Le 13 octobre 2023, une fusée Falcon Heavy de SpaceX a décollé du Kennedy Space Center emportant à son bord la mission Psyche de la NASA vers la Ceinture d’Astéroïdes. La destination de la sonde est l’astéroïde du même nom. Elle y arrivera en 2029 et se placera sur son orbite. Ce sera sous plusieurs aspects, une « première ».

« Nous » (NASA pour le compte des Etats-Unis mais aussi de l’humanité) sommes déjà allés dans la Ceinture d’Astéroïdes (qui évoluent entre Mars et Jupiter) avec la mission Dawn lancée en 2007 et qui, de 2011 à 2018, a exploré la planète-naine Cérès et l’« astéroïde-presque-planète-naine » Vesta. Psyché est l’un de ces corps du système solaire « interne » (en deçà de Jupiter) qui n’ont pas réussi à s’agréger en planète comme la Terre ou Mars, du fait des perturbations gravitationnelles résultant de la proximité de Jupiter. Avec des dimensions « respectables » de 279x232x189 km, c’est un gros astéroïde, l’un des 14 plus gros de la Ceinture mais il est quand même beaucoup plus petit que Cérès* (diamètre 950 à 900 km) ou que Vesta* (diamètre 580 à 460 km). Il est par contre beaucoup plus gros que Phobos, la lune la plus massive de Mars, qui ne fait que 22,5 km de diamètre ou que l’astéroïde Bénou dont on vient de récolter quelques échantillons de roche et de poussière et dont le diamètre ne fait que 490 mètres. Sa distance au Soleil évolue entre 2,53 (380 millions de km) et 3,32 UA* (500 millions de km). Comme l’essentiel (93%) des corps de la Ceinture évolue entre 2.1 et 4.1 UA (Jupiter évolue entre 5,4 et 4,9), Psyché est donc dans une position moyenne par rapport à ses « congénères ». Il parcourt son orbite en 5 années terrestres.

*l’orbite terrestre est par définition située à 1 UA du Soleil (150 millions de km).

L’intérêt de Psyché est sa densité (3400 à 4100 kg par m3). On a pu l’estimer grâce à l’astrométrie qui nous a permis de constater son influence donc sa masse, sur les corps voisins, et grâce à la spectrographie qui nous a permis d’estimer la composition en métaux. C’est le plus dense des astéroïdes de classe « M » (comme Métal). Il y a un peu de flou sur le sujet mais quand la mission a été décidée en 2017, après appel à projets en 2014 dans le cadre du programme Discovery de la NASA, on le voyait quasiment comme un bloc de métal pur. Maintenant on envisage qu’un pourcentage de quelques 30 à 60% de la masse puisse être composé de silicates, ce qui néanmoins laisse une part importante au métal. Il faut voir de près !

L’intérêt de la haute teneur en métal (fer, nickel et autres sidérophiles) est que Psyché pourrait être le noyau d’un planétoïde, plus précisément ce qui en est resté après qu’il ait été « déshabillé » de son manteau et de sa croûte par un impact majeur. En effet le processus de formation des planètes, lunes et gros astéroïdes conduit à cette concentration métallique, dans un disque protoplanétaire au sein duquel les composants de la matière sont répartis également (sauf à proximité de l’étoile d’où sont chassés les éléments volatils). L’accrétion est une succession d’impacts. Ces impacts sont suscités par la gravité habitant toute masse, impacts dont l’énergie cinétique se transforme en chaleur (NB : la chaleur provient aussi de la désintégration d’éléments radioactifs mais au début c’est l’énergie cinétique qui domine). Cette chaleur est d’autant plus élevée que la force gravitationnelle (déterminant la vitesse à l’impact) est élevée donc que la masse est importante. Dans un planétoïde on peut monter ainsi jusqu’à 1000°C (contre probablement 5500°C pour la Terre). Plus la température est élevée, plus le magma qui constitue son manteau est fluide (au début, il y a même absence de croûte) et plus les éléments lourds (provenant des corps impactants indifférenciés) évoluent rapidement au sein de ce magma vers le centre. C’est pour cela que l’on retrouve au centre des planètes et planètes-naines ou lunes (dont la nôtre) l’essentiel des métaux lourds qui la composent (les silicates flottant au-dessus). Ces métaux lourds sont d’abord le fer et les sidérophiles, très communs dans notre galaxie (je dirais même « à notre époque », après la métallisation de la matière de l’Univers effectuée depuis le Big-Bang par les étoiles massives). Un corollaire est que plus la masse du planétoïde est importante, plus la séparation entre les éléments est nette ; et un corollaire au corollaire, que plus la séparation est nette entre les couches de différentes densités, plus il peut y avoir facilement rotation différentielle sous l’effet conjugué de l’attraction de l’étoile et de la vitesse de rotation du corps sur lui-même. Ce n’est pas inintéressant car on pense que c’est la force résultant de cette rotation différentielle qui génère l’effet dynamo (tant qu’une partie du métal est liquide) créateur d’un champ magnétique protecteur contre les radiations.

