EXPLORATION SPATIALE - LE BLOG DE PIERRE BRISSON

On se doutait depuis longtemps que de la glace d’eau devait se trouver en abondance à l’intérieur des dorsales poussiéreuses de Medusae Fossae* situées au niveau de l’équateur martien. J’en discutais déjà en 2009 avec le Dr. Anton Ivanov, alors professeur de planétologie (« Scientist ») au département d’ingénierie spatiale de l’« EPFL Space Center », qui avait été co-auteur de la première étude sur ce sujet publiée en 2007 (voir ci-dessous). Ce même sujet vient de ressortir, le 18 janvier 2024, dans une nouvelle étude du Dr. Thomas R. Watters et al. publiée dans les Geophysical Research Letters.

MFF » pour Medusae Fossae Formation.

L’interprétation des données accumulées par les radars MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionospheric Sounding instrument) et SHARAD (Shallow Radar) sont à prendre très au sérieux car le Dr Watters (Center for Earth and Planetary Studies du Smithonian Institution et membre de l’équipe scientifique de MARSIS) est un spécialiste reconnu du sujet (auteur principal de la première étude). Le fait nouveau c’est qu’après la poursuite des observations par les mêmes instruments (MARSIS à bord de l’orbiteur Mars Express de l’ESA et SHARAD à bord de Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA), on s’est progressivement rendu compte que la banquise probable contenue dans la MFF stricto sensu n’était pas la seule dans cette région. Pratiquement toutes les dorsales allongées du Sud-Est au Nord-Ouest qui s’élèvent en arc de cercle au pied de la dichotomie crustale (hautes terres du Sud/basses terres du Nord) entre le Sud d’Elysium Mons et Olympus Mons, seraient « la partie visible de l’iceberg » (si on peut dire) d’une couronne de banquises enterrées. Par ailleurs les couches de glace d’eau de ces banquises seraient épaisses au point de représenter une « GEL » (Global Equivalent Layer) d’eau de 1,5 à 2,7 mètres, c’est-à-dire une couche d’eau pouvant (théoriquement) recouvrir la planète entière sur cette profondeur, si elle était liquide et si bien sûr la planète Mars était une sphère parfaite (mais l’on sait bien que ce n’est pas le cas).

Comment peut-on détecter la présence d’eau cachée, à partir de l’orbite d’un astre ? En observant les niveaux, les variations et surtout les ruptures de niveaux de diélectricité dans le sous-sol immédiat. Pour rappel un milieu est dit diélectrique s’il contient peu ou pas de charges électriques. En conséquence plus le niveau de diélectricité est élevé moins le milieu est conducteur. A l’extrême on a le vide mais pas loin du vide on a l’eau pure. Ces milieux sont transparents aux ondes radars. Pour effectuer ces observations, les deux radars mentionnés ci-dessus se complètent : SHARAD mis en service en 2006, offre des capacités de pénétration plus faibles que MARSIS mis en service en 2005, mais il a une capacité de résolution beaucoup plus fine. SHARAD peut sonder jusqu’à 1 km de profondeur. Sa résolution horizontale est comprise entre 0,3 et 3 kilomètres et sa résolution verticale dans le sous-sol martien est de l’ordre de 10 mètres. MARSIS a une résolution horizontale légèrement moins bonne que celle de SHARAD et sa résolution n’est que de 60 à 100 mètres en verticale mais elle peut pénétrer jusqu’à environ 5 km sous la surface. Enfin il n’est pas négligeable de mentionner que la nouvelle étude de Thomas Watters utilise des données recueillies avec MARSIS sur les trois années qui se sont écoulées après la mise à jour de son logiciel (2019) qui a évidemment amélioré ses capacités (en les faisant s’étendre vers celles de SHARAD). A noter que les deux sont le produit de l’ingénierie spatiale italienne (Université de Rome, La Sapienza, Professeur Roberto Seu pour SHARAD et Professeur Giovanni Picardi, aujourd’hui décédé, pour MARSIS).

