Après les radiations, le problème le plus redoutable qui se pose à ceux qui veulent aller physiquement sur Mars est celui de l’apesanteur pendant le voyage, surtout pour les deux ou trois premières fois puisqu’il ne pourra pas y avoir de « comité d’accueil » à l’arrivée. Ce n’est cependant pas une raison suffisante pour se décourager puisque nous pouvons imaginer des solutions réalistes.
Notez bien que je ne vais pas développer le problème de la pesanteur réduite sur Mars (gravité 0,38 g) puisque je considère que la masse de la combinaison spatiale et de ses annexes (quelques 100 kg) sera heureusement supportable de ce fait (un corps humain de 70 kg avec son équipement de 100 kg ne pèsera que 65 kg). Je ne veux pas non plus développer l’interrogation qu’on peut avoir sur les conséquences de la force, non adaptée aux conditions de pesanteur locale, avec laquelle le cœur projettera le sang vers le cerveau. Mais j’ai bien conscience que cette force sera quelque peu excessive par rapport aux besoins. On ne pourra en estimer les conséquences que sur le long terme (sans doute à l’issue de la première mission, impliquant un séjour sur Mars de 18 mois).
Ce qui m’intéresse ici c’est le voyage proprement dit et ses conséquences lors du retour à la gravité, sur Mars (plus que sur Terre) pendant les toute premières missions.
Les méfaits de l’apesanteur sont connus : fonte des masses musculaire et osseuse ; mauvaise adéquation de la force des flux sanguins aux besoins des différentes parties du corps (mentionnée ci-dessus et dommageable en particulier pour le nerf optique) ; perte du sens de l’équilibre ; risque et présence dans l’atmosphère non seulement d’objets de toutes tailles non attachés mais aussi de poussières et de petits débris (on évite plus facilement les gros!).
La solution évidente, pour les premières missions, sera la mise à disposition des astronautes, d’exosquelettes lorsqu’ils se poseront sur Mars. Cela pourrait compenser la faiblesse musculaire et osseuse ainsi que la perte du sens de l’équilibre pendant les quelques jours nécessaires à la reprise du contrôle de son corps. D’où la nécessité de travailler sur des exosquelettes légers, peu volumineux et dont il sera facile de s’équiper même à l’intérieur du vaisseau spatial juste après l’atterrissage et avant la descente sur le sol de la planète.
D’autres dispositions seront à prendre pendant le vol lui-même.
On pense d’abord à l’exercice physique. Il faudra veiller à entretenir continument sa force musculaire, bien qu’elle soit devenue inutile sur le moment. Des appareils de musculation existent dans la Station Spatiale Internationale pour faciliter cet exercice et le problème qu’il pose n’est pas tellement la place mais surtout le temps qu’il prend. On évalue à deux heures par jour, minimum, celui qui convient pour pouvoir récupérer le plein usage de son corps dans un délai raisonnable après le retour en gravité.
La seconde solution, plus difficile à mettre en œuvre, est celle de la gravité artificielle. Robert Zubrin l’a proposée dès le début des années 1990. Le principe est le même, le recours à la force centrifuge, mais le contexte technologique a changé et la réflexion a avancé. La solution préconisée à l’époque par Robert Zubrin, consistait à mettre en rotation le couple formé par le vaisseau-habitat avec le dernier étage du lanceur, reliés entre eux par un filin (la mise en rotation intervenant après l’injection interplanétaire). Demain, si tout va bien, nous aurons le Starship. Cela ouvre des perspectives.
La première de ces perspectives serait « simplement » la mise en rotation de deux starships. On peut d’abord envisager qu’ils soient réunis par le nez ou par la base. Par le nez serait particulièrement délicat car cette partie du vaisseau est très exposée au flux du plasma ultra-chaud lors de la rentrée dans l’atmosphère et doit être le plus possible exempte de prise à leur agression (pression et chaleur). On peut alternativement envisager qu’ils soient réunis par la base. Il est prévu actuellement qu’ils le soient pour la recharge en ergols en orbite de parking terrestre. On peut envisager que le « docking » se fasse en douceur en utilisant une rétropropulsion de faible puissance par des jets situés à l’extrémité des ailerons, en sauvegardant les retrorockets latérales permettant les corrections d’attitude. A partir de là (contact et accrochage) les deux vaisseaux pourraient s’éloigner quelque peu l’un de l’autre, chacun des trois ailerons dévidant un câble ou mieux étirant une tige relativement rigide stockée, enroulée, à l’intérieur. Etant donné que le plancher de la partie habitable de chaque vaisseau se trouverait à 30 mètres de sa base, on aurait au minimum un axe de 60 mètres de longueur. Une rotation « lente » de deux tours par minute, permettrait une gravité* relativement faible mais suffisante pour restituer au moins le sens de la verticalité sans créer de distorsion sensible entre la tête et les pieds et sans générer de force de Coriolis1 trop gênante.
*La formule est : F = (0,0011)W2R
où « F » est la force de gravité en « g » terrestres ; « W » est la vitesse de rotation en nombre de tours par minutes ; « R » est la longueur du bras de rotation (en mètres).
Avec les 60 mètres (bras de rotation de 30 mètres), on aurait une gravité de 0,13g. Ce n’est pas beaucoup (la gravité sur la Lune est de 0,16g et elle est sur Mars de 0,38g). Si on parvenait à distancier les deux Starships par des tiges de 15 mètres, on aurait une gravité de 0,2g, ce qui serait préférable.
Deux autres propositions2, que je trouve très intéressantes car elles vont plus loin (et semble a priori plus sures que la liaison par tiges rigides), ont été faites par le CG (« Computer Graphic ») designer de SpaceXvision, Roger Bootsma (Vienne, Autriche) et par Mike DeRosa (alias « Smallstars »). A noter que les deux ne sont pas ingénieurs mais les idées naissent souvent dans des esprits fertiles qui ne sont pas forcément ceux qui vont les développer et les préciser.
