior d’Enginyeries Industrial » de Barcelone a par exemple étudié (Study of artificial gravity systems for long duration space missions) une structure déployable destinée dans leur idée à relier deux Starships (!) qui serait encore mieux adaptée à mon concept. Le vaisseau restant dans l’espace (sauf les navettes), on peut aussi, si cela pose problème, renoncer à replier une fois déployés les mâts reliant les modules d’habitation au module central, le passage d’un module à un autre pouvant être assuré le cas échéant par une structure gonflable par exemple (à noter que chaque module d’habitation est « autonome », et qu’un passage d’un module à un autre n’est pas forcément indispensable et pourrait, en ultime recours se faire au prix d’EVAs). Bref, des solutions réalistes peuvent être imaginées (plus que pour résoudre les problèmes que pose la conception monolithique du Starship en tout cas!).

      1. Merci pour ces clarifications.

        Ma remarque sur la forme sphérique visait en fait un système préliminaire de faible capacité, et donc de petite nacelles (MHS) où l’interaction avec la forme du lanceur est moins problématique. Je pense qu’il sera en effet difficile d’échapper à un concept modulaire aussi dès les premiers vols exploratoires, et pourquoi pas celui-là.

        Mais pour des nacelles assez grosses pour transporter des dizaines de personnes, ce qui découle effectivement de votre introduction, je suis d’accord, un profil cylindrique sera difficile à contourner.

        J’avais en tête votre remarque sur le point faible des mâts. Mes remarques finales n’étaient nullement des critiques du concept, simplement une tentative d’identification des premiers points à valider pour une ingénierie ultérieure.

        1. Aucun problème, je n’ai absolument pas pris vos commentaires de manière négative. Au contraire, je vous remercie de m’avoir ainsi permis de préciser certains aspects de ma proposition de vaisseau modulaire que je n’avais pas eu la possibilité d’inclure dans l’article principal.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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