Avant d’envoyer des hommes sur Mars, il est impératif que le retour sur Terre soit testé
Dans un tweet du 29 décembre, “Kekius Maximus” (alias d’Elon Musk), envisage le programme suivant : “uncrewed starships landing on Mars in about two years, perhaps with crewed versions passing near Mars, and crewed starships heading there in about 4 years are all possible”. En ce qui me concerne, je doute que cela soit possible et même souhaitable. En voici les raisons :
Parlons d’abord astronautique
Si le vaisseau spatial quitte la Terre dans une position de conjonction, pour décrire un arc d’ellipse d’une orbite dont le périhélie est la Terre et l’aphélie l’orbite de la planète Mars, il reviendra naturellement par l’arc d’ellipse suivant de la même orbite, le reconduisant à l’orbite de la Terre. C’est ce qu’on appelle le « libre-retour ». C’est-à-dire une suite (voyage retour) de la première partie (voyage aller) sans qu’il soit nécessaire de fournir une nouvelle propulsion (donc d’utiliser un volume et une masse complémentaires d’ergols).
NB : Il faut toutefois introduire un petit bémol. En réalité si on approche trop de Mars (c’est-à-dire si on entre profondément dans sa sphère de Hill/Roche, là où l’influence de sa gravité est supérieure à celle du Soleil), cette planète va avoir une influence gravitaire sur sa trajectoire et sur sa vitesse. Si l’on veut « voir la planète Mars d’un peu près », il faudra donc « corriger le tir », juste après en être passé au plus près, pour retrouver la courbe de l’ellipse d’orbite initiée.
Si l’on ne fait rien, à part cette correction, le retour sera très long, environ deux ans à ajouter aux six mois du voyage aller (commencé à la vitesse initiale de 5,08 km/s), donc 30 mois. C’est à dire le même temps que si on s’était posé sur Mars après les 6 mois de voyage et qu’on ait attendu 18 mois de se trouver en position de repartir pour la Terre en effectuant un nouveau voyage de 6 mois trajectoire de conjonction).
NB : Un libre-retour plus lent ou plus rapide est théoriquement possible car il est fonction de la vitesse initiale (mais évidemment sur une ellipse un peu différente). Robert Zubrin dans son livre The Case for Mars mentionne quatre possibilités mais en exclut deux (celles de 6,93 km/s et 7,93 km/s) en raison des volumes d’ergols qui seraient nécessaires pour initier le vol puis pour freiner le moment venu pour rentrer dans l’atmosphère terrestre. Reste celle dont la vitesse initiale serait de 3,34 km/s (si l’on veut une trajectoire de Hohmann parfaite en acceptant un voyage plus long pour une dépense d’énergie minimum) et celle de 5,08 km/s. La première est jugée « facile » par Robert Zubrin mais elle implique un retour de 3 ans (en plus des 6 mois du voyage aller !). La seconde est jugée « acceptable » et c’est celle que j’ai mentionnée plus haut (pour envisager un aller et un retour les plus rapides possibles ; ce serait capital s’il s’agit de transporter des hommes).
Le voyage de conjonction signifie deux trajectoires de Hohmann, l’une pour aller sur Mars, l’autre pour en revenir. Entre les deux, un séjour de 18 mois sur Mars est obligatoire. On se retrouve comme dans l’hypothèse de libre-retour (même durée totale de 30 mois), la différence étant que pendant une partie de la mission (les 18 mois) le transporteur est la planète et non le vaisseau (ils vont à peu près à la même vitesse puisqu’ils parcourent à peu près la même orbite).
Mais il est possible d’aller plus vite (20 mois, à ajouter aux 6 mois du vol aller) qu’avec un vol de libre-retour (ou de conjonction), en effectuant ce qu’on appelle un « retour d’opposition », en orientant, dès le passage de Mars, davantage la trajectoire du vaisseau vers le Soleil en visant Vénus. On profitera de la descente vers le Soleil pour accélérer la vitesse (moyennant une forte dépense d’énergie en la commençant) et on recherchera l’assistance gravitationnelle de Vénus pour remonter vers la Terre pour éviter d’augmenter encore la consommation d’ergols* ; mais c’est de la haute voltige ! NB : le même retour accéléré, avec la même trajectoire, serait possible après un mois passé en surface de la planète (puisqu’elle se déplace à peu près à la même vitesse que le vaisseau spatial et à peu près sur la même orbite pendant cette durée très courte).
