A l’occasion de tests réussis par la société General Atomics Electro Magnetic Systems (GA-EMS) pour « faire progresser le développement de la technologie des réacteurs à propulsion nucléaire thermique (NTP) », certains media ont avancé que cela pourrait faciliter l’accès à la planète Mars lorsqu’elle se trouverait « au plus près » de la Terre. Il m’a semblé que le concept « au plus près » méritait d’être précisé car il doit être qualifié/modifié en fonction des forces cosmiques en présence : les masses, la force de gravité, l’énergie du vaisseau, la vitesse des masses concernées, et le temps qui passe.
Définissons d’abord une fourchette de communication
Lorsqu’on regarde depuis la Terre la planète Mars en situation d’opposition (sur la même « longitude solaire » que la Terre), elle se trouve, au plus près à 55 millions de km minimum (« opposition périhélique »). Mais du fait de l’excentricité de l’orbite de Mars, cette distance minimum varie sur une période de 15 ans, jusqu’à 103 millions de km (« opposition aphélique »), car alors Mars se trouve à la distance la plus grande du Soleil qu’elle peut atteindre sur son orbite. NB : Pour mémoire, la distance maximum entre les deux planètes (400 millions de km) va de l’orbite terrestre (quasi circulaire) à l’aphélie de l’orbite de Mars quand elle est en conjonction (de l’autre côté du Soleil) et cette distance varie aussi en fonction de la position de Mars sur son orbite (mais la distance n’est que de 356 millions de km si Mars se trouve au périhélie lorsqu’elle est en conjonction).
Quand l’on observe la planète Mars alors qu’elle est visuellement au plus près de la Terre (en opposition), elle n’y est déjà plus tout à fait puisque la lumière qui nous transmet l’image (par réflexion de celle du Soleil) voyage à 300.000 km/s. En réalité elle s’est déjà décalée d’une distance égale au temps écoulé multiplié par la différence des vitesses de Mars et de la Terre sur leur orbite respective, la vitesse de Mars variant de 21,975 km/s (à l’aphélie) à 26,503 km/s (au périhélie) et celle de la Terre de 29,783 km/s à 30,286 km/s. En prenant l’hypothèse de la distance la plus courte (avec Mars à son périhélie et la Terre à son aphélie), on a un différentiel de vitesse de 29,783 km/s – 26,503 km/s = 3,28 km/s. En réalité la position de Mars se trouve alors décalée de 3,28 km/s x 186 secondes (c’est-à-dire 3 min, soit le temps que met la lumière pour parcourir la distance de 55,6 millions de km) = 610 km. Elle est donc très légèrement « en arrière » (610 km) de ce que l’on peut observer puisque la vitesse de la Terre est plus grande que celle de Mars. Si l’on reçoit un signal lumineux laser depuis Mars et qu’il y est répondu immédiatement, le temps de l’aller et retour sera évidemment du double, 1220 km. Compte tenu du diamètre de Mars, 6779 km, on touchera toujours la planète mais il faudra très légèrement décaler l’orientation du faisceau si l’on veut parvenir au même endroit. A (presque) la distance maximum des deux planètes ce ne serait plus possible puisqu’alors la lumière mettrait 22 minutes pour faire le voyage dans un seul sens et 44 aller et retour (je dis « presque » puisqu’à la distance vraiment maximum, Mars et la Terre serait en conjonction avec le Soleil et qu’à ce moment la communication visuelle directe serait impossible (une quinzaine de jours) puisqu’il y a entre les deux, un « très gros » obstacle, le Soleil).
Voilà pour la communication visuelle. Mais, il est impossible de voyager physiquement à la vitesse de la lumière, car vous savez qu’alors la masse et l’énergie approcheraient l’infini.
Pour mieux comprendre la gradation entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, regardons vers l’autre branche de la fourchette, l’hypothèse optimum, celle de la trajectoire pour laquelle la masse transportée est la plus importante pour l’énergie consommée la plus faible car l’effort est minimum. Cette trajectoire conçue en 1925 par Walter Hohmann, ingénieur Allemand (1880-1945), est de partir de la Terre tangentiellement à son orbite (pour profiter pleinement de sa vitesse autour du Soleil en la prolongeant vers l’objectif) afin d’arriver tangentiellement à l’orbite de Mars en fin de course (apoapside), c’est-à-dire à peu près à la vitesse de Mars sur cette orbite et bien sûr lorsque Mars s’y trouvera (où l’on voit l’importance de ne pas manquer de partir dans la fenêtre de départ). J’insiste : lorsque l’on part de la Terre pour atteindre Mars à son point de conjonction vue de la Terre, elle ne se trouve pas du tout à ce point puisqu’elle est sur une longitude solaire juste un peu en avance de la Terre (elle n’est pas encore à l’opposition et donc pas encore à l’opposé du point de conjonction). Si on arrivait trop vite à la rencontre de Mars, il faudrait freiner ce qui coûterait de l’énergie donc de la masse. Si on partait trop lentement, on n’y arriverait pas du tout, tout simplement car la trajectoire serait recourbée avant, vers le système solaire interne et l’orbite terrestre, par la force d’attraction du Soleil.