Les deux instruments évaluent l’épaisseur de dépôts homogènes en utilisant la vitesse de la lumière corrigée par la constante diélectrique moyenne pour la couche traversée. Les ruptures indiquent évidemment le passage d’un environnement diélectrique à un autre (ce sont donc la surface, le sol de la planète en-dessous la glace et entre les deux, les strates de poussière coupant horizontalement la masse de la glace). La comparaison/validation se fait avec ce qu’on a pu observer dans les calottes polaires Nord (« NPLD », North Polar Layered Deposits) et Sud (SPLD) de Mars qui sont stratifiées de façon très semblable aux MFF (alternance de périodes pendant lesquelles la glace se dépose et celles ou la glace ne se dépose pas, où la poussière continue à circuler ou les éruptions volcaniques à se produire). La présence d’autant de glace à l’équateur peut s’expliquer par des périodes d’inclinaison extrême (jusqu’à 60°) de l’axe de rotation de la planète sur l’écliptique (instabilité périodique dû principalement à l’absence de lune martienne suffisamment massive). Pendant ces périodes la glace s’accumule bien sûr dans les régions où le Soleil ne réchauffe plus le sol (et elle fond dans les zones où elle s’était précédemment accumulée qui y sont devenues exposées).

L’hypothèse de la présence de glace d’eau plutôt que de matériau poreux (« plein de vide »), est renforcée par plusieurs raisons : si le matériau était constitué de poussière il se compacterait lui-même par gravité et sa densité augmenterait très progressivement avec la profondeur devenant beaucoup plus élevée près du socle ; les données du spectromètre neutronique de l’orbiteur Mars Odyssey, suggèrent >40% d’hydrogène équivalent eau, « WEH » (Water equivalent Hydrogen) ; les données neutroniques récentes collectées par l’instrument FREND (Fine Resolution Epithermal Neutron Detector) à bord de l’orbiteur Trace Gas Orbiter (TGO) de l’ESA suggèrent également un WEH élevé ; l’aspect de la stratification des dépôts dans les relevés d’images de la caméra ultraprécise HiRISE (également à bord de MRO) est visuellement révélateur du type d’alternance poussière/glace ; et bien sûr la modélisation du paléoclimat martien indique qu’à forte obliquité, la distribution de la glace de sol stable et des régions de stabilité de la glace de sol s’étend aux latitudes équatoriales.

L’épaisseur des couches de glace est évidemment variable mais pour chaque site, comme le montre la réflexion très claire des ondes radars sur les ruptures de niveau de diélectricité, ces couches s’étendent sur plusieurs centaines de mètres, voire plusieurs km, à la verticale et sur plusieurs centaines de km à l’horizontale.

On identifie ainsi trois grands gisements voisins de FFM : (1) Lucus Plunum (∼5°S, 185°E), (2) Medusae Fossae-Eumenides Dorsum (∼0°N, 200°E), et (3) Amazonis Mensa-Gordii Dorsum m (∼0°N, 215°E) qui s’étend jusqu’à Gigas Fossae*. La possibilité d’un quatrième grand gisement, plus à l’Ouest sous Zephiria Planum et Aeolis Planum, est possible (observation SHARAD). L’estimation du volume d’eau de la couche riche en glace est obtenu en soustrayant 300 à 600 m de couverture du volume total des dépôts de la FFM et en prenant pour base l’altitude de la plaine environnante mesurée très précisément par l’instrument MOLA (Mars Orbiter Laser Altimeter) embarqué sur l’orbiteur Mars Global Surveyor (aujourd’hui désactivé). On arrive ainsi à une épaisseur maximum de glace (sous la surface d’Eumenides Dorsum) de 3,5 km, ce qui est très proche de celle de la SPLD, la calotte polaire la plus épaisse, estimée à 3,7 km. En fin de compte l’estimation du volume de glace d’eau est de ∼220.000 à 400.000 km3, soit ∼30 % à 50 % de l’eau totale estimée dans la NPLD (et autant que dans la totalité des Grands Lacs d’Amérique du Nord ou que dans la totalité de la Mer Rouge). C’est cela qui correspond à la couche équivalente planétaire (GEL) de ∼1,5 à ∼2,7 m mentionnée ci-dessus.