*Il faut avoir présent à l’esprit que le seul ΔV (somme des accélérations et décélérations nécessaires au cours d’un vol) qui compte, ne se réduit pas à l’impulsion initiale. Il faut y ajouter les accélérations et décélérations qui résultent des corrections de trajectoires et surtout celles qui résultent du freinage ou des réaccélérations aux moments clefs du voyage. Le libre-retour n’implique pas d’augmentation du ΔV pendant le vol (on « laisse aller »). Ce n’est pas le cas pour les vols « actifs », de conjonction et surtout d’opposition (ΔV 6.0 km/s pour le premier ; ΔV 7.8 km/s pour le second). En fait, la masse à emporter pour un vol d’opposition dans l’hypothèse retenue (départ à 5,08 km/s) serait du double de celle du vol de conjonction du fait d’une consommation supérieure d’ergols. D’où l’impérieuse nécessité de descendre sur Mars avant de retourner sur Terre pour se procurer sur place les ergols nécessaire (ISPP) que l’on ne pourra absolument pas transporter depuis la Terre (puissance et volume du Starship insuffisants).
Mais le retour sans escale sur Mars, tout comme le retour accéléré via l’orbite de Vénus, présente d’autres inconvénients :
D’abord parce que le voyage sans escale est trop long.
La première raison en est bien sûr l’inconfort des passagers même si on peut concevoir que le Starship (si c’est le vecteur choisi pour le voyage) soit correctement aménagé. Leur support-vie devra occuper, en volume et en masse, une part importante des 1100 m3 de l’habitat. Il s’agira notamment des réserves d’aliments et surtout d’eau puisque, contrairement à ce qui serait possible en surface de Mars, on ne pourra pas les renouveler et qu’il y aura des pertes d’eau potable puisqu’une partie (eaux noires) ne pourra être recyclée (le recyclage total est techniquement impossible). En dehors du risque représenté par la descente sur Mars puis la remontée en orbite, le séjour sur Mars présente donc incontestablement un avantage par rapport à la continuation du voyage dans les locaux relativement exigus du vaisseau.
Être exposé aux radiations cosmiques pendant 6 mois est beaucoup, pendant deux fois 6 mois (aller et retour) cela commence à poser problème. Mais être exposé continument pendant 30 mois ou même 20 mois est beaucoup trop (en surface de Mars, on recevrait moins de radiations et on pourrait mieux se protéger). D’autant que certains experts médicaux nous disent que le corps humain est capable d’une certaine auto-réparation si on le laisse récupérer, si on donne à son système immunitaire le temps d’agir, ou si on l’aide un peu (traitement par cellules CAR-T (Chimeric Antigenic Receptor – T, voir lien ci-dessous*).
Même chose pour l’apesanteur, à moins qu’on ne parvienne à utiliser la gravité artificielle par mise en rotation de l’habitat. L’arrêt sur Mars offre de ce point de vue l’avantage de permettre à l’homme de récupérer, de se « dégourdir les jambes », de redensifier son tissu osseux et son tissu musculaire.
Par ailleurs, passer au plus près de Vénus est dangereux pour deux raisons. D’abord l’environnement radiatif solaire (SeP) est beaucoup plus puissant qu’à la distance de Mars ou de la Terre et une tempête solaire sans ou avec CME (éjection de masse coronale) y serait redoutable. Par ailleurs, l’arrivée d’un vaisseau martien au périhélie de son orbite implique une vitesse plus élevée que si on vient de l’espace proche. Et si, en plus, on a été accéléré par Vénus (effet de fronde de l’assistance gravitationnelle), il faudra freiner puissamment avant de pouvoir pénétrer l’atmosphère terrestre. Ceci suppose une réserve d’énergie dont on ne disposera probablement pas avec la propulsion chimique (voir ci-dessus), et aussi une bonne résistance de la protection thermique car au début de l’entrée dans l’atmosphère la vitesse sera plus grande que lorsqu’on revient de l’Espace proche (de la Lune par exemple). Or l’on sait que la protection thermique est déjà actuellement poussée à son maximum.
Tout ceci pour dire qu’il est impensable de faire revenir un vaisseau martien habité sur Terre, a fortiori après être passé par Vénus, sans avoir testé jusqu’au bout (atterrissage) au moins une fois ses capacités par un vol robotique.