NB : Je ne parle pas ici de la vitesse qu’il a fallu atteindre donc de l’énergie qui a dû être dépensée pour avoir la possibilité de quitter l’orbite terrestre, au moins 11,2 km/s (vitesse de libération). C’est sur cette base qu’on va pouvoir partir vers Mars. Mais attention: (1) Il faut ajouter une vitesse résiduelle (Vr) qui permettra de s’éloigner de la Terre; (2) on ne peut pas ne pas profiter de la vitesse de la Terre autour du Soleil en s’en éloignant très progressivement, tangentiellement comme dit ci-dessus; (3) La Vr ne doit pas être trop élevée (entre 3 et 5 km/s) pour ne pas avoir à trop freiner donc à dépenser trop d’énergie, en arrivant dans le voisinage de Mars.
Pendant le voyage, la vitesse sera assez bien maintenue car les forces de gravité sont faibles mais elles ne sont pas nulles. C’est pour cela qu’il faut ajouter « quelque chose » (la Vr, susmentionnée) à la vitesse de la Terre qui est cependant plus faible que celle de Mars pour parvenir à cette dernière. Les forces de gravité qui jouent, ce sont la force de gravité résiduelle de la Terre jusqu’à la sortie de sa « sphère de Hill » (sphère dans laquelle plusieurs forces gravitationnelles sont en présence mais où l’une est dominante sur l’objet qui s’y trouve, « système à trois corps »), puis la force dominante du Soleil, puis à l’approche de Mars, sa propre sphère de Hill. C’est la force du Soleil qui tient les planètes dans une ellipse autour de lui, qui les accélère au périhélie et qui les ralentit à l’aphélie. Cette même force courbe la trajectoire de la fusée dans une ellipse qui est propre à sa vitesse et ralentit cette vitesse vers l’aphelie de la trajectoire, en l’occurence Mars. Au cours du voyage la vitesse du vaisseau va ainsi lentement s’éroder. On va passer de la celle de la Terre (de 29,783 km/s à 30,286 km/s) augmentée du « petit plus » de la Vr (3 à 5 km/s), à la vitesse de Mars (de 21,975 km/s à 26,503 km/s). Comme vous le voyez, la Vr est calculée en fonction des deux autres vitesses (celle de Mars et celle de la Terre) et de la durée du voyage souhaitée (en tenant compte de l’exposition aux forces de gravité sus-mentionnées).
Avec la trajectoire de Hohmann d’une part et l’échange de signaux lumineux d’autre part, on a donc la fourchette des communications possibles de la Terre avec Mars. Regardons maintenant entre les deux branches de la fourchette.
On peut réduire un peu la durée de voyage impliquée par le suivi de la trajectoire de Hohmann, c’est-à-dire décrire un arc d’ellipse moins concave (ou parcourir une ligne plus droite), cette ellipse ayant alors un apoapside plus lointain que l’orbite de Mars. Cela permet de couper l’orbite de Mars plus tôt mais cela nécessite une poussée initiale plus forte et une rétro-poussée à l’arrivée qui ne sera pas qu’un ajustement de vitesse et qui coûtera d’autant plus d’énergie (donc de masse transportée) que la poussée aura été plus forte.
Mais ce n’est pas tout, il faut aussi prendre en compte la vitesse respective des planètes et leur position respective sur leurs orbites dans le contexte du cycle de 15 ans qui les lie, en raison de cette différence de vitesse et de l’excentricité de l’orbite de la planète Mars. Du fait de cette excentricité et de la variation de la position des planètes sur leurs orbites, les distances d’une planète à l’autre varient également. Toutes vitesses égales, il n’y a donc pas d’égalité de durée du voyage d’une fenêtre de lancement à l’autre mais une lente croissance suivie d’une lente réduction.