*voir illustration de titre, Lucus Planum = LP ; Medusae Fossae = MF, Eumenides Dorsum = ED ; Amazonis Mensa = AM ; Gordii Dorsum = GD ; Gigas Fossae = GF ; Aeolis Planum = AP ; Zephyria Planum = ZP.

Pour que la glace dans cette région des MFF ait pu se conserver sans se sublimer lorsque la chaleur du Soleil est revenue (c’est-à-dire lorsque l’axe de rotation de la planète s’est redressé) il a fallu un autre événement permettant sa protection contre sa sublimation. Il s’agit sans doute d’une éruption volcanique puissante avec nuages de cendres et de poussière à la fin de la même période de forte inclinaison de l’axe de rotation (après la migration de l’eau des pôles dans cette région). La couche de cendre a pu être d’autant plus importante que nous sommes ici très près des grands volcans du Nord de la planète : Olympus Mons, Tharsis, Elysium ou Alba Patera. Aujourd’hui encore le sol est très poussiéreux.

Compte tenu de la couverture « isolante », la glace est à une profondeur variable, de quelques centaines de mètres. Cette profondeur a pu évoluer car une sublimation de la couche superficielle a dû se faire au cours du temps via les interstices de la roche. Cependant tout n’a pas été perdu. La teneur en eau de la couche superficielle est probablement restée relativement élevée par rapport à celle des plaines et plateaux environnants en raison du cheminement de l’eau provenant de la glace sous-jacente.

Il est évident que cette région pourrait être intéressante pour les missions habitées. On pourrait creuser des abris dans une roche relativement peu résistante mais devenu cohérente avec le temps et la pression résultant de la masse accumulée, et avoir accès à la réserve d’eau via un tunnel, configuration qui permettrait aussi de protéger facilement la réserve contre la sublimation. Un caveat cependant, celui de l’épaisseur de la « couverture ». On ne va pas creuser un tunnel de 300 mètres de long lors des premières missions. Il faudrait donc, avant de se poser, identifier un endroit ou l’accès serait plus facile. Il peut en exister pour diverses raisons géologiques (érosion eolienne par des vents dominants ou impact récent de météorite).

Il y a des alternatives aux MFF. Ce sont notamment les mesas de l’Ouest d’Utopia Planitia, à l’Est d’Isis Planitia qui présentent des caractéristiques comparables. Cependant elles sont à des latitudes plus élevées (entre 40°N et 50°N) ce qui représente des inconvénients pour l’atterrissage des vaisseaux (il faut s’éloigner de l’équateur donc dépenser un peu plus d’énergie que pour se poser à l’équateur) et les températures en hiver sont plus froides, ce qui représente aussi plus de dépenses d’énergie pour les hommes et les cutures sous serre. FREND a aussi trouvé deux sites comparables (mais apparemment moins importants) dans Valles Marineris (Candor Chaos et Noctis Labyrinthus en aval de Valles Marineris proprement dite).

Allez dans l’index de mon blog ci-dessous et recherchez l’article « Rêve urbanistique sur Mars » publié le 21 octobre 2023. Vous verrez que j’y recommandais déjà d’implanter la première base martienne près de Medusae Fossae.

Illustration de titre :

Carte Google Mars annotée pour montrer les divers sites de MFF dans un environnement plus vaste.

Lecture:

Thomas Watters et al, Evidence of Ice-Rich Layered Deposits in the Medusae Fossae Formation of Mars. Geophysical Research Letters (accepté 27/11/2023, publié janvier 2024,) doi.10.1029/2023GL105490

Liens :

https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Buried_water_ice_at_Mars_s_equator

https://www.si.edu/newsdesk/releases/new-study-reveals-evidence-ice-rich-layered-deposit-mars

https://www.space.com/mars-water-ice-equator-frozen-ocean?mc_cid=94aace0ee0&mc_eid=b569b718a5

https://phys.org/news/2024-01-mars-evidence-large-deposit-medusae.html

https://mars.nasa.gov/express/newsroom/pressreleases/20071101a.html (2007)

https://mars.nasa.gov/mro/mission/instruments/sharad/

https://space.physics.uiowa.edu/~dag/publications/2009_TheMarsExpressMARSISSounderInstrument_PSS.pdf

https://time.com/5947142/water-on-mars/

https://mastergeonum.org/2021/11/11/la-carte-la-plus-detaillee-de-mars/

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 24 01 26

Cet index reprend l’intégralité des articles publiés dans le cadre de la plateforme letemps.ch