Il a fallu « un certain temps », une dizaine de millions d’années, pour que l’essentiel de l’accrétion des astres du système solaire se fasse (même si les pluies d’impacts d’astéroïdes ont été intenses pendant les 600 premiers millions d’années) et qu’au sein de la masse ainsi constituée, la différenciation par migration des éléments lourds vers le centre s’accomplisse. Il a fallu sans doute le même temps pour que la masse du noyau de Psyché atteigne cette taille de plus de 200 km de diamètre. Et ce résultat n’est pas négligeable puisque le noyau de Vesta est estimé entre 226 et 214 km (la Lune a une graine, partie solide du noyau, estimée à 480 km pour un diamètre de 3475 km).

C’est donc probablement à la fin de la période d’accrétion (nous avons une graine) que la catastrophe qui a frappé le planétoïde Psyché est survenue.

L’intérêt pour nous aujourd’hui, si l’observation de près confirme que l’astéroïde est bien ce noyau de planétoïde, c’est que nous pourrons l’examiner alors qu’il est exclu, compte tenu de la pression et de la chaleur, que nous puissions étudier en direct le noyau métallique de la Terre…ou de la Lune ou même de Vesta. Nous pourrons aussi voir la relation entre la partie liquide du noyau et la graine car lors de la catastrophe, on peut imaginer que la partie liquide, non fixée au solide a pu exploser, être en grande partie dispersée mais avec des traces restant accrochées à la graine. Ainsi, avec Psyché nous pourrons mieux comprendre cette période lointaine de l’accrétion et le noyau que nous avons toujours au centre de notre planète. Ce sera un complément à l’étude des « petits astéroïdes qui n’ont jamais été grands » comme Bénou, au sein duquel il y a eu agrégation de matière mais pratiquement aucun métamorphisme (transformation) du fait de température et de pression beaucoup plus faibles. Psyché pourrait nous apprendre beaucoup sur le noyau et la fin de l’accrétion, comme Bénou peut nous apprendre beaucoup sur le disque protoplanétaire.

Maintenant il reste un doute sur la proportion de fer et sidérophiles versus silicates et sur la proportion de nickel versus fer. Selon ces proportions, l’histoire que nous déduirons de l’observation sera différente. Certains mêmes pensent qu’avec des caractéristiques dans lesquelles je ne vais pas entrer, Psyché pourrait se révéler être un astéroïde qui se serait formé près du Soleil (beaucoup plus près que Mercure) avant d’être expulsé jusqu’à la Ceinture d’Astéroïdes. La théorie étant que plus on est près du Soleil moins les éléments légers, donc à l’état gazeux, peuvent s’assembler et sont chassés vers l’extérieur par le vent solaire. Ces doute ne pourront être levés que sur place. Il n’est en effet pas facile d’étudier un aussi petit corps depuis une si grande distance. Mais son étude n’en sera pas moins passionnante.

La sonde Psyche a été lancée par une fusée Falcon Heavy. Sa masse au départ était de 2870 kg dont 70 de charge utile (en deçà de ce que peut emporter un tel lanceur). C’était le 8ème tir et le 8ème succès de cette fusée conçue et construite par SpaceX, dont le corps central et les deux boosters latéraux du premier étage sont récupérables (ce qui la rend moins chère et la place devant ses concurrents, tout comme la Falcon 9). Encore un succès de SpaceX alors que les Européens de l’ESA s’embourbent dans la préparation de leur lanceur Ariane 6 (qui de toute façon sera moins puissant et plus cher) !

