EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

Notre-Dame a brûlé, je suis triste et en colère.

L’inconcevable est arrivé à une époque où la technologie est reine et aurait pu et dû l’empêcher.

Ce fier monument qui avait franchi le temps, cette merveilleuse création de la foi et de l’esprit, élancée vers le ciel depuis le Moyen-Age, qui avait survécu aux multiples troubles ayant agité l’histoire de France, à la Révolution, à la Commune, à la Guerre, Notre-Dame, a brûlé !

Le cœur immuable de Paris qu’ont chanté les poètes dans notre si belle langue française, qui elle-même a évolué au cours du temps, et qui accueillait pour un même réconfort les faibles et les puissants, a brûlé !

Cette complexité et cette perfection aboutie, cette œuvre d’architecte et cette prière matérialisée, ce refuge et cette affirmation, cet éclat de lumière et ce lieu de paix, a brûlé !

Dans l’ancien temps une église et a fortiori une cathédrale était un livre où le croyant pouvait se remémorer tout ce qui avait trait à sa religion et s’en inspirer ; il lui suffisait de contempler les vitraux ou les statues, de s’imprégner de son atmosphère mystérieuse comme jadis ses ancêtres, des hautes futaies de la grande forêt gauloise. Aujourd’hui que lisons nous dans les cendres et les gravats ?

Sans doute qu’en dehors d’être devenus beaucoup plus sceptiques, nous sommes devenus bien indifférents aux « forces de l’esprit » et aux valeurs artistiques de nos prédécesseurs mais aussi que nous sommes bien présomptueux et bien maladroits.

Il serait étonnant et peu crédible que l’incendie ne résulte pas des travaux engagés pour restaurer la flèche de Viollet-le-Duc. Hélas ! Nous avons d’un côté un travail extraordinaire d’ingénierie ayant abouti à la construction d’un échafaudage gigantesque et d’une habilité touchant au prodige puisqu’il ne repose pas sur la construction qu’il enserre, et de l’autre au moins deux négligences banales : (1) la non-surveillance de l’échafaudage ; (2) le non-respect de précautions préalables élémentaires évidentes pour entreprendre quoi que ce soit dans la charpente d’une telle construction. Dans la « forêt », il n’y avait pas de gicleur (« sprinkler ») ! La question est « comment peut-on être à la fois si sophistiqué et si incapable ? » Et ce qui est terrible, c’est qu’il n’y a pas de réponse satisfaisante ou plutôt aucune justification valable à ces négligences.

Les craintes qu’on peut avoir sur l’ensemble du patrimoine religieux (et autres) de Paris sont immenses. Je tremble pour la Sainte-Chapelle, pour Saint-Eustache, pour la Madeleine ! D’après le directeur de La Tribune de l’Art, Didier Rikner*, la mairie de Paris sous la mandature d’Anne Hidalgo, n’a dépensé, depuis bientôt 5 ans (elle a été élue en 2014) pour l’ensemble du patrimoine parisien, que 50** millions d’euros (à comparer à un budget annuel de plus de 5 milliards d’euros). Et ce qui est encore plus lamentable c’est que la communication sur les besoins a été nulle puisque les personnes responsables s’en moquaient. « Nous » aurions autrement certainement reçu à temps pour effectuer les travaux préventifs indispensables, à défaut des fonds de l’Etat, des dons suffisants des riches Français qui aujourd’hui se précipitent pour réparer la catastrophe. Quand on a ce « track record », on se cache et on ne fait pas semblant de s’intéresser à son patrimoine en débloquant pour l’occasion…50 millions d’euros, comme le fait la Maire de Paris !

*éditorial dans Le Figaro du 16 avril.

**pour toute la France, ce pays dont le passé matériel est si riche, le budget de l’Etat consacré au patrimoine n’est que 300 millions sur un total de 390 milliards (2019) !