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14 Responses

  1. Bonjour Pierre Brisson
    Très bel article: vraiment très intéressant. La question est de savoir si des formes de vie existent dans ces endroits un peu comme sous la banquise antarctique (n’a-t-on pas trouvé des traces de méthane sur Mars?).
    Si le volcanisme producteur de gaz et de poussière ne s’était pas éteint il y aurait encore de nos jours au moins de grands lacs sur Mars.
    Fabriquer des villes sous dôme transparents avec des lacs…possible! Dans ce cas cela devient très intéressant pour nos futures générations de s’installer là-bas définitivement.

    Et ces villes pourraient être reliées entre elles par des tunnels transparent au sein desquels circuleraient des navettes.
    Reste le pb des rayons cosmiques: récemment j’ai imaginé d’enfermer une composition de la haute atmosphère terrestre concentrée 10 fois dans un volume de 5 kms d’épaisseur; les atomes étant ionisés on peut les guider avec un champ magnétique et les accélérer très fortement avec un champ électrique comme dans un cyclotron : là j’ai obtenu une probabilité de rencontre avec les rayons cosmiques multipliée par 100…mais je me suis peut être gouré !
    Un peu comme les gouttes d’eau sur un parebrise: à faible vitesse il n’y a pas grand chose mais à haute vitesse le parebrise est inondé.

    1. Merci Niogret.
      La question est toujours de savoir si des formes de vie existent ailleurs que sur Terre. Mais vous savez que je suis un grand sceptique sur le sujet. Pour moi l’arrangement des molécules nécessaires résultent d’un concours de circonstances où le hasard joue un rôle très important. Autrement dit je ne suis absolument pas convaincu par les personnes qui maintiennent l’automatisme de l’évolution vers la vie. Mais je veux bien admettre la démonstration du contraire si elle peut être faite. C’est une des raisons pour lesquelles l’exploration de Mars est passionnante.
      .
      Oui si l’atmosphère martienne était plus épaisse il y aurait de l’eau liquide sur Mars. Le problème est que la masse de Mars n’est pas suffisante pour retenir une atmosphère suffisante. Les épisodes d’eau-liquide ne peuvent donc se produire que dans deux circonstances : (1) lors d’épisodes de très fort volcanisme mais ces épisodes sont de moins en moins nombreux avec le temps puisque la planète se refroidit et sa croute s’épaissit ; (2) lors d’inclinaison forte de l’axe de rotation sur l’écliptique puisqu’à ce moment les calottes polaires fondent et vont épaissir l’atmosphère…avant de retomber sous forme de neige et de glace dans les zones les plus froides de la planète.
      .
      Pour ce qui est de la possibilité de villes sous dôme, j’ai plus qu’un doute. Compte tenu du différentiel de pressions nécessaire, les dômes ne peuvent être que de petites tailles. Par contre on peut avoir une succession de dômes…de tailles possibles.
      .
      Attention aux rayons cosmiques ! Quand on recherche une parade, il faut toujours penser à l’énergie requise, au temps nécessaire et à l’argent disponible. Les champs magnétiques sont une bonne solution mais il faut bien voir que seules les particules ionisées se feront capturer. Ce n’est déjà pas mal mais il y a aussi les météorites et autres particules neutres. Sur Mars l’atmosphère planétaire n’est pas suffisamment épaisse pour que ces petits corps s’y consument. Il faudra donc toujours prévoir des coques épaisses de matière pour se protéger vraiment.

  2. oui complètement d accord. Pour ce qui est de la vie elle peut être apportée par des comètes mais cela reste a prouver!
    pour les dômes oui! les petits dômes c est bien!

    pour le volcanisme il serait intéressant de disposer d une histoire précise de celui ci sur Mars.