Avec la trajectoire de Hohmann on a un voyage d’environ 9 mois (en fonction de la position relative des planètes), et c’est bien pour les vols cargos (plus de masse transportée) ; avec une consommation d’ergols chimiques importante, on peut descendre à 6 mois, et c’est bien pour les vols habités (dose de radiations reçues plus faible). Avec une poussée par réacteur nucléaire thermique (NTP), comme celui (au futur) de GA-EMS, on peut envisager de descendre à 2 mois et si un jour on parvient à utiliser le moteur VASIMR (Propulsion magnéto-plasmique à impulsion spécifique variable), peut-être à 45 jours. Cela confirme que le voyage, physique, en ligne droite mentionné en début d’article est totalement impossible.
Bien sûr, après avoir franchi la longitude solaire on pourra toujours communiquer entre les deux planètes à l’aide de la lumière mais le décalage temporel sera de plus en plus grand. Pour reprendre (pendant quelques semaines) la communication physique il faudra attendre l’ouverture de la fenêtre de lancements suivante, 26 mois après.
Conclusion
On ne partira donc pas vers Mars lorsque la planète sera « au plus près » de la Terre (sur la même longitude solaire) mais à la date qui permettra de l’atteindre lorsqu’on arrivera au niveau de son orbite en fonction de la vitesse que l’on pourra impulser au vaisseau au départ de l’orbite terrestre. Même avec un moteur nucléaire l’essentiel de l’impulsion devra être donnée à ce moment-là (au départ de l’orbite terrestre) car il faut sortir au plus vite de la sphère de Hill de la Terre (qui freine) et les réserves de gaz expulsable embarquées (hélium par exemple) ne sont pas infinies. Et ce ne peut être qu’avec un décalage de longitude solaire d’autant moins important qu’on consomme plus d’énergie (mais toujours attention au freinage à l’arrivée !). C’est donc la position respective des planètes (qui donne la fenêtre de lancements), la position de Mars sur son orbite à la date d’arrivée et l’énergie que l’on peut dépenser, qui va déterminer la date de départ.
Pour ce qui est de la distance précise par rapport à la longitude solaire commune, elle est fonction de la vitesse de la fusée (la première variable), la vitesse de Mars (la seconde variable puisqu’elle va sensiblement plus vite au périhélie qu’à l’aphélie) et une quasi constante (la vitesse de la Terre). Comme la vitesse de Mars est plus lente et qu’elle parcourt une orbite beaucoup plus longue, le départ sera donc d’au moins un mois avant la longitude solaire commune. Dans le cas d’une trajectoire de Hohmann, le départ doit se faire 44° (sur 360) soit environ 50 jours avant de parvenir à la longitude solaire commune. Attention ! On doit rester à peu près dans la fenêtre de départ. Avec une propulsion plus forte, la fenêtre s’élargit un peu (on peut avancer vers la longitude solaire d’opposition) mais l’augmentation de la consommation d’énergie a ses limites (et on ne pourra jamais atteindre cette longitude solaire puisqu’il faudrait alors se déplacer vers Mars à la vitesse de lumière). NB : du fait de la différence de vitesse entre les planètes, quand on arrivera sur Mars, la Terre sera 90° plus loin (dans le cas de la trajectoire de Hohmann) que la longitude solaire de Mars sur son orbite.
Encore une fois, le voyage spatial est une navigation. Les paramètres s’établissent en fonction de la vitesse de plusieurs corps (les planètes et le vaisseau), de l’énergie dont on dispose et de deux réalités intangibles, la position de chaque planète par rapport à l’autre sur son orbite et la force de gravité des planètes en cause auxquelles il faut ajouter celle du Soleil (comme dit ci-dessus, on va d’une sphère de Hill à une autre, en traversant un long passage où seule subsiste l’influence du Soleil). L’expression « le plus près » ne peut donc pas avoir le sens d’une ligne droite. C’est une position sur l’orbite terrestre, à l’approche de l’opposition avec Mars mais nécessairement avant que la Terre n’y arrive, qui grâce à une consommation maximum d’énergie permet de suivre un arc d’ellipse le plus court possible. Mais ce sera quand même un voyage de 6 mois aujourd’hui, de 4 mois demain, et de 2 mois peut-être après-demain.
Illustration de titre : capture d’écran SpaceX (https://www.spacex.com/vehicles/starship/) crédit SpaceX.
Liens :
https://www.nirgal.net/hohmann.html
https://vesta.astro.amu.edu.pl/~breiter/lectures/astrody/Hohmann_renamed.pdf
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27 réponses
Bonjour Pierre Brisson
Tres interressant survol de ces considerations de trajectoires : il n y a pas de secrets ce voyage est tres long et le restera meme lorsque nous disposerons de moyens de propulsion plus efficaces que ceux utilises actuellement.
