IFT8 du Starship. Caramba, encore raté !
La nuit dernière (6 à 7 mars), on a pu assister au 8ème vol intégré (‘IFT8’) du Starship. Il a été très décevant. On espérait le remake du 7ème vol, mais cette fois réussi, et on a eu un remake du 7ème vol à moitié raté. Cela met en évidence les difficultés du projet Starship. Pour le moment, quelles sont les raisons d’espérer qu’un jour il fonctionne et soit fiable, et quelles sont celles d’être frustrés ?
Les raisons d’espérer ne sont pas négligeables. Le décollage a été parfait. On a juste attendu un peu (une minute) à la position « hold » de T-40 sec. Rien d’inquiétant à ce niveau ; il est raisonnable de s’assurer que tout est en ordre quand on est sur le plongeoir avant de sauter. Le temps était parfait. Les 33 moteurs du SuperHeavy (lanceur) se sont allumés comme on voulait qu’ils le fassent. L’ascension au-dessus de Boca Chica a été un sans-faute. Le passage du point de tension mécanique maximum, « MaxQ » a été effectué sans « broncher ». Ensuite, tandis que le Starship continuait son ascension tout seul, le SuperHeavy s’est débarrassé de son « hotstage » (anneau intermédiaire entre le lanceur et le vaisseau qui permet au vaisseau de commencer sa propulsion lorsque les deux sont encore en contact) sans anicroche. Puis, le SuperHeavy est retourné vers sa base de lancement et il est revenu sans difficulté apparente entre les bras (« baguettes ») de la tour Mechazilla. On pouvait applaudir, comme le firent les nombreux spectateurs tant à Hawthorne (Californie) qu’à Boca-Chica (Texas). Comme ce retour de lanceur se passe bien pour la troisième fois (IFT5, IFT7 et IFT8), on peut espérer qu’il soit passé dans la routine. C’est un énorme achèvement puisqu’à ce jour SpaceX est la seule société au monde à maîtriser le retour de ses lanceurs au sol ce qui en permet la réutilisation. C’est une énorme économie de temps, de coût et donne un avantage compétitif insurmontable à SpaceX. Par ailleurs, les écolos devraient féliciter Elon Musk qui a voulu la réutilisation contre vents et marées.
On était alors à T+7 min et tout allait bien. Petit bémol cependant, au retour du SuperHeavy, lors du rallumage des moteurs, deux sur treize (l’ensemble moins la couronne extérieure) n’avaient pas répondu à la commande. Apparemment cependant, cela n’avait pas gêné la manœuvre.
Mais ce bémol pouvait être vu comme l’annonce de quelque chose de beaucoup plus grave. A T+8 minutes, le vaisseau était à 146 km d’altitude et ayant déjà acquis une vitesse de plus de 20.000 km/h (20.326), ayant consommé beaucoup de ses carburants et étant entré dans une atmosphère ténue, il n’avait plus besoin de ses moteurs Rsl (Raptor Sea Level). SpaceX procéda donc à l’extinction de ces 3 moteurs avec l’intention de ne conserver que les 3 Rvac (Raptor Vacuum qui ont une tuyère beaucoup plus longue pour que les gaz procurant la poussée ne se diffusent pas trop rapidement dans l’espace à l’atmosphère raréfiée). Cependant, un Rvac s’éteignit en même temps que les 3 Rsl. La symétrie de la surface de propulsion était brisée et tout de suite, l’écran montra que le Starship avait perdu son contrôle d’attitude. Il allait « dans tous les sens », ce qui ne pouvait évidemment pas continuer. Et ce fut la destruction, au-dessus des Bahamas (sans apparemment de dégât au sol).
Donc s’en était fini du vol IFT8 ! Il n’avait même pas atteint la vitesse pré-orbitale (26.000 km/h) ni l’altitude prévue (240 km) !
Bien sûr, il y a eu de nombreux ajustements apportés au Starship entre les vols IFT7 et IFT8, notamment un dispositif pour contrer les vibrations, un autre pour maintenir la pression dans les réservoirs lorsqu’ils se vident, un troisième pour lutter contre les incendies et un quatrième pour sécuriser l’approvisionnement en ergols des moteurs (gaine de vide autour des tuyaux d’alimentation). Mais tout cela ne sert à rien si le vaisseau perd sa stabilité.
Le résultat est frustrant et inquiétant. L’IFT8 devait être un IFT7 réussi et il ne l’a pas été. On verra ce que donne l’IFT9 mais nous ne sommes pas encore sur Mars !
NB : Ces jours, on lit dans les médias les louanges d’Ariane-6 qui présentent la réussite du 2nd vol de cette fusée, comme si elle était à mettre au même niveau que le semi échec du Starship. N’oublions pas qu’Ariane-6 joue dans la catégorie de Falcon-9, même pas dans celle de Falcon Heavy…et qu’elle n’est toujours pas réutilisable.