La proposition de Roger Bootsma, suppose de retravailler la coque du Starship. Comme vous le voyez sur les illustrations de titre et ci-dessous, l’habitat (le haut du Starship) se sépare en deux parties (« split ») qui, après l’injection interplanétaire, s’éloignent progressivement de l’axe central, aux bouts d’une structure métallique rigide qui se déploie de façon télescopique. L’ensemble est mis en rotation autour de l’axe, créant ainsi une gravité artificielle dans les deux parties séparées et la structure métallique qui les relie à l’axe peut servir de moyen de communication entre elles, y compris physique.
Proposition de Roger Bootsma. Les deux parties de l’habitat viennent de se séparer et la structure télescopique qui les tient à l’axe se déploie lentement.
La proposition de Mike DeRosa, « GLS » (« Gravity link Starship », 16/09/19), me semble moins difficile à réaliser que le « split de l’habitat » et donc sans doute encore plus réaliste, car rien ne s’opposera à ce qu’on puisse l’appliquer dès que le Starship volera. Elle repose sur un vol de concert de 3 vaisseaux dont deux seront habités et le troisième servira de hub aux deux autres. Le vaisseau-hub est chargé au départ de la Terre d’une double charpente métallique déployable chacune sur 100 mètres, à partir de l’axe du vaisseau. Ces deux bras sont l’équivalent de la structure du concept de Roger Bootsma. Aux extrémités de chacun des bras, une fourche d’un écartement de 9 mètres sert à enserrer un vaisseau par son diamètre. Juste après l’injection interplanétaire et après que les 3 starships se soient rapprochés, la charpente est déployée robotiquement de part et d’autre du Starship-hub. Chacun des deux vaisseaux-habitat vient se loger dans la fourche du bras de la charpente qui est d’abord ouverte puis refermée sur lui à hauteur de leur sas (rappelons que SpaceX prévoit ce genre de fourche pour saisir les lanceurs de Falcon 9 puis de Starship lors de leur retour sur Terre, juste avant qu’ils touchent le sol). Une fois les starships-habitats enserrés dans leur fourche, la formation des trois vaisseaux est mise en rotation. Pour ce faire, l’un des deux vaisseaux-habitats effectue d’abord une rotation à l’intérieur de sa fourche pour se positionner, toujours en parallèle, le nez pointé vers la direction opposée à son homologue. Une fois les deux starships ainsi positionnés, ils impulsent, par chacun de leur système de rétropropulsion, une faible rotation à l’ensemble. Une fois la rotation impulsée, chacun des deux vaisseaux-habitat tourne son nez naturellement, sous l’effet de la force centrifuge, vers le vaisseau-hub puisque le sas où est placé la fixation de la charpente déployée est situé au-dessus du centre de gravité des vaisseaux, et la rotation crée à l’intérieur des vaisseaux-habitat une gravité artificielle. Cette gravité est d’autant plus importante qu’on s’éloigne du centre de gravité commun (c’est-à-dire du vaisseau-hub). Une rotation de trois tours par minute sur un bras de rotation de 100 mètres permettrait d’atteindre 1g au niveau du sas. Cette vitesse de rotation est une limite supérieure, d’autant que, plus la vitesse de rotation est élevée plus on peut ressentir la force de Coriolis et plus le différentiel de gravité entre la tête et les pieds devient perceptible. On choisira sans doute pas plus de 2 tours/minute pour aller vers Mars (0,44g dans le sas, 0,53g dans le poste de pilotage) et, partant de 0,38g en revenant de Mars, on reviendra progressivement vers ces 2 tours/minute en les dépassant vers 3, sans les atteindre nécessairement, pour les deux derniers mois. A l’approche de Mars et, au retour, de la Terre, les vaisseaux se remettront en parallèle, les deux vaisseaux-habitats en sens contraire, et ils donneront une série de micro-impulsions pour annuler la rotation. Les deux vaisseaux habitats se remettront dans la même direction ; la charpente sera repliée et réinsérée à l’intérieur du sas du vaisseau-hub et chacun à l’intérieur des trois vaisseaux, se préparera à la rentrée dans l’atmosphère.
Proposition de Mike DaRosa. Après déploiement de la charpente télescopique, les deux vaisseaux-habitat orientés en sens contraire, impulsent une rotation à l’ensemble.
Voici donc une solution simple et élégante qui ne semble pas impossible à mettre en œuvre. Le vol de trois vaisseaux de concerts permet de donner une certaine sécurité à la mission (redondance). Pendant le voyage, les hommes de chacun des vaisseaux pourraient se retrouver dans le vaisseau-hub, dont le volume serait évidemment en apesanteur mais qui procurerait un peu plus d’espace « habitable » et un lieu pour manipuler et travailler des équipements massifs. En alternative, dans le cadre de ce concept, on peut envisager que seuls les deux vaisseaux-habitat descendent sur le sol de Mars tandis que le vaisseau-hub reste en orbite. On économiserait ainsi les ergols nécessaires pour descendre sur Mars et en remonter pour un des vaisseaux mais il faudrait (1) envisager l’entretien du vaisseau en orbite pendant les 18 mois du séjour sur Mars et (2) sans doute réapprovisionner ce vaisseau avec un supplément d’ergols pour le retour de la flottille sur Terre (le calcul reste à faire !).
Proposition de Mike DaRosa. Une fois la rotation impulsée, elle induit naturellement le positionnement des vaisseaux-habitat perpendiculairement au vaisseau-hub, permettant que la force de gravité s’exerce vers les planchers des vaisseaux-habitats.
J’ai donné ces deux exemples pour montrer que contrairement à ce que pensent les pessimistes, recréer une gravité artificielle n’est pas une fantaisie irréalisable qui ressort uniquement de la science-fiction. Par ailleurs, même si, après les premiers vols, lorsqu’il y aura une base permanente sur Mars, les passagers d’un long voyage pourront être accueillis et « soignés » pour récupérer leur sens de l’équilibre ainsi que leur masse musculaire et osseuse, il serait quand même préférable d’éviter d’être obligé à cette rééducation. La gravité artificielle reste donc plus que souhaitable aussi bien pour après-demain que pour demain. Vous verrez, on la mettra au point d’une manière ou d’une autre et lorsque l’homme parviendra sur Mars, en pleine forme, il pourra immédiatement agir.