Cependant les communications radio restent possibles meme si les delais de transmission augmentent avec la distance : c est important pour la telemedecine dont nous discutions la semaine passee.( telemedecine et aussi communication des membres de l equipage avec famille et amis c est important)
Vous avez raison Robert, les communications restent possibles.
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Ceci dit, en médecine il y a souvent des interventions qu’il convient de faire en urgence. Ce sont bien sûr les interventions chirurgicales mais ce peut être aussi un massage cardiaque, un soin dentaire, le traitement d’une infection, d’un empoisonnement, d’une brulure, etc. Dans ces cas (non chirurgicaux) ne pas avoir la personne formée avec soi pour effectuer le traitement, ou attendre une réponse sur l’opportunité d’appliquer tel traitement ou de prendre tel médicament, peut s’avérer trop long (les fameuses 22 minutes dans un seul sens qu’on devra supporter au maximum).
D’où la nécessité d’avoir des personnes bien formées médicalement, sur place, et ce dans plusieurs disciplines.
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Pour ce qui est de la communication avec les parents et amis, on aura un gros problème. On peut y réfléchir mais il n’y aura pas grand chose à faire sauf à réfléchir à ce qu’on va dire quand on aura parlé et qu’on attend la réponse de son interlocuteur. Sans doute, en attendant, il faudra faire « autre chose ».
Ce problème de décalage temporel est aussi une excellente raison de se contenter d’aller sur Mars et pas plus loin. Aller sur une planète de Proxima Centauri impliquerait un décalage de plus de 4 ans, donc une véritable rupture avec ses proches.
« Aller sur une planète de Proxima du Centaure »? Ce sera pour les prochains siècles, sauf si les « trous de ver », les univers parallèles ou la théorie de la simulation informatique ne sont pas des élucubrations. Pour autant que je vous aie bien lu, il me semble que les modalités du premier voyage vers Mars ne sont pas établies définitivement. On peut imaginer un très très long temps de préparation (exploration, recherche de grottes, de supports cultivables, d’eau liquide)… On peut même établir un pipeline-aqueduc avant l’arrivée des hommes ou encore des réservoirs. Pourquoi ne pas leur faire le voyage dans une capsule fixée à l’intérieur d’un réservoir d’eau pour leur éviter les radiations au cours du voyage, vu que Musk prévoit un énorme vaisseau ou même un engin assemblé dans l’espace? Dès lors, pourquoi ne pas faire comme sur la lune un très très court premier séjour destiné à constater l’efficacité des travaux, les problèmes de condition de vie imprévus, les richesses plus ou moins connues, des déplacements en hélicoptère? Et puis, retour vers la terre en restant dans la même « fenêtre de tir ». L’autre hypothèse, celle qui exigerait l’envoi de médecins dès le premier voyage, serait un beaucoup plus long séjour avec première colonisation et attendant la période suivante où Mars serait au plus proche de la terre. Quelle que soit la solution retenue, seuls les Américains en décideront (!). Ils semblent se diriger possiblement vers un « splendide isolement », lequel va nous jeter dans les bras des Chinois.
Bonjour Martin,
Le problème du court séjour, comme je l’ai déjà exposé sur ce blog, c’est qu’il est beaucoup plus dangereux: passage par Vénus au retour et grande vitesse qu’il faut freiner à l’approche de la Terre, ou rester très longtemps dans le vaisseau spatial.
Il vaut mieux rester sur Mars que de rester coincé dans le vaisseau pendant presque le même temps.
Attention « au plus proche »!
Sans vouloir mettre un grain de sable dans la discussion, je crois que l’Univers est ainsi fait pour que, s’il existe d’autres mondes habités, toutes expéditions, communications ou relations entre eux soient strictement impossibles. La vitesse de la lumière, bien que la plus élevée de toutes les vitesses, reste infiniment insuffisante pour les permettre.
On va déjà fortement pâtir de ces deux fois 22 minutes de décalage avec Mars pour la seule communication possible. Même deux fois 5 minutes, soit 10 longues minutes, seront, à mon avis, vite intolérables.
Il est vrai que ce ne sera pas facile! Mais je crois que c’est encore possible pour quelques caractères bien trempés. Il y en a eu au début de la colonisation européenne des États-Unis. Ils étaient totalement coupés de leurs « racines » et de leurs proches, dans des conditions terriblement difficiles. Et certains d’entre eux ont tenu.