    Finalement on ne connait pas grand chose concernant le volcanisme et la géologie de Mars: on sait que le noyau est liquide, donc quand même très chaud on sait qu il y a eu un champ magnétique dans le passe et qu il a disparu mystérieusement on sait qu il y a eu un grand volcanisme dans le passe lointain on sait que actuellement il y a des centaines de tremblements de terre »de mars » dont certains sont assez forts (3 a 4 ech.Richter) on a découvert récemment une trace d éruption récente (quelques dizaines de milliers d années ) c est tout :cela signifie quand même que la planète est active encore. D autre part sa faible gravite explique l absence de la plupart des gaz légers MAIS NON D UNE PIPE d ou vient donc le co2 qui est suffisamment lourd pour être retenu si ce n est de la production des anciens volcans MAIS dans ce cas sa quantité est trop faible il devrait y en avoir beaucoup plus puisqu’il est retenu par la gravite de Mars ? ou bien s il n est pas retenu par Mars il ne devrait plus y en avoir du tout!

    Ou alors dans le passe l atmosphère de Mars a t elle été soufflée par quelque chose comme une éruption solaire énorme ?

    1. Non, Niogret, il ne faut pas espérer que la vie ait pu être apportée par des comètes. La vie est trop complexe et trop fragile. Ce qu’elles peuvent nous avoir apportée c’est des éléments utilisées par la vie. De ce point de vue, on peut considérer les comètes comme des réacteurs biologiques permettant une complexification mais ce ne peut être qu’une complexification limitée. Les planètes, du moins celles qui ont (eu) de l’eau liquide en surface peuvent prolonger cette complexification mais rien ne dit (jusqu’à preuve du contraire) qu’elles peuvent avoir comme la Terre permis « l’assemblage ».
      Pour ce qui est du volcanisme et de la géologie de Mars, détrompez-vous, nous avons déjà beaucoup d’éléments. Suffisamment pour comprendre l’histoire de Mars. On sait ce qui est arrivé au niveau planétologique. Le drame de Mars, si l’on peut dire, c’est que sa masse a été trop petite pour (1) retenir une masse d’atmosphère suffisante et (2) pour permettre (conjointement avec sa vitesse de rotation) à son noyau de maintenir un champ magnétique au-delà de la période primitive où les roches étaient beaucoup plus fluides (car chaudes).
      Pour ce qui est du gaz carbonique, il est normal que les planètes telluriques (comme la Terre, Vénus, Mars) en contiennent dans leur atmosphère. Le fait qu’il soit dominant dans l’atmosphère de Mars vient simplement que le CO2 est plus lourd que les autres gaz et la masse retenue aujourd’hui est à peu près celle que la gravité de Mars peut retenir (pas plus et sans doute encore un peu moins mais la diminution est asymptotique). Les autres gaz (notamment l’azote) ont été dispersés dans le vide spatial. La vapeur d’eau a subi le même sort après qu’avec le jeu des radiations, l’hydrogène de l’oxygène aient pu être désolidarisés.

  3. Cela a déjà été dit ici : le stock de CO2 dans l’atmosphère de Mars est de 2,4 10^16 kg, soit 24’000 GtCO2 (Gt pour gigatonnes, ou milliards de tonnes, ou billions de kg, 10^12 kg) alors que celui de l’atmosphère terrestre, avec une concentration en volume, précisément aujourd’hui, de 421 ppm(v), soit de 639 ppm(m) en masse, est de « seulement » 3,3 10^15 kg, soit 3’300 GtCO2, soit 7,3 fois moins que celui de Mars.
    Précisions que les émissions anthropiques dues à la combustion d’agents fossiles sont actuellement de quelque 37 GtCO2 par an. On a calculé un total cumulé de 1’800 GtCO2 émis par l’Humanité depuis 1750, mais cela ne correspond « qu’à » un accroissement total de 1’100 GtCO2 dans l’atmosphère depuis 1750, où la teneur dans l’atmosphère était de 280 ppm(v), soit 425 ppm(m), pour un stock de 2’200 GtCO2 à cette époque. La différence de 700 GtCO2 a principalement été dissoute dans les océans. En effet, sur Terre, il y a actuellement au moins 37 fois plus de CO2 dissous dans ses océans que dans son atmosphère, soit quelque 121’500 GtCO2. D’où la menace d’un dégazage en cas de réchauffement massif des océans, ce qui entraînerait alors un cercle vicieux. Heureusement qu’il y a une grande inertie !
    Mais ces chiffres ne sont rien, comparés au CO2 de l’atmosphère de Vénus qui en contient 4,7 10^20 kg, soit 470 millions de GtCO2, soit bien 20’000 fois plus que dans celle de Mars et 143’000 fois plus que dans celle de la Terre.