Conclusion : le programme de lancements de la prochaine fenêtre de tirs, celle de janvier 2027, ne devrait être que robotique. Mais il pourrait comporter deux vols distincts.
On pourrait évidemment tester (1) un vol robotique avec séjour sur Mars de 18 mois et retour en conjonction (4 km/s au départ) puisque ce serait le moins dangereux et le plus logique pour la suite ; un séjour d’un mois sur Mars, au lieu de 18, n’étant certainement pas le plus rentable (si on fait un voyage aussi long ce n’est pas pour en repartir tout de suite). Mais on devrait aussi tester (2), toujours robotiquement, le libre-retour (départ de la Terre à 5,08 km/s) puisqu’il n’est pas exclu qu’on doive y recourir en cas d’impossibilité d’atterrir sur Mars. Théoriquement, il faudrait encore tester (3) un vol robotique de retour en opposition (également 4 km/s au départ de Mars) puisque c’est le plus rapide. Cependant ce ne serait pas réaliste pour un premier vol. En effet le retour sur Terre suppose qu’on ait produit sur Mars les ergols de retour et on ne pourra pas le faire puisque, comme vu plus haut, on ne pourra rester sur Mars qu’un seul mois. Il faut donc, pour ce vol de 2027 renoncer à cette éventualité.
On peut critiquer la proposition en disant que ces deux tests constitueraient une « dépense » excessive mais je pense qu’elle en vaut la peine car il ne pourra pas y avoir d’autres tests complets avant mars 2029 (n+26). Ce n’est pas pour autant qu’on pourra envoyer des hommes sur Mars en 2029. En effet le vol de conjonction ne reviendra sur Terre qu’en n+30 (6+18+6) et le libre-retour qu’en n+30 (6+24). Pour ce dernier, je prends l’hypothèse où l’on voudra tester le libre-retour le plus rapide possible (5,08 km/s). NB : Dans la réalité, les durées exactes sont à moduler car elles sont plutôt « environ », compte tenu des configurations différentes selon les années, résultant des vitesses différentes des vaisseaux et des distances différentes des planètes. Mais cela ne change rien, le vol robotique arrivera dans les deux cas après n+26. La fenêtre de tirs de 2029 ne peut donc être qu’une répétition des vols de 2027 modulo ce qu’on aura pu prendre en compte avec les informations reçues des trois tests, dans un délai raisonnable avant Mars 2029.
Illustration de titre : trajectoires de conjonction (à gauche) et d’opposition (à droite). Crédit NASA. A noter que dans les trajectoires dite « d’opposition », il n’y a pas d’ « aller » car cette trajectoire serait impossible (beaucoup trop longue et ruineuse en énergie).
Liens:
Dec 29 Kekius Maximus (alias d’Elon Musk): x.com/elonmusk/status/1873469783263580622
www.exploremars.org/wp-content/uploads/2021/09/0914_03-15_Bret-Drake_Trajectory.pdf
ntrs.nasa.gov/api/citations/20150001240/downloads/20150001240.pdf
engineering.purdue.edu/AAE/research/Groups/longuski/Software/NOMAD/Papers/MTraj1.pdf
Traitement par cellules CAR-T :
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Info du jour (12/01/24) : le vol du New Glenn de Blue Origin est reporté à Lundi 13 janvier 07h00, en raison du mauvais temps.
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Index L’appel de Mars 24 12 18
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14 réponses
Intéressante présentation des différents scénarios de trajectoires aller-retour vers, et de, Mars. Je regrette juste que les schémas présentés de donnent pas également la position de la planète-cible au moment du décollage de ta planète de départ (c’est-à-dire la position de Mars au moment où le vaisseau quitte la Terre et ensuite la position de la Terre quand le vaisseau quitte Mars pour y retourner, et inversement pour les arrivées d’ailleurs), pour que l’on comprenne mieux comment fonctionne la « mécanique céleste » de ces vols et l’utilisation des termes « conjonction » et « opposition »* (même si, j’ai toujours trouvé ces termes mal choisis et prêtant à confusion; pour moi, c’est par rapport au Soleil, et non par rapport à la Terre qu’il faudrait les définir, ce qui les inverserait; mais bon, on ne va pas changer maintenant cette vision « anthropocentrique » de l’astronomie, même si au moment où l’Humanité s’apprête, espérons-le en tout cas, à devenir une espèce multi-planétaire ladite vision me paraît quelque peu « outdated »! 🙂 ).