*NB1 : La force de Coriolis a des effets d’autant plus marqués que la vitesse de rotation est élevée et que le bras de rotation est court. C’est pour cela qu’il vaut mieux ne pas dépasser deux tours par minute et essayer d’atteindre une longueur de bras de rotation de 100 mètres. Par ailleurs, le différentiel de gravité entre la tête et les pieds est d’autant plus faible que le bras de rotation est long (simple rapport entre 1,80 mètre et la longueur de ce bras).
**NB2 : Une autre proposition de restitution d’une certaine gravité a été faite par Pierre-André Haldi le 4 avril 2017 sur ce blog, « un nouveau concept de système de transport modulaire pour aller sur Mars » : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2017/04/04/un-nouveau-concept-modulaire-de-systeme-de-transport-spatial-a-destination-de-mars/
Les illustrations sont des captures d’écran avec autorisation de Roger Bootsma. Je ne suis pas parvenu à joindre Mike DeRosa (« Smallstars »). L’illustration de titre montre le starship envisagé par Roger Bootsma avec son dispositif rotatif déployé et en fonction.
Références / liens :
https://www.facebook.com/watch/?v=300527688332434
https://spacexvision.com/home/blog/
https://www.universetoday.com/143368/real-artificial-gravity-for-spacexs-starship/
https://www.facebook.com/SpaceXvision/
Force de Coriolis : https://fr.wikipedia.org/wiki/Force_de_Coriolis
43 Responses
Il y a longtemps que je dis que la création d’une gravité artificielle pour les vols de longue durée s’impose et que je m’étonne qu’absolument rien n’ait été encore fait pour expérimenter cette technique, dans le cadre de l’ISS par exemple (ce qui serait au moins une bonne raison de justifier encore le maintien en activité de cette station!).
J’ai aussi déjà plusieurs fois relevé ici que la technique de mise en rotation en reliant deux engins par un simple filin n’est pas réalisable (il faudrait au minimum assurer une tension importante dudit câble au moyen par exemple de forces antagonistes créées par des rétrofusées dans l’axe de celui-ci avant la mise en rotation, mais je crains qu’une liaison souple ne crée de toute façon des problèmes). Je ne crois pas non plus beaucoup aux solutions envisagées pour les Starships, vaisseau qui n’est pas prévu et bien adapté pour ça (à ma connaissance, Elon Musk n’a d’ailleurs jamais envisagé de telles solutions).
J’avais proposé à une conférence de la Mars Society une solution qui s’approche de celle de Mike DeRosa mentionnée dans le blog, mais plus simple. En gros, il s’agirait également d’avoir un module « hub » (incluant en particulier le système de propulsion) auquel serait rattaché par des mats télescopiques « en étoile » trois simples modules cylindriques (ce qui offre une bonne habitabilité). Le tout mis en rotation bien sûr. L’avantage est que tous les modules du système ont une forme simple et des dimensions qui leur permettent d’être facilement lancés dans l’espace par les gros lanceurs (SLS, Super Heavy) actuellement en développement, pour être ensuite assemblés dans l’espace par simple « docking ».
Mais, je le répète, plutôt que de « dessiner le bon Dieu dans les nuages » ( (:-) !) l’important maintenant est de TESTER une bonne fois cette technique en orbite terrestre, pour s’assurer que cela marche sans éventuels problèmes non prévus!
Pour ceux qui ne l’aurait pas remarqué, j’ai donné le lien vers la proposition de Pierre-André Haldi en fin d’article.
Pourquoi l’ISS n’aura jamais de force centrifuge simulant 1 g…
https://www.lesoleil.com/chroniques/la-gravite-artificielle-nest-pas-pour-demain-0722edfb58b2381cb4fcb9b4b439de50
Des solutions étaient déjà proposées dans le film de Kubrick , 2001 Odyssée de l’espace!
Bien sûr, tout le monde connait, mais la solution du torque est valable pour une station spatiale pas pour une mission spatiale (pour aller quelque part). D’autre part le torque est long à construire (son diamètre est forcément grand, de l’ordre de 300 mètres, si on veut que la rotation ne soit pas trop rapide) et suppose une multitude de vols en orbite pour y apporter les modules qu’on assemble les uns aux autres.
D’autres projets de vie dans des espaces en rotation ont été développés. Je pense notamment aux Iles de l’espace de Gerard K O’Neill, professeur à Princeton dans les années 1970, sans doute l’étude la plus aboutie. Voir mon article du 7 juin 2017 sur les Iles de l’espace et si le sujet vous intéresse, les articles des 13 et 20 juin de la même année.
En fait, cette solution (« roue spatiale ») est initialement de von Braun (dans « Crossing the Last Frontier » au début des années 1950). Kubrick n’a fait que la « mettre en scène » dans son film (1968).
En fait l’idée est ancienne puisqu’elle avait déjà été exprimée et publiée en 1928 par Herman Potocnik. Voir son « habitat wheel » page 120 et suivante de la traduction en Anglais de son livre (The problem of Space travel). Elle a été ensuite reprise par Hermann Oberth dont Von Braun fut l’assistant, puis effectivement par Von Braun et par Stanley Kubrick (pour son fameux film).
Cependant le développement le plus complet et le plus « moderne » d’un habitat où la gravité est restituée par la force centrifuge, est incontestablement celui de Gerard K. O’Neill (dans « The high frontier, human colonies in Space », 1976, et les travaux de son équipe de recherche à l’Université Princeton). Avec Gerard O’Neill on sort du simple concept et on entre dans l’étude de faisabilité. Toutefois, le format torque est ici abandonné pour celui du cylindre. Je recommande chaudement la lecture de son livre.