Le problème sur Mars sera de créer suffisamment rapidement un environnement vivable.
Pour répondre à Martin : » Ce sera pour les prochains siècles, sauf si les « trous de ver », les univers parallèles ou la théorie de la simulation informatique ne sont pas des élucubrations. »
Cette troisième hypothèse de « voyage », alternatif à un déplacement « en chair et en os », serait basée sur une « dématérialisation » au départ, suivie d’une « rematérialisation » à l’arrivée. On ne l’a pas encore expérimentée sur Terre, que je sache. Mais là, il ne faudrait qu’envoyer des photons, et cela avec un insigne avantage : si, vu de la Terre, il faudra bien 4 ans et trois mois pour savoir que nos « voyageurs », sous forme de photons, sont bien arrivés, à Proxima Centauri, pour eux, ce voyage sera strictement instantané, car les photons ne ressentent pas le temps qui est infiniment dilaté.
C’est un des paradoxes de la Relativité, le temps n’étant pas un absolu. Tout cela pourrait déjà se vérifier en petit sur Terre. Outre les difficultés, de loin pas encore expérimentées, de ces deux processus inconnus de conversions matière –> photons –> matière, il y a le léger doute, sporadiquement, mais continuellement soulevé, sur le fait que les photons auraient tout de même une masse infime (limite supérieure extraordinairement faible de 10^-54 kg, soit aussi 10^-19 eV/c^2 !) et donc qu’ils ne voyageraient, strictement dit, pas « à la vitesse de la lumière », c, qui ne serait qu’une constante universelle, une valeur limite jamais atteinte par aucune particule, même pas par les photons. Mais toutes ces considérations nous entraînent un peu trop loin du prochain voyage vers Mars …
Effectivement cela nous emmène un peu loin du prochain voyage vers Mars…mais c’est passionnant.
C’est passionnant en effet de concevoir les différentes perceptions et ressentis du temps en fonction de la vitesse que l’on peut atteindre.
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Sur le même thème. Comment pourrait-on dire que les photons n’ont absolument pas de masse, à partir du moment où leur trajectoire est « un peu » modifiée par la force de gravité. On le voit dans les observations des galaxies lointaines qui forment un effet-loupe sur les astres qui se trouvent derrière elles. On le voit aussi avec les trous noirs, desquels même la lumière ne peut s’échapper.
À défaut de pouvoir partir dès demain pour Mars, continuons un peu ce voyage dans la physique !
Certes, le photon n’a pas de « masse au repos » (masse propre ou masse invariante), car on ne peut pas arrêter complètement un photon !
Un photon qui est arrêté n’existe tout simplement plus (son énergie serait nulle et sa masse nulle, donc il n’est plus), il a été absorbé, et son énergie, ainsi que son impulsion (ou quantité de mouvement) ont été transmises à l’objet qui l’a absorbé (absorption, effet photo-électrique, pression de rayonnement, diffusion, choc inélastique, etc.).
Mais, puisqu’il a une énergie, E = h ν (Planck), et aussi une impulsion, p = h ν / c = E / c= h / λ (de Broglie), et du fait qu’il y a équivalence entre masse et énergie, E = h ν = ( h / λ ) c = p c = m c² (Einstein), en sachant que c = λ ν, on peut concevoir que la gravité puisse aussi agir sur cette « masse-énergie », ce qui permet à un corps très massif de dévier la trajectoire d’un photon ; mais c’est une description insuffisante.
En effet, même la gravitation de Newton rend déjà partiellement compte de cela, pour la moitié (l’angle de déviation newtonienne vaut 2 G M / c² R), mais c’est la Relativité générale qui donne la valeur exacte de cette déviation, qui vaut le double (l’angle de déviation selon Einstein vaut 4 G M / c² R, soit 1,75″), avec M, la masse et R, le rayon du Soleil, par exemple. La fameuse expérience de Eddington en 1919 a donné 1,70±0,10″).
De fait, selon la gravitation newtonienne, ce serait seulement la masse du corps très massif qui en est la cause, mais selon la Relativité générale, c’est le fait qu’une masse importante (le Soleil) courbe proprement l’espace autour d’elle et que le photon suit cette courbure, en continuant d’aller « tout droit », comme le subit aussi tout autre particule. Pour un trou noir, sa gravité, telle que ressentie dans son voisinage, n’est du reste pas infinie, la courbure de l’espace est de plus en plus marquée plus on s’en rapproche, mais, à la limite, c’est l’espace-même qui est refermé sur lui-même (courbure infinie) sous son horizon (horizon des événements) ou sa « surface », aucune trajectoire ne pouvant plus en sortir.