Une fois la sonde injectée avec son module de service sur sa trajectoire, la propulsion utilisée en cas de besoin (corrections de trajectoire ou corrections d’attitude) est une propulsion électrique. C’est un « moteur à plasma stationnaire » (Stationnary Plasma Thruster, « SPT »). Le SPT, de forme annulaire, crée un champ magnétique radial (« effet Hall ») qui piège les électrons d’un gaz, ici 900 kg de xénon. Les ions du xénon sont alors accélérés pour être expulsés et produire une poussée. L’énergie alimentant le SPT est fournie par des panneaux solaires photovoltaïques. Compte tenu de la faible irradiance solaire au-delà de Mars, ces panneaux sont très importants : 25 mètres d’envergure, 75 m2 de surface utile. Cela permet une puissance d’environ 20 kW au niveau de l’orbite terrestre mais de seulement 2,4 kW à 3,3 UA du Soleil.

Une fois à proximité, en Août 2029, la sonde se placera sur orbite de l’astéroïde et l’observera pendant deux ans (jusqu’en Novembre 31), à une distance évoluant entre 709 et 75 km. Elle est équipée d’un imageur multispectral, d’un magnétomètre, d’un spectromètre à neutrons et à rayons gamma, et d’un système de télécommunications radio en bande X. Le premier (opéré par Arizona State University) permettra de distinguer les métaux des silicates. Le deuxième (MIT et Technical University of Denmark) doit détecter et mesurer le champ magnétique rémanent. Le troisième (John Hopkins University) doit détecter, mesurer et cartographier la composition chimique. Le quatrième (Massachusetts Institute of Technology et Jet Propulsion Laboratory) mesurera le champ de gravité de Psyché avec une grande précision. Combiné à la topographie obtenue par l’imagerie embarquée, cela fournira des informations sur la structure intérieure de l’astre. C’est l’Arizona State University (avec l’équipe qui avait candidaté en 2014 pour la mission) qui assurera la direction académique de l’ensemble de la mission.

La mission Psyche est la 14ème * du programme Discovery de la NASA, programme qui a commencé en 1990. En principe il devait être consacré à des missions robotiques d’exploration peu coûteuse (450 millions de dollars hors coût de lancement) et à réalisation rapide. Finalement ce n’est pas vraiment le cas. Aujourd’hui les 450 millions sont devenus 710 millions et Psyche aura coûté 1,2 milliards d’euros avec lancement (90 millions) compris.

*La précédente mission Discovery, « Lucy », a été lancée en Octobre 21 pour étudier les « troyens » de Jupiter (voir mon article du 16/10/21), astéroïdes situés aux points de Lagrange L4 et L5 du système Jupiter/Soleil. La mission Dawn, citée ci-dessus, était la 9ème du même programme.

A cela s’ajoute une grosse « cerise sur le gâteau » (206 millions en plus, tout de même), le test embarqué d’une nouvelle technologie de communication, la « DSOC » (Deep Space Optical Communications).  Il s’agit d’un laser qui encode les données à communiquer, dans des photons de longueurs d’onde proches de l’infrarouge (plutôt que dans des ondes radio). L’utilisation de la lumière au lieu des ondes radio permet à la sonde de communiquer plus de données dans un temps donné (pensez à la « fibre optique »). La transmission devrait être fiable jusqu’à 2,5 UA (un peu juste pour transmettre à partir de Psyche mais l’expérience se fera « en route »). Cette technologie serait parfaite pour transmettre les données entre Mars et la Terre. L’équipe DSOC est basée au Jet Propulsion Laboratory.

Avec Psyche nous avons donc une belle mission et elle est « bien partie ». C’est ce type de missions robotiques qui, en attendant l’envoi de l’homme sur La Lune et sur Mars, justifie pleinement que l’on dépense de l’argent public pour l’astronautique. Il n’y a pas de meilleur moyen que d’aller voir pour connaître notre environnement spatial et pour comprendre ce qu’est la Terre, donc nous-même. Il faut le faire quand on le peut. Et seuls ces merveilleux vaisseaux dont pouvaient rêver nos parents et nos ancêtres, aujourd’hui nous le permettent.

Illustration de titre : Psyche (la sonde) et Psyché (l’astre), vue d’artiste, crédit NASA/JPL-CalTech/ASU. Comme figuré, l’astéroïde comprend bien des silicates et du métal et porte les traces de deux cratères d’impact.