  4. Bonjour Christophe De Reyff

    Au juste quelle est la force de gravitation permettant de conserver juste le CO2 sur une planete?
    Merci pour votre reponse

    1. Il n’y a pas de limite due à la gravitation spécifiquement pour le CO2. Si la gravitation est « faible », comme sur Mars, à la longue tous les gaz s’échappent continûment, en commençant par les plus légers et il ne reste, provisoirement, plus que le CO2, qui peu à peu continue de s’échapper aussi. Un autre facteur d’importance est la température. Sur Mercure, par exemple, la proximité du Soleil fait qu’il n’y a quasiment plus d’atmosphère du tout au sens habituel. En tout cas, la Lune, même si l’on peut détecter ça et là des atomes d’argon et d’hélium (quelques millions par mètre cube), est considérée, elle aussi, comme dépourvue d’atmosphère. Lorsque, dans 5 milliards d’années, le Soleil aura gonflé et rayonnera plus, la Terre verra aussi son atmosphère soufflée par une température qui ira croissant. Il y a donc une balance entre gravité assez forte et température assez faible pour garder ou perdre son atmosphère, toujours en commençant par les gaz les plus légers.

  5. Bonjour Pierre Brisson

    Est ce que nos divers robots envoyes sur Mars ont effectue des analyses chimiques des roches ?

    Il y a eu des analyses au niveau de cratere et ont trouve bien sur des mineraux: logique .
    Mais y a t il eu des analyses du sol en surface et dans les endroits ou il y avait de l eau(mers ou lacs)?
    Parce que ce qui m interpelle c est la couleur rouge du sol :oxyde ferRIQUE. Et la qui dit oxyde ferrique dit fer oxyde au deuxieme degre donc eau(la on sait) et oxygene obligatoirement.Donc dans un passe lointain (probablement quelques milliards d annee) on a eu a la foi eau et oxygene. MAIS qui dit oxygene dit CYANOBACTERIES donc vie. En cosequence ont peut penser deux idees:
    1) il peut subsister de la vie en profondeur.
    2)il existe un risque de contamination.

    1. Oui Niogret, il y a des années que nos robots effectuent l’analyse chimique des roches. D’abord à partit des spectromètres embarqués sur des orbiteurs martiens, ensuite à partir des analyseurs équipant les rovers, comme Supercam sur Perseverance.

      Quant à la couleur rouge du sol (l’oxydation du fer qu’il contient) je vous laisse lire l’article très intéressant et précis du géologue Pierre Thomas, professeur à l’ENS de Lyon et spécialiste du sujet :
      https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/sol-rouge-Mars.xml
      Pas besoin des cyanobactéries pour avoir de l’oxygène sur Mars. Il y a humidification du sol du fait de la sublimation de la glace d’eau enterrée. Ensuite le rayonnement UV (abondant en surface de Mars du fait de la ténuité de l’atmosphère) casse la molécule d’eau et libère l’oxygène. Cet oxygène oxyde les silicates ferreux abondants en surface. Le vent transporte la la poussière partout en surface de la planète.

  6. Bonjour Pierre Brisson
    Oui une fois le planete dessechee le vent emporte la poussiere rouge de partout.
    Pour ce qui est de l oxydation du fer et bien cette reaction chimique ne peut se faire qu en phase liquide c est a dire dans les etendues d eau comme les mers et en milieu tempere:ce processus a donc eu lieu lorsque les volcans fonctionnaient il y a quelques milliards d annees et donc entretenaient une atmosphere epaisse : et c est la que le m interroge car cette atmosphere filtrait les rayons solaires et donc les uv .
    d autre part il y a eu cette affaire de la meteorite ALH 84001 qui est suspectee par des scientifiques de presenter des nanobacteries ….