Nous sommes 24 heures après l’incendie et je pleure sur cette incapacité évidente de l’administration française, commanditaire et responsable de la surveillance des travaux*, qui par son impéritie, a causé un dommage extrêmement grave à une des expressions les plus parfaites de notre civilisation. Les dons privés ont été considérables et immédiats, un milliard en 24 heures et il y en aurait eu encore plus s’il n’y avait autant d’impôts. Encore une fois la preuve est donnée que nous avons beaucoup moins besoin d’Etat que certains hommes politiques (notamment la quasi totalité des hommes politiques français) veulent nous faire croire. Plus d’Etat, hors le stricte régalien, c’est l’irresponsabilité généralisée et tout simplement moins de services publics (ici culturels) de qualité. L’obésité ce n’est ni l’efficacité ni la mobilité, c’est la démagogie et le gâchis.

*Depuis la Révolution de 1789, l’église cathédrale a été mise « à la disposition de la nation ». L’Etat en est propriétaire, responsable de l’état, de l’entretien et des réparations de l’édifice, l’affectataire (l’évêque) étant tenu de conserver en l’état le lieu et le mobilier et de participer au gardiennage.

9 Responses

  1. Oui, des poutres, de minimum 40/40, faites d’un chêne massif qui ne se trouve plus depuis un siècle au moins, brûler comme une torchère, ça me laisse perplexe!
    Enfin, je suis tout sauf ingénieur et peut-être étaient-elles cirronnées complètement? Quoique après un millénaire, ça paraisse peut probable.

    Et aussi de laisser des matériaux enflammables à portée et sans surveillance, ni premier secours?

    Enfin, c’est le revers de la médaille française d’avoir une si longue culture…, on n’y prend plus garde .
    Et si l’acte était terroriste, l’Etat français n’oserait jamais le dire.

    1. Et allez savoir, la vraie raison est peut-être totalement cynique?

      Hypothèse, la rénovation de Notre Dame coûte plus d’un milliard d’euros, fleuron imprescriptible.
      La France qui n’en a pas les moyens et qui n’a jamais rien fait pour entretenir ce patrimoine depuis cent ans et face à une seconde révolution des gilets jaunes décide d’y mettre le feu.

      Sachant bien sûr que les donateurs ne manqueront pas et qu’on va la plaindre. D’une pierre trois gargouilles.
      Je crois hélàs que la France en est là, dans sa grandeur obsolète!

  2. Vous avez totalement raison, cher Monsieur Brisson. Ayant suivi avec une émotion considérable le développement de l’incendie jusqu’à ce qu’il soit maîtrisé très tard dans la nuit, j’ai eu exactement la même réaction. Même si c’est un accident, c’est une évidence aussi qu’il y a eu en effet des négligences très coupables de l’Etat français et de l’Eglise catholique ayant la responsabilité des lieux. Cela soulève aussi d’autres réflexions. La récupération en cours de la catastrophe par des milieux politiques et financiers opportunistes et impopulaires pour se mettre maintenant en avant apparaît également comme assez choquante. L’avalanche de dons et de bonnes volontés pour la restauration de Notre-Dame de Paris est en elle-même une excellente chose très réconfortante. Mais comment ne pas souhaiter aussi par la suite une prise de conscience et un même élan de générosité pour résorber la misère qui hante Paris et les grandes villes de France ? En cette semaine sainte, Jésus-Christ ne voudrait-il pas que l’on se focalise davantage sur ses enseignements à travers cet événement ? De nombreux trésors et l’édifice lui-même ont sans doute été épargnés pour nous laisser l’espoir et la force d’instaurer un monde meilleur. Au-delà de la tristesse et de la colère, c’est certainement cela qu’il nous faut retenir en priorité. En ce sens, la vision saisissante de l’intérieur de la cathédrale après l’incendie est là pour nous rappeler que la foi, quelle que soit notre religion, ne peut être abattue par la dureté et les aléas de la vie.