Liens :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Psych%C3%A9_(sonde_spatiale)

https://www.jpl.nasa.gov/missions/psyche

https://blogs.nasa.gov/psyche/

https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/terre-noyau-terrestre-il-solide-19528/

https://fr.wikipedia.org/wiki/(4)_Vesta

https://fr.wikipedia.org/wiki/Deep_Space_Optical_Communications

https://psyche.asu.edu/mission/instruments-science-investigations/

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Index L’appel de Mars 23 10 04

Cet index reprend l’intégralité des articles publiés dans le cadre de la plateforme letemps.ch

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31 réponses

  1. Pierre, au-delà de ces explications techniques fouillées, que vous nous faites chaque semaine comme un métronome, je veux vous remercier au nom de tous vos lecteurs pour votre travail minutieux et toujours très documenté.
    Je suis impatient chaque WE de vous lire pourtant « à mille lieues » de la Suisse, mais aujourd’hui les distances (sur terre) ne comptent plus. 😁

      1. A partir de la fin du 20ème siècle on a eu recours au « chiffres et aux lettres » qui permettent une classification (Tholen, 1984) qui distingue les astéroïdes « S » silicatés, « C » carbonés et « M » métalliques. Auparavant, les astéroïdes les plus remarquables recevaient un nom propre au fur et à mesure de leur découverte. « Notre » Psyche a ainsi été nommé par Annibale de Gasparis en 1852, pour des raisons que je ne connais pas.

        1. BARD:
          Le météorite Psyche a été nommé ainsi par Annibale de Gasparis en 1852 en référence à Psyché, une figure de la mythologie grecque. Psyché était une jeune femme d’une grande beauté qui a été séduite par l’Amour, mais elle a été punie par sa mère, Vénus, qui était jalouse de sa beauté. Psyché a été forcée de subir de nombreuses épreuves, mais elle a finalement été réunie avec l’Amour et ils ont vécu heureux pour toujours.

          De Gasparis a choisi ce nom parce que le météorite était très brillant et qu’il semblait être en forme de cœur. Il a pensé que ce nom était approprié pour une telle beauté naturelle.

          1. Ce qui est important dans cette histoire (en fait l' »Amour », c’était Eros), c’est que l’astre était très brillant. A l’époque on ne pouvait pas utiliser la spectrographie (les travaux de Secchi sur la spectrographie des étoiles ne seront publiés qu’en 1879) mais déjà cette brillance était un indice de la richesse en métal de l’astéroïde.

    1. Non pas du tout. La plupart des astéroïdes (75%) sont des chondrites carbonées. On en a exploré certains (Bénou par exemple) mais jusqu’à présent aucun de nature métallique sans doute parce qu’ils sont beaucoup plus rares et moins accessibles.

  2. Merci Monsieur Brisson pour le description de cette mission :tres interressant.
    Le mode de transmission des donnees est nouveau et permet un meilleur debit en effet.

  3. Pensez-vous que les ressources métalliques de ces astéroïdes seront un jour exploitées ? A quelle échéance ? Le Starship pourrait-il effectuer une telle mission ?

    1. Pour moi, il est hors de question d’exploiter les ressources de Psyché, tout comme celles d’autres astéroïdes exceptionnels. Les astéroïdes métalliques sont rares et Psyché encore plus rare puisqu’il est peut-être le noyau d’une protoplanète. C’est un trésor scientifique que nous devons conserver pour l’analyser avec soin et que les générations futures continueront à étudier. Extraire ses métaux serait comme utiliser la Grande pyramide de Kheops comme une carrière de pierres (ce que des sauvages ont d’ailleurs, hélas, fait).

      1. C’est un argument qui se tient. Mais
        – Je note cependant que c’est exactement le même argument qui est utilisé par certains contre la colonisation de Mars: ne pas ruiner nos chances de l’étudier proprement en évitant de la contaminer :
        https://www.amazon.fr/Pourquoi-Elon-Musk-envoyer-lHomme-ebook/dp/B01H90681I/
        https://www.facebook.com/notes/10158628512059857/
        – Dans le cas de Mars l’enjeu scientifique est même plus important que dans le cas de Psyché, puisqu’il s’agit de déceler des traces éventuelles de vie fossile.
        – L’auteur de cette thèse (Thomas Jestin) est favorable, en revanche, à l’exploitation intensive des astéroïdes.
        – L’expédition de Christophe Colomb n’était pas motivée par la science ni par le goût de l’aventure mais par l’appât du gain. Et en dehors du sort peu enviable des populations indigènes, elle fut un pas de géant pour l’humanité.