C’est juste, mais la « roue spatiale » qui a inspiré Kubrick est bien, selon ses propres dires, celle de von Braun. Mais en tout cas il est juste de préciser en effet que la solution d’un tore en rotation n’est guère appropriée pour un vaisseau spatial, même s’il y a eu des propositions dans ce sens (Nautilus-X p.ex.).
Pour limiter les coûts, ne serait-il pas possible d’envisager de coupler dune manière ou d’une autre deux des modules existants de l’ISS un peu avant son démantèlement* (après 2024) pour tester cette fameuse création de gravité artificielle? Il ne faudrait pas nécessairement prévoir un très long bras de levier, l’idée étant juste de tester la technique, peu importe si la gravité ainsi créée reste inférieure à celle de la Lune par exemple; il serait même intéressant de conduire dans ce cadre quelques expériences en gravité réduite, mais non « nulle » comme c’est le cas actuellement.
* Il semble à ce propos qu’on n’ait pas vraiment de solution pour l’instant pour éviter que les 400 tonnes de la station ne rentrent d’un seul bloc dans l’atmosphère, avec les dégâts que cela pourrait causer (!).
Excellente idée. Cependant, l’altitude de 450 km est elle suffisante pour s’abstraire des tensions créées par la force de gravité terrestre? Par ailleurs l’ISS est certes structurée sur un axe transversal portant des modules avec une petite série d’entre eux perpendiculaires au centre où s’arriment les vaisseaux venant de la surface terrestre. Mais les modules éloignés du centre (ceux où l’on pourrait étudier les effets de la force centrifuge) sont dans le sens de l’axe porteur et non perpendiculaires à cet axe. Si on mettait le système en rotation, on obtiendrait une très petite surface pour les planchers et on aurait pas mal de difficultés à passer d’un module à l’autre (pas d’escalier ou d’échelle), sans compter qu’il faudrait réorienter les panneaux solaires ou plutôt rendre leur orientation variable dans un sens qui n’a pas été prévu.
Ceci dit, on pourrait peut-être faire les modifications nécessaires: projeter l’ISS sur une orbite plus élevée (où la force d’attraction terrestre est plus faible), replacer les modules les plus éloignés du centre perpendiculairement à l’axe, changer les articulations des panneaux solaires, apporter des échelles pour communiquer d’un module à l’autre, mieux arrimer tout ce qui est simplement fixé et qui a une masse non négligeable pour éviter que cette masse se décroche ayant acquis un certain poids…Comme le suggère Pierre-André Haldi, il faudra bien démanteler l’ISS avant de la faire redescendre dans l’atmosphère pour mieux contrôler sa combustion au moins partielle dans l’atmosphère et son lieu d’impact sur la surface terrestre.
La solution minimum serait de décrocher tous les modules non nécessaires à l’expérience et de placer des capteurs dans ceux qui resteraient (et dans l’axe porteur).
Alors pourquoi ne pas procéder à cette expérience? Est ce que la NASA nous écoute et nous entend? J’en doute mais elle le devrait.
Oui, en effet, mon idée n’est pas d’utiliser la station telle qu’elle est aujourd’hui assemblée, mais bien de la désassembler pour éviter qu’elle ne retombe « d’un bloc » sur Terre (400 tonnes, alors qu’on vient de vivre un psychodrame pour la retombée d’un étage de fusée chinoise d’une masse de 20 tonnes « seulement »!). Et alors de réutiliser deux modules (à voir lesquels s’y prêteraient le mieux) en les connectant par une structure ad hoc (amenée depuis la Terre, mais ce serait la seule partie nouvelle à amener en orbite, le reste y étant déjà, donc ce ne devrait pas être un projet trop coûteux). Pas besoin non plus de prévoir des moyens de communication d’un module à l’autre ou autres gros réaménagements. Le but est juste de tester « ponctuellement » la technique de création dune certaine gravité artificielle par mise en rotation de deux modules autour d’un axe commun, pas de faire de ce nouvel assemblage une structure pérenne.
Bonjour,
Je ne saisis pas l’importance de la force de déviation de Coriolis (2 fois le produit vectoriel du vecteur de rotation du référentiel par la vitesse relative, ici du fluide à l’intérieur du corps). Le sang n’est il pas de toutes façons guidé par les artères et veines?
Merci d’éclairer ma lanterne,
Bonjour,
Je ne parle pas de l’effet de la force de Coriolis sur la circulation du sang. Je suis simplement soucieux de l’effet de la force de Coriolis sur les activités diverses de l’équipage. Il est préférable que ces effets soient le plus limités possibles, donc que le nombre de rotation par minute (ou autre référentiel) soit le plus limité possible.
Pas une lubie de plus, mais une complexité de plus à gérer , d’autant que si vous mettez des éléments en rotation, il ne faut pas oublier la protection contre les rayons cosmiques .
En fait , dans le cas du spaceship d’Elon Musk, transporter un équipage réduit , mais qui disposerait des équipements d’entraînement sportifs adéquats, pourrait suffire à réduire ce risque, comme par exemple un élément en rotation occupant tout le diamètre du vaisseau qui reproduirait les G comme à l’entraînement …
Sans remettre en question tout le projet …
Un élément de rotation contenu dans le diamètre du vaisseau serait une solution minimum mais sans doute très insuffisante pour plusieurs raisons:
1) il faudrait un grand nombre de rotation par minute pour atteindre une gravité minimum (6 tours pour une gravité de type lunaire soit dans cet exemple 0,18g à 4,5 mètres de bras de levier;
2)une grande différence de gravité entre la tête et les pieds (avec six tours par minutes et pour une personne d’une taille de 1,80, la tête se trouverait à 2,7 m de l’axe de rotation et la force de gravité à cette distance de l’axe, ne serait que de 0,107 g. Le différentiel (0,18 – 0,11) serait insupportable sur le long terme d’autant que la personne ne resterait pas constamment debout. Par ailleurs à ce nombre de rotations par minute, la force de Coriolis serait très marquée, ce qui aurait un effet désorientant très important.
pas pour toute la durée du voyage !!!