Finalement, il n’y a nul besoin d’invoquer une hypothétique, ou réelle et très minuscule, masse du photon, sur laquelle s’exercerait une gravité, car c’est l’espace courbe qui incurve sa trajectoire et cause ces déviations.
Merci Monsieur de Reyff, poursuivons un peu cet échange passionnant.
Je comprends bien que c’est l’espace qui est courbé par la masse. Mais cela sous-entend que la masse et la force de gravité qui cause sa concentration exerce une force dominante sur les autres « objets » présents dans l’espace, y compris sur l’espace lui-même. Cela sous-entend que l’espace n’est pas neutre et que les champs qui le constituent sont aussi sensibles à la force de gravité.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Merci d’avance.
Gravité, gravitation, attraction, répulsion, interaction, forces diverses… sont des notions newtoniennes !
De fait, en Relativité, il n’y a tout simplement pas, ou plus du tout, de force, car toute la physique est géométrisée pour remplacer ou succéder à la dynamique… Ainsi les masses « courbent » l’espace-temps, etc.
Voir cet excellent livre :
https://www.fr.fnac.ch/a5902114/Georges-Lochak-La-Geometrisation-de-la-physique
(Georges Lochack (1930-2021) est « l’inventeur » du monopôle magnétique en 1983…)
« Comme l’a longuement cherché Albert Einstein et tant d’autres après lui, la physique est donc susceptible d’être réunifiée par la géométrisation de toutes les dynamiques en œuvre dans l’univers matériel. » (C. Daviau et J. Bertand, Annales de la Fondation Louis de Broglie, novembre 2021)
https://www.researchgate.net/publication/356555897_La_geometrisation_de_la_physique_et_Georges_Lochak
Surprise des traitements de texte différents : les guillemets donnés après les valeurs 1,75 et 1,70±0,10 ci-dessus sont en réalité des secondes d’arc ( ‘ ‘ ), soit la 3600e partie du degré d’angle (°) que l’on rend en général avec deux apostrophes, ce que j’ai fait ici, mais qui ont été transformées en guillemets fermés !
Bonjour Mr Christophe de Reyff, Robert Niogret et Pierre Brisson.
Pour ajouter à ces questions relativement éloignées du voyage vers Mars (et une énigme de plus), il faudrait répondre de façon approfondie à la question: comment la masse provoque-t-elle la gravité? Il y a là une « énergie » dont nous ne connaissons ni la nature, ni les paramètres autres que le rapport importance de la masse/puissance de la gravité. Bien des choses nous sont encore à découvrir. Et progresser là-dessus permettrait de générer de la gravité autrement que par la force centrifuge, question qui nous a bien préoccupés sur ce blog. Le magnétisme est un autre problème du même genre, vaguement apparenté mais peut-être plus abordable pour les chercheurs (électricité).
Je ne puis que répéter ce qui a déjà été dit ci-dessus sur la géométrisation de la physique, cette fois-ci en citant Wikipedia dans son article « Gravitation » : « … la gravitation est une manifestation de la géométrie à 4 dimensions de l’espace-temps. Au terme traditionnel de force se substitue alors celui plus générique d’interaction … ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gravitation#Modélisation_d'Albert_Einstein_(1879-1955)
On cherche toujours et encore une réunification souhaitée entre la Relativité et la Théorie des quanta, ce serait la « Gravité quantique » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gravité_quantique
Bonjour Martin
Le boson de Higgs postule dans les annees 60 et decouvert en 2012 peut etre un debut de reponse a votre question concernant l origine de la masse…
Concernant l’effet du boson de Higgs, le mécanisme de Higgs dû au champ de Higgs, sur l’acquisition d’une masse par les particules élémentaires, citons simplement wikipedia :
« Le mécanisme de Higgs confère une masse non nulle aux trois bosons de jauge de l’interaction faible (bosons W+, W− et Z°), leur conférant des propriétés différentes de celles du boson de l’interaction électromagnétique, le photon. Il est également à l’origine de la masse des fermions, notamment des quarks (up, down,…) et des électrons et autres leptons (muons, taus, neutrinos). En revanche, il n’est pas à l’origine de l’essentiel de la masse des noyaux atomiques, qui provient de l’énergie de liaison entre les quarks. »
Cette dernière phrase est très importante, car la masse aussi bien du proton que du neutron n’est de loin pas que la somme des masses propres de leurs trois quarks constitutifs, précisément seulement entre 8 et 12 MeV, contre 938,272 et 939,565 MeV pour les masses du proton (quarks « uud »), et du neutron (quarks « ddu ») ; cette différence très précise de 1,293… MeV, expérimentale, et aussi exactement calculable théoriquement par l’utilisation de l’électrodynamique quantique, QED et de la chromodynamique quantique, QCD, est tout à fait cruciale pour permettre la nucléosynthèse stellaire et l’évolution de l’Univers.