        1. Coloniser Mars ne veut pas dire la détruire. On peut très bien y faire vivre quelques milliers d’habitants dans des habitats fermés (ils devront l’être puisque la pression très faible de l’atmosphère et la nature de son gaz, CO2 l’imposeront) sans compromettre la recherche scientifique. Pour mémoire, le diamètre de Mars est de 6780 km et celui de Psyché d’environ 200 km. Il y a de la place sur Mars, il n’y en a pas sur Psyché.
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          La vie, si elle a pu un moment commencer à se manifester en surface de Mars, l’a fait selon une évolution phylogénétique forcément différente de celle de la Terre et elle sera reconnaissable même s’il y a dispersion de molécules organiques provenant d’organismes terriens vivants.
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          Vous dites que Thomas Jestin est favorable à l’exploitation des astéroïdes mais il y a « astéroïdes » et « astéroïdes ». Les carbonés ne sont pas du tout les mêmes que les métalliques. On peut sans doute prendre moins de précautions avec les premiers, beaucoup plus nombreux. Par ailleurs exploiter des astéroïdes cela veut dire y aller, en revenir, extraire, raffiner en partie sur place, sans doute par des moyens robotiques. Cela représente des coûts énormes et le résultat (des minerais utilisables sur Terre) pourrait s’avérer fort coûteux, en tout cas beaucoup plus que l’extraction dans des conditions même difficiles sur Terre ou le recyclage de métaux déjà utilisés sur Terre.
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          La découverte par Christophe Colomb de l’Amérique par l’Europe a sans doute permis beaucoup de développements positifs. Mais il ne faut pas oublier le coût humain et civilisationnel qui fut épouvantable. Cela pouvait se comprendre à la fin du XVème siècle et au XVI, c’est totalement inconcevable aujourd’hui.

          1. Pierre, il y a un paramètre dont vous ne tenez pas compte (par omission), c’est que la fonderie de silicium et autres terres rares en – basse gravité – est très intéressante pour fabriquer des barres wafer de très haute qualité au niveau des mélanges pour être uniformes, impossible sur terre, alors que les gravures atteignent 1-2 nm! Prévu dans les 10 ans en Å!

            BARD
            Oui, la fonderie de silicium sur Mars avec basse gravité est intéressante pour avoir des mélanges uniformes avec terres rares. En effet, la basse gravité réduit la force de pesanteur, ce qui permet aux particules de se mélanger plus facilement. Cela est particulièrement important pour les terres rares, qui sont des éléments lourds et qui ont tendance à se séparer les unes des autres en présence de gravité.

  4. Je peine à croire que la conquête de Mars se fera sans victimes, surtout quand on s’y croira en sécurité et qu’on découvrira des richesses, qu’on y sera nombreux. Mais bon! il y a bien des miracles en Antarctique! Il y aura à maîtriser la nature sur Mars (radiations, tempêtes, milieu qui ne pardonne pas, expériences nécessaires mais qui forcément donneront des surprises, caractère présomptueux, négligent ou agressif de l’homme). Pensez aux compétitions qui se dessinent entre Chinois, Américains, Indiens, Japonais, Arabes. (et nous? et nous? et nous?). Mais l’Homme va peut-être prendre conscience de sa fragilité. Peut-être fera-t-on de Psyché une sorte de réserve naturelle pour l’étude du passé mais je pense qu’on exploitera la lune ou Mars et beaucoup d’astéroïdes pas tellement pour ramener leurs richesses sur terre mais pour construire d’énormes vaisseaux capables de nous emmener vers l’espace profond.
    Concernant la sonde américaine Psyché, d’après Sciences et Vie, la NASA va expérimenter la transmission par laser pour accélérer les échanges entre la terre et Mars par exemple, même afin de transmettre des vidéos. Dans l’infrarouge, les ondes seraient plus « denses », ce qui rendrait capable de faire circuler plus de données à la fois, d’accroître les débits. Plus intéressant encore, ils feraient un essai d’accélération de la propulsion: effet Hall qui prendrait l’électricité produite par les panneaux solaires pour ioniser du xénon. Les ions accélérés permettraient d’atteindre une poussée de 15 km par seconde au lieu de 3. Qu’est-ce qui est le plus important l’accumulation de connaissances ou l’accroissement de la richesse, de la puissance et des possibilités de notre espèce?

