MiDASS (« Microbial Detection in Air System for Space ») est l’exemple de ce que la recherche spatiale MELiSSA peut apporter à la vie sur Terre. L’appareil résulte d’une coopération proposée dans ce cadre par l’ESA à BioMérieux, cette société leader mondial des diagnostiques infectieux in vitro (bactéries, champignons, virus) étant évidemment le meilleur partenaire possible (JV 50/50). L’objet premier de MiDASS est le contrôle des équilibres microbiens dans l’habitat d’un vaisseau spatial mais l’intérêt qu’il présente imposera son usage dans tous les milieux clos habités.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’un des risques majeurs pour les équipages des missions habitées de longue durée dans l’espace profond, sera les déséquilibres microbiens survenant dans leur environnement. Les sources et les vecteurs possibles sont multiples. Il peut s’agir des membres de l’équipage eux-mêmes, des matériaux divers qui les entourent et qui se seront dégradés, des aliments qu’ils auront pris avec eux, de l’air qu’ils respireront, de l’eau qu’ils utiliseront.
Jusqu’à présent le seul moyen d’identifier un microbe pathogène, c’était d’en faire la culture et on obtenait les résultats, l’identification, dans un délai allant de 48 heures à une semaine (dans la mesure où le microbe était facilement cultivable !). Dans un milieu clos très petit, comparable en fait à une (très) grosse boîte de Petri, ce délai est généralement suffisant pour que la présence du microbe se généralise. La correction reste possible mais elle est tardive et coûteuse (ne serait-ce qu’en termes de masse de produits correctifs à utiliser). MiDASS est le premier système totalement automatisé, de l’échantillonnage au résultat, applicable à l’analyse microbienne de l’atmosphère ou aux surfaces (on parle de « détecter et quantifier la charge bactérienne ou fongique »). Il est basé sur une analyse moléculaire de type « NASBA » pour « Nucleic Acid Sequence Based Amplification », une méthode utilisée pour amplifier les séquences ARN des micro-organismes sélectionnés (après capture et lyse de ces microorganismes). On peut atteindre avec elle des niveaux très fins de début de contamination, à des seuils de risque prédéterminés (évalués en « CFU », pour « Colony-Forming Units », par m3). L’obtention des résultats est extrêmement rapide (moins de 3 heures !) et l’on sait combien le délai de réaction est important vis-à-vis de populations bactériennes qui se reproduisent à très grande vitesse (à noter qu’en plus les conditions d’apesanteur favorisent la prolifération bactérienne). Autre avantage, l’appareil peut traiter une vingtaine d’échantillons par jour.
Il fonctionne aujourd’hui en prototype pour l’atmosphère des habitats spatiaux (instrument, réactifs, consommables et software) avec une très grande sensibilité (une cellule par m3 !) et on cherche à l’adapter pour l’eau (alimentaire et hygiène). C’est notamment le travail de la doctorante Anne-Laure Béchy (Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive de l’Université Claude Bernard Lyon 1, en liaison, « UMR », avec le CNRS et avec Biomérieux). Si elle réussit (ce qu’on lui souhaite de tout cœur), on aura ainsi la possibilité de contrôler les deux vecteurs les plus dangereux dans un habitat confiné.
On voit bien les retombées que cette recherche peut avoir sur Terre pour les locaux hospitaliers, les systèmes d’air conditionnés d’immeubles de bureaux, les canalisations d’eau potables ou sanitaires. On voit aussi que l’expansion de l’homme dans l’espace c’est l’extension de son domaine de vie. Nous nous y transporterons avec notre coquille. Le principe étant que celle-ci doit être la plus petite, la plus légère mais aussi la plus fiable possible, en quelque sorte une quintessence de coquille. Cela n’est possible que si nous en connaissons les composants et que si nous contrôlons leur évolution. Pour être plus précis, à l’intérieur de la coque rigide de l’habitat du vaisseau spatial, il faudrait voir cette « coquille » comme un nuage d’êtres vivants (évidemment microscopiques) qui enveloppe et pénètre chacun des membres de l’équipage en se mêlant à celle de l’équipage tout entier et en se lovant à l’intérieur des parois du vaisseau. Nous voyagerons avec notre microbiote et celui des autres passagers dans notre propre microbiome et dans le microbiome commun. MiDASS sera l’outil incontournable du pilotage de ce microbiome.
(dernier billet d’une série de sept sur MELiSSA)
Image à la Une : prototypes d’appareil MiDASS pour usage atmosphérique. Ils sont évidemment miniaturisés car ils devront être embarqués ! Crédit ESA/Biomérieux.
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