* »conjonction »= le Soleil et Mars dans la même direction PAR RAPPORT A LA TERRE; « opposition »: le Soleil et Mars dans des directions opposées PAR RAPPORT A LA TERRE (la distance qui sépare les deux planètes est alors la plus faible).
Je partage par ailleurs complètement le scepticisme de Pierre Brisson concernant le calendrier annoncé par Elon Musk qui me semble totalement irréaliste. Y croit-il lui-même d’ailleurs, ou n’est que pour « faire le buzz » comme à son habitude? Sinon, cela renforce les craintes que j’ai souvent exprimées ici que Musk cherche à « aller plus vite que la musique » et veuille brûler les étapes (sans missions robotiques précédant impérativement des mission habitées), avec le risque d’un échec catastrophique qui fermerait la porte, du fait de son retentissement dans l’opinion publique, à toute nouvelle tentative pour des décennies si ce n’est plus. Cela nous ramène aussi à la conférence de presse de la NASA cette semaine dédiée aux nouveaux plan et calendrier pour la mission robotique Mars Sample Return. Ou les dirigeants de la NASA sont hors de toute réalité et devraient changer de « job » (!), ou on ne voit pas comment des missions habitées pourraient avoir lieu des années AVANT qu’une « simple » mission robotique de retour d’échantillons soit réalisable! Quelqu’un peut-il m’expliquer?!
Je suis bien d’accord avec Pierre-André Haldi. « Quelqu’un » devrait faire remarquer aux communicants de la NASA l’incohérence de leur programmation sur ce point en particulier (retour d’échantillons).
Le problème est que, comme tout organisme qui a vieilli, la NASA a grossi et s’est sclérosée. Les diverses parties constituantes doivent « ronronner » dans leurs coins respectifs et ne pas forcément communiquer entre elles (ou s’amuser à « se tirer dans les pattes »). C’est d’ailleurs pour cela que j’espère qu’Elon Musk (ou Jared Isaacman) apporte un sursaut. Ce sera peut-être un peu brutal (un coup de pied dans la fourmilière) mais ça pourrait être salutaire, comme le serait une privatisation.
C’est ce que je voulais mettre en évidence: quelque chose « ne joue pas ». Ou il faut supposer que les « pontes » de la NASA sont tous des idiots incompétents et totalement déphasés (on ne peut l’exclure totalement évidemment, mais ça paraît quand même être un peu gros) pour se lancer dans un projet robotique à plusieurs milliards de dollars qui n’aboutirait que plusieurs années APRES une première mission habitée (!), ou c’est Musk qui affabule et prend ses désirs pour des réalités. Après tout, il avait bien déjà annoncé un premier vol vers Mars de son transporteur interplanétaire pour 2022, … et on est déjà en 2025 et on ne voit pas un tel débarquement possible avant encore bien quelques années, en étant très optimiste!
Entre parenthèses, je me garderai par ailleurs en ce qui me concerne d’utiliser la métaphore du « coup de pied dans la fourmilière », que j’ai toujours trouvée totalement inappropriée si on veut parler d’une action aux résultats censés être positifs. Il n’y a rien de plus stupide que de détruire à coup de pieds comme certains garnements aux instincts destructeurs le fond, le véritable chef d’œuvre de la nature qu’est une fourmilière, et cela absolument pour rien!
Mettre un coup de pied dans la fourmilière oblige les (pauvres) fourmis à la reconstruire. Elles n’ont pas le choix car elles sont programmées génétiquement pour recommencer exactement la même construction.
Dans le cas des hommes, qui sont en principe doués d’un esprit critique et d’une capacité d’innovation et d’adaptation aux circonstances et à l’évolution des besoins, on peut espérer que leur nouvelle fourmilière ne soit pas reconstruite exactement comme la précédente.
» … pour recommencer exactement la même construction », vraiment? Ce n’est pas ce que j’ai constaté quand je vivais à proximité d’une forêt. Lorsqu’une fourmilière était gravement détruite (sinon, c’est vrai, les fourmis, effectuaient juste les réparations nécessaires), par des idiots qui auraient eux mérité un coup de pied où je pense ( 🙂 ), ce qui m’a frappé est que, justement, les fourmis ne ta reconstruisaient jamais à l’identique. Soit elles le faisaient carrément ailleurs, soit, généralement, la nouvelle construction était plus basse et plus étalée (pour être moins visible?). Mais peut être que j’ai eu affaire à des fourmis plus « inventives » que leurs congénères habituellement, en quelque sorte, des « Musks fourmiliers » ? 🙂
pas moi!