    1. Bonjour Martin. Vous auriez pu lire mon article jusqu’au bout avant de le commenter. Vous auriez vu que je parle aussi de l’effet Hall pour la propulsion et de la transmission des informations par laser par la DSOC.
      .
      Je ne vois pas d’incompatibilité entre accroissement des connaissances et amélioration de nos technologies. Par contre je ne vois pas l’intérêt de détruire à grand frais un astéroïde pour se procurer des ressources que l’on a aussi sur Terre.
      .
      Je crois que les ressources de la Lune ou Mars seront utilisées d’abord pour vivre sur ces astres. Le problème est toujours le même : ne transporter dans des vaisseaux spatiaux dont les capacités sont forcément limitées, uniquement ce que l’on ne peut produire sur place (ISRU).
      .
      Il y aura forcément compétition entre les pays pour la conquête spatiale. Il y a déjà compétition et c’est heureux car cela force les uns et les autres a être plus efficaces à moindre coût. Mais je pense que cette compétition sera plus pacifique que sur Terre, car dans l’espace nous avons plus de place pour chacun et aussi parce que les dangers sont beaucoup plus grands aussi bien pour l’éventuel agresseur que pour l’agressé, compte tenu de la dureté de l’environnement. Autrement dit, détruire un dôme habitable c’est d’un seul coup tuer des centaines de personnes immédiatement et le reste à court terme (et la rétorsion aura le même effet). La dissuasion jouera, un peu comme avec la bombe atomique sur Terre.
      .
      Pour ce qui est du nombre de Terriens qui pourront vivre sur Mars, je crois qu’il ne faut pas rêver, il n’y aura jamais des millions de personnes sur Mars, les conditions sont trop dures. C’est un sujet déjà abordé dans ce blog.

  5. Comme d’habitude, un article remarquable par l’abondance de la documentation et par la clarté des explications. Merci beaucoup.

    Cela dit, je me demande s’il était absolument indispensable d’aller aussi loin pour trouver sur Psyche ce qui existe peut-être à la surface de notre Terre. Je veux parler des météorites. Même longtemps après sa formation, un corps céleste comme Psyche a pu connaître des accidents qui auraient pu envoyer des fragments vers des planètes du Système Solaire.

    Un des plus gros gisements de fer, de nickel et de cobalt est la météorite qui est tombée à proximité de l’endroit où se trouve maintenant la ville russe de Norilsk. La composition de cette météorite n’est pas très différente de celle qu’on estime sur Psyche.

    Ça pourrait répondre à la question de Bob à propos de l’exploitation de ces astéroïdes. Il ne serait certainement pas rentable d’aller sur place et de les ramener sur Terre à bord de vaisseaux spatiaux. Mais nous pourrions faire, à la place de la nature, ce que je supposais plus haut à propos des météorites.

    Si l’ingénierie géo-astronomique appartient encore au futur, il n’est pas exclu qu’un engin automatique puisse un jour se rendre sur Psyche pour y placer aux bons endroits des explosifs, éventuellement thermonucléaires. Cela permettrait d’en envoyer des fragments vers des orbites terrestres, desquelles nous pourrions les récupérer par petits morceaux qu’on ferait tomber dans des endroits désertiques.

  6. Sur internet je trouve peu de détails sur cette utilisation de l’effet Hall. Les Américains font donc une expérimentation courte (« en cas de besoin ») ou ce mode de propulsion pourrait-il éventuellement être utilisé sur la totalité d’un voyage ? Psyché chatouille notre curiosité scientifique mais aller sur Mars en cinq fois moins de temps, si cela était réalisable, c’est autre chose. La consommation de xénon serait-elle trop importante ? Pourquoi des panneaux solaires et non une micro-centrale nucléaire ? On va quand même au-delà de Mars ! Peut-être aura-t-on plus d’explications dans quelque temps et leurs conclusions. Quant à renoncer à l’exploitation du fer certains font déjà leurs comptes! Je lis sur forbes.fr « Certains pensent que les métaux qui composent Psyché pourraient valoir environ 10 000 billiards de dollars. En comparaison, l’économie mondiale pesait environ 142 000 milliards de dollars en 2019 »!

    1. Attention, il est exclu d’utiliser la propulsion sur la totalité d’un voyage. N’oubliez pas qu’une impulsion donnée n’est pratiquement pas freinée car, une fois sorti de la sphère de Hill (où s’exerce encore un peu l’attraction de la Terre), le seul frein sera l’attraction gravitationnelle du Soleil mais cette attraction est distante et faible. Pour Psyche, l’effet Hall ne doit être utilisé, comme je l’ai écrit, que ponctuellement, pour des corrections de trajectoire ou des corrections d’attitude. Une propulsion continue supposerait des quantités énormes de gaz à expulser (que l’on ne pourrait pas embarquer).
      .
      Dans le cas de Psyche, pour le fonctionnement des appareils embarqués et les télécommunications, on utilise des panneaux solaires parce que c’est possible. Si ça ne l’était pas on utiliserait des RTG comme pour d’autres missions beaucoup plus lointaines) mais Juno en mission autour de Jupiter, utilise encore des panneaux solaires (c’est jusqu’à aujourd’hui la plus lointaine mission qui les utilise).
      .
      L’estimation de la valeur du fer de Psyche n’a aucun sens. Il faudrait aller le chercher, le miner, le rapporter (avec quelle machines, avec quelle énergie?). Nous n’en avons pas les moyens astronautiques et le coût de son exploitation est aujourd’hui inenvisageable.