De toute manière vos propositions ne font partie d’aucun projets et n’ont aucune chance d’aboutir à moyen terme , vous qui êtes tellement pressé de coloniser la planète rouge !
@Hubert Giot: Il est certainement moins compliqué à gérer de prévoir une solution telle que celle que j’ai proposée plus haut, que de transformer les vaisseaux interplanétaires en « centre de fitness spatial » 🙂 ! Surtout quand, comme Elon Musk, on prévoit des dizaines de passagers à bord (sans compter que l’on ne ferait que réduire ainsi un peu le risque, mais pas l’éliminer)!
Quant à la protection contre les rayonnements cosmiques (vous pensez à quoi exactement?), en quoi le fait de mettre des éléments en rotation y changerait-il quoi que ce soit? Et, de nouveau, ma proposition, avec la partie extérieure des « boîtes de conserves » contenant les réserves d’eau, les équipements, etc. et les passagers au centre, offre une bonne protection contres lesdits rayonnements.
Pour le reste, Monsieur Brisson, vous a clairement expliqué pourquoi votre suggestion de rotation d’un Starship autour de son axe longitudinal est totalement impraticable vu le trop faible diamètre de ce type de vaisseau.
on verra bien quelle solution sera retenue …
ce n’est encore que de la science fiction …
Non, ce n’est pas de la science-fiction. On travaille aujourd’hui aux équipements divers qui permettront d’aller sur Mars. Parmi ceux-ci, nous avons tout intérêt à mettre au point une bonne solution pour contrer les effets de l’apesanteur pendant le voyage.
je sais que la technologie est plus mature qu’à l’époque du projet Apollo , mais aujourd’hui , on voit cette aventure sous un autre angle , pas uniquement comme un défi ou une course , il faut aussi la justifier … autrement que par simple désir de visiter l’espace … qu’on peut faire grâce aux sondes automatiques …
(la Lune ne fait plus rêver depuis 50 ans, le bond de géant a déjà été accompli )
Il faut d’abord valider tous les dispositifs et par conséquent organiser un voyage complet vers Mars sans équipage quand les propulseurs seront prêts , ce qui demandera déjà plusieurs années …
D’après votre petit calcul , on arriverait à 0.18 g pour 6 tours par minute, mais avec 8 tours , on passe déjà à 0.3 g ( ça augmente avec le carré de la vitesse ) .
J’imagine assez mal des passagers vissés sur leur siège pendant tout le voyage … il faudra aussi les occuper et les faire bouger … pas seulement leur habitat !
( vous ne vous levez jamais pendant un vol transatlantique ?)
Les questions humaines vont devenir prépondérantes sur la technologie pure , ce qui vous échappe complètement !
Mais Monsieur Giot, il n’est absolument pas question de laisser les passagers assis pendant les six mois du voyage! C’est absurde! Tous ceux qui ont un tant soit peu travaillé sur le projet, prévoient que les passagers bougent, fassent de l’exercice. Elon Musk prévoit dans son Starship de transport de passagers un espace commun de quelques 500 m3, juste pour cela.
Par ailleurs, vous n’avez toujours pas compris qu’on ne peut augmenter indéfiniment le nombre de rotations par minute. La force de Coriolis deviendrait insupportable.
Enfin il ne faudra pas attendre « plusieurs années » pour préparer les propulseurs. Les moteurs Raptors de SpaceX fonctionnent. Il faut certes les faire fonctionner « en batteries » et c’est un vrai problème mais SpaceX fait dans ce domaine des progrès très intéressants et prometteurs.
@H. Giot: Une précision encore, une centrifugeuse d’entraînement d’astronautes au sol se compose d’une capsule fixée au bout d’un bras qui mesure typiquement de l’ordre de 18 mètres, … alors que le Starship n’offrirait au sein de sa structure que la possibilité d’avoir un bras de 4,5 mètres au maximum!
Cher M. Haldi,
Merci de votre intervention sur un autre blog. Je dénonce la censure dont je suis victime de la part de M. Ziehli sur son blog de désinformation et qui me reproche de mettre l’UDC devant ses écrits et actes passé, sans jamais répondre à aucun de mes arguments sur les sujets indiqués. Je vais me plaindre à la rédaction du Temps pour cette censure inadmissible en Suisse et n’accepterai jamais ce type de société muselière tant sur Terre… que sur Mars.
J’ai été censuré sur un post de M. Ziehli qui parle de liberté de la presse et il a trouvé regrettable que je lui envoie un article de presse de 2019 pour qu’il le commente (UDC qui compare l’Union Européenne à l’Allemagne hitlérienne) et par trois fois il a refusé de s’excuser. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Je suis sur 5 blogs du Temps à part celui de M. Ziehli et ai une chronique quotidienne appréciée sur Linkedin et je n’ai jamais fait face à un aussi regrettable commentateur, à part M. Hubert Giot (si cela est son vrai nom). A bon entendeur.
Cher Monsieur Donneur,
Je comprends que vous soyez mécontent de votre relation épistolaire avec M. Ziehli mais, de grâce, laissez moi en dehors.
Comme je n’ai pas lu vos commentaires je ne peux pas porter un avis sur vos échanges et donc participer à la discussion. Si j’avais à le faire, je le ferais dans les commentaires de l’article précité.
Ici on parle de l’exploration spatiale.
Merci.
Vu. Merci.
Certains m’ont fait le reproche de prendre trop de place dans ce blog et mis en cause mon professionnalisme. Je regarderai donc avec plaisir les avancées de MM. Brisson et Haldi mais ne ferais plus aucun commentaires sur ce blog. Ayant un temps limité, en plus de mon travail, ne souhaitant pas débattre avec des personnes ne voyant pas les perles (voir référence biblique) , je me consacrerai dorénavant aux blogs du Temps orienté écologie, à ma chronique quotidienne orientée durabilité sur Linkedin et à mes deux livres sur : 1) la durabilité forte au 21ème siècle 2) l’exploration spatiale depuis décembre 1968 (Apollo 8) jusqu’à une prospective centenaire (se terminant en 2067-2068), au-delà de Mars.