Elon Musk s’implique de plus en plus en politique pour défendre un mix d’extrême droite et de glorification d’une liberté passionnée. On peut penser que cette dernière favoriserait ses entreprises mais ces nouveaux engagements ne pourraient ils pas signifier qu’il a pris conscience de ses impuissances concernant Mars? La NASA, au vu de ses précédents succès, semble un peu se mettre à sa remorque ou du moins se résigner à sa prééminence, se sentir inférieure face à l’homme le plus riche du monde. Musk semble aimer se vanter, serait-ce son caractère? Pour ma part, j’aimerais en savoir un peu plus sur les ingénieurs qui travaillent pour lui. Y a-t-il parmi eux des personnalités marquantes susceptibles de nous faire saisir les réalités de la situation actuelle, leurs jugements et prévisions? Musk n’est certainement pas le seul penseur dans ses sociétés.
La caractéristique essentielle d’Elon Musk n’est pas d’être « l’homme le plus riche du monde ». Ce fait est simplement la conséquence du fait que c’est un excellent chef d’entreprise et un excellent communiquant (les deux étant d’ailleurs liés).
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SpaceX comme Tesla sont des réussites extraordinaires qui expliquent sa richesse mais aussi qui sont la manifestation très claire de ses capacités de chef d’entreprises.
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Une des raisons pour lesquelles une personne est un bon chef d’entreprise est sa capacité à constituer des équipes qui sont de bonne qualité. Et incontestablement les équipes, notamment celles des ingénieurs, sont excellentes (et les commerciaux le sont aussi). Difficile de dire qui a eu les idées techniques mais ce qui est certain c’est qu’Elon Musk a eu le courage de comprendre les novateurs et de les encourager. Il leur a par ailleurs probablement fixé des objectifs clairs et a pris des risques qui jusqu’à présent s’avèrent « payants »…c’est le moins que l’on puisse dire.
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On ne peut pas dire que la progression vers Mars manifeste son impuissance. Comme lecteur de ce blog, vous savez bien que l’entreprise est difficile. Un signe important sera donné par le résultat des lancements de 2027.
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NB: il vaut mieux ne pas parler politique (votre qualificatif d' »extrême droite »). Ce ne peut être notre sujet car cela risquerait de créer la zizanie entre nous.
@Martin: Votre interrogation (« Pour ma part, j’aimerais en savoir un peu plus sur les ingénieurs qui travaillent pour lui. Y a-t-il parmi eux des personnalités marquantes susceptibles de nous faire saisir les réalités de la situation actuelle, leurs jugements et prévisions? Musk n’est certainement pas le seul penseur dans ses sociétés ») rejoint une réflexion que je me suis faite dès l’annonce des ambitions martiennes de Musk et de la manière de les réaliser: a-t-il demandé à ses ingénieurs de lui proposer un schéma de système de transport interplanétaire (ITS) le plus « efficient » possible, ou leur a-t-il imposé dès le départ sa vision d’une « fusée de Tintin » (plutôt, du Professeur Tournesol; il paraît que Musk était fan des deux BD lunaires de Hergé?), monolithique, pour « faire le job »? Je peine en effet à croire que des ingénieurs aient spontanément proposé le concept du Starship comme concept optimal pour remplir la mission fixée * (ce qui ne veut pas dire que ce concept soit nécessairement voué à l’échec, mais il restera « sous-optimal » et pas assez souple et évolutif à mon humble avis, un peu comme la défunte Navette spatiale en son temps et à son niveau).
A part ça, d’accord avec vous que Musk fait courir un gros risque à ses entreprises en se « profilant* trop ostensiblement derrière le fantasque Trump (il semble par exemple que les actions Tesla sont en train de sérieusement baisser, comme les ventes de ces voitures en Suisse d’ailleurs, et je ne vous dirai pas ce qu’un patrouilleur du TCS m’a déclaré concernant ses expériences de dépanneur avec celles-ci ! 🙁 ). Gare au retour de bâton le jour où la majorité re-basculera du côté des Démocrates aux Etats-Unis, ce qui pourrait se produire déjà dans deux ans, ce qui est bien court pour que Musk puisse atteindre ses objectifs.