    1. ce qui est bizarre : les sediments martiens ne presentent pas de carbonates or l atmosphere a l epoque de l existence des mers devait etre chargee en co2 ?

      1. Les mers étaient peut-être couvertes d’une carapace de glace. Autre hypothèse, il y aurait des carbonates sous la couche de lave qui recouvre les plaines du Nord où est supposé s’être étendu un Océan martien planétaire (au nord de la dichotomie crustale).

    2. Sur Mars le processus a pu être différent, comme l’explique très bien Pierre Thomas dans l’article que je vous ai joint:

      Les couches les plus superficielles du sol martien recouvrent un peu partout de la glace d’eau (teneur en H2O totale du sol entre 0,3 et 3 %). Ses formes:

      H2O dans les minéraux (argiles …) / H2O glacée sous forme de givre nocturne hivernal / H2O vapeur entre les grains du sol.

      Du fait de cette eau dans le sol, l’atmosphère en contient aussi par sublimation (et l’eau remonte dans du sous-sol jusqu’à la surface en laissant de l’humidité).

      L’atmosphère de Mars étant très ténue (0,006 bar) et transparente aux UV, des photons UV frappent la pellicule la plus superficielle du sol. Les photons UV sont assez énergétiques pour casser la molécule d’eau, même sans catalyseur. Cette photolyse est partielle parce que les probabilités que cette réaction se fasse sont faibles.

      Les molécules d’H2O sont donc très partiellement photolysées « in situ » suivant la réaction globale: H2O + photon Ultra Violet –> H2 + O

      Bien que l’eau sur Mars soit rare et la photolyse quantitativement faible, il y a, millions d’années après millions d’années, production d' »oxygène naissant » * à l’intérieur du sol. Cet oxygène oxyde les silicates ferreux. Ces silicates ferreux pourraient être comme sur Terre de l’olivine, des pyroxènes, ou encore de l’amphibole ou de la biotite.

      Il se produit alors la réaction : 2 FeO + O (naissant) –> Fe2O3. D’où la couleur rouge.

      * oxygène naissant : atome d’oxygène seul qui vient d’être libéré par une réaction chimique. Ce n’est pas encore une molécule d’O2. L’atome O seul est plus réactif que la molécule O2.
      .
      On discute toujours de la nature des formes de type biologique observées dans ALH84001. Problème (1) la taille de ces formes qui seraient trop petites pour contenir tous les « ingrédients » nécessaires à la vie; (2) l’ancienneté de la météorite qui remonte à plus de 4 milliards d’années (et qui laisse très peu de temps pour que le processus prébiotique ait abouti à la vie).

  7. Les minéraux de la roche constituant cette météorite ont bien 4 milliards d’année (une roche ignée résultant d’une lave d’un ancien volcan martien), mais il semble que cette météorite ait été expulsée du sol de Mars à une vitesse de plus de 5 km/s par un impact majeur d’un astéroïde énorme de près de 2 km sur la planète il y a environ 16 millions d’années (soit son temps d’exposition aux rayons cosmiques dans son périple autour du Soleil jusqu’à percuter la Terre) et soit parvenue en Antarctique il y a 13 mille ans pour y être découverte en toute fin 1984. On sait avec certitude qu’elle est d’origine martienne, car l’analyse des gaz inclus dans ses cristaux d’orthopyroxène donne précisément la composition de l’atmosphère spécifique de Mars qui nous est maintenant bien connue. Mais l’intéressant est cette phase de carbonate brun riche en fer, magnésium et calcium de formule (Fe29Mg60Ca11)CO3, une forme de carbonate qui précipite en milieu aqueux à 18 °C.
    Et encore plus intriguant est la présence de composés recelant de l’azote (N) :
    « This presence of N-bearing compounds requires abiotic or possibly biotic N-fixation and ammonia storage, suggesting that early Mars had a less oxidizing environment than today. »
    En conclusion :
    « We conclude that the evidence for fossilized microbes and their products is not conclusive, but cannot be readily explained by nonbiological processes and should not be ignored. »
    La question n’est donc pas encore tranchée.

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À propos de ce blog

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l’Association Planète Mars (France), économiste de formation (University of Virginia), ancien banquier d’entreprises de profession, planétologue depuis toujours

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