Et pour ce qui est des trous noirs, leur masse n’est constituée d’aucune particule, c’est une vraie masse, mais qui n’est plus de la matière ordinaire d’aucune sorte. On la nomme « singularité », ne sachant pas comment la qualifier « matériellement ». Il y a une hypothèse que la matière noire, ou sombre, soit justement constituée de myriades de mini-trous noirs, invisibles par définitions, mais exerçant un effet gravitationnel sur leur environnement du fait de leur masse.
Bonjour Christophe De Reyff
Oui bien sur : pour l instant l origine de la masse reste un mystere. On sait simplement qu elle est liee a la courbure de l espace-temps laquelle n est pas vraiment explicable.
Eh non, ce n’est plus un mystère puisque le boson de Higgs a été découvert !
Quant à la courbure de l’espace-temps, elle est justement explicable par la présence d’une masse qui en est la cause. Car c’est la masse qui crée l’espace courbe autour d’elle. Quand on dit masse, on dit aussi énergie du fait de leur équivalence. Un corps massif qui a une certaine vitesse a donc une énergie cinétique qui accroît sa masse. L’espace n’est plus un absolu, un contenant, une scène de théâtre, comme on le croyait avec la physique newtonienne et le temps non plus. De plus on sait maintenant que l’espace et le temps peuvent se transformer s’interconvertir l’un dans l’autre puisqu’ils forment un continuum à quatre dimensions. Comme déjà dit, par exemple, pour les photons, le temps est infiniment dilaté et, pour eux, ils voyagent instantanément dans l’espace. Pour les particules avec une vitesse de plus en plus relativiste, elles « voient » des distances d’autant plus raccourcies qu’elles vont vite, et prennent moins de temps pour les parcourir. Voir l’exemple déjà cité des muons créés dans la haute atmosphère par les rayons cosmiques et détectés sur Terre jusqu’à 50 km de distance de leur source alors que, avec une durée de vie propre de 2 microsecondes, ils ne devraient parcourir que 600 m ; de fait ils ne « vivent » que sur 600 m à parcourir, l’espace s’est contracté ; pour nous ils ont vécu 167 microsecondes sur 50 km, le temps s’est dilaté).
Oui :un jour viendra ou nous arriverons peut etre a maitriser la masse mais cela fera appel a la mise en oeuvre de quantites d energie colossale…
L’usage pacifique de l’énergie nucléaire fait déjà cela !
Par exemple, en Suisse, la production annuelle de quelque 24 TWh d’électricité à partir de nos centrales nucléaires, soit quelque 250 PJ d’énergie primaire, représente une masse de 2,8 kg qui disparaît absolument chaque année.
Au niveau mondial, avec 2’740 TWh de nucléaire produits en 2023, ce sont 320 kg.
Depuis le début de l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le monde, avec 105’000 TWh produits, ce sont 12,25 tonnes de masse qui ont purement disparu de la Terre, transformées en énergie.
Bonjour Christophe De Reff
Du fait de la dualite onde-particule existe t il une onde associee a un boson?
Le boson le plus connu est le photon !
Encore une fois, il suffit de se renseigner un peu, par exemple, sur wikipedia :
» À la suite des travaux d’Einstein, de Louis de Broglie et de bien d’autres, les théories scientifiques modernes accordent à TOUS les objets une double nature d’onde et de corpuscule, bien que ce phénomène ne soit perceptible qu’à l’échelle des systèmes quantiques. L’électrodynamique quantique donne à la lumière un aspect corpusculaire, et montre par des propriétés probabilistes que les photons peuvent avoir un comportement ondulatoire. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dualité_onde-corpuscule
oui bien sur donc le boson de Higgs doit avoir une onde associee : quelles sont les caracteristiques de cette onde ?
si j ai bien compris le phenomene ,tres peu de temps apres le bigbang le champ de HIGGS qui avait une configuration stable a vu sa symetrie brisee ce qui a produit le boson de HIGGS et confere une masses aux bosons W et Z… : c est bien cela?
