Exigüité (2/3).
Le fait que pendant le voyage, il n’y aura pas ce que j’appellerais un« extérieur habitable » est un inconvénient incontestable. Pas question en effet de se « dégourdir » les jambes en allant se promener « ailleurs », pas question de contempler un paysage changeant et « vivant » (aussi belles soient-elles, les étoiles ne bougeront pas dans le ciel), pas question de quitter la promiscuité des autres. Chacun sera réduit à vivre à l’intérieur de « quatre murs » (en l’occurrence la paroi d’un cylindre), avec toujours les mêmes partenaires. A noter que la situation sera différente une fois arrivé sur Mars car, si la « société » y sera toujours aussi réduite, l’aspect « extérieur habitable » sera totalement différent. En effet les quatre astronautes disposeront alors de la surface entière de la planète (en fonction du moins des possibilités de mobilité et de la nécessité de ne pas trop s’exposer aux radiations).
Pour atténuer le problème du confinement pendant le vol, il faudra certainement que chacun exerce la plus grande prudence dans ses interactions avec les autres (afin d’éviter le piège de l’« enfer » sartrien). La vie privée devra être très strictement respectée ; les contacts avec les proches ou les collègues restés sur Terre, aussi fréquents que possible (pour améliorer la diversité des échanges) même si le « time-lag » sera de plus en plus prononcé au fur et à mesure que le vaisseau s’éloignera de la Terre (de 3 à 23 minutes lumières, dans un seul sens, une fois sur Mars) ; l’accès aux divertissements (jeux ou films, plateformes d’échanges) devra évidemment être libre.
Ceci dit il ne faut pas exagérer la difficulté. Il n’y aura ni temps mort, ni ennui pendant une mission habitée car les astronautes seront des personnes extrêmement motivées. Ils auront par nécessité le souci du fonctionnement le plus parfait possible de leur vaisseau et de leurs équipements divers. A l’aller ils seront aussi très occupés par la préparation de leur mission sur le sol de Mars, au retour par l’interprétation des observations et des donnés qu’ils auront recueillies et, tout le temps, par leurs communications avec la Terre.
De ce point de vue je pense que les simulations qui ont eu lieu sur Terre (« Mars 500 », achevée en Novembre 2011) n’ont absolument pas pu recréer les conditions d’une mission habitée. Les hommes enfermés pendant 520 jours (du 3 juin 2010 au 4 novembre 2011) dans les locaux de l’IBMP (Institut des problèmes biomédicaux) à proximité de Moscou, ne pouvaient ignorer qu’ils étaient sur Terre et qu’ils pourraient sortir en cas de besoin extrême ; par ailleurs leur simulation en « bac à sable » ne pouvait absolument pas restituer l’espace martien du fait de ses très petites dimensions. Enfin l’isolement pour des motifs beaucoup moins exaltants que l’exploration d’une autre planète, pouvait générer l’ennui ce qui pouvait induire toutes sortes de friction sociales et de stress. Cela met en évidence que les simulations lorsqu’elles demandent de supposer une réalité trop différente, peuvent n’avoir aucune utilité.
Image à la Une : l’astronaute Scott Kelly au travail dans un module de l’ISS (image : crédit NASA). Il est sur le point de boucler (Mars 2016) une mission de 342 jours dans l’espace (la plus longue étant celle de Valeri Polyakov, 437 jours à bord de MIR, terminée en 1995). On peut imaginer que l’habitat utilisé pendant le voyage vers Mars sera tout autant « encombré » que celui de l’ISS et que les taches de vérification et d’entretien seront constantes.
2 Responses
Bonjour,
Il existe un corps de métier qui fonctionne en espace clos pour des durées de 3 mois. Ce sont les sous-mariniers. Je pense qu’observer leur mode fonctionnent ne serait pas un mal.
Ils ont résolu les problèmes de promiscuité, de stress, de vie privée et de contact avec les familles.
Slts,
Xavier
Je suis d’accord avec vous. La mission en sous-marin est la meilleure analogie que l’on puisse trouver sur Terre. On y retrouve l’exiguïté, la promiscuité, de danger de l’environnement extérieur. C’est presque parfait, la première différence étant que la mission en sous-marin peut être interrompue en cas de danger de santé grave ou en cas d’avarie du vaisseau (qui permet toutefois de regagner la surface et un port!). Une autre différence est la longueur de la mission. Pour aller sur Mars, une fois parti, on sait que l’on ne pourra pas revenir avant 13 mois ((deux fois 6 mois + un mois de séjour sur place).