* J’ai connu une assistante de l’EPFL qui a travaillé quelques années pour SpaceX. Elle disait avoir beaucoup appris, mais que la règle était que tout ce que disait le « boss » devait être considéré comme parole d’évangile et ne prêtait à aucun discussion! 🙂
Je rappelle quand même qu’Elon Musk est personnellement à l’origine de la récupération et de la réutilisation des lanceurs. Cette idée qui a été bel et bien été conduite jusqu’au bout, la réutilisation effective, est une révolution. Il a fallu à Elon Musk beaucoup de volonté, d’implication et de compréhension du travail de ses équipes pour y parvenir. C’est cette révolution technologique (et la bonne organisation de l’entreprise, qu’il a également voulue) qui explique le coût très bas et la rapidité des lancements, d’où l’attrait pour la clientèle. Par ailleurs, quoi qu’en disent ses détracteurs, cette réutilisation constitue un progrès écologique remarquable.
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Sur le plan politique, il est évidemment toujours dangereux pour un entrepreneur de se « marquer », surtout dans un pays où les revirements ont été fréquents et ont eu de lourdes conséquences dans les programmes économiques. Mais le soutien d’Elon Musk à Donald Trump est une prise de risque dont personne ne peut dire qu’elle a échoué. Elle a peut-être été prise au bon moment et peut lui apporter peut-être beaucoup. En effet, l’entreprise SpaceX est devenue incontournable dans son domaine (on attend que ses concurrents démontrent leurs capacités) et rien ne permet de dire qu’il y aura un retournement dans deux ans: les Etats-Unis ont un besoin pressant de tourner la page du wokisme, de simplifier leurs normes dans tous les domaines, et de réduire/rationaliser leurs dépenses publiques. Toute avancée sensible dans ces trois domaines sera portée avec enthousiasme par une majorité de la population américaine.
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NB: Elon Musk n’est pas le seul « milliardaire » qui se soit engagé politiquement. C’est d’ailleurs comme cela que se finance la politique aux Etats-Unis. Pensez par exemple à Bill Gates.
Il faudrait être vraiment de mauvaise foi pour nier qu’Elon Musk est un entrepreneur « hors norme ». Son grand talent est de « sentir le vent » des changements technologiques, d’en saisir les potentialités avant tout le monde (ou, en tout cas, avant beaucoup de monde) et, surtout, d’être capable d’en concrétiser les promesses, là encore avant tout le monde.
Cela dit, il ne faut pas pour autant, comme certains de ses adorateurs le font, en faire un génie universel de l’invention. Musk n’est pas plus à la base de l’idée de la fusée réutilisable qu’il ne l’est de la voiture électrique, … ou de trains à sustentation magnétique circulant dans des tubes sous-vide (un « hyperloopé » d’ailleurs, qui montre que le patron de SpaceX n’est par ailleurs pas non plus à l’abri d’échecs).
Elon Musk ferait mieux précisément à mon avis de rester dans le domaine où il excelle. Son « incursion » dans la sphère politique, où il y a surtout des coups à prendre, ne peut que nuire à ses projets à terme plus ou moins rapproché. Aucun milliardaire n’a été, il s’en faut même de beaucoup, aussi loin que lui dans cet engagement, en devenant quasiment le vice-président bis du controversé Donald Trump. Bien sûr, rien ne permet d’affirmer qu’îl y aura un nouveau basculement de majorité dans deux ans (je ne prétends pas le contraire), mais rien non plus ne permet de l’exclure. Outre que c’est un peu la règle aux Etats-Unis lors des « mid-terms », il y a beaucoup de raisons de penser que Trump ne pourra que décevoir ses électeurs, à qui il a fait des promesse inconsidérées qu’il ne pourra à l’évidence pas tenir. Je suis d’ailleurs étonné qu’il ait suffit de quatre ans pour faire oublier aux dits électeurs, outre l’attaque du Capitole, le mur avec le Mexique qui devait être payé par les Mexicains ou la « remise au pas » de Kim-Jong-Un qui a complètement « foiré » (pourvu que cela ne se répète pas avec Poutine)!
Pour ce qui est de l’attaque du Capitol, j’aime à rappeler qu’avant cet événement malheureux, Robert Zubrin organisait tous les ans un « blitz » sur le Capitole. Il s’agissait pour les membres de la Mars Society américaine de se réunir sur la pelouse devant le Capitole et de partir tous ensemble « à l’assaut » du Parlement. Il s’agissait évidemment non pas de saccager le bâtiment mais de parler à un maximum de parlementaires de la Mars Society pour démontrer son intérêt.