Cette décision est irrévocable. Merci pour tout.
Pardon. Derniere et ultime remarque. Pour tous ceux qui critiquent le mouvement écologiste en général sur le blog de l’exploration spatiale, il est à remarquer qu’une bonne partie de l’impulsion du mouvement écologiste planétaire est venu de la photo du lever de Terre sur la Lune par les astronautes d’Apollo 8 le jour de Noël 1968, photo qui exprima la fragilité de notre Terre dans l’espace. Apollo 8, la PREMIERE mission spatiale habitée hors de l’orbite terrestre a été trop historiquement négligée (comme ses astronautes) et son importance de mission pionnière est au moins égale à celle d’Apollo 11, à mon sens.
* hors de l’orbite terrestre BASSE
Certes Monsieur Donneur mais le sujet de mon article est la gravité artificielle par force centrifuge et son intérêt pour les longs voyages dans l’espace…On est très, très, loin des problèmes écologiques qui se posent aux habitants de la Terre!
Cher M. Brisson,
Je le sais bien mais comme je n’ai pas trouvé de Post sur Apollo 8, y compris le 50 ème anniversaire, pour faire mon dernier commentaire, donc écrit ici et fin.
Existe-t-il des recherches, des hypothèses sur ce qu’est la gravité naturelle, son « fonctionnement », sa reproductibilité? Je veux dire pas une reproduction détournée, par la force centrifuge. Il y a certainement quelque chose à trouver dont la mise en évidence serait aussi éclatante que la découverte de la radioactivité. On avait parlé à un moment d’une particule « graviton ». Est-ce une supposition sans avenir, une élucubration éthérée ou reste-t-il des gens qui cherchent dans cette direction? Cette réflexion est-elle abandonnée ou y a-t-il encore des gens qui ont des idées nouvelles ou même font des expérimentations à ce sujet. Comment, par quel processus, une masse naturelle telle qu’une planète attire-t-elle des objets vers elle?
Les extraterrestres, s’ils existent (voire l’effervescence aux US), semblent nous dire: nous, on a trouvé!
Réponse à Martin, commentaire du 10 juin, 12h24:
Vous posez là une question très passionnante !
Reprenons quelques notions de base : si l’on admet la notion intuitive de force, la force centrifuge due à la rotation, m v²/R, équilibre la force centripète de gravitation, G M m/R², due à l’attraction du Soleil, de masse M, pour maintenir une planète, de masse m, sur son orbite. Quelle que soit la masse de la planète, sa vitesse orbitale ne dépend que de sa distance, R, au Soleil : v = racine carrée(G M /R). Depuis Newton, la notion de force est apparue être une explication du comportement cinématique des astres. Mais comment une force se transmet-elle ? Newton la croyait immédiate entre les corps. Or depuis Einstein, on sait qu’il n’existe plus d’immédiateté. Toute interaction se transmet avec une vitesse au plus égal à la célérité, c, de la lumière ; mais on doit se demander qu’est-ce qui est transmis à vitesse c ?
Einstein, on le sait, a éliminé ce problème en géométrisant la physique. Pour lui, il n’y a plus de force, mais une déformation de l’espace-temps par la présence de masses qui structurent l’espace autour d’elles et qui suivent ainsi chacune un chemin orbital, appelé géodésique. Il a prévu, et on a pu le montrer expérimentalement, que même la lumière était déviée par la présence d’une masse importante et même que la lumière émise par un corps massif subissait une diminution de sa fréquence : sans être proprement freiné, un photon, tout en gardant sa vitesse c, devient « plus rouge » et perd de l’énergie. L’interaction gravitationnelle par l’intermédiaire d’une force a donc été remplacée par une interprétation géométrique.
Mais on peut tout de même être tenté de chercher une solution analogue à celle des trois autres interactions connues : forte, faible, électromagnétique. Elles ont été unifiées, les deux premières par l’interaction électrofaibles et toutes les trois par la grande unification. Toutes les trois se font par l’intermédiaire de bosons, dit de jauge, qui sont responsables de transmettre l’interaction d’une particule à l’autre : 8 gluons, 3 bosons intermédiaires, et photons. Le schéma est le même selon les fameux diagramme de Feynman très parlants et suggestifs par leur parallélisme. Il est tentant d’imaginer alors l’entrée en scène d’un graviton, comme nouveau boson de jauge, qui transporterait l’interaction gravitationnelle entre les particules, cela même si certaines des particules en jeu sont sans masse, comme c’est le cas du photon. En effet Einstein a montré aussi l’équivalence entre masse et énergie et donc l’énergie d’un photon, pourtant non massique, a aussi une inertie et peut subir l’effet d’une autre masse, comme le Soleil. On pourrait alors songer à une ultime unification des quatre interactions fondamentales selon ce modèle d’interaction par bosons de jauge. Mais à ce jour non n’y est pas arrivé et aucune expérience n’a permis de détecter vraiment le graviton, même si des ondes gravitationnelles ont bien été enregistrées. La nature profonde de la gravitation reste donc pour l’instant encore inconnue.
On sait aussi maintenant que l’Univers est non seulement en expansion, l’espace se dilatant en transportant les astres qu’il contient, mais que cette expansion n’est plus décélérée, freinée, comme on l’avait longtemps cru, par l’attraction universelle régnant entre toutes les masses de l’Univers, mais au contraire que cette expansion subit une accélération qui s’exerce inéluctablement et que l’on a bien mesurée sur des objets extragalactiques parmi les plus lointains actuellement accessibles à nos télescopes. Ce phénomène d’accélération universelle est résumé par la nécessaire existence d’une nouvelle constante universelle, dite constante cosmologique, dont l’effet est une répulsion, une vraie antigravitation, et cela d’autant plus grande que la distance est grande.