    1. Oui il nous faut un monde meilleur mais ce monde ne peut pas passer par plus d’Etat. Une organisation collective trop centralisée et trop lourde comme l’est l’Etat français démontre tous les jours et encore à l’occasion de ce drame, son incapacité. Les citoyens écrasés d’impôts par une autorité lointaine et pris en charge comme des enfants quel que soit leur âge sont mis dans l’incapacité d’agir et totalement déresponsabilisés. Ils croient que l’Etat « fait tout » et en fait il ne fait qu’engraisser des fonctionnaires et payer des paresseux à ne rien faire. Seuls les « riches » ont encore suffisamment de ressources pour avoir, après avoir payé leurs impôts, la liberté de s’exprimer de façon responsable, comme ils viennent de le démontrer.
      Il faut renverser cette tendance mortifère en laissant les individus se prendre en charge en baissant drastiquement les impôts et ils verront que c’est à eux, éventuellement dans des actions collectives qu’ils décideront individuellement, de s’occuper de ce qui les entoure. Il faut passer d’une situation où le citoyen n’est qu’un mouton que l’Etat tond, à une situation où il s’assume et soyez sûr qu’il prendra en charge ceux qui ne peuvent le faire. L’Etat ne doit être qu’un facilitateur et à notre époque les moyens techniques existent pour ce faire.
      Pratiquement, il aurait fallu que les personnes qui gèrent Notre-Dame au plus près ou une association dédiée à son entretien et librement constituée, fassent payer les entrées dans l’église et elles auraient disposé de l’argent pour entretenir le bâtiment sous le contrôle d’autres personnes intéressées et compétentes, sans demander quoi que ce soit à qui que ce soit et surtout pas à une municipalité généraliste qui n’a que faire des vestiges chrétiens de sa ville fussent-ils parmi les plus beaux au monde.

  3. Nous pensons à tort que la haute technologie nous protège, mais c’est tout le contraire: plus la technologie est sophistiquée plus elle rend notre monde fragile , il suffit pour s’en convaincre de lire les rapports ou les simples faits divers publiés quotidiennement .
    Il n’est pas impossible que le climat plus chaud de ces dernières années ait rendu le bois de la charpente plus sec et donc vulnérable à la moindre étincelle ou court circuit . Une inspection préalable devrait être une précaution élémentaire avant tous travaux de rénovation de vieux bâtiments spécialement construits avec des matériaux inflammables !
    Les incendies multiples ayant ravagé les villes du Moyen-Age construites en bois avaient conduit les sociétés à les reconstruire en pierre et ainsi éviter les catastrophes à répétition .
    Il faut bien se rendre compte que rien n’est éternel, que les biens les plus précieux finissent par disparaitre .

    1. « Il faut bien se rendre compte que rien n’est éternel, que les biens les plus précieux finissent par disparaitre ». Très pertinente observation, … malheureusement. Il suffit de remarquer qu’il ne nous reste qu’une des 7 merveilles du monde antique (qui ne remonte pourtant pas bien loin à l’échelle des temps cosmiques!), et encore, assez dégradée par rapport à sa splendeur d’origine. Finalement, ce sont les valeurs immatérielles (connaissances acquises) qui se perpétuent peut-être le mieux, et encore, on peut se demander si la fragilité des supports de ces connaissances de nos jours ne les rend pas également très périssables.

  4. Il ne faut pas oublier non plus le travail admirable des pompiers qui ont sauve l’ensemble de l’edifice. Ca s’est joue a quelques dizaine de minutes.
    Alors jeter le bebe avec l’eau du bain est assez malvenu.
    Le corps des pompiers est une institution publique financiee par l’etat. Alors soyons mesure dans les condamnations.
    Des organismes prives aux commandes, auraient ils mieux gere la situation j’en suis moins sure.
    De dire que l’etat aurait du plus investir dans l’entretien et la maintenance et quelques phrases plus loin affirmer que le meme etat ne doit s’occuper de rien, j’avoue que j’ai du mal a vous suivre.