  7. Je ne crois pas qu’il faille faire grand cas des ressources minières exploitables de Psyché.
    Avec une masse volumique (densité) de 3,977 g/cm^3 pour cet astéroïde on est du même ordre que Mars avec 3,9335, alors que la Lune est à 3,344. Ces chiffres n’ont rien à voir avec celui de la Terre : 5,5134. Les ressources terrestres en métaux ferreux sont encore indéfiniment loin d’être épuisées. On n’en a exploité qu’une infime partie.
    Pourquoi envisager d’aller chercher si loin, et à grands frais, ce que l’on a sous nos pieds ? Psyché mérite uniquement une étude scientifique sur place pour contribuer à la connaissance des débuts du Système solaire.

    1. Car lancer des projets, même farfelus, fait tourner l’économie principalement US, avec le soutien inconditionnel du « tax payer » (à qui on ne demande jamais rien)! 😆

      1. Je suis étonné, Serge, de la contradiction que vous apportez à Christophe de Reyff dans son dernier commentaire.
        1) je ne comprends pas votre sous-entendu « farfelu » pour la mission Psyche que je vous décris en 2000 mots en essayant de vous montrer son intérêt et que vous rangez dans la catégorie des dépenses inutiles avec un « mot d’esprit ».
        2) Pour un état , faire tourner l’économie (de plus, en développant des technologies nouvelles) n’a, pour le moins, rien de particulièrement critiquable.
        3) Les Etats-Unis sont une des démocraties de ce monde et voyez-vous, les budgets publics y sont discutés à fond et très démocratiquement par les représentants des « tax-payers » américains, y compris le budget de la NASA qui a été souvent amendé. Il est certain qu’une large majorité du peuple Américain est d’accord pour financer cette agence publique.

  8. C’est vrai que Psyché est loin mais une scientifique américaine avait émis comme argument pour installer l’industrie lourde sur la lune la nécessité de diminuer la pollution sur la terre elle-même . Cette question de la pollution de notre atmosphère pourrait devenir pressante si on ne se défend pas par des moyens multiples et efficaces. Pour cette industrialisation lunaire ou martienne comme pour la colonisation, beaucoup de problèmes sont encore à résoudre et je gage que des solutions pour faire respirer sur Mars seront reprises sur terre. L’utilisation de robots semble obligatoire, pilotés par un petit nombre d’humains bien l’abri. Il reste encore beaucoup de ressources minières sur la terre mais on ne sait pas quels chemins empruntera notre technologie à l’avenir comme une utilisation plus massive de terres rares ou de l’or pour les engins spatiaux. Acquérir plus de puissance. Qu’on ramène sur terre une partie des minerais extraits dans l’espace oui! mais si l’on se situe dans un avenir plus lointain (où est la frontière entre la science-fiction et les prévisions réalistes?) la question est de construire d’énormes vaisseaux du cosmos vu que notre soleil va dans quelques milliards d’années (ou bien avant!) nous trahir et qu’il n’est jamais bon d’attendre la dernière minute pour préparer la tentative de sauvetage de notre espèce. Si l’on veut que le nombre d’humains augmente soit en colonisant Mars, soit par des stations spatiales, soit par des voyages lointains il nous faudra de plus en plus de matières premières. Si l’on refuse que le nombre d’humains atteigne des chiffres élevés, relire un certain leader allemand ou tout simplement rendre la parole à notre goût pour la mort ou le suicide.

    A Monsieur Brisson, je me doutais que l’utilisation de l’effet de Halle avait ses problèmes sinon on en parlerait davantage. Je vous remercie pour vos précisions mais on n’esquivera pas une étude du freinage tôt ou tard: voir pour l’atterrissage sur Mars pour l’arrivée de Perseverance. J’ai une autre question: de quelle matière sera fait le dome habitable? Une conférence de la Cité des Sciences dit que si on veut échapper aux radiations sur Mars, il faut avoir au moins deux mètres de roche au-dessus de sa tête et que c’est seulement à cette profondeur qu’on peut espérer éventuellement trouver quelque chose de vivant sur Mars. Ou peut-être existe-t-il une substance telle qu’un super-plomb capable d’arrêter les radiations?