Voyons un peu quantitativement ce qu’il en est : dans la formule de Newton, G est la constante universelle de la gravitation et M, la masse du Soleil. Dans nos unités physiques du système métrique, dit Système international d’unités, G est petite : 6.674… 10^-11 m³/(kg s²) et est mal connue avec une forte imprécision, mais M est très grande : 1.988992 10^30 kg ; ainsi le produit GM vaut : 1.327… 10^20 m³/s² et ce produit est bien mieux connu, avec une meilleur précision que G. La loi de Newton dit que la force s’exerçant entre le Soleil et une planète est proportionnelle au produit de GM avec la masse de la planète, et inversement proportionne au carré de la distance, 1/R². Newton permet donc de quantifier l’interaction attractive, mais ne donne pas son « explication » profonde.
Si l’on regarde maintenant du côté de la constante cosmologique, on a mesuré qu’elle est minuscule, elle vaut 10^-52 /m², mais elle s’exerce à de très grandes distance et donc pourra l’emporter sur toute attraction gravitationnelle entre astres très éloignés. C’est, au fond, le tissu lui-même de l’espace qui se dilate à vitesse accélérée. On peut considérer l’existence avérée de cette constante cosmologique soit comme une nouvelle cinquième interaction « antigravitationnelle », soit comme une modification de la loi de la gravitation, avec, en plus du terme attractif en 1/R², un terme, négatif, répulsif sensible à de très grande valeurs de R, et qui n’est donc pas mesurable aux « petites distances » du Système solaire, de la Galaxie, voire du Groupe local de galaxies, mais, par contre, de plus en plus prégnant au-delà. Affaire à suivre, donc !
Une dernière remarque : la physique est basée sur des grandeurs de base : longueur, durée, masse, quantité de matière, etc., et des grandeurs dérivées, vitesse, accélération, impulsion, force, énergie, puissance, etc. Commodément il a fallu définir des unités pour ces grandeurs, avec, le mètre, qui, par exemple, a été conçu comme la dix millionième partie du quart du méridien terrestre, la seconde, le kilogramme, la mole, etc. On a fait des étalons en platine comme « le mètre » et « le kilogramme » qui reposent dans les caves du Centre des poids et mesures de Sèvres. À partir de ces unités on a pu donner les valeurs numériques des constantes universelles fondamentales : célérité de la lumière, constante de Planck, constante de Boltzmann, constante d’Avogadro, constante de la gravitation universelle, charge élémentaire, etc., toutes données avec plus ou moins de décimales et de précision. Mais, tout récemment, exactement dès le 20 mai 2019, on (soit la Conférence générale des poids et mesure de 2018) a inversé la situation : on a définitivement fixé sept constantes fondamentales à une valeur exacte (et précise, donc sans incertitudes en plus ou moins certaines décimales), pour déterminer les unités fondamentales du mètre, de la seconde, du kilogramme, de la mole, etc. Pourtant une constante fondamentale échappe encore à cette nouvelle situation, c’est justement la constante de la gravitation universelle, G. Et pourquoi cela ? Il semble que cette constante ne soit pas si constante que ça ; de fait selon les expériences pour la mesurer on obtient des valeurs trop discordantes qui semblent même varier périodiquement. Donc G reste une constante à part, signe que quelque chose est encore à découvrir dans la gravitation.
Remarquable explication de Christophe de Reyff que je remercie beaucoup pour sa clarté et son exhaustivité en si peu de lignes. La vraie vulgarisation est, sur la base d’une connaissance en sciences physiques et mathématiques sure, de pouvoir exprimer en mots ce que disent les chiffres, autrement dit, de savoir communiquer. Nous en avons ici un excellent exemple.
Sur le fond, il est passionnant de constater que des mystères énormes subsistent encore dans notre compréhension du monde alors que nous avons fait déjà tant de progrès. Un jour, je n’en doute pas, un homme parmi nous ou nos descendants, trouvera l’explication de G ou plutôt ce qu’il y a à l’intérieur de G. Ce sera alors un éblouissement de l’esprit comme lorsque Newton a publié sa théorie de la gravitation ou Einstein, sa théorie de la relativité.
Ultime remarque de non-physicien : Quel est le lien entre la grande constante G et la petite (non-constante) g qui varie car l’attraction de la gravité terrienne varie, la Terre n’étant pas une sphère parfaite et sa masse intérieure n’étant pas uniforme ?
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/510135/goce-gravite-terre
Ou aussi comment mesure t’on G avec certitude si l’on prend l’interaction de la gravité de la Terre vers le Soleil, en sachant que la masse de la Terre n’est pas uniformément répartie, que celle du Soleil non plus et que le Soleil perd lentement de sa masse à mesure que ses réactions du fusion nucléaires continuent ?
Et finalement, comme le centre de gravité du système solaire se retrouverait légèrement hors de la surface du Soleil en raison de l’influence faible de Jupiter et Saturne, qui font moins de 0.14% de la masse du système solaire (le soleil étant autour de 99.85%), comment calcule t’on G à partir de la Terre ? Merci.
… ou en lieu d’une expérience de Cavendish améliorée, par mesures spatiales directes ?
Comme je l’ai déjà écrit ici le 11 juin, la constante de gravitation est la moins bien connue de toutes les constantes fondamentales du fait de l’extrême petitesse de cette interaction en comparaison avec les trois autres. Les diverses expériences ne sont pas concordantes entre elles et semblent aussi s’exclure réciproquement ; et même des expériences identiques répétées semblent donner des valeurs variables, comme s’il y avait une oscillation plus ou moins périodique (il y a plusieurs articles sur cette question). C’est dire que l’on ne peut pas atteindre actuellement une vraie valeur constante exacte pour G, mais seulement une valeur approchée avec une mauvaise précision (ne pas confondre exactitude et précision !). Si l’on connaît très bien le produit G M pour la Terre, à environ 0.002 ppm (ou 2 10^-9) près, et encore mieux le produit G M pour le Soleil, même à 0.000 06 ppm (ou 6 10^-11) près, la connaissance de G seule l’est seulement à 22, 40, voire 100 ppm près. Ainsi G vaudrait 6.67428, 6.67408, 6.67430, ou moins 6.67234, 6.67259, mais aussi 6.67559, voire 6.693 10^-11 m³/(kg s²), selon les expériences.