Et bien l affaire concerne de tres hautes energies et de plus est d une extreme fugacite ce qui me conduit a m interroger sur une future possiblite d etre en mesure de manipuler la gravite; et donc j imagine mal l humanite capable de se « promener » dans l espace temps…non ou je suis dans l erreur ? et donc les modes de propulsion actuels ou futurs de nos vaisseaux vont perdurer un certain temps.
Dans le mécanisme de Higgs
https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9canisme_de_Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble
la masse n’est pas une propriété intrinsèque d’une particule, mais une mesure de son interaction avec le champ de Higgs introduit. Le champ de Higgs est la cause de, ou « crée » la masse inertielle de toute particule, pas seulement les bosons W+, W- et Z°, une masse effective propre à chacune qui résulte de son degré d’interaction différent avec le champ de Higgs.
La question se pose de l’existence ou non d’un graviton, toujours hypothétique, qui serait un boson mis en jeu dans la gravité et les ondes gravitationnelles (de symétrie tensorielle, donc de spin 2). Il serait de masse nulle, comme le photon, et donc se déplacerait à la vitesse de la lumière, et nécessairement de spin pair, ici 2, puisque la gravité est toujours attractive ; mais il reste hypothétique ; son existence n’est pas nécessaire en Relativité générale (puisque la gravité résulte de la courbure de l’espace-temps), mais le serait en gravité quantique.
D’autre part, qu’entendez-vous par « manipuler la gravité », bien sûr, sans envisager de la science-fiction ?
Bonjour Christophe De Reyff
Alors la par « manipuler la gravite » j entends produire une force contraire a la gravite …mais c est reellement de la science fiction !!!
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Le champs de Higgs est un champ scalaire :est ce a dire qu un parametre peut prendre n importe quelle valeur sans modifier le reste du champ?
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Est a dire egalement qu a son tout debut l univers etait un champ de Higgs ?
1° Cela est déjà réalisé lorsqu’une sonde plonge dans le puits de potentiel d’une planète, puis « donne un coup de gaz » lorsqu’elle est au périastre et ainsi acquiert une nouvelle vitesse supérieure à celle qu’elle aurait acquise en donnant ce même « coup de gaz » à plus basse vitesse ; c’est l’assistance gravitationnelle. On pourrait, p. ex., ainsi gagner théoriquement jusqu’à 7,4 km/s en passant à 300 km de Vénus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Assistance_gravitationnelle
2° Il existe trois sortes de champs physiques autour de nous : scalaire, vectoriel et tensoriel. Pour un champ scalaire (à N dimensions, disons 3 pour notre environnement physique), chaque point a une seule valeur, un seul nombre : ainsi, toutes les grandeurs intensives (température, pression, potentiel chimique…) sont des champs scalaires. Par contre, le champ électromagnétique et le champ gravitationnel newtonien sont des champs vectoriels (avec, par exemple, 3 valeurs par point, les 3 composantes d’un vecteur en chaque point de notre espace physique). En relativité générale, on a un tenseur de courbure qui est un champ tensoriel ; c’est la forme de champ la plus générale, d’ordre 2 ou plus. On peut aussi dire simplement, en généralisation mathématique, qu’un champ scalaire est un champ tensoriel d’ordre 0 et qu’un champ vectoriel est un champ tensoriel d’ordre 1. Un tenseur d’ordre m dans un espace à N dimensions aura N^m composantes en chaque point. Un tenseur d’ordre 2 dans un espace à 3 dimensions aura 9 composantes et 16 dans un espace-temps à 4 dimensions. Mais, par symétrie, il y a des composantes identiques, par exemple seulement 6 ou 10 composantes distinctes par point d’espace ou d’espace-temps.
3° On sait maintenant qu’il y a actuellement dans l’Univers un champ scalaire de Higgs, dit électrofaible, c’est le seul champ de Higgs dont on parle en général. On suppose, seulement, qu’il pourrait y avoir eu juste après le Big Bang un autre champ de Higgs, dit d’inflaton, responsable de la phase très primordiale, dite d’inflation cosmique, un champ scalaire primordial dont l’effet aurait été extrême, infiniment plus puissant, bien sûr, et analogue à l’expansion accélérée actuelle de l’Univers due à la constante cosmologique. Mais, à l’époque, la densité d’énergie de l’Univers aurait dû être tout à fait colossale, de l’ordre 10^110 fois la valeur actuelle ! Ce champ scalaire primitif pourrait avoir été un champ de Higgs, mais aussi un autre champ encore inconnu.