Je cite cette anecdote pour montrer que l’idée d’un blitz n’a pas été propre aux manifestants de janvier 2017. La différence c’est évidemment que des fous furieux en ont profité pour perpétrer les dégradations et les atteintes aux personnes que l’on connaît, et qu’il convient bien entendu de reprouver.
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Le président Trump ne sera pas le seul qui aura été élu sur des promesses qu’il ne pourra pas toutes tenir. Espérons qu’il puisse en réaliser suffisamment pour que ses électeurs ne soient pas trop déçus. Cependant il y a tant à faire que « faire un peu serait déjà beaucoup » et pourra être suffisamment visible pour être satisfaisant.
En ce qui concerne l’hyperloop, on peut dire que bien sûr l’idée a été lancée par Elon Musk mais qu’il a très vite lâché la direction de ce projet. On peut dire qu’il ne s’est absolument pas investi, ni financièrement ni personnellement dans sa concrétisation. On ne peut donc dire qu’il a échoué.
Pour ce qui est de la réutilisation, l’approche précédente était celle du porteur (la navette spatiale était portée par un avion). La récupération du lanceur est une idée nouvelle.
« En ce qui concerne l’hyperloop, on peut dire que bien sûr l’IDEE A ETE LANCEE par Elon Musk … « , vraiment?! Le Swissmetro imaginé par Rodolph Nieth (en 1974!) n’y était sans doute pour rien (!), … d’autant plus que des ingénieurs de la firme de Musk ont bel et bien fait le voyage de Lausanne comme me l’a confirmé le Professeur de l’EPFL qui a dirigé un temps le projet (auquel j’ai brièvement collaboré d’ailleurs pour les questions de sécurité).
Et pour ce qui est des fusées récupérables, je ne faisait pas allusion à la navette, mais à des propositions plus anciennes; il semble même que Goddard l’avait déjà envisagé, comme tant d’autres choses en astronautique. C’est une idée qui vient d’ailleurs assez naturellement à l’esprit, mais je reconnais volontiers que le grand mérite de Musk, et il n’est pas mince, est de l’avoir, lui, réalisée en premier. Et depuis quand la navette était « portée par un avion » (sauf pour le transport de l’usine au lieu de lancement)?!
Quand à l’assaut du Capitole: « https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/prise-d-assaut-du-capitole-donal-trump-aurait-ete-condamne-s-il-n-avait-pas-ete-elu-selon-le-rapport-du-procureur-special_7013456.html ». Mais, bien sûr, les partisans inconditionnels de Trump vont prétendre que tout ça n’est qu’un complot Démocrate (il n’y a que quand les décisions de justice condamnent leurs opposants qu’elles sont acceptées, et même alors jugées trop laxistes).
1) je ne connaissais pas le projet Swissmetro. Dont acte!
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2) Effectivement, dans le cas du Shuttle l’avion n’était utilisé que pour son transport planétaire (Space Shuttle Transit). Mais le réservoir (External Tank) attaché à la navette, était « expandable » (jetable). Même si les deux boosters latéraux (SRB) étaient récupérables (et la plupart récupérés), on était loin de la récupération en excellent état du lanceur des Falcons, en attendant celle du lanceur SuperHeavy, qui le sera comme on l’a vu lors du vol IFT5, et du Starship comme on l’a vu lors de multiples essais. La non récupération de l’External Tank constituait quand même une grosse « consommation » et une énorme pollution (plus volumineux que la navette elle-même).
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(3) Quant à l’affaire de l' »assaut du Capitole », je maintiens ce que j’ai écrit et je constate que le rapporteur spécial chargé de l’enquête, Jack Smith, a abandonné l’enquête contre Donald Trump pour ingérence électorale. Certes les poursuites devaient s’arrêter du fait des résultats de l’élection présidentielle mais on peut douter aussi de la « bienveillance » ou même de la neutralité de Jack Smith vis à vis de Trump.
Ceci dit, on est encore une fois très loin du sujet de mon blog, « exploration spatiale » et j’aimerais beaucoup qu’on évite de rentrer dans ces considérations politiques (au-delà bien sûr de celles qui sont strictement liées à la politique spatiale) comme je m’efforce de le faire. Autrement dit cette « affaire du Capitole » n’a rien à voir avec le programme spatial qui va être mené pendant les 4 ans de la présidence qui va commencer.