Dans l’équation de Newton, F = G M m/R², si on l’applique au système Soleil-Terre, M est la masse du Soleil et m la masse de la Terre ; si on l’applique au système Terre-Lune, M est la masse de la Terre et m la masse de la Lune.
Ce que l’on connaît bien c’est toujours le produit G M qui vaut 1.327 10^20 m³/s², dans le premier cas, c’est la constante de gravitation héliocentrique ; dans le second cas on a la constante de gravitation géocentrique qui vaut 3.986 10^14 m³/s².
Dans ce dernier cas, si on divise par R², le carré du rayon de la Terre, on obtient :
3.986 10^14 m³/s² / (6.378 10^6 m)² = 9.8 m/s² et l’on obtient l’équation classique F = g m dans laquelle g = G M/R², avec la masse de la Terre et le rayon de la Terre.
On voit donc que g varie comme l’inverse du carré du rayon considéré, qui lui même décroît vers les pôles et augmente avec l’altitude. Le rayon polaire étant plus petit que le rayon équatorial, g croît donc avec la latitude mais décroît avec l’altitude.
Pour résumer votre longue et très intéressante intervention, vous m’apprenez que les connaissances sur ce qu’est la gravité n’ont guère progressé. Dommage à beaucoup de points de vue! Le graviton semble bien plus coriace que le boson de Higgs. Peut-être même qu’il n’existe pas. Alors le mystère de la gravité est encore plus difficile. Quant à reproduire la gravité naturelle (par exemple dans un vaisseau spatial vers Mars) on en est loin, sauf si on y mettait autant d’acharnement que pour le boson! Ce problème est pourtant au centre de l’exploration des planètes. Ingenuity demande une atmosphère, cela limite ses utilisations!
Pour ceux qui s’inquiétaient du silence des Chinois, ils semblent avoir un tout petit peu communiqué, Friday, June 11, 2021
https://www.dailymail.co.uk/sciencetech/article-9675465/Photos-Chinese-rover-dusty-rocky-Martian-surface.html
La solution aux problèmes de gravité et de radiation avec un espace plus compact pour les astronautes. C’est la solution que je vais promouvoir dans mon livre « Décembre 1968 à Mars 2067 » dans ma partie du livre focalisant sur la première mission habitée sur Mars en 2033-2034.
https://www.nouvelobs.com/sciences/20141004.OBS1163/les-astronautes-iront-ils-sur-mars-en-dormant.html
Suite à mon commentaire du 11 juin, une question m’a été posée par un ami lecteur : pourquoi le Groupe local auquel appartient la Galaxie sera-t-il la limite pour la mise en évidence de l’accélération de l’expansion de l’Univers ?
Le Groupe local est défini par le fait que toutes les galaxies le constituant sont liées entre elles plus ou moins fortement par la gravitation. On estime que la masse totale du Groupe local, qui comprend au moins 80 galaxies, est de près de 3 billions (10^12), ou 3 mille milliards, de masses solaires. Celle-ci valant 2 10^30 kg, la masse totale serait de l’ordre de 6 10^42 kg. Le Groupe local a la forme d’un haltère dont les deux lobes sont plus ou moins centrées sur notre Galaxie et sur la galaxie d’Andromède (M31) qui en sont les éléments majeurs, chacune ayant autour d’elle une sorte de halo de galaxies satellites. Le diamètre extrême de l’haltère est de l’ordre de 8 à 10 millions d’années-lumière (Mly pour « million light-years »). Mais l’haltère est en train de se raccourcir. La distance, actuellement de 2,54 Mly entre Andromède et notre Galaxie, diminue à raison de près de 300 km/s. Mais les centres de gravité des deux lobes dans leur ensemble se rapprochent à raison de 123 km/s. Il faudra près de 4 milliards d’années pour que les deux galaxies fusionnent et un peu plus pour l’ensemble des deux lobes, le Groupe local prenant alors une forme sphérique d’un diamètre de 6 à 7 Mly.
Le lien gravitationnel entre les galaxies constituant le Groupe local est en concurrence avec l’antigravitation due à la constante cosmologique qui distend l’espace qui se trouve être en expansion accélérée, comme on l’a vu. Il y a un point d’équilibre entre l’attraction gravitationnelle et l’antigravitation provoquée par la constante cosmologique. On peut facilement l’estimer. Il suffit d’égaler les deux « forces » opposées s’exerçant partout mais s’égalant à une certaine valeur du rayon centré sur le futur Groupe local de forme sphérique. De façon équivalente, il existe une accélération centripète gravitationnelle classique et une décélération, une accélération négative, centrifuge.
La première est donnée classiquement par G M /R² et la seconde, de signe opposé, par c² Λ R, où M est la masse totale du Groupe local, donnée ci-dessus, G, la constante de la gravitation universelle (6.67430 10^-11 m³/(kg s²)), et Λ est la constante cosmologique dont nous avons déjà pris connaissance de la valeur extrêmement faible de l’ordre de 10^-52/m², le produit c² Λ valant alors 10^-35/s² (on présente quelquefois aussi cette valeur c² Λ comme constante cosmologique). L’équation qui en résulte est simplement l’égalité entre ces deux accélérations opposées ; ce qui permet de calculer la distance d’équilibre au centre de gravité soit R = racine cubique(G M/(c² Λ)) dont la solution numérique est : 3.42 10^22 m, soit aussi 3.62 Mly. Cela correspond à un diamètre du Groupe local d’environ 7.24 Mly. Ces 3.62 Mly sont la limite entre ce qui restera visible autour de nous et ce qui s’éloignera de nous de façon irrémédiable du fait de l’expansion accélérée de l’Univers. En deçà la gravitation l’emporte, au-delà c’est l’antigravitation due à l’expansion accélérée de l’Univers. À nos yeux, seules subsisteront les galaxies du Groupe local, le reste du ciel devenant strictement noir.