    1. Un vaisseau qui arriverait à proximité de Mars à une vitesse telle qu’il ne pourrait être capté par la force gravitationnelle de la planète devrait effectivement freiner auparavant, pour arriver à une vitesse quasi nulle avant d’être entrainé dans l’EDL par la force de gravité de la planète. Ensuite il faudra utiliser un peu d’énergie (moins que pour décoller) pour ajuster la vitesse au dernier moment avant de toucher le sol.
      .
      Pour ce qui est des radiations, il est exact qu’il faudrait que les habitats soient couverts d’une couche de régolithe ou de roches de 2 mètres d’épaisseur pour que les radiations reçues à l’intérieur ne soient pas supérieures à celles reçues sur Terre au niveau de la mer. Mais il faut distinguer entre radiations solaires (SeP, Solar energetic Particles) constituées quasi exclusivement de protons et les radiations cosmiques (GCR, Galactic Cosmic Rays) dont 2% sont extrêmement énergétiques (HZE). On peut se protéger parfaitement des SeP avec 40 cm d’eau. Par contre il faut une épaisseur de roches beaucoup plus grande pour se protéger des GCR. Les SeP sont très dangereux pendant les tempêtes solaires, les GCR sont surtout dangereux par l’accumulation de doses reçues sur le temps. Ceci dit une couche de glace de 40 cm et de régolithe de 40 cm donnerait déjà une protection « intéressante ». Oubliez le plomb. Le matériau impacté par des ions lourds donnerait une pluie de rayons gamma extrêmement nocifs. Le critère de l’élément à retenir comme écran n’est pas la masse, c’est la stabilité.
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      Pour ce qui est de la quantité nécessaire de matières premières, vous pouvez voir que depuis quelque temps, on fait des économies, c’est à dire qu’on consomme moins pour avoir autant et dans de nombreux cas davantage (par exemple 20% de carburants en moins pour les Airbus dernière génération par rapport aux précédents). Il ne faut pas extrapoler sur l’existant, littéralement. Imaginez la quantité de charbon que l’on consommerait si l’on avait continué sur la tendance du milieu du 19ème siècle en Angleterre! Ce qu’il faut c’est faire des prévisions raisonnables en fonction de ce qu’on peut faire aujourd’hui, en espérant qu’on pourra faire mieux demain. Et surtout ne pas oublier l’ISRU. On exploitera les matières premières de l’endroit où l’on vivra. Le contraire ne serait pas raisonnable.

  9. J’ai le droit de m’étonner dans une démocratie de certains choix de missions, rien en particulier sur Psyché, si ce n’est que j’approuve la remarque de CdR qu’il est superflus de chercher des minerais loin et chers, alors qu’on les a ici sur le plancher des vaches.
    Je ne crois pas que le processus de décision des dépenses soit regardants du retour pour le tax payer, mais juste creuser encore le déficit US á 35 Trions+++ USD. 🤣

  10. Toute ma question est de situer le problème des minerais et ressources dans une réflexion sur l’avenir. Oui, si l’on s’établit sur Mars il faudra impérativement vivre au maximum de ce que peut offrir cette planète. Et aujourd’hui sur terre, il est raisonnable de donner la priorité à ce qui est extrait au plus près. Mais en sera-t-il toujours de même? Il faudra voir si les minerais sont facilement accessibles sur la lune et Mars et aussi les évolutions dans les besoins de la technologie. On peut également envisager des usines dans des stations spatiales. La perspective de ce blog me semblait être de coloniser Mars et, sauf si l’on avait un propulseur plus rapide, de limiter les allers et retours Terre-Mars. Les ressources de cette planète, pour une grande part, serviraient sur place et surtout pour fabriquer des engins énormes en vue de voyages plus lointains. Je me situe davantage dans le futur. Mais je pourrais rappeler toutes les discussions antérieures sur la nécessité absolue des voyages spatiaux face aux menaces des volcans, des épidémies, des astéroïdes, des guerres et de la pollution qui va perturber la douce quiétude des critiques de Musk. Cela stimulera nos connaissances et créations scientifiques sans lesquelles nous ne serons pas prêts quand le soleil deviendra une menace. Je m’associe aux regrets de monsieur Brisson concernant le manque de motivation et la pauvreté des Européens concernant Ariane. Apprendre, créer … ou se mettre la tête dans le sable!

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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