    1. « De dire que Etat aurait dû plus investir dans l’entretien et la maintenance et quelques phrases plus loin affirmer que le même Etat ne doit s’occuper de rien ».

      Je crois que vous m’avez mal compris.
      Bien entendu je partage votre admiration pour les pompiers et le travail qu’ils ont accompli, sans réserve. Mais je pense aussi qu’il est lamentable d’en arriver là (avoir besoin des pompiers) et qu’il est fort regrettable de ne pas avoir suffisamment anticipé les risques. Je pense que le manque d’anticipation et le manque de dispositif de sécurité sont imputables à l’Etat propriétaire des lieux.
      Je pense aussi que tout le monde fait a priori confiance à l’Etat mais la preuve est ici donnée que c’est un tort car l’Etat n’est pas suffisamment motivé/intéressé pour/par le patrimoine. En l’occurrence vu les ressources financières dont il dispose (les 392 milliards d’euros!), je pense que oui, il aurait dû faire plus pour le patrimoine et vu la partie extrêmement faible affecté au patrimoine (moins de 0,1% !) ce n’est pas en augmentant les impôts qu’on arrangerait les choses (car où s’arrêterait-on alors que les dépenses publiques représentent déjà 57% du PIB du pays?!).
      Donc si l’Etat n’est pas intéressé ou capable de s’occuper du patrimoine (ce qui revient pratiquement au même), autant qu’il le dise et qu’il laisse l’initiative privée le prendre en charge. Or cela n’est possible que (1) si l’information circule (c’est le service minimum que pourrait rendre l’Etat) et (2) si les impôts ne sont pas trop importants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Comment voulez vous que les gens riches soient charitables ou mécènes s’ils sont systématiquement ponctionnés (et si en plus ils sont insultés dès qu’ils aident)?!
      C’est pour cela que je pense que seule une aide de proximité de personnes motivées est vraiment possible/réaliste. Les gens doivent pouvoir s’occuper de ce qui les intéresse dès lors qu’ils ont les moyens de le faire (et d’autant plus que ce sont leurs moyens, leur argent). Je regrette qu’en France tout remonte à l’Etat car il s’avère incapable de s’occuper de tout, ce qui est bien normal. Et il est pire de prétendre qu’on fait les choses si on ne les fait pas.

  5. M.Brisson,

    La sécurité d’un chantier reste souvent délicate tant l’environnement et les activités qui s’y déroulent sont en perpétuels changement. Ajouter à ce chaos organisé quelques épices de comportement humain difficilement gérable, notamment en raison du niveau d’instruction parfois très faible des ouvriers (temporaires, tacherons, ….) et vous obtenez un produit relativement dangereux.

    Je vous trouve néanmoins très dur dans votre jugement.

    Car dans les faits, cet événement exceptionnel prouve par l’étonnement qu’il génère, que ce type de catastrophe est relativement rare de nos jours, du moins en Occident. Mais oui, l’incendie arrive quand même et il ne choisit pas forcement son ouvrage…La vie ne ressemble pas toujours à une salle blanche d’assemblement de satellite ni à des processus industriels recourant à des ressources financières, techniques et humaines de haute qualité.

    Votre perception des choses me semble donc erronée. Mais svp, n’enragez pas une deuxième fois à la lecture de ce commentaire.

    Enfin (et là je ne vais pas me faire des amis, notamment ailés), cela reste un objet. Je respecte les gens qui se sentent blessés mais la vie est mouvement et les choses passent, en particulier les artefacts humains. L’âme d’un objet dépend de son observateur, c’est donc très subjectif et il en va d’ailleurs de même pour les paysages ( quoique je n’apprécierai moyennement qu’il y ait le feu au lac (Léman)!).

    Au final, la reconstruction de cet ouvrage est une magnifique chance de perpétuer l’âme des constructeurs et de l’inscrire dans notre futur.

    Le roi est mort…

    M.Jaccottet

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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