Illustration de titre, une des toutes dernières photos du Starship vaisseau (à T+9 min). En bas à droite, vous voyez les 6 moteurs du Starship avec deux sur trois des RVac allumés. Crédit SpaceX.
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9 réponses
« nous ne sommes pas encore sur Mars ! », En effet, et de loin; mais ce qui est plus grave est que SpaceX est en train de mettre sérieusement en danger même « seulement » le retour des « Américains » sur la Lune. Selon Daniel Dumbacher, Directeur exécutif de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, le plan actuel de la NASA pour Artemis III nécessitait environ 35 à 40 lancements de Starship réussis pour démontrer la capacité lors d’une mission non habitée et ensuite exécuter la première mission habitée. Dans les circonstances actuelles, il a remis en question la probabilité de succès de ce plan d’ici 2030 (et dire que certains imaginaient un vol vers Mars plus ou moins à cette date!). Devant ces difficultés, on peut sérieusement craindre que la suite du programme Artémis soit maintenant purement et simplement annulée. Le scénario que je redoute depuis un moment pourrait alors bien se réaliser pour les Etats-Unis: abandon du programme lunaire, et échec prévisible ensuite du programme martien. Faudra-t-il reporter sur la Chine nos espoirs de voir ces objectifs atteints?! Espérons néanmoins encore un sursaut des « Américains » pour remettre leurs programmes (martien ET lunaire, il est moins que jamais question aujourd’hui de lâcher la proie pour l’ombre!) sur la bonne voie.
En effet, on peut craindre pour la suite du programme Artémis.
Surtout avec le fantasque président Trump et son « ministre » Musk, s’intéressant surtout à faire des affaires… Les Chinois doivent se frotter les mains !
Bonjour
Il existe une ou des raisons techniques liees a ces dysfonctionnements: les specialistes de SPACE X vont les trouver. peut etre des phenomenes vibratoires toujours tres ennuyeux et destructeurs …quoiqu il en soit le programme prend du retard.
quelles sont les differences entre IFT5 ET IFT7 OU IFT8 ?
Les IFT (Integrated Flight Tests) sont des vols quasi orbital (altitude et vitesse) qui permettent de tester des concepts qui sont concrétisés matériellement.
Le processus de développement de SpaceX est itératif. On a une idée, on la matérialise, on la teste et on tire les conclusions du test pour faire les aménagements qui sont apparus nécessaires au cours du test. Chaque IFT intègre ainsi des modifications dans le lanceur et ou le vaisseau.
Cela rejoint une opinion que j’avais déjà exprimée ici, à savoir que la méthode « itérative » (« trial and error ») n’est pas une bonne approche de développement pour des systèmes complexes (ce qui ne veut pas dire qu’il est absolument exclu d’y arriver de cette manière, mais ce n’est certainement pas optimal et risque de rallonger le processus et de coûter cher). Ce qui est en train de se passer avec le Starship rappelle furieusement un exemple souvent cité dans le domaine de l’analyse des risques pour illustrer cette inadéquation, celui de la bombe volante nazie V1. Au début du développement de cet engin, TOUS les essais échouaient parce que les ingénieurs partaient du principe que s’il y avait eu défaillance au cours d’un essai, c’était la faute d’un « maillon faible » du système, qu’il fallait alors découvrir et corriger. Comme SpaceX le fait après chaque essai non réussi du Starship. Le résultat est qu’une autre défaillance, jusqu’ici cachée par la première ou introduite suite aux modifications apportées, apparaissait lors du test suivant, avec nouvel échec à la clé. D’autant plus que les modifications que l’on peut apporter à un système complexe reviennent de fait à créer quasiment un NOUVEAU système; On repart donc en quelque sorte « de zéro », à chaque essai, ce qui n’est pas la meilleure manière de progresser! Ce n’est pas l’approche qui a été utilisée pour mettre au point la Saturn V ou, plus près de nous, le SLS , pour lesquels des analyses de risques GLOBALES préalables (arbres de défaillances, etc.) ont été suivies, avec ensuite des tests réussis « du premier coup ».
Vous avez peut-être raison, hélas!
Je ne crois pas trop aux défaillances jusqu’ici cachées car lors de l’IFT6, le vol du vaisseau avait été parfait jusqu’à ce qu’il touche l’océan à la verticale et à vitesse nulle (contrairement aux vols des IFT7 et IFT8).
Par contre les modifications apportées pour les vols 7 et 8 sont probablement responsables des échecs constatés pour le vaisseau et ce qui est grave c’est que le vol 8 a échoué encore avant que son vaisseau ait atteint l’altitude du vol 7.
Il faut sans doute « remettre la copie à plat », en partant du vol 6.
apparemment sur le Starship IFT8 les reservoirs sont plus grands les conduites d ergols sont differentes le bouclier thermique serait egalement different: c est ce que j ai pu lire mais savez vous si sa taille est plus importante ? le vaisseau lui meme est une caisse de resonnance…
la caisse de resonnance amplifie tous les phenomenes vibratoires et si l on atteint la frequence propre…deformation et destruction du systeme possibles